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06/04/2000 | LUXEMBOURG | N°11406C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 avril 2000, 11406C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Nos ° 11392C et 11406C du rôle Inscrits les 21 juillet resp. 26 juillet 1999 Audience publique du 6 avril 2000 Recours formés par le Ministre des Travaux Publics contre Vallée S.A.

en présence de :

Y. S.A.

X. S.A R.L.



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Y. S.A.

X. S.A R.L.

contre Vallée S.A.

le Ministre des Travaux Publics en matière de :

marchés publics - Appel -

(jugement entrepris n° du rôle 10970 du 16 juin 1999) Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 21 ju

illet 1999 par le délégué du Gouvernement Claudine Konsbruck en exécution d’un mandat du ministre des Travaux Publics du 8 juille...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Nos ° 11392C et 11406C du rôle Inscrits les 21 juillet resp. 26 juillet 1999 Audience publique du 6 avril 2000 Recours formés par le Ministre des Travaux Publics contre Vallée S.A.

en présence de :

Y. S.A.

X. S.A R.L.

-----

Y. S.A.

X. S.A R.L.

contre Vallée S.A.

le Ministre des Travaux Publics en matière de :

marchés publics - Appel -

(jugement entrepris n° du rôle 10970 du 16 juin 1999) Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 21 juillet 1999 par le délégué du Gouvernement Claudine Konsbruck en exécution d’un mandat du ministre des Travaux Publics du 8 juillet 1999 contre un jugement rendu en matière de marchés publics par le tribunal administratif à la date du 16 juin 1999 dans la cause inscrite sous le numéro du rôle 10970, à la requête de Vallée S.A. ;

Vu la signification du dit acte d’appel par exploit d’huissier Roland Funk à la date du 20 juillet 1999 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 21 octobre 1999 par Maître Patrick Weinacht, avocat à la Cour, assisté de Maîtres Olivier Darcet et Jean-Luc Bernier-Dupreelle, avocats à la Cour inscrits auprès du Barreau de Paris, au nom de la société Vallée S.A., société anonyme de droit français, ayant son siège social à F-…, représentée par son président du directoire, Monsieur… ;

Vu le mémoire en réplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour en date du 11 janvier 2000.

1 Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 26 juillet 1999 par Maître Laurent Niedner, avocat à la Cour, au nom de la société anonyme de droit luxembourgeois Y., en abrégé Y., établie et ayant son siège social à L-1470 Luxembourg, 72, route d’Arlon, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction et de la société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois X. s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, contre le même jugement précité ;

Vu la signification de ladite requête d’appel par exploit d’huissier Frank Schaal à la date du 23 juillet 1999 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le premier conseiller en son rapport et le délégué du Gouvernement Claudine Konsbruck ainsi que Maître Véronique Achenne, en remplacement de Maître Laurent Niedner, et Maîtres Thomas Felgen et Patrick Weinacht en leurs plaidoiries respectives.

Par requête du 21 juillet 1999, l’Etat du Grand-Duché a déclaré relever appel d’un jugement du tribunal administratif du 16 juin 1999 qui a annulé la décision du ministre des Travaux Publics du 4 août 1998 écartant l’offre de la société Vallée S.A. pour la soumission du troisième lot du Centre sportif et culturel national en construction à Luxembourg-Kirchberg et portant adjudication dudit marché au soumissionnaire Y. – X..

L’Etat critique le jugement entrepris en ce que ce serait à tort que le tribunal a fondé sa décision sur ce que l’indication des sous-traitants dans l’offre de la société Vallée S.A.

a été faite dans le bordereau de soumission et non par pli séparé, ne devrait pas tirer à conséquence alors que cette dernière formalité, introduite dans la réglementation dans le seul intérêt du soumissionnaire n’avait aucun caractère substantiel.

L’Etat se réfère, pour conclure au caractère substantiel de la formalité du pli séparé au libellé de l’article 9 du règlement grand-ducal du 2 janvier 1989 sur les marchés publics et à la jurisprudence qui existerait en la matière.

Dans son mémoire en réponse, la Vallée S.A. demande la confirmation du jugement par les motifs des premiers juges et subsidiairement par adoption des moyens supplémentaires présentés en première instance et reproduits en appel.

Dans son mémoire en réplique, l’Etat se réfère de son côté à ses développements en première instance et conclut à ce que la mesure d’écartement de l’intimée était justifiée pour non-respect d’une règle procédurale dont l’incompatibilité avec le droit communautaire alléguée par Vallée S.A. serait à écarter.

Par requête du 26 juillet 1999, la société anonyme de droit luxembourgeois Y., en abrégé Y., et la société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois X. s.à r.l. ont déclaré relever appel d’un jugement du tribunal administratif du 16 juin 1999 qui a annulé la décision du ministre des Travaux Publics du 4 août 1998 écartant l’offre de la société Vallée S.A. pour la soumission du troisième lot du Centre sportif et culturel national en construction à Luxembourg-Kirchberg et portant adjudication dudit marché au soumissionnaire Y. – X..

2 Le jugement est critiqué en premier lieu en ce qu’il aurait dû retenir l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt alors que si même la soumission n’aurait pas été déclarée irrecevable, elle aurait dû être écartée pour non-conformité des matériaux proposés.

Au fond, les appelants soutiennent que c’est à tort que le tribunal a fait dans son jugement la distinction entre formalités substantielles et non-substantielles, cette distinction ne trouvant pas de base dans les textes.

Les appelants prennent encore attitude quant aux moyens produits par l’intimée en 1ère instance, notamment ceux tirés de l’application du droit communautaire.

Considérant que les appels sont réguliers et d'ailleurs non autrement contestés en la forme, qu’ils sont partant recevables;

Considérant que dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient de joindre les recours introduits sous les numéros 11392C et 11406C du rôle contre le même jugement du tribunal administratif du 16 juin 1999, no 10970 du rôle;

Considérant que sur recours de la société anonyme de droit français "Vallée", le tribunal a annulé les décisions du ministre des Travaux Publics du 4 août 1998 portant adjudication d'un marché dans le cadre de la construction du Centre national sportif à Luxembourg au soumissionnaire Y. - X.;

que le jugement est fondé sur ce que ce serait à tort que l'offre mieux-disante de la société Vallée a été écartée sur base de l'article 9(3) du règlement grand-ducal du 2 janvier 1989 portant institution d'un cahier général de charges applicable aux marchés de travaux et de fournitures pour compte de l'Etat alors que le soumissionnaire aurait omis de présenter la liste de ses sous-traitants sous pli séparé;

Considérant que les appelants Y. et X. critiquent le jugement en premier lieu en ce qu'il aurait dû retenir l'irrecevabilité du recours pour défaut d'intérêt alors que, même si la soumission de "Vallée" n'avait pas été déclarée irrecevable, elle aurait dû être écartée pour cause de non-conformité des matériaux proposés;

Considérant que le tribunal administratif a écarté ce moyen d'irrecevabilité au motif que le soumissionnaire qui est affecté négativement par la décision d'adjudication à un concurrent a intérêt à agir contre l'arrêté ministériel intervenu à l'encontre de ses intérêts;

que tout en admettant ce raisonnement la Cour estime que le moyen d'irrecevabilité est encore à écarter alors que, la décision entreprise ayant écarté l'offre litigieuse pour des raisons de forme, il n'y a pas eu une décision sur la conformité au fond de l'offre écartée de sorte que la juridiction administrative ne saurait être saisie à ce stade de la procédure d'arguments tenant au fond et au contenu de l'offre d'un concurrent;

qu'il résulte que le moyen d'irrecevabilité du recours est à écarter;

Considérant que le jugement du tribunal est encore critiqué en ce qu'il aurait motivé la décision d'annulation sur une distinction non justifiée entre formalités substantielles et non substantielles parmi les règles de la législation sur les marchés publics et en qualifiant la règle de l'article 9(3) du règlement grand-ducal du 2 janvier 1989 de formalité non substantielle en ce qui concerne la formalité du pli séparé;

3 Considérant que la dite disposition, sur base de laquelle l'offre de la S.A. Vallée a été écartée porte que "lors de la remise de son offre, l'entrepreneur général doit, sous peine d'irrecevabilité de celle-ci, indiquer sous pli séparé les noms et adresses de ses sous-

traitants";

Considérant que le jugement entrepris a décidé, en considération de la finalité de la formalité du pli séparé qui devrait s'analyser comme étant dans le texte dans l'intérêt exclusif du soumissionnaire concerné, que l'omission de la présentation de la liste des sous-traitants sous pli séparé devant accompagner l'offre ne constituerait pas une formalité substantielle dont le défaut serait susceptible d'être opposé au soumissionnaire pour écarter son offre;

Considérant toutefois que ce raisonnement, quelque méritant qu'il puisse être sur le plan de la logique juridique, ne saurait prévaloir sur la disposition explicite du texte légal qui exige cette formalité sous peine d'irrecevabilité de l'offre;

qu'il doit en être ainsi à plus forte raison alors que la formalité a été expressément introduite dans la législation applicable, soit le règlement grand-ducal précité du 2 janvier 1989, la législation antérieure n'ayant pas connu cette sanction dont l'introduction a été formellement évoquée dans les travaux préparatoires du texte: "la nullité de l'offre ne laisse plus aucune équivoque sur le caractère impérieux de cette prescription" (avis de la Chambre des Métiers sur le texte gouvernemental qui portait comme innovation la formalité du pli séparé);

Considérant dès lors que, la formalité du pli séparé ayant été expressément et sous peine d'irrecevabilité introduite dans le texte, cette exigence ne saurait être écartée dans l'application du texte en question, qui, ne faisant aucune différence entre la formalité de l'obligation d'indiquer les sous-traitants et celle de ce faire sous pli séparé, ne permet pas de faire une application distincte et différenciée de ces deux éléments du texte;

qu'il en résulte que le texte de l'article 9 du règlement grand-ducal du 2 janvier 1989 ne permet pas l'interprétation qu'en a donnée le tribunal;

Considérant qu'à titre subsidiaire, les intimés reprennent leurs conclusions de première instance tendant à voir appliquer au marché litigieux la législation découlant de la législation européenne à laquelle l'article 9 du règlement grand-ducal précité de 1989 serait contraire;

Considérant qu'à l'examen des pièces du dossier, la Cour constate que le dossier de soumission porte, en sa page de couverture l'obligation découlant de l'article 9 précité d'indiquer la liste des sous-traitants sous pli séparé;

que parmi les bases légales, outre la loi du 4 avril 1974 concernant le régime des marchés publics de travaux et de fournitures et le règlement grand-ducal du 2 janvier 1989 précité, ledit dossier fait référence au règlement grand-ducal du 10 août 1992 portant application en droit luxembourgeois des directives CEE relatives aux marchés publics de travaux et de fournitures;

que force est de constater que ce dernier règlement grand-ducal a été abrogé par celui du 27 janvier 1994, lui-même amendé par règlement grand-ducal du 15 janvier 1996;

Considérant qu'étant constant que, vu que le montant du marché est supérieur à 5 millions d'Ecus, la législation européenne est applicable, c'est le règlement grand-

4 ducal modifié susvisé du 27 janvier 1994 qui doit s'appliquer au marché litigieux, ceci malgré la référence erronée au texte abrogé de 1992;

Considérant qu l'indication erronée du texte abrogé ne tire pas à conséquence en ce qu'elle n'a pas été préjudiciable aux soumissionnaires dans le contexte du présent litige alors que le texte de l'article 20 qui vise la sous-traitance n'a subi comme seule modification que son extension aux marchés de fournitures et de services, ce qui est inopérant en la matière;

Considérant qu'en ce qui concerne le conflit de lois éventuel entre la disposition communautaire de 1994 et celles nationales de 1989, l'article 33 du règlement grand-

ducal du 27 janvier 1994 porte que les dispositions du texte de 1989 restent applicables aux marchés tombant sous la réglementation communautaire pour autant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du titre II du dit règlement, titre qui comprend la disposition de l'article 20;

Considérant que l'article 20 dont s'agit, reprenant textuellement l'article 20 de la directive 93/37 CEE, dispose que "dans les cahiers de charges, le pouvoir adjudicateur peut demander au soumissionnaire de lui communiquer, dans son offre, la part du marché qu'il a éventuellement l'intention de sous-traiter à des tiers";

qu'en revanche, l'article 9 du règlement grand-ducal du 2 janvier 1989 dispose que "lors de la remise de son offre, l'entrepreneur général doit, sous peine d'irrecevabilité de son offre, indiquer sous pli séparé les noms et adresses des sous-traitants";

Considérant que la Cour estime que ces exigences plus rigoureuses de la législation nationale et notamment l'exigence de la formalité du pli séparé sont à considérer comme contraires à la directive et dès lors inapplicables;

qu'en effet, le sens et la finalité des directives européennes étant d'unifier les conditions d'accès aux marchés et d'assurer la libre circulation à l'intérieur des pays de l'Union Européenne, les législations nationales sont à considérer comme contraires aux normes européennes dès lors qu'elles contiennent des clauses exorbitantes aux droits communautaires ou qu'elles imposent des formalités et causes d'irrecevabilité allant au-delà de ce que prévoient les normes en question;

Considérant que dès lors, en appliquant à un marché tombant sous la réglementation européenne une condition nationale exorbitante du droit européen, la décision ministérielle a fait une fausse application du droit et doit dès lors encourir l'annulation;

Considérant qu'il s'ensuit que, bien que pour des motifs différents de ceux des premiers juges, il y a lieu de confirmer la décision d'annulation dont appel.

Par ces motifs :

la Cour, statuant contradictoirement , reçoit les appels du ministre des Travaux Publics et de la Y. ainsi que de la société X.

en la forme ;

5 joint les appels introduits par le ministre des Travaux Publics le 21 juillet 1999 et par les sociétés Y. et X. le 26 juillet 1999;

par substitution de motifs, confirme le jugement dont appel ;

laisse les frais de l’instance d’appel aux appelants.

Ainsi jugé par M. Georges KILL, président M. Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur M. Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par le président Georges KILL en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

le greffier en chef le président 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11406C
Date de la décision : 06/04/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2000-04-06;11406c ?

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