GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10484C Inscrit le 31 décembre 1997 Audience publique du 19 octobre 1999 Recours formé par … GASHI et X.
contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel (jugement entrepris du 27 novembre 1997, n° du rôle 9887)
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Vu l’arrêt avant dire droit de la Cour administrative du 10 mars 1998;
Vu le mémoire supplémentaire déposé par le délégué du Gouvernement le 2 septembre 1999 au greffe de la Cour administrative;
Vu le mémoire supplémentaire déposé par Maître Luc Tecqmenne, avocat à la Cour, au greffe de la Cour administrative le 27 septembre 1999 aux noms des appelants ;
Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport supplémentaire, Maître Luc Tecqmenne et le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs observations orales.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 avril 1997, Maître Roy Nathan, au nom des époux … Gashi-X., agissant tant en leur nom personnel qu’en leur qualité d’administrateurs légaux de leurs enfants mineurs …, a déposé un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de deux décisions du ministre de la Justice des 9 janvier et 14 mars 1997 rejetant la demande d’admission au statut de réfugié des époux précités.
Par jugement rendu en date du 27 novembre 1997, le tribunal administratif a déclaré le recours en annulation irrecevable, le recours en réformation recevable en la forme, au fond non justifié et en a débouté les requérants avec condamnation aux frais.
1 Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 31 décembre 1997 et signifiée préalablement à l’Etat du Grand-Duché du Luxembourg le 30 décembre 1997, Maître Luc Tecqmenne, avocat à la Cour, au nom des époux Gashi-X., déclarant agir tant en leur nom personnel qu’en leur qualité d’administrateurs légaux de leurs enfants mineurs précités, a relevé appel du jugement du 27 novembre 1997.
Par arrêt avant dire droit du 10 mars 1998, devant l’impossibilité de constater l’authenticité de certaines pièces du dossier, la Cour a prononcé la rupture du délibéré pour permettre au ministre de la Justice de la renseigner sur le caractère fiable du carnet de membre du L.D.K. de … Gashi et de son mandat d’arrêt émanant du tribunal de Kosovska Mitrovica ainsi que sa traduction, pièces qui furent transmises le 10 mars 1998 au ministre de la Justice.
Par lettre en date du 16 juin 1999, Maître Luc Tecqmenne a demandé à faire replaider l’affaire.
Par mémoire du 2 septembre 1999, le délégué du Gouvernement a informé la Cour que le UNHCR, en date du 3 juin 1999, a indiqué au Ministère de la Justice qu’il n’a pas les possibilités ni les moyens de vérifier l’authenticité de ces pièces, alors qu’aucun contact avec les instances judiciaires de l’ex-Yougoslavie n’existe, que néanmoins, selon les responsables du HCR de Belgrade, il n’y aurait pas d’indications apparentes mettant en cause l’authenticité desdits documents.
Quant au fond, le délégué du Gouvernement relève qu’il n’y a plus de persécutions des albanais du Kosovo par le pouvoir serbe et demande la confirmation du jugement du 27 novembre 1997.
Par mémoire du 27 septembre 1999, les appelants demandent à titre principal la refixation de l’affaire pour leur permettre d’obtenir des informations supplémentaires concernant la situation actuelle au Kosovo, à titre subsidiaire, ils font valoir que la lettre du UNHCR du 3 juin 1999 pencherait nettement vers la thèse de l’authenticité des pièces soumises à vérification, en particulier le mandat d’arrêt décerné à l’encontre de Monsieur Gashi porterait en lui-même la preuve de son authenticité et on pourrait en déduire que les appelants avaient des craintes légitimes d’être persécutés en raison de leur religion, leurs idées politiques et appartenance ethnique et qu’à l’heure actuelle, la situation reste incertaine au Kosovo.
Ils réitèrent leur demande de se voir accorder le statut de réfugié politique, tout en soulignant que la façon de diligenter la procédure ne respecte pas l’exigence du « délai raisonnable » prévu par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
En termes de plaidoiries, Maître Luc Tecqmenne a renoncé à demander la refixation de l’affaire pour lui permettre d’obtenir des informations supplémentaires concernant la situation actuelle au Kosovo, et il a présenté ensuite une offre de preuve par témoin sur la situation politique au Kosovo, offre qui est à écarter comme ayant été présentée oralement seulement après le rapport du conseiller-rapporteur.
Le délégué du Gouvernement s’est rapporté à prudence de justice en ce qui concerne les pièces versées.
2 Les juridictions administratives sont habilitées à ordonner toutes mesures d’instruction qu’elles estiment nécessaires pour la solution des litiges.
La Cour se doit de constater qu’elle n’a pas reçu les apaisements nécessaires concernant le caractère fiable des pièces versées, qu’aucune information ne lui a été communiquée au sujet du carnet de membre du L.D.K de … Gashi, que le mandat d’arrêt du 29 juillet 1997 du tribunal d’arrondissement à Kosovska Mitrovica versé en copie renseigne simplement que des poursuites pénales ont été engagées contre … Gashi pour « association d’activité hostile » et « menace de l’intégrité nationale » pouvant entraîner une condamnation à trois ans de prison, que cependant ce mandat d’arrêt n’a pas eu d’autres conséquences judiciaires, un jugement de condamnation n’ayant jamais été versé ni même évoqué.
Il appartient aux requérants d’établir avec la précision requise qu’ils remplissent les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique; en tout état de cause, un mandat d’arrêt versé en copie n’est pas suffisant pour établir dans le chef des appelants une crainte justifiée d’être persécutés pour une des raisons énoncées dans la Convention de Genève du 28 juillet 1951.
La situation générale du pays d’origine des appelants, le Kosovo, maintenant administré par un représentant de l’O.N.U., bien qu’il puisse exister encore des tensions entre des populations serbes et bosniaques n’est pas telle qu’elle soit susceptible de rendre aux appelants la vie intolérable dans leur pays d’origine, et les craintes de persécution se sont considérablement réduites.
L’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ne s’applique qu’aux contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil et aux accusations en matière pénale. Or, les litiges relatifs à l’admission et au séjour des étrangers, et notamment à l’octroi ou au retrait du statut de réfugié n’entrent dans aucune de ces deux catégories (cf.
Convention Européenne des Droits de l’Homme et contentieux administratif français par Laurent Sermet, pages 104 et 105) Le jugement dont appel est à confirmer.
P A R C E S M O T I F S, La Cour administrative, statuant contradictoirement, vidant l’arrêt avant dire droit du 10 mars 1998;
déclare l’appel non fondé et en déboute;
partant confirme le jugement du 27 novembre 1997 dans toute sa teneur;
condamne les appelants aux frais de l’instance d’appel.
3 Ainsi jugé par:
Marion LANNERS, vice-présidente, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller-rapporteur, Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
le greffier la vice-présidente 4