GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11451C Inscrit le 6 août 1999 Audience publique du 14 décembre 1999 Recours formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre … Geiben en matière de discipline - Appel -
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 6 août 1999 par le délégué du Gouvernement Gilles Roth en exécution d’un mandat du ministre des Finances du 5 août 1999 contre un jugement rendu en matière de discipline par le tribunal administratif à la date du 1er juillet 1999 à la requête de … Geiben, qualifié ci-après, contre le ministre des Finances;
Vu la signification dudit acte d’appel par exploit d’huissier Pierre Kremmer à la date du 6 août 1999;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 26 août 1999 par Maître Gaston Vogel, avocat à la Cour, au nom de … Geiben, fonctionnaire des Douanes, domicilié à L-…;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris du 1er juillet 1999;
Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport et le délégué du Gouvernement Gilles Roth ainsi que Maître Gaston Vogel en leurs observations orales.
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Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 octobre 1998, Maître Gaston Vogel, au nom de … Geiben, fonctionnaire des Douanes, demeurant à L-…, a demandé principalement l’annulation et subsidiairement la réformation d’un arrêté grand-ducal du 17 août 1998 lui ayant infligé la sanction disciplinaire de la révocation.
Par jugement rendu contradictoirement en date du 1er juillet 1999, le tribunal administratif a déclaré le recours en annulation irrecevable, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond l’a déclaré partiellement justifié, partant il a annulé l’arrêté grand-ducal du 17 août 1998 et par réformation, il a infligé à … Geiben la sanction disciplinaire de l’exclusion temporaire des 1 fonctions avec privation totale de la rémunération, pour une période de 6 mois, avec effet au 17 août 1998 et a renvoyé le dossier au Ministre des Finances pour prosécution.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 6 août 1999 et signifiée à la même date à … Geiben, le délégué du Gouvernement, déclarant agir en vertu d’un mandat du ministre des Finances en date du 5 août 1999, a relevé appel du jugement précité.
Il soutient que les premiers juges ont estimé à tort que la sanction de la révocation était disproportionnée par rapport aux faits commis, alors qu’il est reproché à … Geiben d’avoir commis un faux en écritures en certifiant sur le volet réservé à l’Administration du formulaire 446-L que la T.V.A. due en raison de l’acquisition intra-communautaire du moyen de transport désigné a été acquittée, et qu’il s’est servi de ce faux pour faire immatriculer sa voiture sans paiement de la T.V.A redue, en se déchargeant, lors de l’enquête disciplinaire, sur son épouse de nationalité polonaise.
Il souligne que les faits reprochés à Geiben constituent un manquement extrêmement grave à ses devoirs d’inspecteur des Douanes et mettant en cause la crédibilité de toute une administration étatique.
Le délégué du Gouvernement conclut en demandant à la Cour de confirmer la sanction de la révocation telle que proposée par le Conseil de discipline et retenue dans l’arrêté grand-ducal du 17 août 1999, et à titre subsidiaire d’appliquer la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle ou disqualification morale.
Dans un mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 26 août 1999, l’intimé … Geiben reconnaît avoir été fautif mais conteste l’intention dolosive qu’on lui prête, alors qu’il n’a pas fait l’objet d’une procédure répressive, le Parquet ayant dû admettre un doute substantiel quant à l’élément de dol spécial. Il fait valoir qu’en vingt ans de service il n’a jamais eu à faire face à une quelconque procédure disciplinaire et qu’au moment des faits, il souffrait d’une dépression nerveuse nécessitant son hospitalisation.
Il demande la confirmation de la décision du tribunal administratif du 1er juillet 1999 dans toute sa teneur.
L’appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi, et est circonscrit à la décision des premiers juges d’avoir estimé que la sanction de la révocation était disproportionnée par rapport aux faits reprochés à … Geiben.
Il est établi, et par ailleurs non contesté, alors que l’intimé reconnaît avoir été fautif, que le 14 octobre 1996, Geiben, inspecteur au bureau des Douanes et Accises à Luxembourg-Aéroport, a établi et signé un document n° 446-L, intitulé « déclaration T.V.A. en matière d’acquisition intracommunautaire de moyens de transport neufs » en sa qualité de propriétaire du véhicule à importer, et que dans le cadre réservé à l’administration, il y avait l’indication que « la T.V.A.
due en raison de l’acquisition intracommunautaire du moyen de transport désigné ci-avant a été acquittée », le volet à conserver par le déclarant contenant en outre une indication dactylographiée en vertu de laquelle un montant de 147.275.- francs avait été acquitté.
Sur la demande en obtention d’une carte d’immatriculation à remettre à la société Nationale de Contrôle Technique, il est fait référence à une déclaration de T.V.A. en matière d’acquisition 2 intracommunautaire de moyens de transport neufs portant le numéro 446-L numéro 469 du 14 octobre 1996.
Suite à une demande de contrôle à posteriori émise par la Société Nationale de Contrôle Technique due à une divergence de numéros entre les deux formulaires ci-avant évoqués, la direction de l’administration des Douanes a été informée par le receveur des Douanes et Accises à Luxembourg-Aéroport qu’un montant de 147.275.- francs n’avait pas été acquitté au cours du mois d’octobre 1996 en indiquant qu’aucune inscription dans ce sens n’aurait été portée dans les registres de la perception.
Malgré une lettre datée du 11 novembre 1996 de l’épouse de … Geiben, …, par laquelle elle s’excusait de sa négligence ayant eu pour conséquence le défaut de paiement du montant de la T.V.A. relative à l’importation du véhicule de son mari en expliquant que son mari l’aurait chargée du paiement en question et qu’il aurait pu penser de bonne foi que ledit montant aurait été réglé par elle dans les délais requis, et une lettre séparée également du 11 novembre 1996 de la part de … Geiben dans laquelle il s’excuse auprès de l’agent-enquêteur du paiement tardif de la T.V.A. en joignant un ordre de virement en vue du règlement de la somme de 147.275.-
francs au titre de la T.V.A. à payer en vertu de la déclaration 446-L, Geiben a été suspendu de l’exercice de ses fonctions le 13 décembre 1996.
Après avoir été convoqué à plusieurs reprises, Geiben se présenta devant le conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, sans prendre position quant au fond. Lors de l’audience du 10 mars 1998, ce dernier proposa de révoquer Geiben de sa fonction, décision qui fut confirmée par l’arrêté grand-ducal du 17 août 1998.
Même si Geiben n’a pas pris position quant au fond, sur les conseils de son avocat, lors de sa comparution devant le conseil de discipline, c’est à juste titre que les premiers juges ont estimé qu’il avait été à même d’assurer utilement la défense de ses intérêts au cours de la procédure qui s’est déroulée devant le conseil de discipline, étant donné qu’il ressort du dossier administratif qu’il a pu avoir une connaissance complète non seulement de la nature, mais également de la cause de l’accusation portée contre lui.
C’est à bon droit que l’arrêté grand-ducal du 17 août 1996 reproche à Geiben de s’être rendu coupable d’un faux en écriture en établissant pour son propre compte et en son propre nom une déclaration T.V.A. en matière d’acquisition intracommunautaire de moyens de transport neufs, à savoir le document 446-L, en le revêtant des cachets officiels du bureau D/A de Luxembourg-Aéroport et en certifiant l’acquittement de la T.V.A. due par l’apposition de sa signature dans la case du document réservée à cet usage pour usage administratif, sans avoir en fait acquitté cette taxe à la caisse du bureau précité.
Les faits sont d’autant plus graves que l’intimé était parfaitement au courant des procédures administratives internes et qu’il s’est procuré un avantage personnel en abusant de sa fonction.
Ces agissements constituent un manquement très grave aux devoirs du fonctionnaire, dénotant un comportement irresponsable et malhonnête qui ôte toute crédibilité à … Geiben, le mettant dans l’impossibilité de reprendre ses fonctions, surtout au niveau élevé de la hiérarchie où il était parvenu.
Cependant, compte tenu du fait que pendant vingt ans Geiben a rempli correctement sa fonction, la Cour estime qu’il échet dès lors de lui appliquer une peine mieux adaptée aux 3 circonstances de fait, et par ailleurs demandée à titre subsidiaire par l’Etat, celle de la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle ou disqualification morale, la faute commise par Geiben revêtant tant le caractère d’une inaptitude professionnelle que d’une disqualification morale.
P a r c e s m o t i f s la Cour administrative, statuant contradictoirement;
reçoit l’appel en la forme;
au fond, le déclare justifié et par réformation inflige à … Geiben la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle et disqualification morale;
renvoie le dossier au ministre des Finances en prosécution de cause;
laisse les frais de l’instance d’appel à charge de l’intimé.
Ainsi jugé par Marion LANNERS, vice-présidente, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, rapporteur, Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par le conseiller Christiane DIEDERICH-TOURNAY, délégué à cette fin, en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
Le greffier La vice-présidente 4