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21/12/1999 | LUXEMBOURG | N°11460C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 21 décembre 1999, 11460C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11460C Inscrit le 12 août 1999 Audience publique du 21 décembre 1999 Recours formé par … Muller, … contre 1) le ministre d’Etat et 2) le ministre de la Culture en matière de discipline - Appel -

(Jugement entrepris du 12 juillet 1999, n° du rôle 11222) Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 12 août 1999 par Maître Luc Schaack, avocat à la Cour, au nom de … Muller, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à …, contre un jugement rendu en matière de discipline par le tribunal ad

ministratif à la date du 12 juillet 1999 à la requête de … Muller contre une décisio...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11460C Inscrit le 12 août 1999 Audience publique du 21 décembre 1999 Recours formé par … Muller, … contre 1) le ministre d’Etat et 2) le ministre de la Culture en matière de discipline - Appel -

(Jugement entrepris du 12 juillet 1999, n° du rôle 11222) Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 12 août 1999 par Maître Luc Schaack, avocat à la Cour, au nom de … Muller, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à …, contre un jugement rendu en matière de discipline par le tribunal administratif à la date du 12 juillet 1999 à la requête de … Muller contre une décision du ministre de la Culture.

Vu la signification dudit acte d’appel par exploit d’huissier Guy Engel de Luxembourg à la date du 9 août 1999 à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg pris en la personne de son ministre d’Etat et pour autant que de besoin de son ministre de la Culture.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 3 novembre 1999 par Maître Jean Hoss, avocat à la Cour, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par le Président du Gouvernement et pour autant que de besoin le ministre de la Culture.

Vu la signification dudit mémoire en réponse par exploit d’huissier Alex Mertzig de Diekirch à la date des 19 et 25 octobre 1999.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris du 12 juillet 1999.

Ouï la vice-présidente en son rapport et Maîtres Luc Schaack, Jean Hoss ainsi que Patrick Santer en leurs observations orales.

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La partie … Muller a été nommée directeur de la Bibliothèque Nationale par arrêté grand-ducal du 14 avril 1997.

1 Suite à un audit sur le fonctionnement de la Bibliothèque Nationale, le premier conseiller de Gouvernement X. a été délégué pour procéder à l’encontre de l’appelant à une instruction préalable dans le cadre du régime disciplinaire des fonctionnaires et par règlement grand-ducal du 3 août 1998, une commission de surveillance a été instituée auprès de la Bibliothèque Nationale.

Après avoir pris connaissance du projet de rapport X. destiné au ministre de la Culture, l’appelant prit position par lettre du 25 décembre 1998.

Après une entrevue qui eut lieu le 17 mars 1999 entre le ministre de la Culture et l’appelant, assisté de son conseil juridique, l’appelant a vu prononcer à son encontre par arrêté ministériel du 19 mars 1999 la suspension de ses fonctions de directeur de la Bibliothèque Nationale avec effet immédiat, le ministre se référant notamment à l’instruction disciplinaire ordonnée à l’encontre de l’appelant le 31 juillet 1998, au procès-verbal de l’entrevue du 17 mars 1999 et à un arrêté grand-ducal du 19 mars 1999 portant transmission du dossier au Conseil de discipline.

Par jugement du 12 juillet 1999, le tribunal administratif a débouté l’actuel appelant de son recours en réformation de l’arrêté ministériel de suspension du 19 mars 1999.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 12 août 1999 et signifiée le 9 août, Maître Luc Schaack, au nom de … Muller, a relevé appel du jugement du 12 juillet 1999 en développant les mêmes moyens que ceux exposés en première instance, à savoir: nullité de l’arrêté ministériel du 19 mars 1999 pour défaut de motifs, en raison de la participation de la Commission de surveillance à la procédure disciplinaire, non-respect du contradictoire, extension de l’enquête administrative, absence d’instruction à charge et à décharge, renversement de la charge de la preuve. En droit, Maître Schaack analyse l’article 48 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat et l’application du principe de proportionnalité.

L’appelant réclame une indemnité de procédure de l’ordre de 750.000.- francs.

Maître Jean Hoss a répondu pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg par un mémoire déposé au greffe de la Cour administrative le 3 novembre 1999, mémoire dans lequel il analyse et réfute tous les arguments développés par la partie appelante et demande la confirmation du jugement entrepris.

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Recevabilité de l’appel Le recours au tribunal administratif étant prévu à l’article 54.2. de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, la Cour est compétemment saisie par la voie de l’appel en application de l’article 2.(3) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, loi applicable au recours introduit le 29 mars 1999, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

L’article 54.2. de la loi modifiée du 16 avril 1979 énonce que la juridiction saisie statue comme juge du fond.

2 Objet de l’appel La partie appelante précise qu’ « il est exact que le présent recours est dirigé contre l’arrêté ministériel de suspension » du 19 mars 1999, mais qu’ « il n’en reste pas moins que la nullité de la procédure disciplinaire privera la suspension de la base première sur laquelle elle repose » pour soumettre à la Cour certains moyens tirés de la procédure disciplinaire.

A défaut de décision sur une procédure disciplinaire toujours en cours et à fortiori à défaut de recours possible contre une telle décision future, la Cour examine les moyens de fait et de droit avancés contre l’arrêté ministériel de suspension du 19 mars 1999 sur base de l’article 54.2. de la loi du 16 avril 1979 aux termes duquel « le fonctionnaire…suspendu conformément à l’article 48 paragraphe 1, peut, dans les trois mois de la notification de la décision, prendre recours au tribunal administratif… » Notion de sanction La partie appelante qualifie la mesure de suspension prise de mesure de sanction pour en tirer des arguments juridiques en sa faveur.

Cette même partie se référant dans son acte d’appel à des jurisprudences se rapportant à des mesures de suspension prises à titre de sanctions disciplinaires à l’issue de procédures disciplinaires, il y a lieu de rappeler que l’appelant a fait l’objet d’une suspension - mesure d’ordre préalable à la procédure disciplinaire prévue à l’article 48 de la loi du 16 avril 1979 et qu’il n’a pas fait l’objet d’une des « sanctions disciplinaires » prévues à l’article 47 de la loi précitée, sanctions parmi lesquelles ne figure par ailleurs pas de mesure de suspension proprement dite, mais sub.9 « l’exclusion temporaire des fonctions » et sub 11 « la révocation ».

Après avoir développé son argumentation notamment à la page 5 du jugement entrepris le tribunal, pour de justes motifs auxquels la Cour se rallie, a retenu à bon droit le principe que la suspension prévue à l’article 48 de la loi du 16 avril 1979 ne constitue pas une sanction et n’a en l’occurrence pas de caractère pénal.

En effet, les auteurs et la jurisprudence, tant français que belges et luxembourgeois, sont unanimes pour dire que la suspension, mesure d’ordre, n’est pas une sanction, mais une mesure d’urgence à caractère conservatoire. (Chapus, dr. Adm. gén.t.2, 5ème éd., p.274 ; Bauler et Moyse, le droit de la fonction publique lux., p.231 et 232 ; CE belge 8 mai 1985 Suinen ; CE lux. 17.12.1980).

Quant au moyen tiré du défaut de motivation de la décision entreprise La Cour fait siens les développements du tribunal figurant aux pages 6, 7 et 8 du jugement qui amènent à la conclusion que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes n’est pas applicable à une mesure de suspension, mesure d’ordre de nature provisoire et à caractère conservatoire, la nomination de l’intéressé étant seulement suspendue dans ses effets sans être mise en cause ni modifiée.

3 Le tribunal a encore dit à juste titre que les arguments avancés par l’intéressé en vue du maintien à son poste lors d’une entrevue avec le ministre de la Culture à la date du 17 mars 1999, ne sont pas à considérer comme demande au sens du premier tiret de l’alinéa 2 de l’article 6 précité, alors qu’ils ont été présentés avant la décision de suspension pour éviter la mesure prise par la suite.

Quant au moyen tiré de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le tribunal a encore décidé à bon droit que le moyen de l’appelant tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 3, point a) de la Convention européenne des droits de l’homme est à rejeter, alors que la décision de suspension ne constitue pas une sanction prise à la suite d’une « accusation », mais une mesure provisoire, conservatoire et urgente. Il découle également de cette circonstance que la décision de suspension ne doit pas formellement indiquer les motifs.

La Cour, tout comme le tribunal, n’a pas à examiner les moyens de la partie appelante tirés de la régularité de la procédure disciplinaire (nullité ab initio de la procédure, non respect du contradictoire, extension de l’enquête administrative, absence d’instruction à charge et à décharge, charge de la preuve) le recours dont la Cour se trouve actuellement saisie concernant, comme il a été dit plus haut, la seule mesure de suspension, mesure préalable à la procédure disciplinaire.

Quant au moyen tiré de l’absence de faute susceptible d’entraîner une sanction disciplinaire grave L’article 48 de la loi de 1979 prévoit une suspension facultative « à l’égard du fonctionnaire poursuivi judiciairement ou administrativement ». La procédure disciplinaire contre l’appelant ayant débuté le 31 juillet 1998 et la mesure de suspension ayant été prise le 19 mars 1999, les conditions légales en vue d’une suspension facultative se trouvent remplies en l’espèce.

Les premiers juges ont à juste titre déduit de l’analyse et du rapprochement des articles 48, paragraphe 1, 52, al. 1er et 56, troisième al. du paragraphe 3 de la loi du 16 avril 1979 que le ministre du ressort est l’autorité compétente en vue de la prise d’une décision de suspension, que la gravité de la sanction et par ricochet de la faute a seulement une influence sur l’autorité compétente en vue de la prise de décision et qu’une décision de suspension peut être prise en l’absence de toute faute grave.

La Cour adopte par conséquent la conclusion du tribunal énonçant que la gravité de la faute susceptible d’être commise par un fonctionnaire n’est pas un élément déterminant en vue de justifier une décision de suspension, mais qu’elle constitue l’un des éléments de nature à être pris en considération par l’autorité compétente, en l’absence de critères légaux à cet égard.

Le tribunal a longuement et correctement exposé les reproches résultant des pièces versées en cause à l’encontre de l’actuel appelant en précisant à juste titre qu’il n’appartient pas, au stade actuel de la procédure, aux juridictions administratives d’apprécier le bien-fondé de tels reproches, et en concluant à bon droit que le principe de la proportionnalité n’a pas été lésé et que le ministre de la Culture a pris à bon droit une mesure de suspension.

La demande de l’appelant à voir ordonner sa « réintégration immédiate » est partant non fondé et le jugement entrepris est à confirmer.

4 Une procédure disciplinaire est censée aboutir à un non-lieu ou à une sanction disciplinaire.

Compte tenu de la circonstance qu’il ne résulte d’aucun élément du dossier que la procédure disciplinaire n’avance pas normalement, la demande subsidiaire de l’appelant à voir limiter l’effet de la suspension dans le temps, toisée implicitement par le tribunal, est également à rejeter comme non fondée.

Compte tenu de l’issue du litige, la demande de la partie appelante en allocation d’une indemnité de procédure est à abjuger.

PAR CES MOTIFS, la Cour, statuant contradictoirement ;

reçoit l’acte d’appel du 12 août 1999 ;

le dit non fondé et en déboute ;

partant confirme le jugement du 12 juillet 1999 dans toute sa teneur ;

dit non fondée la demande subsidiaire de voir limiter la mesure de suspension dans le temps et en déboute ;

condamne la partie appelante aux frais de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par Marion LANNERS, vice-présidente, rapporteur, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

Le greffier La vice-présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11460C
Date de la décision : 21/12/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;1999-12-21;11460c ?

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