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08/07/1999 | LUXEMBOURG | N°11102C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 08 juillet 1999, 11102C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11102C Inscrit le 28 janvier 1999

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Audience publique du 8 juillet 1999 Recours formé par l’administration communale de Sandweiler contre Madame … MOUSEL-REUTER en matière de:

permis de construire - Appel -

(Jugement entrepris du 16 décembre 1998 / n°s du rôle 10077 et 10609)

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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrati...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11102C Inscrit le 28 janvier 1999

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Audience publique du 8 juillet 1999 Recours formé par l’administration communale de Sandweiler contre Madame … MOUSEL-REUTER en matière de:

permis de construire - Appel -

(Jugement entrepris du 16 décembre 1998 / n°s du rôle 10077 et 10609)

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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 28 janvier 1999 par Maître Nicolas Decker, avocat à la Cour, pour le compte de l’administration communale de Sandweiler, contre un jugement rendu contradictoirement en date du 16 décembre 1998 entre la partie appelante et Madame … Mousel-Reuter;

Vu l’exploit du 25 janvier 1999 du ministère de l’huissier de justice Pierre Kremmer par lequel la requête d’appel a été signifiée à l’intimée;

Vu le mémoire intitulé mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 26 mars 1999 par Maître Jean-Paul Noesen, avocat à la Cour, pour le compte de Madame … Mousel-

Reuter;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 12 mai 1999 par Maître Nicolas Decker;

1 Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 5 mai 1999 par Maître Jean-Paul Noesen;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Ouï le premier conseiller en son rapport ainsi que Maître Nicolas Decker et Maître Jean-Paul Noesen en leurs plaidoiries respectives.

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Par jugement du tribunal administratif du 16 décembre 1998, la décision du bourgmestre de la commune de Sandweiler refusant à la dame … Mousel-Reuter un permis de construire sollicité, a été annulée pour défaut de motivation légale. De ce jugement l’administration communale de Sandweiler a relevé appel par requête signifiée à l’intimée le 25 janvier 1999 et déposée au greffe de la Cour administrative le 28 janvier 1999.

Dans son acte d’appel, la commune de Sandweiler fait exposer que le terrain sur lequel la construction projetée doit être élevée ne fait que partiellement partie de la zone urbanisée, l’emplacement proposé de la construction projetée se trouvant en dehors de cette zone.

Il est fait valoir que si même le bourgmestre n’a aucune compétence directe découlant de la loi du 11 août 1982 sur la protection de la nature et des ressources naturelles, la commune ne serait pas moins soumise à cette loi et que dès lors le bourgmestre devrait s’assurer, avant de délivrer un permis de construire, que le demandeur bénéficie d’une autorisation du ministre de l’Environnement.

Ce serait dès lors à tort que le refus d’accorder le permis de construire aurait été annulé.

Dans son mémoire déposé le 26 mars 1999, l’intimée présente un exposé des faits et, en droit, conclut à voir déclaré mal fondé le moyen tiré de ce que le bourgmestre aurait dû, avant de décerner le permis de construire, attendre la décision afférente du ministre de l’Environnement.

L’intimée conteste encore le moyen d’appel de la commune suivant lequel la construction envisagée serait contraire au règlement sur les bâtisses alors que le refus du permis de construire aurait été motivé sur la considération que la construction se trouverait dans une zone externe à l’aire d’application du règlement. Elle conclut à voir déclarer irrecevable ce procédé de « substitution de motifs ».

Au fond, il est soutenu que le terrain litigieux se trouverait dans la zone régie par le plan d’aménagement de l’aéroport adopté sur base de la législation sur l’aménagement général du territoire et dérogatoire au plan d’aménagement communal et que le terrain y figurerait en zone agricole.

A titre plus subsidiaire, l’intimée soutient que le règlement sur les bâtisses de la commune de Sandweiler autoriserait de son côté la construction de dépendances agricoles dans la zone urbanisée.

2 L’intimée soulève par ailleurs la question de savoir si, dans le cadre d’un plan d’aménagement particulier pris sur base de la législation sur l’aménagement général du territoire, une autorisation du bourgmestre est nécessaire, tout en se remettant à prudence de justice à ce sujet.

Dans son mémoire en réplique déposé le 12 mai 1999, la commune de Sandweiler conteste que la construction projetée serait destinée à une exploitation agricole.

Il est soutenu que la loi du 11 août 1982 sur la protection de la nature serait une loi de police, ce qui conférerait au bourgmestre le droit et le devoir d’en assurer l’exécution.

Au fond, la commune se réfère au plan d’aménagement partiel de l’aéroport arrêté sur la base de la loi sur l’aménagement général du territoire qui énonce que seules sont autorisées dans les zones agricoles « des constructions servant à l’exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, viticole, piscicole, agricole ou cynégétique ou à un but d’utilité publique, sans préjudice des dispositions de la loi en vigueur concernant la protection de l’environnement naturel ».

La commune fait plaider que les constructions à ériger dans la dite zone devraient également respecter les dispositions et plans d’aménagement des différentes communes, donc celles du règlement sur les bâtisses de la commune de Sandweiler, en particulier l’interdiction d’une construction à une distance excédant 30 mètres à partir de la voie publique.

La commune affirme que l’autorisation du bourgmestre serait requise pour toute construction sur le territoire de la commune, ceci même si le classement de la zone comprenant le terrain aurait été fait en vertu de la loi sur l’aménagement général du territoire.

Dans son mémoire en duplique, déposé le 5 mai 1999, l’intimée, en ce qui concerne la destination agricole de la construction projetée, se réfère aux constatations en ce sens faites par le tribunal administratif lors de sa visite des lieux et formulées au jugement dont appel.

En ce qui concerne les arguments tirés du respect par le bourgmestre des dispositions relatives à la loi du 11 août 1982, l’intimée fait état de ce que, par jugement du tribunal administratif du 16 décembre 1998 coulé en force de chose jugée, la décision de retrait de l’autorisation du ministre de l’Environnement aurait été annulée et que de ce fait la décision initiale du ministre subsisterait dans son intégralité. Dans la mesure où le bourgmestre devrait assurer l’exécution de la dite loi en tant que loi de police, il devrait se conformer à la décision visée du ministre, désormais définitive.

En ce qui concerne l’application du plan d’aménagement particulier « Aéroport », l’intimée soutient que dans la zone concernée seules les dispositions de ce plan seraient applicables à l’exclusion de celles du règlement communal sur les bâtisses.

L’intimée conclut dès lors à l’irrecevabilité du moyen visant la distance supérieure à 30 mètres de la voie publique qui d’ailleurs n’aurait pas servi de support à la décision du bourgmestre. Il est soutenu que, la zone en question étant régie par le plan d’aménagement de l’aéroport, seules les dispositions de ce plan seraient applicables et qu’en zone rurale, une construction telle que projetée pourrait être construite sur autorisation du ministre de l’Environnement.

3 En ce qui concerne la compétence du bourgmestre, l’intimée conclut à voir dire qu’à supposer que le bourgmestre aurait une compétence d’autorisation dans le périmètre du plan d’aménagement régi par la loi sur l’aménagement du territoire, il devrait se conformer aux dispositions de ce plan, donc autoriser la construction conforme aux prévisions de ce plan.

Considérant que l’appel a été interjeté dans les forme et délais de la loi;

qu’il est partant recevable;

Considérant que le jugement entrepris a annulé la décision de refus de décerner le permis de construire du bourgmestre de la commune de Sandweiler aux motifs que « le premier motif de refus avancé dans la décision litigieuse du 17 décembre 1997 reposant sur l’affirmation que le terrain concerné se situe en dehors du périmètre d’agglomération, ne saurait pour autant suffire pour justifier ce refus, alors que toute construction n’est pas radicalement interdite en zone agricole et que partant le bourgmestre aurait dû analyser la demande lui soumise par rapport à sa compatibilité avec les spécificités de la zone en question » et que « le bourgmestre ne saurait faire dépendre la délivrance d’une autorisation de construire de l’obtention préalable, par le requérant, d’une autorisation ministérielle en matière de protection de la nature, sous peine d’excéder les limites de son pouvoir d’appréciation, et d’empiéter sur des considérations réservées à l’appréciation d’une autre autorité »;

Considérant que ces deux volets du jugement ont rencontré les deux motifs de refus contenus dans la décision du bourgmestre du 17 décembre 1997 et plus amplement développés dans les mémoires en défense de la commune;

Considérant que dans sa requête d’appel, la commune de Sandweiler fait valoir en premier lieu le moyen tiré de ce que, le projet de construction étant subordonné à une autorisation du ministre de l’Environnement, le bourgmestre devrait s’assurer, avant de délivrer un permis de construire, de ce que le demandeur bénéficie de cette autorisation ministérielle;

Considérant que ce moyen n’est pas fondé;

que c’est au contraire pour de justes motifs que la Cour adopte que le jugement dont appel a décidé qu’en faisant dépendre son autorisation qui relève des seules dispositions du règlement sur les bâtisses de l’obtention préalable d’une autorisation dont, si même elle était légalement requise, l’octroi ou le refus rentrent dans la compétence d’une autre autorité, le bourgmestre a excédé ses pouvoirs et que cet élément de la motivation de la décision du bourgmestre doit dès lors encourir l’annulation;

Considérant que l’acte d’appel est encore motivé sur ce « que le terrain de la dame Mousel-Reuter ferait partie, conformément à l’article 3 du règlement sur les bâtisses, de la zone urbanisée, que, conformément à l’article 3 alinéa 3 du règlement sur les bâtisses précité, le fonds ne serait considéré comme appartenant à la zone urbanisée que sur une profondeur n’excédant pas 30 mètres à partir de la voie publique et qu’il résulterait des plans soumis par l’intimée Mousel-

Reuter que la construction projetée se trouverait en dehors de la zone urbanisée »;

4 Considérant qu’il échet de constater que le motif de refus tiré dans la décision du 17 décembre 1997 de l’application du plan d’aménagement et du règlement sur les bâtisses énonçait que « le bâtiment projeté serait construit sur un terrain situé en dehors du périmètre d’agglomération »;

Considérant qu’il est admis que l’autorité administrative qui doit motiver sa décision de refus au voeu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, peut compléter sa motivation postérieurement à la décision et même encore devant la juridiction administrative, le juge pouvant même substituer à la décision défaillante des motifs légaux se dégageant de la loi ou des éléments de la cause;

que dès lors il appartient à la Cour d’analyser les motifs de refus produits en première instance par la commune et repris en instance d’appel;

Considérant que l’acte d’appel se réfère aux dispositions de l’article 3 du règlement sur les bâtisses de la commune de Sandweiler duquel il résulterait que le lieu de l’emplacement projeté de la construction se trouverait dans la zone urbanisée, mais en un endroit, distant de plus de 30 mètres de la voie publique, où toute construction serait interdite;

Considérant qu’il est constant en cause que l’endroit visé, outre son classement dans le plan d’aménagement général de la commune et l’applicabilité éventuelle des dispositions du règlement des bâtisses y afférent, se trouve situé dans une aire couverte par le plan d’aménagement particulier « Aéroport » adopté dans le cadre de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement du territoire, déclaré obligatoire par décision souveraine du 31 août 1986;

qu’aux termes de l’article 15 de la loi du 20 mars 1974, les plans d’aménagement existant sur base de la loi du 12 juin 1937 sur l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes sont modifiés de plein droit par les plans d’aménagement déclarés obligatoires en vertu de la loi sur l’aménagement général du territoire dans la mesure où ils sont incompatibles avec ces plans;

Considérant que l’intimée soulève, dans le contexte de l’application de la loi du 20 mars 1974, une contestation relative à la compétence du bourgmestre de décider des permis de construire dans les aires couvertes par un plan adopté sur la base de cette loi;

que cette contestation est mal fondée alors que la loi sur l’aménagement du territoire, si elle dispose que le contenu des plans adoptés en vertu de cette loi se substitue au contenu des plans communaux qui s’en trouvent modifiés de plein droit, ne contient pas de disposition ôtant au bourgmestre sa compétence générale en la matière;

que le règlement conférant force obligatoire à cette catégorie de plans a le caractère de règlement de police de la compétence du bourgmestre et que la compétence du ministre ayant dans ses attributions l’aménagement du territoire n’existe que dans la période allant du dépôt du projet à la maison communale à la déclaration d’obligation générale ou alors se terminant quatre ans après le dit dépôt;

Considérant qu’il y a dès lors lieu de confirmer la compétence du bourgmestre pour décider de l’autorisation sollicitée;

5 Considérant qu’il y a lieu d’examiner la question de la compatibilité du texte du règlement communal sur les bâtisses invoqué par la commune avec les dispositions du plan particulier « Aéroport » pour décider, sur base de l’article 15 de la loi du 20 mars 1974, de l’applicabilité de l’un ou de l’autre de ces textes;

Considérant qu’aux termes du plan d’aménagement général de la commune de Sandweiler et du règlement communal sur les bâtisses, le terrain litigieux et l’emplacement de la construction projetée se trouvent en « zone urbanisée » définie par l’article 6 du règlement, qui dispose que « des constructions ne sont autorisées que sur les fonds contigus aux voies publiques et sur une profondeur n’excédant pas 30 mètres à partir de la voie publique », étant constant par ailleurs que l’endroit prévu pour la construction se trouve en dehors de la bande construisible des 30 mètres;

Considérant qu’au regard du plan particulier « Aéroport » la parcelle concernée ne figure pas en zone urbanisée, mais en zone agricole définie ci-dessus comme pouvant, sans préjudice des dispositions de la législation sur la protection de l’environnement naturel, accueillir des constructions en rapport avec des exploitations de nature agricole;

Considérant que, ces deux contenus du plan d’aménagement communal et du plan particulier relevant de la loi sur l’aménagement général du territoire étant incompatibles, ce sont les dernières règles qui, en vertu de l’article 15 de la loi du 20 mars 1974, sont seules applicables sur la partie du territoire communal dont fait partie la parcelle litigieuse;

qu’en motivant sa décision de refus par des considérations tirées du plan d’aménagement communal et du règlement des bâtisses afférent, le bourgmestre a dès lors fait une fausse application de la loi;

Considérant que dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a annulé la décision du bourgmestre de la commune de Sandweiler;

par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme;

le déclare cependant non fondé;

partant confirme le jugement entrepris du 16 décembre 1998;

6 condamne l’appelante aux frais de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par Messieurs Georges KILL, président, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur, Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le greffier en chef Le président 7


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11102C
Date de la décision : 08/07/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;1999-07-08;11102c ?

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