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17/02/2000 | LUXEMBOURG | N°11493C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 17 février 2000, 11493C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE No du rôle 11493C Inscrit le 24 août 1999 AUDIENCE PUBLIQUE DU 17 février 2000

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Recours formé par Monsieur … THILMAN, … contre le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière de régime des employés de l’Etat - appel -



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Vu la requête déposée au greffe de la Cour administrative en date du 24 août 1999 par Maître Vic KRE

CKE, avocat à la Cour, au nom du sieur … THILMAN, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE No du rôle 11493C Inscrit le 24 août 1999 AUDIENCE PUBLIQUE DU 17 février 2000

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Recours formé par Monsieur … THILMAN, … contre le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière de régime des employés de l’Etat - appel -

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Vu la requête déposée au greffe de la Cour administrative en date du 24 août 1999 par Maître Vic KRECKE, avocat à la Cour, au nom du sieur … THILMAN, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 20 mars 1997;

Vu le mémoire en réponse déposé par Maître Marc THEWES au greffe de la Cour administrative le 14 décembre 1999;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Vic KRECKE au greffe de la Cour administrative le 6 janvier 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le premier conseiller-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 27 janvier 2000, Maître Marc THEWES et Maître Mathias PONCIN en remplacement de Maître Vic KRECKE en leurs plaidoiries respectives.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 24 août 1999 et signifiée à l’Etat du Grand-Duché le 19 août 1999, le sieur … Thilman a relevé appel d’un jugement du tribunal administratif du 21 juillet 1999 lequel a déclaré non justifié son recours contre une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 20 mars 1997 par laquelle il a été refusé de faire droit aux revendications de l’appelant concernant des allocations prétendument dues en réparation du préjudice subi par la non-allocation du bénéfice de l’allègement pour ancienneté, de l’allègement par leçon (coefficient) et de l’allègement d’une 1 leçon hebdomadaire (lettre « Grégoire »), le tout depuis son engagement comme chargé de cours à durée déterminée, respectivement à durée indéterminée.

Le jugement entrepris a décidé que, faute de fondement légal lui permettant de faire droit aux revendications du requérant-appelant, c’est à juste titre que le ministre n’a pas fait droit à la demande et que le recours n’était dès lors pas fondé.

L’appelant conclut à la réformation du jugement entrepris et à voir dire justifiée sa demande de bénéficier des avantages sollicités et définis ci-dessus.

Dans son mémoire en réponse du 14 décembre 1999, l’Etat du Grand-Duché reprend à titre principal les moyens d’incompétence de la juridiction administrative et d’irrecevabilité produits dans la procédure qui a abouti à la décision d’avant dire droit du tribunal administratif du 8 avril 1998 et déclare relever appel incident contre ledit jugement. Il est soutenu que visant à l’indemnité d’un préjudice allégué par le requérant, la demande aurait un objet civil et serait dès lors de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.

En ordre de subsidiarité décroissante l’Etat oppose encore l’irrecevabilité du recours en réformation alors que la demande n’aurait pas l’un des objets définis par l’article 11 de la loi du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, la tardiveté du recours alors que la décision attaquée du 20 mars 1997 ne constituerait qu’une simple décision confirmative d’une décision antérieure qui, elle, remonterait à plus de 3 mois du jour de la requête introductive d’instance, la règle non bis in idem et le respect dû à la chose jugée alors que la présente demande aurait le même objet que celle tranchée par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 27 mars 1996 et le cumul illicite de causes contractuelle et délictuelle de la responsabilité.

En son mémoire en réplique du 6 janvier 2000, l’appelant conclut quant aux moyens de l’appel incident, à leur rejet en se référant à ses conclusions de première instance et aux motifs de rejet des moyens d’incompétence et d’irrecevabilité retenus au jugement attaqué.

Considérant que l’appel a été interjeté dans les formes et délai de la loi;

qu’il est dès lors recevable ;

qu’il en est de même de l’appel incident formulé dans le mémoire de l’intimé Etat du Grand-

Duché du 14 décembre 1999 ;

Considérant que l’appel incident de l’Etat est également recevable en ce qu’il est dirigé contre le jugement du 8 avril 1998 contre lequel, au vu des dispositions de l’article 99.9 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, aucun appel immédiat n’était recevable, comme il a été décidé par l’arrêt 10709C du 19 novembre 1998 ;

Considérant que l’appel incident mettant en cause des considérations tenant à la compétence de la juridiction administrative à connaître du litige et à la recevabilité à plus d’un titre de la demande originaire, il convient d’examiner en premier lieu le mérite de l’appel incident ;

que les parties se sont déclarées d’accord à ne voir porter le présent arrêt que sur les seuls aspects de compétence et de recevabilité ;

2 Considérant que dans son appel incident, l’Etat conclut en premier lieu à l’incompétence de la juridiction administrative sur base de l’article 84 de la Constitution aux termes duquel les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux de l’ordre judiciaire ;

qu’à l’appui de sa thèse, l’Etat s’empare de la formulation de l’objet du recours dans la demande originaire ;

Considérant que dans la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 1997, le requérant Thilman a déclaré exercer « un recours en réformation sinon en annulation contre la décision ministérielle » moyennant laquelle le ministre a refusé de faire droit aux revendications ….. concernant les indemnités leur dues en réparation du préjudice subi par la non-allocation du bénéfice de l’allégement pour ancienneté, du bénéfice de l’allégement par leçon (coefficient) et de l’allégement d’une leçon hebdomadaire (« lettre Grégoire ») ;

Considérant que, pour s’opposer à ce volet de l’appel incident, l’intimé se référe à ses développements afférents en première instance ainsi qu’à la motivation des jugements des 8 avril 1998 et 21 juillet 1999 qui ont écarté le moyen d’incompétence ;

Considérant que dans son mémoire en réplique dans la procédure sanctionnée par le jugement du 8 avril 1998, la partie Thilman a expliqué que « La raison pour laquelle les demandeurs ont attaqué devant le Tribunal Administratif la décision du Ministre de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle du 20.3.1997 est constituée par la volonté des demandeurs d’épuiser d’abord la voie administrative, avant de s’engager sur la voie civile devant le tribunal compétent de l’ordre judiciaire et de ne pas se voir reprocher de ne pas avoir attaqué préalablement la décision actuellement entreprise devant la juridiction administrative compétente. » que dans la procédure précédant le jugement du 21 juillet 1999, la partie Thilman n’a pas apporté des arguments nouveaux dans le débat sur la compétence, sauf à s’être référée à une prétendue autorité de chose jugée dont serait à ce sujet revêtue la décision du 8 avril 1998 ;

Considérant que ce dernier argument tombe à faux alors que, l’appel incident présentement formulé contre ledit jugement étant recevable, la dite décision n’est pas coulée en force de chose jugée ;

Considérant que dans son jugement du 8 avril 1998 dont appel incident, le tribunal administratif a écarté le moyen d’incompétence tiré de l’article 84 de la Constitution en se basant sur l’article 11 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat aux termes duquel « les contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires sont de la compétence du tribunal administratif statuant comme juge du fond » ;

que le tribunal a estimé que, « visant le refus porté par la décision ministérielle d’allouer à M.

Thilman les trois bénéfices (ci-dessus cités), le recours doit être analysé .. comme ayant trait à des contestations résultant à la fois du contrat d’emploi et de la rémunération de l’employé de l’Etat en question » ;

3 que dans le jugement du 21 juillet 1999 le tribunal administratif a estimé qu’il n’y avait au dossier aucun élément nouveau lui imposant de revenir au jugement du 8 avril 1998 dans la mesure où celui-ci avait toisé la question de compétence soulevée ;

Considérant qu’il résulte des pièces versées en cause que le sieur Thilman a exercé par le passé plusieurs recours au Comité du contentieux du Conseil d’Etat, notamment ceux ayant donné lieu aux arrêts 8899 du 22 février 1994, en matière d’allégement par leçon (coefficient), 9236 du 27 mars 1996, en matière d’allégement d’une leçon hebdomadaire (« lettre Grégoire ») et 9237 du 27 mars 1996 en matière de recalcul de la tâche d’enseignement ;

Considérant que dans les trois arrêts, le Comité du contentieux a déclaré irrecevable le recours en réformation, estimant que les conditions d’ouverture prévues par l’article 11 de la loi précitée du 27 janvier 1972 n’étaient pas données, alors que « le litige ne touche pas directement à la rémunération du requérant, bien qu’il puisse y avoir une incidence » ;

Considérant que cette motivation étant le support immédiat, exclusif et nécessaire de la décision d’irrecevabilité de la demande en réformation, elle participe de l’autorité de chose jugée attachée à cette décision, ceci en ce qui concerne l’inapplicabilité dans les matières visées aux recours de l’attribution de compétence de juridiction de fond sur base des dispositions de l’article 11 de la loi visée ;

Considérant qu’en ce qui concerne les volets « coefficient » et « lettre Grégoire » de la présente demande, la décision du 8 avril 1998 s’est dès lors heurtée à l’autorité de la chose jugée en déclarant la juridiction administrative compétente pour connaître du recours en réformation ;

qu’il y a lieu de réformer le jugement sur ce point ;

Considérant toutefois que la Cour suit le jugement du 8 avril 1998 en ce qu’il a retenu la compétence de la juridiction administrative pour connaître du recours en réformation contre les éléments de la décision non touchés par l’autorité de la chose jugée découlant des arrêts du Conseil d’Etat ;

Considérant qu’il y a lieu d’écarter l’argument tiré de l’article 84 de la Constitution alors que l’objet du recours serait de nature civile ;

que s’il est bien vrai que, comme il a été révélé ci-dessus, le recours contient des considérations tenant à la responsabilité de l’Etat du chef de fautes contractuelles ou délictuelles et de prétentions indemnitaires à raison desquelles la juridiction administrative est sans compétence, il n’en est pas moins que, comme l’a retenu à juste titre le tribunal, c’est le dispositif de la requête qui détermine l’étendue de la saisine de la juridiction et que dans ledit dispositif le requérant demande la réformation sinon l’annulation de la décision ministérielle du 20 mars 1997 donc d’une décision administrative prise dans le cadre de sa demande à voir reconnaître les droits aux allégements de tâche ci-dessus spécifiés ;

qu’à l’exception de la demande de donner acte de l’évaluation du préjudice allégué que le tribunal a écartée à bon droit, le dispositif de l’acte de saisine ne contient aucun élément s’écartant de l’article 11 de la loi du 27 janvier 1972 qui attribue compétence à la juridiction administrative ;

4 que s’il peut être admis que la juridiction administrative est incompétente en principe pour se prononcer sur l’existence ou l’étendue d’un droit subjectif, tel n’est pourtant pas le cas en présence d’un texte spécial lui accordant compétence en la matière ;

qu’en effet, il convient de suivre le raisonnement du tribunal en ce qu’il a déclaré applicable à la matière l’article 11 de la loi du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat qui confère un recours en pleine juridiction pour les contestations résultant notamment du contrat d’emploi et de la rémunération ;

que le tribunal a décidé à bon droit que, dans la mesure où il ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée, le recours tendant à la réformation de la décision du ministre de refuser à refixer la date de l’effet du recalcul de la tâche du requérant vise une décision ministérielle tenant à la fois de la mise en œuvre concrète du contrat d’emploi et des implications y relatives sur la rémunération ;

Considérant que la Cour fait siens par ailleurs les motifs du tribunal concernant le prétendu caractère tardif du recours, de l’autorité de la chose jugée sauf qu’à ce sujet, il y a lieu de déclarer l’incompétence partielle de la juridiction administrative comme il a été développé ci-

dessus, le non-fondement de l’exception tirée de la règle non bis in idem et de celle du libellé obscur ;

qu’il y a dès lors lieu de dire que, dans la mesure où l’autorité de la chose jugée par les arrêts précités du Conseil d’Etat ne s’y oppose pas, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la décision administrative entreprise comme juge du fond et que la demande est recevable ;

qu’en ce qui concerne le volet de la demande où, sans vider le fond de ce qui fait l’objet du présent recours, l’arrêt du Conseil d’Etat a écarté le recours en réformation par décision coulée en force de chose jugée, la juridiction administrative garde la compétence résiduelle du recours en annulation quant à la décision entreprise ;

Considérant que le volet de la décision ministérielle relatif au bénéfice de l’ancienneté sollicité par … Thilman n’ayant fait l’objet d’aucun développement dans les mémoires des parties, il y a lieu de les inviter à conclure à ce sujet en vue des débats sur le fond.

Par ces motifs :

la Cour, statuant contradictoirement, reçoit les appels principal et incident en la forme ;

en ce qui concerne l’appel incident :

vu l’autorité de la chose jugée des arrêts n°s du rôle 8899 du 22 février 1994 et 9237 du 27 mars 1996 ainsi que 9236 du 27 mars 1996 5 déclare irrecevable la demande tant en réformation qu’en annulation de la décision en ce qu’elle a refusé le recalcul de la tâche de … Thilman en ce qui concerne l’allégement par leçon (coefficient) par lui sollicité ;

se déclare compétente pour connaître du recours en annulation de la décision en ce qu’elle a refusé la fixation telle que voulue dans la demande de la date de l’effet du recalcul de la tâche dans le contexte de l’allégement d’une heure hebdomadaire (lettre Grégoire) ;

déclare recevable le recours en annulation en ce qui concerne ce volet de la demande ;

se déclare compétente pour connaître du recours en réformation de la décision en ce qu’elle concerne la date de départ du recalcul de la tâche par rapport à l’allégement du chef de l’ancienneté ;

déclare recevable le recours en réformation en ce qui concerne ce dernier aspect de la demande ;

invite les parties à instruire plus amplement la demande en ce qu’elle vise la décision ministérielle pour autant qu’elle a refusé la fixation suivant les termes de la demande du délai pour ce qui est de l’effet du bénéfice d’ancienneté sollicité ;

fixe la continuation des débats à l’audience publique du 22 juin 2000 à 9 heures ;

réserve les frais.

Ainsi jugé par Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par le premier conseiller Jean-Mathias GOERENS en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

le greffier en chef le premier conseiller 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11493C
Date de la décision : 17/02/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2000-02-17;11493c ?

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