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01/02/2000 | LUXEMBOURG | N°11318C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 01 février 2000, 11318C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11318 C Inscrit le 9 juin 1999

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Audience publique du 1er février 2000 Recours formé par Brecher Luxembourg & Deutschland Gmbh contre administration des Contributions directes en matière de:

Impôt sur le revenu - Appel – (Jugement entrepris no. du rôle 10645 du 29 avril 1999)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 9 jui...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11318 C Inscrit le 9 juin 1999

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Audience publique du 1er février 2000 Recours formé par Brecher Luxembourg & Deutschland Gmbh contre administration des Contributions directes en matière de:

Impôt sur le revenu - Appel – (Jugement entrepris no. du rôle 10645 du 29 avril 1999)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 9 juin 1999 par Maître Alain Steichen, avocat à la Cour, au nom de la société Brecher Luxembourg et Deutschland GmbH, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonctions, contre un jugement rendu en matière d’impôt sur le revenu des collectivités par le tribunal administratif à la date du 29 avril 1999 à la requête de la société Brecher Luxembourg et Deutschland GmbH, préqualifiée, contre un bulletin émis par le bureau d’imposition Sociétés V.

Vu la signification dudit acte d’appel par exploit d’huissier Pierre Kremmer à la date du 9 juin 1999.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 20 octobre 1999 par le délégué du Gouvernement.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris du 29 avril 1999.

Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport et Maître Alain Steichen ainsi que le délégué du Gouvernement Jean-Marie Klein en leurs observations orales.

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Par courrier du 17 décembre 1993 adressé au directeur de l'administration des Contributions directes, la fiduciaire … a introduit au nom et pour compte de la société Brecher Luxembourg 1 et Deutschland GmbH, établie et ayant son siège social à L-6940 Niederanven, 188 route de Trèves, dénommée ci-après "BLD", représentée par son gérant Y., une réclamation à l'encontre d'un bulletin de l'impôt sur le revenu des sociétés ayant trait à l'année 1991 dans la mesure où le bureau d'imposition a considéré que l'amortissement d'une créance de BLD à l'encontre d'une société de droit allemand X. devait être considéré comme une distribution cachée de bénéfices à hauteur de … francs.

En l'absence d'une décision directoriale, Maître Alain Steichen au nom de la société BLD a déposé le 27 mars 1998 au greffe du tribunal administratif une requête tendant à la réformation du bulletin d'impôt sur le revenu des collectivités de l'année 1991 émis le 2 décembre 1993.

Par jugement rendu contradictoirement en date du 29 avril 1999, le tribunal administratif a reçu le recours en réformation en la forme, a donné acte à la partie demanderesse qu'elle accepte comme distribution cachée de bénéfices un montant de 254.663.- francs, au fond a dit le recours non justifié et en a débouté la requérante avec condamnation aux frais.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 9 juin 1999 et signifiée à la même date à l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg représenté par son Ministre des Finances, Maître Alain Steichen, agissant en sa qualité de mandataire de la société BLD, a relevé appel du jugement précité.

Le mandataire de l'appelante fait valoir que l'argumentation des premiers juges visant à conclure au caractère non-déductible d'un montant de … francs passé dans les charges comptables de BLD n'est pas fondée.

L'appelante demande en premier lieu qu'un montant de … francs au titre de la TVA allemande, qu'elle n'a pas réussi à se voir rembourser en Allemagne, réduise son assiette imposable.

Le montant restant de … francs se décompose en plusieurs prêts accordés à X.GmbH, à ses associés - gérants et à ses salariés. La créance de BLD vis-à-vis de ces différents débiteurs résulte d'avances de fonds effectuées tantôt par BLD elle-même directement pour un montant de … francs, tantôt d'une cession de créance faite par Y. à BLD d'un montant de … francs.

Elle conteste que les prêts directement avancés présentent un caractère de libéralités alors que l'amortissement de la créance dans les livres de BLD ne fait qu'acter la quasi-certitude de non-

recouvrement de certaines créances à caractère commercial, les créances elles-mêmes étant conformes à l'intérêt de la société et remplissant les conditions prévues par la loi en matière de dépenses d'exploitation.

L'intégralité du montant de … francs serait à analyser comme étant une créance à BLD à l'égard de X. et l'amortissement de cette créance résultant de l'état de cessation de paiement de RTI.

L'appelante conteste l'appréciation des premiers juges qui ont considéré que les prêts d'un montant de … francs n'ont pas été accordés dans l'intérêt de BLD mais dans l'intérêt personnel de Y., et ont un caractère privé; elle considère que le prédit montant constitue objectivement et subjectivement un ensemble de prêts à caractère commercial.

Elle demande à la Cour par réformation du jugement entrepris de conclure au caractère déductible du montant de … francs et d'enjoindre au bureau d'imposition d'émettre un bulletin d'imposition rectificatif tenant compte de cette diminution de l'assiette imposable.

2 Dans un mémoire en réponse en date du 20 octobre 1999, le délégué du Gouvernement relève que l'amortissement de la créance en restitution de la TVA allemande ne peut être justifié par la prescription, qu'en ce qui concerne les différents prêts accordés à X.GmbH, ses associés-

gérants et salariés, l'appelante n'a pas réfuté les motifs sur lesquels les premiers juges ont fondé leur appréciation des circonstances de l'espèce.

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L’appel ayant été interjeté dans les formes et délai de la loi, est partant recevable.

La partie appelante conteste le caractère non déductible d’un montant de … francs passé dans les charges comptables de BLD.

Ce montant se décompose en plusieurs catégories dont d’abord une créance en restitution de la TVA allemande pour un montant de … francs, le fisc allemand ayant argué de la prescription du droit au remboursement de la TVA afin de refuser le paiement. De ce fait l’appelante tire la conséquence que ce montant réduirait, en raison des articles 18 alinéa 1er et 162 alinéa 1er LIR, l’assiette imposable de BLD.

La partie intimée fait valoir que l’amortissement de la créance en 1991 ne peut être justifiée par la prescription, alors que la restitution de la TVA relative à l’importation d’une machine paraissait encore probable dans une lettre de la fiduciaire au bureau d’imposition du 17 décembre 1993.

C’est à juste titre qu’en partant de la règle générale que la TVA a un caractère neutre et en principe ne se répercute pas sur le bénéfice imposable, les premiers juges ont constaté qu’il ne s’agit pas d’une créance irrécouvrable qui doit être amortie au titre de l’année 1991, de sorte que le montant de la TVA indûment déduit en tant que charge de l’année 1991 doit être intégré dans les résultats de BLD et le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.

Le montant restant de … francs se décompose en une variété de prêts accordés tantôt à X.

tantôt à ses associés-gérants …, tantôt encore à ses salariés.

Concernant la créance de BLD vis-à-vis de ces différents débiteurs résultant d’avances de fonds effectués par BLD elle-même d’un montant de … francs, le tribunal administratif refuse le caractère déductible des prêts directement avancés par BLD, au motif qu’il s’agirait de libéralités consenties à une autre société et à des personnes liées à cette société avec laquelle le dirigeant a des liens personnels.

Il ressort des écritures comptables que seulement une écriture a trait à une créance que BLD détenait à l’encontre de X. pour … francs, le restant consistant en des prêts accordés à …, associé de X. et Messieurs …, collaborateurs de X.

La partie appelante soutient que l’amortissement des créances en question faite dans la comptabilité de BLD en date du 31 décembre 1991 ne fait qu’acter la quasi-certitude de non-

recouvrement de certaines créances à caractère commercial, ces dernières étaient en connexion économique directe avec l’activité de BLD et de ce fait remplissaient les conditions prévues par la loi en matière de dépenses d’exploitation. L’appelante conteste qu’il s’agisse d’une libéralité et relève que l’amortissement de la créance de … francs résulte de l’état de cessation de X. et constitue la concrétisation du risque d’exploitation lié au client unique de BLD.

3 La Cour fait sienne l’analyse des points de fait et de droit retenus par le tribunal pour reconnaître que les prêts faits à des personnes privées et à X. doivent être considérés comme constituant des libéralités consenties à une autre société et à des personnes liées à cette société avec lequel le dirigeant a des liens personnels, et que ces dépenses ne sauraient être prises en compte en tant que dépenses d’exploitation pour la détermination du revenu imposable de BLD car elles ont été effectuées à des fins étrangères et ne sont pas en connexion économique directe avec l’activité de BLD.

Par ailleurs d’autres avances de fond auraient été faites directement par le gérant de BLD en son nom personnel pour parer aux problèmes de trésorerie ponctuels que X. aurait dû affronter pour un montant de … francs au titre des années 1989 et 1990. Le bureau d’imposition Sociétés V a vu dans l’amortissement de ce cette créance une distribution cachée de bénéfice.

Les distributions cachées de bénéfices visées par l’article 164 (3) existent si un associé ou un actionnaire reçoit directement ou indirectement d’une société des avantages qu’il n’aurait pu obtenir en l’absence de ce lien. La situation concernée est celle où un gestionnaire prudent et avisé n’aurait pas accordé un avantage similaire à un tiers.

« L’administration peut supposer une diminution indue des bénéfices de l’entreprise si les circonstances la rendent probable, sans avoir à la justifier exactement. Il y a alors renversement de la charge de la preuve, le contribuable devant prouver qu’il n’y a pas diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée, et non seulement motivée par des relations particulières entre deux entités liées. » (Jean Schaffner - droit fiscal international, p.141) Cette disposition s’explique par le souci du législateur de contrecarrer des manœuvres camouflant la véritable nature d’une opération de distribution de bénéfices par le recours abusif à des techniques juridiques licites en droit privé (C.E. n° 6690 - S.A. Overseas Development Bank contre l’administration des Contributions).

Le montant restant de … représenterait selon le tribunal des prêts qui n’ont pas été accordés dans l’intérêt de BLD mais dans l’intérêt personnel de Y. et auraient un caractère privé tandis que selon l’appelante, le prédit montant constituerait un ensemble de prêts commerciaux accordés par BLD à X.

La Cour rejoint l’analyse faite par les premiers juges qu’au vu de la situation de X. il était déjà évident au moment de la cession de créances que celle-ci serait irrécouvrable et que l’opération globale doit s’analyser sur base de l’article 164 alinéa 3 LIR en une distribution cachée de bénéfices en faveur de Y. d’un montant de … francs, car il ne s’agit pas d’une créance qui a été reprise dans l’intérêt de la société.

Le jugement entrepris est partant à confirmer.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant contradictoirement;

reçoit l’appel en la forme;

le dit non fondé et en déboute ;

4 partant confirme le jugement entrepris du 29 avril 1999;

condamne la partie appelante aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par:

Marion LANNERS, vice-présidente, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, rapporteur, Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

le greffier la vice-présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11318C
Date de la décision : 01/02/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2000-02-01;11318c ?

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