GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11031C Inscrit le 16 décembre 1998
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Audience publique du 6 mai 1999 Recours formé par le ministre de la Force publique contre … BRANDENBURGER en matière de discipline -Appel-
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 16 décembre 1998 par le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en vertu d’un mandat du ministre de la Force publique du 16 décembre 1998 contre un jugement rendu le 9 novembre 1998 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 10620 du rôle;
Vu la signification dudit acte d’appel par exploit d’huissier Rita HERBER du 15 décembre 1998;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 15 janvier 1999 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de … BRANDENBURGER;
Vu la signification dudit mémoire en réponse par exploit d’huissier Guy ENGEL du 13 janvier 1999;
Vu les pièces régulièrement versées en cause et notamment le jugement entrepris;
Ouï le conseiller en son rapport ainsi que le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH et Maître Edmond DAUPHIN en leurs plaidoiries respectives.
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1 Par requête déposée en date du 17 mars 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Edmond DAUPHIN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, … BRANDENBURGER, fonctionnaire de la gendarmerie grand-ducale, demeurant à L-…, a demandé l’annulation pour violation de la loi et excès de pouvoir d’une décision de refus du ministre de la Force publique d’annuler une décision du commandant de la gendarmerie du 27 juin 1997 le frappant de la peine disciplinaire de l’amende, refus découlant du silence dudit ministre depuis plus de trois mois.
Par jugement du 9 novembre 1998 (numéro 10620 du rôle) le tribunal administratif a déclaré le recours recevable et fondé, a déclaré nulle la procédure disciplinaire menée à l’égard de Monsieur BRANDENBURGER à défaut de notification des faits lui reprochés, a annulé la décision ministérielle déférée et renvoyé l’affaire devant le ministre de la Force publique.
Par requête d’appel déposée le 16 décembre 1998 au greffe de la Cour administrative le délégué du gouvernement a déposé une requête d’appel pour compte de l’Etat du Grand-Duché représenté par son ministre de la Force publique et demande la réformation du jugement du 9 novembre 1998 en invoquant l’irrecevabilité de l’action initiale en l’absence de décision coulée en force de chose jugée et en se rapportant pour le surplus à ses développements de première instance.
D’après l’appelant un acte émanant d'une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l'intention de l'autorité qui l'émet, une véritable décision, à qualifier d'acte de nature à faire grief, c'est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame (cf. F. SCHOCKWEILER, Le Contentieux administratif et la Procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, 2e éd., 1996, n° 59).
Il rappelle que le commandant de la Gendarmerie a infligé la peine disciplinaire de l'amende au requérant qui a relevé appel contre cette décision auprès du ministre de la Force publique, conformément à l'article 29, alinéa 6 de la loi de 1979 sur la discipline dans la Force Publique.
Le ministre de la Force publique a accusé réception de l'appel interjeté en date du 12 novembre 1997, a confirmé que cet appel se trouve en phase d'instruction et a averti le mandataire du requérant que, conformément à l'article 29, alinéa 7 de la loi de 1979, "l’affaire bénéficie de l'effet suspensif".
Il en découlerait que la décision du commandant de la Gendarmerie ayant infligé la peine disciplinaire en question se trouve suspendue jusqu'au moment où le ministre de la Force publique aura statué sur le mérite de l'appel interjeté de sorte qu’on ne serait à l'heure actuelle pas en présence d'un acte susceptible de produire par lui-
même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame.
2 Le requérant ne pourrait pas non plus déduire du silence de plus de trois mois du ministre de la Force publique que l'appel qu'il a introduit serait rejeté en présence de l'article 29, dernier alinéa de la loi de 1979 qui prévoit d'une façon expresse que le délai d'appel et l'appel ont un effet suspensif.
L’appelant demande que le recours soit déclaré irrecevable en ce qu'il a été introduit avant que le ministre de la Force publique ne se soit prononcé sur les mérites de l'appel, posant ainsi l'acte final de la procédure disciplinaire engagée.
Dans un mémoire en réponse déposé le 15 janvier 1999, … BRANDENBURGER demande la confirmation du premier jugement en développant notamment ses moyens de première instance.
Quant aux moyens avancés par l’appelant dans sa requête d’appel il développe l’argumentation suivante:
Selon l'article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le silence de l'administration constituerait, de toute façon à l'égard du requérant, une décision qui, bien qu'implicite, serait pourtant effective.
Or cette décision serait une décision de refus contre laquelle l'administré peut se pourvoir devant la juridiction administrative dans le cadre de la prédite loi du 7 novembre 1996.
Si l'autorité à laquelle l'appel est dévolu garde le silence durant trois mois, il y aurait de par la loi rejet de l'appel, et le receveur de l'Enregistrement serait tenu de percevoir l'amende même si l’autorité qui a gardé le silence continuait à réfléchir au problème.
Quant à la recevabilité de l’appel L’appel contre le jugement du 9 novembre 1998 a été interjeté dans les forme et délai fixés par l’article 99 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif. Il est partant recevable.
Quant au fondement de l’appel Aux termes de l’article 29 de la loi du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la Force Publique la décision motivée du chef de corps prononçant une peine disciplinaire peut être entreprise par l'appel devant le membre du gouvernement dont relève la force publique.
L'appel ne peut être interjeté le jour même de la notification de la décision et doit l'être au plus tard le troisième jour ouvrable qui suit celui de la notification.
Les termes « doit être adressée au plus tard » et « le délai d'appel et l'appel ont un effet suspensif » utilisés par ce texte ne permettent pas de douter de leur caractère contraignant dans le cadre de la procédure disciplinaire ainsi organisée.
3 En l’espèce … BRANDENBURGER a usé de cette voie de recours sur laquelle le ministre saisi n’a pas encore statué. C’est à tort que le recourant a estimé le contraire en argumentant que le délai de trois mois fixé à l’Administration par l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif serait applicable et que son écoulement devrait faire présumer une décision de refus.
La décision ministérielle sur un recours en matière disciplinaire ne constitue pas une décision simplement administrative au sens du prédit article 4 (1), le délai imposé au ministre n’étant limité que par la prescription de l’infraction.
La procédure de réclamation entamée par … BRANDENBURGER n’a dès lors pas été poursuivie jusqu’à son terme fixé par la loi et consistant dans une décision du ministre de la Force publique posant l’acte final de la procédure disciplinaire engagée.
C’est partant à tort que les premiers juges n’ont pas fait droit au moyen d’irrecevabilité soulevé par le défendeur initial, tiré du caractère prématuré du recours.
Par ces motifs la Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme;
au fond le déclare justifié;
réformant, déclare irrecevable le recours introduit le 17 mars 1998 par … BRANDENBURGER;
renvoie le dossier en prosécution de cause au ministre de la Force publique;
condamne … BRANDENBURGER aux frais des deux instances.
Ainsi jugé par Messieurs Georges KILL, président, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, rapporteur, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.
4 Le greffier en chef Le président 5