GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11472 C Inscrit le 17 août 1999
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Audience publique du 21 décembre 1999 Recours formé par … DIAS contre l’administration des Contributions directes en matière de classe d’impôt - Appel -
(Jugement entrepris n°du rôle 10360 du 8 juillet 1999)
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Vu la requête déposée au greffe de la Cour administrative le 17 août 1999 par laquelle Maître David TRAVESSA-MENDES, avocat à la Cour, au nom d’… DIAS, …, demeurant à L-…, a relevé appel d’un jugement du tribunal administratif du 8 juillet 1999 ayant déclaré non fondé le recours en réformation d’une décision du bureau RTS le rangeant dans la classe d’impôt I;
Vu l’acte de signification de ladite requête d’appel à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg représenté par son ministre d’Etat par exploit d’huissier Marc GRASER du 13 août 1999;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 6 décembre 1999;
Vu le mémoire en réplique de Maître David TRAVESSA-MENDES déposé au greffe de la Cour administrative le 6 décembre 1999;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;
Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport, Maître Alexandra CORRE en remplacement de Maître David TRAVESSA-MENDES et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.
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Par requête inscrite sous le numéro du rôle 10360 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 octobre 1997 par Maître David TRAVESSA MENDES, avocat à la Cour, … DIAS, …, demeurant à L-…, a demandé la réformation sinon l’annulation d’une décision du bureau RTS Luxembourg 3 du 14 mars 1995 le rangeant dans la classe d’impôt I et, à titre subsidiaire, une remise gracieuse d’impôts.
Le tribunal administratif, par décision du 8 juillet 1999, a déclaré le recours irrecevable dans la mesure où il tendait à une remise gracieuse d’impôts, s’est déclaré compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre une décision du bureau RTS rangeant DIAS dans la classe d’impôt I, a reçu ce recours en réformation en la forme, au fond l’a déclaré non fondé et en a débouté.
Il a finalement déclaré le recours en annulation irrecevable, dans la mesure où il est dirigé contre une décision du bureau RTS rangeant DIAS dans la classe d’impôt I.
… DIAS a relevé appel de ce jugement moyennant dépôt au greffe de la Cour administrative le 17 août 1999 d’une requête préalablement signifiée, au motif que le jugement entrepris lui cause torts et griefs.
Le requérant rappelle qu’il est marié depuis le 28 avril 1989 à …, également de nationalité portugaise, laquelle est entrée au service des institutions des Communautés Européennes en date du premier octobre 1986 et a pris sa résidence à Luxembourg dès le 2 octobre 1986, date depuis laquelle les époux vivent de manière permanente au Luxembourg, et qu'ils y gagnent l'intégralité de leurs revenus, ni l'un, ni l'autre des époux ne disposant de revenus propres dans un pays autre que le Luxembourg, de sorte que le centre des intérêts vitaux du ménage se trouve au Luxembourg.
L’appelant reproche aux premiers juges, après avoir retenu que l'épouse du requérant remplit les conditions de contribuable résident telles que définies aux articles 2 et 3 LIR, d’avoir écarté à tort cette qualité sur base de l’article 14 du Protocole sur les Privilèges et Immunités des Communautés européennes (PPI) prévoyant que les fonctionnaires des Communautés, qui, en raison uniquement de l'exercice de leurs fonctions au service des Communautés, établissent leur résidence sur le territoire d'un pays membre autre que le pays du domicile fiscal qu'ils possèdent au moment de leur entrée au service des Communautés, sont considérés comme ayant conservé leur domicile dans le pays initial.
Contrairement au raisonnement du Tribunal administratif, ce ne serait pas l'article 14 du PPI qui serait déterminant en l'espèce, mais les articles 2 et 3 LIR.
En créant, par le critère de résidence, une discrimination à l'égard des étrangers, respectivement en plaçant ces derniers dans une situation fiscale nettement moins favorable comparativement aux résidents luxembourgeois, partant, et dans la plupart des cas comparativement aux Luxembourgeois eux-mêmes, les articles 2 et 3 LIR porteraient atteinte à la libre circulation des travailleurs qui ne peuvent dès lors pas tirer profit de ce principe de libre circulation sans être pénalisés fiscalement par la suite en raison de leur classement dans la classe d'impôt 1.
L’appelant demande en ordre principal de soumettre à la Cour de Justice des Communautés Européennes la question préjudicielle suivante:
2 « L'article 3 LIR aux termes duquel " Sont imposés collectivement les époux qui au début de l'année d'imposition sont contribuables résidents et ne vivent pas en fait séparés en vertu d'une dispense de la loi ou de l'autorité judiciaire et l'article 2 LIR aux termes duquel "Les personnes physiques sont considérées comme contribuables résidents ou comme contribuables non-
résidents, suivant qu'elles ont ou qu'elles n'ont pas leur domicile fiscal ou leur séjour habituel au Grand-Duché", ne sont-ils pas contraires à l'article 7 alinéa premier et à l'article 48 du Traité instituant la Communauté Économique Européenne », Il demande par ailleurs de dire, par réformation, que la partie requérante est à inscrire dans la Classe d'impôt Il pour l'année d'imposition 1995 et doit bénéficier pour l'impôt sur le revenu de la même année du barème de la classe d'impôt 2.
Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 6 décembre 1999 dans lequel il souligne que l'appelant, n’ayant pas abouti dans son argumentation initiale, critiquerait actuellement que les articles 2 et 3 LIR, en subordonnant l'imposition collective d'un contribuable résident à la condition que son conjoint soit lui aussi contribuable résident, poserait une condition de résidence contraire aux articles 6 et 48 du Traité CE.
Comme l'article 14 du Protocole sur les Privilèges utiliserait lui-même le critère de la résidence aux fins de l'impôt sur le revenu et des conventions contre la double imposition, où le domicile fiscal décide de l'obligation illimitée ou restreinte, ni cette dernière distinction ni le critère de la résidence, qui figurent à l'article 2 LIR, ne seraient contraires au droit communautaire ( CJCE 1 février 1995 Schumacker, C-279/93 points 31 et 32).
Par ailleurs, l'idée même que l'imposition collective est un avantage serait fausse.
L'imposition collective ne paraîtrait avantageuse à l'appelant que parce que le traitement de son conjoint n'est pas seulement exonéré et n'entre donc pas dans l'assiette de l'impôt, mais bénéficie en outre de la jurisprudence Humblet (CJCE 16 décembre 1960 Roc. p. 1125; adde 1 14 octobre 1999 Vander Zwalmen C-229-98) et ne peut même pas servir, conformément à l'article 134 LIR, à déterminer le taux de l'impôt luxembourgeois.
Ce ne serait donc pas la liaison à l'article 3 LIR entre la double résidence dans le pays et l'imposition collective qui serait la source d'un désavantage pour l'appelant, mais le fait qu'il ne se trouve pas dans une situation dans laquelle il pourrait pleinement profiter des avantages résultant du régime fiscal particulier des traitements communautaires.
L’appelant a encore déposé un mémoire en réplique le 6 décembre 1999 dans lequel il renvoie à un certain nombre de jurisprudences de la Cour de Justice des Communautés.
C’est à bon droit et pour des motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont estimé que … DIAS ne peut bénéficier de la classe d’impôt II.
Pour arriver à cette conclusion, le tribunal administratif a suivi un raisonnement auquel la Cour se rallie d’après lequel … est à considérer comme non résidente en vertu des dispositions de l’article 14 du Protocole sur les Privilèges et Immunités des Communautés européennes (PPI) qui constitue une norme hiérarchiquement supérieure aux législations fiscales nationales des pays membres qui doivent s’y conformer.
Cet article dispose que « Pour l'application des impôts sur le revenu (…) les fonctionnaires et autres agents des Communautés, qui, en raison uniquement de l’exercice de leurs fonctions au service des institutions des Communautés Européennes, établissent leur résidence sur le 3 territoire d’un Etat membre autre que le pays du domicile fiscal qu’ils possédaient au moment de leur entrée au service des institutions des Communautés Européennes, sont considérés tant dans leur pays de résidence que dans le pays du domicile fiscal, comme ayant conservé leur domicile dans ce dernier pays si celui-ci est membre des Communautés ».
Ce texte n’admet pas de dérogations à ce principe étant destiné à garantir à tous les fonctionnaires des Communautés un traitement identique consistant dans une immunité fiscale sur le revenu tout en conservant leur domicile dans le pays de leur domicile fiscal.
C’est à bon droit que les premiers juges sont parvenus à la conclusion que l’article 3 a) LIR ne saurait s’appliquer face à une personne considérée comme non résidente en vertu d’une disposition du droit communautaire dont le plein effet doit être assuré.
L’appelant ne peut valablement soutenir que ce raisonnement serait contraire aux articles 7 (actuellement article 6) et 48 du Traité de la CEE interdisant toute discrimination exercée en raison de la nationalité alors que les textes analysés ne contiennent ni discrimination ouverte ni discrimination cachée en se basant exclusivement sur une critère de résidence fixé d’après des règles communautaires spéciales.
L’appel n’est donc pas fondé et il échet d’en débouter.
Par ces motifs La Cour, statuant contradictoirement;
reçoit l’appel en la forme;
le déclare non-fondé et en déboute;
partant confirme le jugement du 8 juillet 1999;
condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance;
Ainsi jugé par:
Marion Lanners, vice-présidente Christiane Diederich-Tournay, conseiller Marc Feyereisen, conseiller-rapporteur et lu par la vice-présidente Marion LANNERS, en audience publique à Luxembourg, au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
le greffier la vice-présidente 4