GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11169C Inscrit le 4 mars 1999
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Audience publique du 8 juillet 1999 Recours formé par le Ministre de l’Environnement contre … VON HOININGEN-HUENE en présence de:
la Ville de Luxembourg en matière de:
aménagement des agglomérations - Appel -
(Jugement entrepris du 26 janvier 1999 / n°10154 du rôle)
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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 4 mars 1999 par Monsieur Guy Schleder agissant en sa qualité de délégué du Gouvernement auprès des juridictions administratives, en vertu d’un mandat du ministre de l’Environnement du 2 mars 1999, contre un jugement rendu à la date du 26 janvier 1999 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 10154;
Vu l’acte de signification de ladite requête d’appel par exploit d’huissier Marc Graser du 4 mars 1999;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 27 avril 1999 par Maître Georges Margue, avocat à la Cour, pour le compte de Madame … Von Hoiningen-Huene;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 3 mai 1999 par Maître Jean Medernach, avocat à la Cour, pour le compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;
1 Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;
Ouï le premier conseiller en son rapport, Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles Roth ainsi que Maître Georges Margue et Maître Jean Medernach en leurs plaidoiries respectives.
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Par jugement du tribunal administratif du 26 janvier 1999, une décision du ministre de l’Environnement par laquelle il a été décidé qu’une bande de terrain appartenant à l’intimée et sis à Luxembourg-Limpertsberg, « restait classée zone verte au sens de l’article 2 alinéa 2 de la loi du 11 août 1982 sur la protection de la nature et des ressources naturelles » a été annulée.
Le tribunal administratif s’est déclaré compétent pour connaître du recours en annulation après avoir décidé que la décision du ministre ne serait pas de nature réglementaire au sens de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif.
Le recours a été déclaré recevable quant aux délais alors que, à défaut d’instruction de l’administré sur les voies et délais de recours, le délai n’aurait pas commencé à courir contre la requérante.
Au fond, le tribunal administratif a déclaré le recours justifié alors que le ministre, en ayant modifié l’étendue de la zone verte à plusieurs endroits et notamment à propos des parcelles appartenant à la requérante, n’aurait pas rendu de décision rentrant dans les prévisions de l’article 2 alinéa 2 de la loi du 11 août 1982 en ce que l’approbation ne serait pas pure et simple et ne rentrerait par ailleurs pas dans la catégorie des actes détachables, et qu’à défaut de texte spécial, le ministre n’aurait pas eu compétence pour agir comme il l’a fait.
Contre ce jugement, appel a été relevé par l’Etat du Grand-Duché par requête signifiée le 4 mars 1999 et déposée au greffe de la Cour administrative le même jour.
Dans sa requête d’appel, l’Etat conclut à la réformation du jugement intervenu et demande à la Cour de constater le caractère réglementaire de la décision ministérielle entreprise et, à titre subsidiaire, de déclarer le recours non fondé alors que le refus d’approbation partiel reposerait sur des motifs valables.
L’Etat déclare maintenir ses conclusions de première instance visant notamment la nature réglementaire de la décision ministérielle d’approbation qui intervient dans le cadre de l’approbation d’un plan d’aménagement. Dans ces mêmes conclusions il avait par ailleurs été avancé qu’en décidant que les terrains de la requérante, entre autres, « restent classés zone verte », le ministre n’aurait pas indûment modifié la décision du conseil communal sujette à approbation, mais qu’il n’aurait que rejeté une modification du projet originairement présenté, adopté et approuvé au stade du vote provisoire.
L’acte d’appel entend combattre l’analyse et les conséquences des faits avancés par la requérante originaire et suivis par le tribunal suivant lesquels la décision du ministre ne se serait pas inscrite dans le domaine d’application de l’article 2 de la loi du 11 août 1982 alors qu’il n’y aurait pas eu modification de la délimitation d’une zone verte. L’Etat expose qu’en fait la décision définitive du 2 conseil communal a modifié les zones vertes par rapport au projet adopté lors du vote provisoire alors que l’intimée soutient qu’il n’y a pas eu modification, ni donc lieu à intervention du ministre de l’Environnement, alors que la décision finale du conseil communal revient sur les options du vote provisoire pour rétablir le classement des parcelles litigieuses dans un sens analogue à celui du précédent plan d’aménagement.
L’Etat soutient dans un autre ordre d’idées que, le pouvoir de tutelle du ministre de l’Environnement sortant de l’ordinaire, et comme le ministre de l’Environnement statue suivant des critères qui lui sont propres comme tirés de la loi du 11 août 1982, l’approbation ou le refus d’approbation ne devrait pas n’être que pur et simple. Il est soutenu encore qu’en décidant comme il l’a fait, le ministre n’a que décidé par mesures portant sur l’ensemble du terrain de la ville de Luxembourg, ayant un caractère normatif et destinées à faire respecter l’intérêt général.
Dans son mémoire en réponse du 27 avril 1999, l’intimée … Von Hoiningen-Huene conclut à la confirmation du jugement pour les motifs y retenus.
L’intimée s’oppose au principe suivant lequel le seul fait de figurer à la procédure d’élaboration d’un plan d’aménagement conférerait à une disposition portant atteinte au droit de propriété un caractère réglementaire, ceci en particulier dans le cas où l’autorité, « à l’intérieur d’une zone d’habitation plus ou moins compacte, puisse singulariser certaines propriétés pour les frapper d’interdiction de construire ».
Par rapport à l’acte d’appel, l’intimée souligne que le plan définitivement adopté, contrairement à ce qui y figurait lors du vote provisoire, a maintenu le classement antérieur, c.-à-d. celui de zone constructible. De ce fait les dispositions prévoyant une zone verte qui ont donné lieu à l’intervention du ministre de l’Environnement sont censées n’avoir jamais été en vigueur.
Il est soutenu encore que, le pouvoir réglementaire ne revenant, aux termes de la Constitution, qu’au Grand-Duc et aux autorités communales, la compétence d’approbation attribuée au ministre de l’Environnement par la loi du 11 août 1982 ne saurait dégénérer en pouvoir réglementaire autonome, sous peine de détournement de pouvoir.
L’intimée fait valoir encore par référence à la jurisprudence du Conseil d’Etat qu’elle serait la victime d’une décision visant en particulier sa propriété, en dehors de la compétence attribuée au ministre par la loi du 11 août 1982, la situation devant être analysée comme constituant une modification ponctuelle du plan d’aménagement par le pouvoir de tutelle, en défaveur d’un particulier.
Elle conclut au rejet de l’appel et à voir constater que la décision du ministre de l’Environnement constitue une décision à caractère individuel contraire à la loi, sinon entachée d’excès ou de détournement de pouvoir.
En son mémoire du 3 mai 1999, la ville de Luxembourg se rapporte à prudence de justice tout en soutenant que le classement ou reclassement d’un terrain dans le cadre de la loi du 12 juin 1937 constitue toujours un acte réglementaire.
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3 Considérant que l’appel a été interjeté dans les formes et délais de la loi;
qu’il est dès lors recevable;
Considérant que le recours originaire devant le tribunal administratif a été dirigé contre une décision du ministre de l’Environnement intervenue sur base de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles dans le cadre de la procédure d’adoption du plan général d’aménagement de la Ville de Luxembourg;
que le tribunal, après avoir décidé que la décision doit s’analyser en acte de caractère non réglementaire, s’est déclaré compétent pour connaître du recours;
considérant que l’article 2 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif donne compétence au tribunal administratif pour connaître des recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible;
que cette disposition ne vise pas les actes à caractère réglementaire;
qu’en ce qui concerne ces derniers, il résulte des articles 95 de la Constitution et 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996 que si la nullité d’un acte à caractère réglementaire, de l’une de ses dispositions ou de l’un des actes de sa procédure d’élaboration peut être invoquée toujours et devant qui de droit par voie d’exception, la demande d’annulation par voie principale d’un acte à caractère réglementaire ne peut être demandée que dans le cadre de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996, ceci devant la Cour administrative et dans les délais prévus par la loi;
Considérant que la requérante et actuelle intimée a saisi le tribunal administratif du recours en annulation de la décision dont s’agit;
que le tribunal administratif a estimé à juste titre que la nature de l’acte entrepris conditionne la compétence de la juridiction;
Considérant que la décision d’approbation du ministre ayant dans ses attributions les Eaux et Forêts, donc en l’occurrence le ministre de l’Environnement intervenant dans le cadre de la procédure d’adoption d’un plan d’aménagement sur base de la loi du 12 juin 1937 sur l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes participe, tout comme la décision du ministre de l’Intérieur du caracatère réglementaire de la procédure (CE 16 janvier 1985, Thurmes, CE 10 décembre 1986, Schroeder);
Considérant que dès lors le litige originairement déféré au tribunal est en principe de la compétence de la Cour administrative;
Considérant que l’intimée entend contester le caractère réglementaire de l’intervention du ministre par des arguments tirés des articles 36 et 107 de la Constitution;
Considérant que l’article 36 de la Constitution est étranger à la matière faisant objet du recours alors que la procédure réglementaire en matière de plan d’aménagement est communale et non nationale;
que la question de la compétence exclusive du Grand-Duc pour prendre des règlements ne se pose dès lors pas en l’espèce;
4 Considérant que l’article 107 de la Constitution dispose en son alinéa 6 que la loi peut soumettre certains actes des organes communaux à l’approbation de l’autorité de surveillance;
qu’aux termes des lois du 12 juin 1937 sur l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes et du 11 août 1982 sur la protection de la nature et des réssources naturelles, les plans d’aménagement communaux sont soumis à cette approbation de l’autorité de tutelle, soit respectivement les ministres de l’Intérieur et de l’Environnement;
Considérant que, comme développé ci-dessus, l’intervention des ministres dans l’exercice de leur pouvoir de tutelle est à analyser comme acte de la procédure d’élaboration d’un texte réglementaire et a comme tel également le caractère réglementaire;
que le moyen est dès lors à abjuger comme manquant en droit;
Considérant que l’intimé entend par ailleurs tirer argument d’une jurisprudence du comité du contentieux du Conseil d’Etat aux termes de laquelle les actes posés dans le cadre de l’adoption d’un plan d’aménagement perdent leur caractère réglementaire lorsque, posés dans l’intérêt exclusif d’un particulier et non, comme c’est la règle, dans un souci d’intérêt général, pour plaider que la décision ministérielle attaquée n’a pas eu de finalité d’intérêt général, mais aurait été prise par l’autorité de tutelle en défaveur d’un particulier;
Considérant que dans l’arrêt cité du 22 février 1988, le comité du contentieux a admis que procéder comme l’avait fait en l’espèce la commune visée constituait un détournement de pouvoir et de procédure qui faisait perdre à l’acte visé son caractère réglementaire;
Considérant toutefois que dans l’affaire soumise à la Cour, la thèse suivant laquelle la décision du ministre aurait été prise en dehors de la finalité légale de l’intervention du ministre de l’Environnement reste à l’état de simple allégation;
que le ministre a motivé sa décision par des considérations relevant de la loi sur la protection de la nature et que dès lors le moyen manque en fait;
Considérant que la question de savoir s’il y avait lieu à intervention du ministre sur base de la loi du 11 août 1982 alors que, contrairement au contenu du plan d’aménagement soumis au vote provisoire, la teneur du plan définitivement adopté n’a pas modifié la délimitation de zone verte dans l’aire visée au recours, relève du fond du droit;
qu’eu égard à la décision à intervenir sur la compétence du tribunal administratif en la matière, la Cour n’a pas à examiner ce point qui par ailleurs reste à pouvoir être soumis à la juridiction compétente par action ou par exception;
Considérant qu’il résulte de ces développements que le tribunal administratif n’avait pas compétence pour connaître du recours lui soumis et qu’il y a lieu à réformation du jugement entrepris;
Par ces motifs 5 la Cour, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme;
le déclare fondé;
réformant, dit que la décision entreprise du ministre de l’Environnement est de caractère réglementaire;
dit que le tribunal administratif était incompétent pour connaître du recours;
condamne l’intimée aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par Messieurs Georges KILL, président, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur, Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.
Le greffier en chef Le président 6