GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11389C Inscrit le 20 juillet 1999 Audience publique du 8 février 2000 Recours formé par le ministre de l’Environnement contre … SERRES et … en présence de la société anonyme Cegedel S.A.
en matière de protection de la nature - Appel -
(Jugement entrepris n° du rôle 10910 du 9 juin 1999)
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 20 juillet 1999 par le délégué du Gouvernement Gilles Roth en vertu d’un mandat du ministre de l’Environnement du 19 juillet 1999 contre un jugement rendu en matière de protection de la nature par le tribunal administratif à la date du 9 juin 1999 à la requête de … Serres et de son épouse … contre le ministre de l’Environnement en présence de la société anonyme CEGEDEL S.A. ;
Vu la signification dudit acte d’appel par exploit d’huissier Pierre Biel à la date du 20 juillet 1999 à … Serres et son épouse … ainsi qu’à la société anonyme CEGEDEL S.A. ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 13 octobre 1999 par Maître Marc Thewes, avocat à la Cour, au nom de … Serres et de son épouse …, demeurant ensemble à L- 5540 Remich, 33, rue de la Gare ;
Vu la signification dudit mémoire en réponse par exploit d’huissier Jean-Lou Thill à la date du 15 octobre 1999 à la société anonyme CEGEDEL S.A. ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 1er décembre 1999 par Maître Victor Elvinger, avocat à la Cour, au nom de la CEGEDEL S.A., établie et ayant son siège social à L-1445 Strassen, 2, rue Thomas Edison, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions ;
Vu la signification dudit mémoire en réponse par exploit d’huissier Jean-Lou Thill à la date du 2 décembre 1999 à … Serres et à son épouse … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris du 9 juin 1999 ;
Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport et le délégué du Gouvernement Guy Schleder ainsi que Maître Marc Thewes et Maître Serge Marx, en remplacement de Maître Victor Elvinger, en leurs observations orales ;
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Par requête déposée le 18 septembre 1998 au greffe du tribunal administratif, Maître Marc Thewes, au nom de … Serres, employé privé et de son épouse …, demeurant ensemble à L-…, a demandé la réformation, sinon l’annulation de deux décisions du ministre de l’Environnement datées respectivement des 9 avril et 31 juillet 1998, la première refusant à la société anonyme Cegedel agissant au nom et pour compte des requérants, l’autorisation d’installer une ligne électrique à basse tension à … pour raccorder le chalet des demandeurs au réseau électrique et la deuxième, rendue sur recours gracieux confirmant la décision initiale.
Par jugement rendu contradictoirement en date du 9 juin 1999, le tribunal administratif a déclaré le recours en réformation recevable, au fond l’a dit justifié, et par réformation des décisions déférées des 9 avril et 31 juillet 1998, a autorisé l’installation souterraine d’une ligne électrique à basse tension le long du chemin rural à … en vue du raccordement du chalet des époux Serres-… au réseau électrique exploité par la société anonyme Cegedel S.A., avec interdiction d’une quelconque atteinte à la haie naturelle se trouvant le long du chemin en question.
Les juges de première instance ont décidé que sur base des standards de confort moderne, il est légitime de vouloir raccorder un chalet à un système de distribution électrique, même s’il ne sert qu’à des fins de résidence secondaire.
Le délégué du Gouvernement, déclarant agir en vertu d’un mandat du ministre de l’Environnement du 19 juillet 1999, a relevé appel du jugement précité par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 20 juillet 1999.
La partie appelante reproche aux juges de première instance d’avoir décidé que la pose de la ligne électrique ne viole pas les articles 1 et 36 de la loi du 11 août 1982 sur la protection de la nature, alors que la pose de la conduite souterraine ayant pour objet d’alimenter le chalet des époux Serres construit en zône verte favoriserait l’habitation permanente du chalet et se situerait dans le cadre des travaux de modernisation et d’agrandissement dudit chalet, travaux pour lesquels les époux Serres ne disposeraient pas des autorisations nécessaires.
Il souligne que c’est à juste titre que le ministre de l’Environnement a refusé le projet de construction sur base des critères d’appréciation prévus notamment aux articles 1, 2 et 36 de la prédite loi du 11 août 1982.
Il demande à la Cour de réformer le jugement entrepris et de dire qu’il n’y a pas lieu à réformation des décisions déférées des 9 avril et 31 juillet 1998.
Dans un mémoire en réponse en date du 13 octobre 1999 intitulé « mémoire en appel », Maître Marc Thewes, au nom des époux Serres-…, demande la confirmation du jugement de première instance, car la motivation de la décision ministérielle entreprise reposerait sur une appréciation erronée des éléments du dossier alors que le courant électrique étant déjà disponible par un générateur, la décision de refus ne pourrait empêcher l’habitation. Il relève que la motivation retenue ne serait pas légale alors qu’elle poursuivrait un but illégal, à savoir empêcher les 2 requérants d’habiter leur maison et qu’elle ne spécifie pas en quoi la ligne électrique serait préjudiciable à l’environnement.
La partie intimée demande l’allocation d’une indemnité de procédure de 30.000.- francs.
Dans un mémoire en réponse en date du 1er décembre 1999, Maître Victor Elvinger, au nom de la société anonyme Cegedel S.A, se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité de l’appel en la pure forme, et après avoir rappelé les faits, fait valoir que l’article 18 des conditions générales de fourniture d’énergie aux consommateurs annexées à la convention de concession du 11 novembre 1927, approuvée par la loi du 4 janvier 1928, fait expressément la distinction entre les raccordements d’établissements situés à l’intérieur de zones d’habitation et ceux situés en dehors de zone d’habitation, mais que dans les deux hypothèses la Cegedel S.A. a l’obligation de faire droit à une demande de raccordement.
Il relève que la motivation avancée dans la décision litigieuse concernant l’encouragement de l’habitation en zone verte n’est pas prévue par la loi du 11 août 1982 et que le rapprochement entre la ligne électrique souterraine et des travaux d’agrandissement est sans objet avec le présent litige.
La décision de refus n’étant pas justifiée au sens de l’article 36 de la loi du 11 août 1982 tout en étant contraire aux principes généraux du droit, il demande la confirmation du jugement du 9 juin 1999.
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L’appel ayant été interjeté dans les formes et délai de la loi est partant recevable.
La partie appelante reproche aux premiers juges d’avoir estimé que la pose de la ligne électrique ne viole pas les articles 1 et 36 de la loi du 11 août 1982 sur la protection de la nature, alors que le raccordement du chalet à la ligne du courant électrique favoriserait son habitation permanente en zone verte, finalité pourtant contraire aux objectifs de la loi de 1982 dont l’article 2 prévoit une interdiction globale pour des constructions servant à des fins d’habitation en zone verte.
Il convient de relever de prime abord que le chalet sert de résidence secondaire et est déjà habité dans son état actuel durant les fins de semaine et les jours fériés, que le courant électrique est fourni par un générateur et qu’il est raccordé au réseau de distribution d’eau. D’autre part, il a été légalement construit avant l’entrée en vigueur des lois relatives à la protection de l’environnement et que, par la suite, du fait du classement du terrain en zone verte, il se trouve actuellement dans une zone qui n’est pas destinée à la construction de maisons d'habitation.
Le moyen invoqué par la partie appelante pour conclure à une réformation du jugement entrepris, à savoir de ne pas encourager l’habitation permanente en dehors des zones spécialement réservées à cet effet, motif sur base duquel a déjà été refusé l’autorisation litigieuse, est non fondé et à écarter, car la motivation avancée est illégale dans la mesure où elle n’est pas conforme à la loi précitée du 11 août 1982, et la législation sur la protection de l’environnement n’autorise pas le ministre à empêcher des personnes d’habiter de manière permanente ou occasionnelle leurs maisons dans des conditions normales de salubrité et de confort pour la seule raison que le terrain sur lequel les maisons ont été construits ont été classés dans la zone verte postérieurement à la construction.
3 L’argument concernant les éventuels travaux de modification et d’agrandissement du chalet des intimés, pour lesquels ces derniers ne disposeraient pas des autorisations nécessaires et qui favoriseraient néanmoins l’habitation permanente est à écarter, le litige portant exclusivement sur l’installation d’une ligne électrique, et la maison pouvant servir légalement de local d’habitation avant l’exécution des travaux.
Enfin, ni les décisions ministérielles déférées des 9 et 31 juillet 1998 ni la partie appelante n’indiquent en quoi la pose d’une ligne électrique souterraine violerait les articles 1 et 36 de la loi du 11 août 1982 précitée et serait susceptible de porter préjudice au caractère du paysage ou constituerait un danger pour la conservation du milieu naturel, par conséquent la Cour fait sienne l’analyse des points de fait et de droit retenus par le tribunal, suite à une visite des lieux, pour estimer que la pose d’une conduite souterraine pour alimenter le chalet des intimés en énergie, avec l’interdiction d’une quelconque atteinte à la haie naturelle se trouvant le long du chemin en question est légitime et conforme aux dispositions légales et réglementaires applicables.
Il y a partant lieu de confirmer le jugement du 9 juin 1999 dans toute sa teneur.
Les intimés … Serres et … ne justifiant pas d’éléments propres à motiver une allocation de procédure de l’ordre de 30.000.- francs, il échet d’abjuger la demande en question.
Par ces motifs La Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit l’appel ;
le dit non fondé et en déboute ;
partant confirme le jugement du 9 juin 1999 dans toute sa teneur ;
dit non fondé la demande en allocation d’une indemnité de procédure présentée par … Serres et … et en déboute ;
condamne l’Etat aux frais de l’instance d’appel.
Ainsi jugé par :
Marion LANNERS, vice-présidente Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, rapporteur Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
4 le greffier la vice-
présidente 5