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08/07/1999 | LUXEMBOURG | N°11354C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 08 juillet 1999, 11354C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11354 C Inscrit le 29 juin 1999 Audience publique du 8 juillet 1999 Recours formé par le ministre de la Justice contre … AJLANI en matière de:

mise à la disposition du Gouvernement - Appel -



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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 29 juin 1999 par le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en vertu d’un mandat du ministre de la Justice du 28 jui

n 1999 contre un jugement rendu en matière de mise à la disposition du Gouvernement par le trib...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11354 C Inscrit le 29 juin 1999 Audience publique du 8 juillet 1999 Recours formé par le ministre de la Justice contre … AJLANI en matière de:

mise à la disposition du Gouvernement - Appel -

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 29 juin 1999 par le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en vertu d’un mandat du ministre de la Justice du 28 juin 1999 contre un jugement rendu en matière de mise à la disposition du Gouvernement par le tribunal administratif en date du 24 juin 1999 à l’encontre de … AJLANI, de nationalité tunisienne, détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, appel enrôlé sous le n° 11354C.

Vu la signification de l’acte d’appel par exploit d’huissier Marc Graser à la date du 29 juin 1999.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 2 juillet 1999 par Maître Christian GAILLOT, en remplacement de Maître Charles DURO, avocats à la Cour, au nom de … AJLANI.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris avec la décision ministérielle querellée.

Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport et Maître Christian GAILLOT, en remplacement de Maître Charles DURO ainsi que le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs observations orales.

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Suite à une décision ministérielle de placement du 14 mai 1999 à l’encontre de … AJLANI, …, de nationalité tunisienne, Maître Charles DURO, avocat à la Cour, en a demandé la réformation.

Le tribunal administratif, par jugement contradictoire du 24 juin 1999, a reçu le recours en réformation, l’a déclaré justifié, annulé la décision ministérielle attaquée et ordonné la mise en liberté immédiate de … AJLANI.

Le délégué du Gouvernement auprès des juridictions administratives Guy SCHLEDER, agissant en vertu d'un mandat du ministre de la Justice du 28 juin 1999, a interjeté appel contre cette décision moyennant dépôt, préalablement signifiée, d’une requête au greffe de la Cour administrative.

L’appelant reproche aux premiers juges d’avoir décidé qu'une mesure de placement d'un étranger serait obligatoirement conditionnée par l'existence d'un procès-verbal constatant l’impossibilité du refoulement de l'étranger en raison des circonstances de fait, alors que cette exigence ne serait pas prévue par l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers.

L'article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972, qui énumère de manière limitative les cas dans lesquels un étranger peut être refoulé, prévoit que cet éloignement peut se faire par la force publique, sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal à adresser au ministre de la Justice.

D’après l’appelant, le législateur a donc laissé à la force publique la faculté d'apprécier si un étranger se trouve dans une des hypothèses où un éloignement est possible et de procéder à cette mesure sans demander au préalable l'accord du ministre de la Justice. Mais la force publique serait obligée, une fois la mesure prise, d'en informer le ministre de la Justice par un procès-verbal qu'il lui adresse. Ceci résulterait d'ailleurs des travaux préparatoires de la loi de 1972. Selon le Conseil d'Etat "Le refoulement …est une mesure urgente prise par la force publique sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal à adresser à l'autorité compétente".

L’appelant est d’avis que ce texte ne saurait toutefois être interprété, comme l'a fait le tribunal administratif, comme si le ministre de la Justice était incompétent et/ou incapable de décider lui-même si un étranger se trouve dans les conditions pour pouvoir être refoulé et de constater en même temps l'impossibilité de l'éloignement en raison, comme dans le cas d'espèce, de l'absence d'une pièce d'identité et de moyens d'existence.

Si un membre de la force publique pouvait décider de procéder à un refoulement, à plus forte raison le ministre de la Justice en tant que membre du pouvoir exécutif qui a contresigné la loi de 1972, pourrait-il décider qu'un étranger se trouve dans les conditions pour pouvoir être refoulé.

Le ministre de la Justice pourrait prendre à l'encontre d'un étranger un arrêté d'expulsion, ceci sur base de l'article 9 de la loi précitée du 28 mars 1972. Si l'exécution de cette expulsion serait impossible, le ministre procéderait à une mesure de placement. De la même manière le ministre devrait pouvoir constater qu'un étranger se trouve dans une hypothèse pour être éloigné en vertu de l'article 12, mais qu'en raison de l'absence d'une pièce d'identité cet éloignement serait impossible.

La loi ne prévoirait pas de procès-verbal, ni en cas d'impossibilité d'une expulsion ni en cas d'impossibilité de l'éloignement. Ce ne serait que dans l'hypothèse d'une mesure de rétention ordonnée par le Parquet (art. 12 al. 2 et 3) qu'un procès-verbal devrait être dressé par un officier de police judiciaire. L'étranger serait évidemment informé moyennant la décision de 2 placement des motifs de celle-ci, de sorte que ses droits de la défense seraient sauvegardés. On verrait mal ce que la rédaction d'un procès-verbal constatant l'impossibilité de l'éloignement ajouterait et en quoi l'absence de ce procès-verbal pourrait léser les droits de l'étranger.

Le tribunal en annulant l'arrêté ministériel pour ne pas avoir été précédé de la rédaction d'un procès-verbal constatant l'impossibilité de l'éloignement aurait par conséquent ajouté à la loi une condition qui n'y figurerait pas.

Dans le cas soumis au tribunal administratif l'étranger concerné n'avait, au moment où il se présentait à nouveau au Luxembourg, ni les moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour (art. 12 al. ler sub 2) ni les papiers de légitimation prescrits (art. 12 al. ler sub 4). Ceci ne serait d'ailleurs pas contesté par la partie adverse.

Les conditions pour un éloignement au sens de l'article 12 seraient donc remplies. Comme le ministre de la Justice avait demandé avant la mesure de placement à l'Ambassade de Tunisie la délivrance d'un laissez-passer pour pouvoir rapatrier l'étranger dans son pays d'origine, l'exécution du refoulement était impossible, d'où la mesure de placement prise sur base de l'article 15 de la loi du 28 mars 1972 précitée.

Maître Charles DURO, dans un mémoire en réponse du 2 juillet 1999, invoque les arguments suivants :

Les premiers juges n'auraient pas ajouté à la loi, mais auraient tout simplement appliqué à la lettre l'article 12 de la loi du 28 mars 1972 sur l'entrée et le séjour des étrangers.

L'article 15 autoriserait le ministre de la Justice à placer dans un établissement approprié pour une durée d'un mois un étranger se trouvant sous le coup d'une mesure d'expulsion (article 9) ou de refoulement (article 12) impossible à exécuter en raison des circonstances de fait.

En l’absence de contestations par le ministre de la Justice sur des poursuites intentées à l'encontre de AJLANI sur base de l'article 12, il y aurait lieu d'écarter tout développement sur base de l'article 9.

La légalité d'une mesure de placement prise en l'exécution de l'article 15 de la loi du 28 mars 1972 devrait être vérifiée au regard de l'article 12 précité. En effet une mesure d'éloignement prise sur base de l'article 12 qui serait entachée d'illégalité rendrait par la même nulle une mesure de placement prise en exécution de l'article 15.

L'article 12 serait sans équivoque et les premiers juges ont fait remarquer que le procès-verbal prévu impérativement dans la procédure de l'article 12 n'avait pas été établi.

Il serait évident que cette procédure est impérative et qu'à défaut de la rédaction d'un tel procès-verbal, l'éloignement du territoire prévu à l'article 12 ne serait pas possible. Le procès-

verbal constituerait une garantie minimale permettant d'assurer le respect des droits de la défense dans la mesure où, sur base des faits retenus dans le dit procès-verbal, la personne susceptible de faire l'objet d'une mesure de refoulement et, à un stade ultérieur, les juridictions administratives seraient mises en mesure de vérifier si, au moment où la décision de refoulement a été prise, les conditions légales telles que prévues par l'article 12 étaient remplies.

Toute procédure d'éloignement effectuée sans rédaction d’un procès-verbal par la force publique serait nulle.

3 Les premiers juges auraient retenu à bon droit qu'il ne pouvait être supplée à cette formalité par aucune autre pièce, document ou attestation, alors que ce procès-verbal devrait être rédigé par les officiers de Police Judiciaire assermentés lui donnant une force probante quasi inattaquable.

A défaut de rédaction de ce procès-verbal, AJLANI n'aurait pas été sous le coup ni d'une décision d'expulsion ni d'une décision de refoulement légalement prise qui aurait pu constituer une base légale à la décision de placement.

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Les articles 12 et 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers règlent trois hypothèses:

1) la mesure d’éloignement d’un étranger par la force publique;

2) la décision de placement par le ministre de la Justice et 3) l’autorisation de rétention par le Procureur d’Etat.

L’article 12 règle la première hypothèse par le libellé suivant:

Peuvent être éloignés du territoire par la force publique, sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal à adresser au Ministre de la Justice les étrangers non autorisés à résidence:

1) qui sont en état de vagabondage ou de mendicité ou en contravention à la loi sur le colportage;

2) qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour;

3) auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article de la présente loi;

4) qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui est requis;

5) qui, dans les hypothèses prévues à l’article 2 paragraphe 2 de la Convention d’application de l’accord de Schengen, sont trouvés en contravention à la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ou sont susceptibles de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics.

Les agents chargés du contrôle aux frontières refuseront l’accès aux étrangers visés sub 2) à 5), à ceux qui leur seront signalés comme indésirables par le Ministre de la Justice, ainsi qu’à ceux qui sont signalés sur base de l’article 96 de la Convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985.

Il s’agit d’une mesure de fait prise sur le champ par les agents de la force publique après constatation d’une ou plusieurs des conditions d’éloignement requises, suivie de l’établis-

sement d’un procès-verbal sur la mesure prise - « constatation du fait » - à l’adresse du ministre de la Justice.

Le procès-verbal exigé est par conséquent destiné à constater le fait de l’éloignement et à en informer le ministre. Il s’agit en l’occurrence de l’hypothèse où l’éloignement immédiat est matériellement et légalement possible.

L’article 15 vise l’hypothèse ou l’éloignement immédiat n’est pas possible. Dans ce cas « l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour la durée d’un mois ».

4 L’établissement d’un procès-verbal sur l’impossibilité d’une mesure immédiate de refoulement n’est exigé par aucun texte légal.

La troisième hypothèse prévue à l’article 15, alinéa 2 et 3 est celle de la rétention de l’étranger avec l’autorisation du Procureur d’Etat, lorsque le ministre ne peut être saisi. Dans ce cas, la loi exige la rédaction d’un procès-verbal sur la rétention. (« la rétention…doit faire l’objet d’un procès-verbal ») dont il résulte que le ministre n’a pas pu être saisi.

Même dans cette hypothèse, aucun procès-verbal sur l’impossibilité de la mesure de refoulement n’est exigé.

La décision entreprise est partant à réformer sur ce point.

Par ces motifs, et ceux non contraires développés par les juges de première instance;

la Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme, le dit fondé;

réformant, confirme la décision du ministre de la Justice du 14 mai 1999;

condamne l’intimé aux frais et dépens des deux instances.

Ainsi jugé par Marion LANNERS, vice-présidente, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller Marc FEYEREISEN, conseiller, rapporteur et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

le greffier la vice-présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11354C
Date de la décision : 08/07/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;1999-07-08;11354c ?

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