GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11199C Inscrit le 17 mars 1999
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Audience publique du 10 juin 1999 Recours formé par le Ministre de l’Environnement contre la société Agri-Top S.C.
en matière de:
protection de la nature et permis de construire - Appel -
(Jugement entrepris du 10 février 1999 / n° du rôle 10759)
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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 17 mars 1999 par l’Etat du Grand-Duché tendant à la réformation d’un jugement rendu à la date du 10 février 1999 par le tribunal administratif en matière de protection de la nature et permis de construire;
Vu l’acte de signification de ladite requête d’appel à la société civile Agri-Top, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par ses associés actuellement en fonctions, par exploit d’huissier Roland Funk du 15 mars 1998;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 12 mai 1999 par Maître Roland ASSA, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, au nom de la société civile Agri-Top;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée et le jugement entrepris;
Ouï le premier conseiller en son rapport ainsi que Maître Yves Huberty, en remplacement de Maître Roland Assa et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc Mathekowitsch en leurs observations orales.
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Par requête signifiée le 15 mars 1999 et déposée au greffe de la Cour le 17 mars 1999 l’Etat du Grand-Duché déclare relever appel d’un jugement du tribunal administratif contradictoirement rendu le 10 février 1999 qui a déclaré fondé le recours dirigé par l’intimée contre deux décisions du ministre de l’Environnement des 19 septembre 1997 et 24 mars 1998 qui ont été annulées.
Le recours orginaire en réformation a été dirigé contre les prédites décisions du ministre de l’Environnement qui ont refusé à l’intimée la délivrance de l’autorisation de construire une porcherie d’engraissement avec accessoires et de procéder à des travaux de remblai.
Le jugement dont appel a admis un moyen de nullité tiré du défaut de motivation correspondant aux exigences de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sur la procédure à suivre par les administrations pour annuler les décisions critiquées et a renvoyé le dossier devant le ministre compétent.
Dans l’acte d’appel, l’Etat critique le jugement alors qu’il aurait fait état de la contradiction entre les motivations négatives des décisions se référant à des avis de l’administration des Eaux et Forêts et un autre avis, positif celui-là, du directeur de l’administration de l’Environnement qui aurait été par ailleurs sans qualité pour se prononcer dans le présent dossier.
Il est conclu à l’adoption des moyens du mémoire du délégué du Gouvernement en première instance et, par réformation du jugement dont appel, au rejet du recours.
Dans son mémoire en réponse du 12 mai 1999, l’intimée se rapporte à la sagesse de la Cour quant à la recevabilité de l’appel.
Au fond, quant à l’appel de l’Etat, l’intimée conclut à voir confirmer le jugement en ce qu’il n’a pas accepté la motivation des décisions attaquées, ceci notamment en présence d’un avis favorable du directeur de l’administration de l’Environnement régulièrement saisi par le ministre.
L’intimée interjette par ailleurs appel incident contre le jugement alors que saisi d’un recours en réformation, il n’aurait pas pris de décision au fond après avoir annulé les décisions entreprises.
Elle fait valoir des motifs de réformation des décisions du ministre tenant à l’emplacement et aux dimensions de la porcherie projetée et aux mesures d’accompagnement devant améliorer la qualité de l’environnement.
2 A titre subsidiaire, en ce qui concerne le fond de l’affaire, l’intimée conclut à une visite des lieux.
Elle conclut enfin à l’allocation d’une indemnité de procédure.
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Considérant que l’appel principal a été interjeté dans les formes et délais de la loi;
qu’il est partant recevable;
qu’il en est de même de l’appel incident;
Considérant que l’Etat du Grand-Duché critique le jugement intervenu en ce qu’il a annulé la décision du ministre de l’Environnement du 19 septembre 1997 et celle confirmative sur recours gracieux du 24 mars 1998 après avoir constaté « une contradiction manifeste entre la motivation des décisions négatives et le contenu de l’avis du 31 juillet 1997 », ce de quoi le tribunal conclut que « les décisions entreprises sont à annuler comme intervenues sur base d’une erreur manifeste d’appréciation, partant en violation du principe de légalité de l’action administrative »;
Considérant en fait qu’il résulte de l’examen du dossier que la décision sur recours gracieux du 24 mars 1998 énonce comme motivation du rejet du recours que « toutes les instances consultées s’accordent à relever l’impact très négatif sur la valeur écologique et esthétique du site… » alors que se trouve versé au dossier un avis du directeur de l’administration de l’Environnement du 31 juillet 1997 qui est favorable au projet de construction sauf à proposer certaines conditions propres à prévenir la pollution des eaux par les déjections en relation avec l’exploitation de la porcherie;
Considérant que le délégué du Gouvernement entend justifier la décision du ministre de l’Environnement en soutenant que les avis recueillis aux différents échelons hiérarchiques de l’administration des Eaux et Forêts auraient été négatifs; que l’administration des Eaux et Forêts serait la seule administration compétente à raison de l’application de la loi sur la protection de la nature et des ressources naturelles à raison de laquelle l’autorisation est requise et que le directeur de l’administration de l’Environnement ne se serait pas prononcé sur la protection du site et des biotopes, ces considérations étant étrangères à son domaine de compétence;
qu’il est encore soutenu que les avis auraient un caractère purement consultatif, qu’il pourrait toujours y avoir contradiction en cas de pluralité d’avis indépendants et que le ministre, même en présence d’avis, conserverait son entière liberté de décision, considérations partagées par la Cour;
Considérant au fond qu’il est patent que le terrain devant accueillir la construction projetée est situé en zone verte; que dès lors le ministre ayant dans ses attributions l’administration des Eaux et Forêts, soit, aux termes de l’arrêté grand-ducal du 1er février 1995 portant énumération des ministères et détermination des compétences ministérielles, le ministre de l’Environnement est compétent pour accorder 3 l’autorisation requise par la loi du 11 août 1982 sur la protection de la nature et des ressources naturelles;
Considérant que la loi ne prévoit pas de procédure consultative obligatoire, mais que son article 9 prévoit, à titre facultatif, une étude d’impact, « permettant d’apprécier les conséquences d’aménagements ou d’ouvrages qui, par l’importance de leurs dimensions ou de leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier »;
Considérant que la saisine, par le ministre, du directeur de l’administration de l’Environnement est légitime et légale dans le contexte de cet article, le ministre pouvant par ailleurs s’entourer de tous les renseignements qu’il juge utiles pour préparer une décision de sa compétence;
Attendu que le Gouvernement, malvenu par ailleurs de vouloir se prévaloir d’une prétendue « propria turpitudo », a tort de vouloir dénier toute qualité de se prononcer au directeur de l’administration de l’Environnement qui a été consulté par le ministre lui-même et dont l’administration est en charge, en vertu de l’article 2 de la loi du 22 novembre 1980, notamment, de la prévention des pollutions et nuisances, la lutte contre la pollution de l’eau, la promotion de la salubrité de l’environnement en vue de la sauvegarde d’une écologie équilibrée, l’étude et l’évaluation de l’impact des activités agricoles sur la salubrité de l’environnement;
que ces attributions de l’administration de l’Environnement rejoignent les objectifs de la loi applicable en l’occurrence sur la protection de la nature et des ressources naturelles qui a parmi ses objectifs principaux définis à l’article 1er la sauvegarde de l’intégrité de l’environnement;
Considérant que l’avis du directeur de l’administration de l’Environnement constitue dès lors un élément à part entière du dossier qu’avait à apprécier le ministre;
Considérant qu’il est constant en cause que le ministre, dans ses décisions des 19 septembre 1997 et 24 mars 1998 a ignoré l’avis en question et que même la deuxième décision a faussement fait état d’avis concordants et négatifs;
Considérant que si même le ministre avait été libre de ne pas suivre l’avis en question, ceci d’autant plus qu’il était en situation de devoir choisir entre les options d’avis incompatibles, par le fait de s’être appuyé expressément sur l’un des avis tout en niant implicitement l’existence de l’autre, le ministre n’a pas donné à sa décision une motivation conforme à la lettre ni à l’esprit de la loi du 1er décembre 1978 sur la procédure administrative non contentieuse et du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sur la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes;
que par ces motifs et par adoption de ceux des premiers juges, il y a lieu de déclarer l’appel principal non fondé;
Considérant que dans son mémoire du 12 mai 1999, l’intimée a relevé appel incident pour demander la réformation du jugement en ce qu’il n’a pas prononcé la réformation 4 des décisions entreprises et pour conclure que la Cour délivre l’autorisation refusée par le ministre;
Considérant toutefois que c’est à bon droit que les premiers juges, après avoir annulé les décisions du ministre pour des motifs de droit, lui ont renvoyé le dossier pour décision au fond; que la Cour se rallie à l’appréciation du tribunal suivant laquelle, même si la juridiction administrative est saisie au fond de conclusions tendant à la réformation des décisions querellées, il importe que le ministre compétent prenne une décision qui réponde aux exigences légales afin de mettre la juridiction administrative saisie d’un éventuel recours en réformation en mesure d’apprécier les motifs de la décision administrative en fait et en droit; que l’appel incident n’est dès lors pas fondé;
Considérant que par adoption des motifs du jugement, il y a lieu encore de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas accueilli la demande en allocation d’une indemnité de procédure;
Par ces motifs:
la Cour administrative, sur le rapport du premier conseiller, statuant contradictoirement, reçoit les appels principal et incident en la forme;
les déclare non fondés et en déboute;
partant confirme le jugement entrepris en toutes ses forme et teneur;
condamne les appelants aux frais et dépens de l’instance d’appel.
Ainsi jugé par Messieurs Georges KILL, président Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par le président Georges KILL en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.
5 le greffier en chef le président 6