GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11007 C Inscrit le 4 décembre 1998
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Audience publique du 18 mai 1999 Recours formé par … contre l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu - Appel -
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Vu la requête déposée au greffe de la Cour administrative le 4 décembre 1998, par laquelle Maître Raoul Wagener, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de … demeurant à L-, a relevé appel d’un jugement du tribunal administratif du 28 octobre 1998 ayant déclaré non fondé le recours en réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes rejetant sa réclamation contre le bulletin d’impôt sur le revenu de l’année 1979;
Vu l’acte de signification de ladite requête d’appel à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg représenté par son ministre d’Etat par exploit d’huissier Pierre Biel du 30 novembre 1998;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 12 mars 1999;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;
Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport, Maître Raoul Wagener et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles Roth en leurs plaidoiries respectives.
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1 Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 4 décembre 1998, Maître Raoul Wagener, au nom de …, a relevé appel d’un jugement rendu le 28 octobre 1998 par le tribunal administratif, qui a reçu en la forme mais a déclaré non fondé le recours en réformation d’une décision du directeur de l’administration des contributions directes du 11 décembre 1995 ayant rejeté sa réclamation contre le bulletin d’impôt sur le revenu de l’année 1979.
Concernant un montant de 1.630.000.- francs relatif aux frais d’une campagne électorale menée en 1979, l’appelant reproche aux premiers juges leur définition des frais d’obtention ainsi que leur interprétation de l’article 105 LIR en recherchant le but subjectif poursuivi par le contribuable, et soutient que seule la constatation objective de dépenses faites en relation avec un revenu imposable permettrait de déterminer si ces dépenses peuvent être déduites ou non.
Dans un deuxième point, l’appelant relève qu’on lui a refusé à tort une déduction d’un montant de 1.490.855.- francs de ses revenus de 1979 correspondant à un amortissement extraordinaire pour diminution de la valeur de terrains acquis, alors que l’article 22 LIR prévoit que l’exploitant peut tenir compte des faits dont l’existence s’est révélée ultérieurement mais avant la date d’établissement du bilan.
Il conclut en demandant à la Cour de dire que le montant de 1.630.000.- francs relatif aux frais de sa campagne électorale est déductible en tant que frais d’obtention et qu’il y a lieu de déduire de sa déclaration de revenus de 1979 un montant de 1.490.855.- francs à titre d’amortissement extraordinaire pour diminution de valeur.
Dans un mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 12 mars 1999, le délégué du Gouvernement soulève l’irrecevabilité de la demande en déduction du montant de 1.490.855.- francs du chef d’un amortissement extraordinaire de la valeur de terrains acquis alors que le requérant s’était désisté de ce chef de sa demande en première instance et que reformulé en instance d’appel, il s’agit d’une demande nouvelle qui est à déclarer irrecevable.
Quant aux frais de campagne électorale, le représentant étatique soutient que ceux-ci ne sauraient constituer des frais d’obtention au sens de l’article 105 LIR et ne sauraient pas non plus être déductibles à titre de frais d’exploitation au sens de l’article 45 LIR, mais tombent sous le champ d’application de l’article 12 LIR qui dispose que les dépenses de train de vie occasionnées par la position économique et sociale du contribuable ne sont pas déductibles et il demande la confirmation du jugement entrepris.
A l’audience du 4 mai 1999, Maître Raoul Wagener s’est rapporté à prudence de justice quant à la demande en déduction d’un montant de 1.490.855.- francs correspondant à un amortissement extraordinaire pour diminution de la valeur de terrains acquis, demande à laquelle le délégué du Gouvernement a opposé l’irrecevabilité tant dans son mémoire en réponse qu’en termes de plaidoiries, alors qu’il s’agirait d’une demande nouvelle.
Il résulte des pièces du dossier ainsi que de la procédure de première instance versées en cause et notamment d’un courrier adressé le 22 avril 1996 par le requérant au président du Conseil d’Etat que … s’est désisté en première instance de sa prédite demande en déduction d’un montant de 1.490.855.- francs et qu’en conséquence cette question n’a pas été tranchée dans le 2 jugement dont appel. Présentée à nouveau en instance d’appel, il s’agit effectivement d’une demande nouvelle non toisée en première instance et par conséquent irrecevable.
Concernant les frais engagés par l’appelant pour sa campagne électorale en 1979, la requête d’appel est recevable.
En 1979, … a participé aux élections législatives en vue d’obtenir un mandat de député; pour ce faire il a engagé des dépenses pour sa campagne électorale tenant notamment à des frais de publicité et à des frais postaux. Dans sa déclaration fiscale portant sur l’impôt sur le revenu de l’année 1979, il a entendu déduire un montant de 1.630.000.- francs relatifs aux frais de sa campagne électorale en tant que dépenses d’exploitation d’une profession libérale, ce qui lui fut refusé par décision du 11 décembre 1995 du directeur de l’administration des Contributions directes, au motif que les frais de sa campagne électorale constitueraient des dépenses personnelles ou de train de vie non déductibles en vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après dénommé « LIR ».
C’est à bon droit et pour des motifs que la Cour adopte, que les premiers juges ont estimé que les dépenses en question n’ayant pas été provoquées principalement par la recherche d’un revenu, c’est-à-dire faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver des recettes, la déduction de ces dépenses doit être refusée par application de l’article 105 LIR.
Pour arriver à cette conclusion, le tribunal administratif a dû examiner à juste titre, tant l’élément objectif, la relation des dépenses avec une catégorie de revenus déterminée, que l’élément subjectif, c’est-à-dire la motivation profonde du contribuable à vouloir exercer l’activité l’amenant à réaliser des recettes, relevant ainsi que les différentes dépenses relatives à la campagne électorale de l’appelant ne furent pas faites avec l’objet principal d’acquérir des recettes, mais avec le but de participer à l’exercice du pouvoir et de réaliser ses idées.
Les frais de campagne électorale ne sauraient non plus être déductibles à titre des frais d’exploitation au sens de l’article 45 LIR, cette disposition n’assurant que la déductibilité des dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise.
Les frais de campagne électorale rentrent en fait dans le champ d’application de l’article 12 LIR qui déclare non déductibles les dépenses effectives de train de vie occasionnées par la position économique et sociale du contribuable, même lorsqu’elles sont faites en vue de profiter à sa profession ou à son activité, ainsi que les dépenses personnelles. Tombent sous cette catégorie également les dépenses mixtes, qui sont susceptibles de profiter en même temps à la profession ou à l’activité du contribuable et à son ménage ou sa vie privée, lorsqu’il n’est pas possible de ventiler nettement les dépenses en question en dépenses personnelles et en dépenses d’exploitation ou frais d’obtention.
En ce sens, il y a lieu de se référer aux travaux parlementaires relatifs à la loi modifiée sur l’impôt sur le revenu du 4 décembre 1967, plus précisément au commentaire de l’article 15 (actuel article 12 LIR) qui donne une liste des dépenses personnelles non déductibles parmi lesquelles sont mentionnées expressément « les dépenses assumées par le contribuable pour la sauvegarde de son honneur, de même que les dépenses faites à des fins publiques » (document parlementaire n° 571 (4) page 130).
L’appel n’est donc pas fondé et il échet d’en débouter.
3 Par ces motifs La Cour, statuant contradictoirement;
déclare irrecevable la demande en déduction d’un amortissement extraordinaire pour diminution de la valeur de terrains acquis d’un montant de 1.490.855.- francs;
reçoit l’appel pour le surplus;
le déclare non-fondé et en déboute;
partant confirme le jugement du 28 octobre 1998;
condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance;
Ainsi jugé par:
Marion Lanners, vice-présidente Christiane Diederich-Tournay, conseiller-rapporteur Marc Feyereisen, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS, en audience publique à Luxembourg, au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
le greffier la vice-présidente 4