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13/01/2000 | LUXEMBOURG | N°11755C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 13 janvier 2000, 11755C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 11755 C Inscrit le 3 janvier 2000 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU 13 JANVIER 2000 Recours formé par … SABIR contre le ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement ————————————————————————————————— Vu la requête déposée au greffe de la Cour administrative le 3 janvier 2000 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH au nom de … SABIR, par l

aquelle il a été relevé appel contre le ministre de la Justice d’un jugement rendu le 30 décembre 1999 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 11731 du rôle;

vu le mémoi...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 11755 C Inscrit le 3 janvier 2000 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU 13 JANVIER 2000 Recours formé par … SABIR contre le ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement ————————————————————————————————— Vu la requête déposée au greffe de la Cour administrative le 3 janvier 2000 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH au nom de … SABIR, par laquelle il a été relevé appel contre le ministre de la Justice d’un jugement rendu le 30 décembre 1999 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 11731 du rôle;

vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement versé en cause le 11 janvier 2000 pour la partie intimée;

vu le mémoire en réplique déposé le 12 janvier 2000 par la partie appelante;

vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée, ainsi que le jugement entrepris;

Ouï le président en son rapport oral, Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, mandataire de … SABIR, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête déposée le 3 janvier 2000 Maître Ardavan FATHOLAHZADEH a relevé appel au nom de … SABIR contre un jugement rendu le 30 décembre 1999 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 11731 du rôle.

Ledit jugement a reçu en la forme mais déclaré non fondé le recours dirigé par … SABIR contre une décision du ministre de la Justice du 24 novembre 1999 reconduisant pour une durée maximale d’un mois le placement au Centre pénitentiaire de Luxembourg institué par décision du même ministre datée du 25 octobre 1999.

La décision originaire du 25 octobre 1999 a fait l’objet d’un recours qui a été déclaré recevable mais non fondé par un jugement du tribunal administratif actuellement coulé en force de chose jugée.

L’appelant reproche au jugement entrepris d’avoir décidé que, hormis le moyen tiré de l’absence de motivation de la décision de prolongation, les arguments invoqués à l’appui de son recours seraient identiques à ceux présentés à l’appui du recours contre la décision du 25 octobre 1999 et que leur réexamen se heurterait à l’autorité de chose jugée attachée au jugement toisant le précédent recours.

Il fait valoir entre autres que l’autorité de chose jugée ne s’attacherait qu’au dispositif des décisions et non à leurs motifs et que par ailleurs, entre la décision du 25 octobre et celle du 24 novembre 1999 des faits nouveaux seraient intervenus de sorte qu’une instance tendant à obtenir jugement sur les faits nouveaux pourrait toujours être introduite.

L’appelant demande en conséquence à voir statuer sur l’ensemble des moyens invoqués en première instance.

Dans son mémoire déposé le 11 janvier 2000 le délégué du Gouvernement maintient son attitude quant à l’autorité de chose jugée qui serait attachée aux éléments ayant déjà fait l’objet du jugement du 25 novembre 1999. Les moyens tirés notamment de l’existence d’une demande d’asile politique, du défaut d’assistance d’un interprète et de l’inadaptation du Centre pénitentiaire comme lieu de placement sont contestés par le délégué.

L’appelant a répliqué par mémoire du 12 janvier 2000 en réitérant et en explicitant tous les arguments invoqués dans les différents mémoires antérieurs. Il s’empare par ailleurs des articles 3 et 5 de la Convention européenne des Droits de l’homme pour étayer son argumentation suivant laquelle le Centre pénitentiaire ne serait pas un établissement approprié au sens de l’article 15 de la loi du 28 mars 1972.

————————————————————————————————— L’article 15 (9) de la loi 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers; 2) le contrôle médical des étrangers; 3) l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère ouvre un recours au fond tant contre les décisions de placement, que contre les décisions reconduisant une mesure de placement.

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Le droit d’entreprendre lesdites décisions n’est pas limité par des dispositions spécifiques. D’autre part la loi exige que la décision de reconduction d’une mesure de placement réponde à des critères de nécessité particulièrement sévères.

La Cour constate qu’ainsi des moyens ou arguments appréciés dans un sens à propos d’une mesure de placement peuvent être appréciés différemment quand il s’agit de toiser un recours contre la prolongation de cette mesure.

Cette constatation ne s’appuie pas seulement sur le critère particulièrement sévère avec lequel l’article 15 (2) de la loi 28 mars 1972 exige d’examiner la nécessité de la prolongation, mais également sur le fait que pour l’appréciation du fondement des moyens et de la puissance des arguments les éléments inhérents au dossier strictu sensu sont examinés dans un contexte complexe dont divers paramètres peuvent avoir changé pendant la période écoulée depuis la dernière mesure.

Dès lors la Cour, contrairement au premier juge, reçoit et examine tous les moyens et arguments présentés par la partie appelante pour autant du moins qu’ils ne sont pas étrangers à la mesure qui fait l’objet du présent recours.

L’appelant critique en premier lieu la légalité de la décision ministérielle en mettant en avant un manque de motivation, soutenant que celle-ci ne serait formée que de « formules générales et abstraites reprises de la loi, sans aucune précision quant aux raisons de fait concrètes permettant de justifier la décision ».

Relevant que l’arrêté ministériel du 24 novembre 1999 énonce expressément la base légale sur laquelle le ministre de la Justice a fondé sa décision, ensemble les faits concrets, précis, pertinents et graves qui en justifient aux yeux du ministre l’application, la Cour n’estime pas devoir pousser plus loin la discussion de ce moyen dénué de façon patente de tout fondement en fait.

Encore moins convient-il de s’arrêter à l’affirmation avancée à titre de reproche que les motifs en question seraient identiques à ceux indiqués dans deux autres arrêtés ministériels, cette circonstance étant sans la moindre relevance quant à l’appréciation de la légalité de la décision déférée.

Dans son mémoire en réplique versé en première instance l’actuel appelant a soulevé un moyen d’annulation tiré de l’inexistence d’un procès-verbal tel qu’exigé par l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972. Ce moyen est à écarter des débats comme étant étranger à la décision entreprise, étant constant en cause que la légalité de la décision de placement originaire a été reconnue par un jugement coulé en force de chose jugée et ne saurait être remise en question dans la présente instance.

Au fond l’appelant avance à l’encontre de la décision entreprise que celle-ci aurait été prise en dehors de toute mesure d’éloignement ; qu’un éloignement ne serait pas impossible ; qu’il n’existerait dans son chef pas de danger réel qu’il se soustraie à une mesure d’éloignement ; qu’il ne constituerait point de danger pour l’ordre et la sécurité publics ; que son placement au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig serait disproportionné et que ledit Centre pénitentiaire ne - 3 -

constituerait pas un établissement approprié au sens de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972.

Il se dégage de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972 qu’une décision de placement dans un établissement approprié ne peut être prise que lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison des circonstances de fait.

En l’espèce, il ressort des éléments du dossier administratif que l’appelant n’était ni en possession de papiers de légitimation valables, ni de moyens personnels de sorte qu’une mesure de refoulement pouvait être prise, en vertu de l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972.

Le refoulement étant, contrairement à l’expulsion, une mesure d’éloignement dont les formes ne sont pas déterminées, il appartient à la juridiction du fond d’analyser si une décision de refoulement a été effectivement prise par l’autorité légalement habilitée.

S’il n’existe pas d’arrêté d’expulsion et en l’absence de décision expresse, la décision de refoulement doit nécessairement être censée prise par le ministre de la Justice à partir du moment où les conditions justifiant un refoulement, telles que déterminées par l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, sont remplies et où, par la suite, une mesure de placement en vue de l’éloignement a été décidée à l’encontre de l’intéressé.

Le moyen tiré par l’appelant de l’inexistence d’une décision d’éloignement expresse et légale manque dès lors de fondement.

L’impossibilité matérielle de procéder à l’exécution immédiate de la mesure d’éloignement résulte notamment du fait que l’appelant ne disposait pas de documents d’identité valables, mais uniquement d’un passeport volé et falsifié, délit pour lequel il n’est cependant pas encore poursuivi à l’heure actuelle.

Aux yeux de la Cour il est par ailleurs évident que les vérifications relatives à des personnes trouvées en possession de pièces d’identité falsifiées ont à se faire au niveau international avec un soin méticuleux même au risque d’engendrer certains délais dont l’utilisateur des pièces falsifiées n’est pas le mieux placé à se plaindre.

La Cour ne saurait dès lors s’arrêter aux reproches formulés par l’appelant quant à la diligence mise par les autorités à faire avancer l’instruction de son dossier, ceci d’autant plus que lesdits reproches restent à l’état de pure allégation et se trouvent contredits par les renseignements fournis par le dossier administratif versé en cause.

Le danger réel que l’appelant essaie de se soustraire à l’exécution ultérieure de la mesure d’éloignement résulte à suffisance du fait qu’il a fait usage d’une fausse identité et d’un faux passeport et qu’il ne possède aucune adresse fixe au Grand-

Duché de Luxembourg.

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Les mêmes faits, spécialement l’usage par le demandeur d’une fausse identité et d’un faux passeport, dénotent dans son chef un comportement susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics et justifiant un placement au Centre pénitentiaire de Luxembourg, cet établissement étant dans les circonstances de l’espèce approprié au sens de l’article 15 paragraphe (1) de la loi du 28 mars 1972.

L’appelant estime pouvoir infirmer cette dernière constatation en invoquant l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’homme aux termes duquel nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

La Cour ne suit pas l’appelant dans son appréciation téméraire suivant laquelle ses contacts avec la population pénale de l’établissement ont pour lui un niveau d’humiliation et un seuil de gravité du traitement dégradant et d’avilissement insupportable. L’article 3 de la Convention ne se trouve pas violé en l’espèce, les éléments de fait visés par le texte faisant défaut.

L’article 5 de la même convention est sans effet sur l’issue de la présente alors que la détention de personnes contre lesquelles une procédure d’éloignement est en cours s’y trouve expressément autorisée.

Quant aux autres moyens soulevés par l’appelant, tirés notamment du fait qu’il n’aurait pas bénéficié de l’assistance gratuite d’un interprète et du fait qu’il aurait introduit une demande d’asile au Luxembourg, la Cour peut se référer aux motifs afférents du jugement entrepris qui rencontrent sur ces points les arguments présentés en appel. Sur base desdits motifs, que la Cour adopte, ces moyens sont à rejeter.

L’appel de … SABIR n’est donc pas fondé ; le jugement entrepris est partant à confirmer pour les motifs ci-avant, lesquels diffèrent sur certains points de ceux du premier juge.

Les frais de l’instance d’appel sont à supporter par l’appelant.

par ces motifs la Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit en la forme la requête d’appel déposée le 3 janvier 2000;

la déclare cependant non fondée, partant confirme le dispositif du jugement entrepris du 30 décembre 1999;

condamne Achmet SABIR aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par - 5 -

Messieurs Georges KILL, président, rapporteur, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le greffier en chef Le président - 6 -


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11755C
Date de la décision : 13/01/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2000-01-13;11755c ?

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