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23/12/1999 | LUXEMBOURG | N°11352C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 23 décembre 1999, 11352C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11352C Inscrit le 28 juin 1999 Audience publique du 23 décembre 1999 Recours formé par le ministre des Finances contre … … … …-… en matière de:

impôt sur le revenu - Appel -

(Jugement entrepris du 17 mai 1999, n° du rôle 10918)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 28 juin 1999 par le délégué du Gouvernement Jean-Marie Klein, en exécution

d’un mandat du ministre des Finances du 28 juin 1999, contre un jugement rendu en matière d’impôt ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11352C Inscrit le 28 juin 1999 Audience publique du 23 décembre 1999 Recours formé par le ministre des Finances contre … … … …-… en matière de:

impôt sur le revenu - Appel -

(Jugement entrepris du 17 mai 1999, n° du rôle 10918)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 28 juin 1999 par le délégué du Gouvernement Jean-Marie Klein, en exécution d’un mandat du ministre des Finances du 28 juin 1999, contre un jugement rendu en matière d’impôt sur le revenu par le tribunal administratif à la date du 17 mai 1999 à la requête des époux … … et … …-…, demeurant à…., contre une décision de non-remboursement des retenues d’impôt sur salaires sinon contre une décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes.

Vu la signification dudit acte d’appel par exploit d’huissier Marc Graser à la date du 28 juin 1999.

Vu le mémoire en réponse intitulé mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 23 septembre 1999 par Maître Marc Kerger, avocat à la Cour, au nom des époux … … et … …-…, préqualifiés.

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1994 dressé par le bureau d’imposition Luxembourg 4 daté du 8 février 1996, le décompte du bureau de recette Luxembourg principal daté du même jour et la lettre du mandataire des époux …-… datée du 3 mai 1996 ainsi que le jugement entrepris du 17 mai 1999.

Ouï le premier conseiller-rapporteur en son rapport et le délégué du Gouvernement Jean-

Marie Klein ainsi que Maître Virginie Henry, en remplacement de Maître Marc Kerger, en leurs observations orales.

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Par requête notifiée aux intimés le 28 juin 1999 et déposée au greffe de la Cour administrative le même jour, l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg a déclaré interjeter appel contre un jugement du tribunal administratif du 17 mai 1999 par lequel le tribunal a dit que les demandeurs ont droit à la restitution des retenues d’impôt opérées en 1994 sur le salaire de Monsieur …, dans la mesure où ces retenues excèdent le montant de l’impôt sur le revenu et de l’impôt de solidarité dont les demandeurs sont redevables pour l’exercice 1994, au motif qu’il résulterait de l’arrêt C-175/88 du 8 mai 1990 de la Cour de Justice des Communautés Européennes que l’article 154 (6) LIR, dans sa teneur applicable pour l’exercice fiscal 1994 est contraire au droit communautaire et ne pouvait servir de fondement légal au bureau d’imposition pour refuser le remboursement du trop perçu au titre de la retenue sur les salaires et que partant il y aurait lieu d’ordonner la restitution de la somme de 260.753 francs.

Le dit jugement a été rendu sur le recours que le sieur … … et la dame … …-…, demeurant à avaient introduit le 22 septembre 1998 par l’organe de Maître Marc Kleyr contre une décision du bureau d’imposition Luxembourg IV du 8 février 1996 refusant le remboursement de la somme de 260.753 francs d’impôt retenu sur les salaires, faute de décision du directeur des contributions sur la réclamation datée du 3 mai 1996.

Le recours a en particulier visé le remboursement partiel de retenues sur salaires effectuées pendant la période d’activité comme salarié de … … qui, du fait de la cessation du statut de salarié en cours d’année et de son départ du pays, avaient atteint une somme supérieure au montant de l’impôt redû.

Les faits de la cause comme la fixation de la cote d’impôt de laquelle découle le montant du prétendu trop perçu ne font pas l’objet de contestations.

A l’appui de son appel, l’Etat soutient que la Cour de Justice des Communautés Européennes, ayant eu à statuer sur une question préjudicielle, avait seulement décidé que le fait qu’un salarié est contribuable résident pendant une partie de l’année seulement ne permet pas à une législation fiscale de lui refuser la restitution des retenues d’impôt sur les salaires. Il est soutenu que la Cour n’aurait nullement décidé que le droit communautaire interdisait à un Etat membre de tenir compte, pour la détermination d’un trop perçu, de la situation pendant le reste de l’année ou de réserver la compétence en cette matière à des organes spécialisés.

L’Etat fait valoir que, « si l’article 154 (6) LIR interdit au bureau d’imposition, auquel incombent les imputations sur la cote d’impôt (§153 AO), d’ordonner la restitution de la différence entre l’impôt retenu sur les salaires mensuels et l’impôt résultant du barème de l’impôt sur le revenu de l’année, c’est que dans l’hypothèse d’un transfert de domicile international en cours d’année les deux éléments ne sont pas comparables et que d’autre part, l’article 154 (6) LIR ne tend pas à refuser toute restitution dans un tel cas. En effet le texte n’excluerait pas la restitution de l’indu, qui incombe au receveur (§152 alinéa 1er AO), il ne préjugerait surtout pas de la restitution en équité (§131 AO), qui incombe au directeur en compétence liée chaque fois qu’en raison de circonstances extérieures au champ d’application de la loi d’impôt, spécialement un revenu moindre pendant le reste de l’année, la perception légale constitue une rigueur. » L’Etat soutient encore que le refus du bureau d’imposition est critiqué à tort, alors surtout que le bureau d’imposition indiquait au contribuable la voie à suivre pour faire valoir ses droits si les retenues lui paraissaient disproportionnées à ses facultés de l’année.

A titre subsidiaire, l’appelant conclut à la réformation du jugement en ce qu’il a décidé que la dame … avait droit à demander la restitution de sommes retenues à titre d’impôt sur les salaires du sieur …, alors que l’impôt ne pourrait être restitué qu’à celui pour le compte duquel il a été payé ou à ses ayants cause, sans préjudice des droits civils d’autrui qui ne seraient cependant pas de la compétence des autorités et juridictions fiscales.

En leur mémoire du 23 septembre 1999, les intimés concluent à la confirmation, pour les motifs des premiers juges, du jugement entrepris.

Les intimés déclarent relever appel incident contre le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté leur demande en allocation d’intérêts légaux sur la somme dont la restitution a été ordonnée, ceci au motif que l’administration, en cas de retard de paiement dans le chef du contribuable, demanderait des intérêts de retard.

Les intimés concluent enfin à la confirmation du jugement sur le point entrepris par l’appel en ce que la procédure du recours a été admise dans le chef des deux époux. A titre subsidiaire, quant à ce chef de l’appel, ils concluent à voir ordonner la restitution des fonds redus au profit du seul sieur … ….

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Considérant que l’appel a été interjeté dans les formes et délai de la loi ;

Qu’il est dès lors recevable ;

Considérant qu’il résulte du bulletin de l’impôt sur le revenu dressé en cause que les retenues effectuées par l’employeur de … … ont dépassé de 260.753.- l’impôt dû pour l’année 1994, ceci du fait que, à partir du 1er septembre 1994, l’intéressé a cessé son activité de salarié au Grand-Duché de Luxembourg et est parti pour l’étranger ;

Considérant que ledit bulletin mentionne à titre d’ « Erläuterung » que le montant de 260.753.-

francs est « non remboursable en vertu de l’article 154 al.6 L.I.R » ;

qu’il y est dit encore que « les retenues disproportionnées au revenu global de l’année sont restituables en équité par la voie de juridiction gracieuse du directeur des Contributions sur simple demande justifiant de tous les revenus et dépenses à l’étranger pendant l’année considérée » ;

Considérant que, suite à l’émission du bulletin d’impôt et à l’information sur les motifs de la décision de non-restitution y incluse, les époux …-…, par leur mandataire, se sont, le 3 mai 1996, adressés au directeur de l’administration pour demander la restitution du montant de 260.753.- francs;

Que dans la lettre en question, les intéressés expliquent que le sieur … … a quitté le Luxembourg en septembre 1994 pour s’installer à Londres, Royaume-Uni ;

Qu’ils invoquent à titre de jurisprudence un arrêt du Comité du Contentieux du Conseil d’Etat du 24 mars 1992 qui a décidé que l’article 154-6 de la loi sur l’impôt sur le revenu, qui dispose que « les retenues d’impôt sur les traitements et salaires opérées à charge des salariés qui sont contribuables résidents pour une partie de l’année seulement, parce qu’ils s’établissent au pays ou parce qu’ils quittent le pays en cours d’année restent acquises au trésor et ne peuvent être sujettes à restitution » est contraire au droit communautaire et notamment à l’article 48, paragraphe 2, du Traité de Rome qui garantit la libre circulation des travailleurs dans la Communauté Européenne ;

Considérant que pour autant que de besoin les intéressés ont joint à leur demande en restitution les pièces justificatives des revenus et dépenses de … … à l’étranger ;

Que la lettre demande encore d’accorder sur le montant réclamé les intérêts légaux depuis le 8 février 1996, date de la notification du bulletin, sinon du jour de la lettre visée ;

Considérant que le jugement entrepris a dit que les intimés ont droit à la restitution de la somme de 260.753.- francs sur base du moyen de droit invoqué et par référence d’un arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes n° C-175/88 du 8 mai 1990, tout en rejetant la demande en paiement d’intérêts de retard ;

Considérant que, comme il est détaillé dans le préambule du présent arrêt, l’Etat du Grand-

Duché fait plaider que l’interprétation donnée à l’arrêt de la Cour de Justice va au-delà de sa portée effective; que notamment l’article 154-6 LIR ne tendrait pas à refuser toute restitution alors surtout que la disposition en question ne préjugerait pas à la restitution en équité à ordonner par le directeur sur recours gracieux, ce à quoi d’ailleurs la décision du bureau d’imposition aurait expressément attiré l’attention des intéressés ;

Considérant que la procédure gracieuse permettant une remise d’impôt en équité visée par ce moyen de l’appelant qui est plus amplement développé dans son mémoire de première instance est celle prévue par l’article 131(1) de la loi générale sur les impôts (AO) qui, pour l’année d’imposition 1994, disposait que le chef d’administration « kann für einzelne Fälle (…) Staatssteuern, deren Einziehung nach Länge des einzelnen Falles unbillig wäre, ganz oder zum Teil erlassen oder in solchen Fällen die Erstattung oder Anrechnung bereits entrichteter Staatssteuern verfügen » ;

Considérant que l’Etat entend s’emparer du fait qu’à sa lettre du 3 mai 1998, l’intimé avait annexé des justificatifs de ses revenus et dépenses à l’étranger qu’il aurait placé le débat dans le cadre de l’article 131-1 AO et que de ce fait, à ces yeux, l’arrêt de la Cour de Justice ne serait pas applicable en l’espèce ;

Considérant toutefois que l’arrêt précité de la Cour de Justice rendu à titre préjudiciel sur renvoi par le Comité du Contentieux du Conseil de l’Etat n’a non seulement, comme il a été retenu au jugement dont appel, déclaré contraire à l’article 48.2 du Traité de Rome la teneur de l’article 154, alinéa 6 LIR indiqué comme base de la décision de non-restitution, mais qu’il a également écarté le moyen de l’Etat voulant tirer profit de la possibilité de remise en équité sur recours gracieux ;

Que ce même argument a été jugé inopérant dans la motivation de l’arrêt C-151/94 du 26 octobre 1995 de la Cour de Justice rendu sur saisine par la Commission des Communautés Européennes dans une instance en manquement d’Etat, intentée contre le Grand-Duché de Luxembourg ;

Que cet arrêt a retenu que « la circonstance qu’il existe en droit luxembourgeois une procédure gracieuse permettant aux contribuables résidents temporaires de demander à l’administration fiscale le remboursement du trop perçu d’impôt n’est pas de nature à remédier en toute hypothèse aux conséquences discriminatoires qui résultent de l’application des dispositions nationales en cause » ; que le même arrêt porte encore « que la situation des résidents temporaires ne saurait justifier l’exclusion de cette catégorie de contribuables du bénéfice des restitutions d’impôt, sauf par la voie d’une procédure gracieuse, alors que les retenues d’impôt excédentaires sont de droit sujettes à restitution en faveur des résidents permanents » ;

Considérant que dès lors tant la disposition de l’article 154, alinéa 6 LIR telle qu’en vigueur pour l’année d’imposition 1994 en elle-même que son atténuation par le biais de l’article 131(1) AO tel qu’en vigueur à la même époque sont à considérer comme contraire au droit communautaire, donc inapplicables, et que les textes en question ne sauraient motiver la non-

restitution de l’impôt perçu en trop dans les circonstances de la présente cause ;

Qu’il s’ensuit que l’appel est à rejeter en sa première branche et que le jugement est à confirmer sur ce point ;

Considérant que le jugement est encore attaqué en ce que la demande originaire a été déclarée fondée dans le chef des époux …-… alors que l’impôt ne saurait être restitué qu’à celui pour le compte duquel il a été payé ou à ses ayants cause ; qu’il est à ce propos conclu à l’irrecevabilité de la demande originaire en ce qu’elle émane de la dame … ;

que les intimés concluent au débouté de ce chef de l’appel, le bulletin d’impôt ayant été notifié aux deux époux qui seraient censés se donner mutuellement mandat pour la gestion du patrimoine de la communauté ;

qu’à titre subsidiaire, les intimés se déclarent d’accord à voir dire que la restitution doit se faire au profit du seul … … ;

Considérant que malgré l’imposition collective des deux époux, le mari et la femme sont à considérer comme deux contribuables distincts ;

que de ce fait, le droit au remboursement d’impôts perçus excédentairement n’appartient qu’à celui des époux pour le compte duquel l’impôt a été payé ;

qu’il échet dès lors de dire que la dame …-… n’avait pas qualité pour agir en cause et que son action est à déclarer irrecevable ;

que le jugement entrepris est à réformer sur ce point ;

Considérant que les intimés déclarent relever appel incident contre le jugement entrepris en ce qu’il ne leur a pas alloué d’intérêts sur la somme dont il a été décidé qu’elle est sujette à restitution ;

que l’appel incident est recevable et d’ailleurs non autrement critiqué en la forme ;

que par les motifs des premiers juges, la Cour déclare la demande en allocation d’intérêts non fondée et confirme le jugement sur ce point.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant contradictoirement ;

reçoit les appels tant principal qu’incident en la forme ;

déclare l’appel principal partiellement fondé ;

réformant, déclare la demande originaire irrecevable dans le chef de la dame …-… ;

déclare l’appel incident non fondé et en déboute ;

pour le surplus confirme le jugement dont appel ;

fait masse des dépens de l’instance d’appel et les impose pour moitié à chacune des parties.

Ainsi jugé par Messieurs Georges KILL, président, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur, Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny MAY.

Le greffier en chef Le président 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11352C
Date de la décision : 23/12/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;1999-12-23;11352c ?

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