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16/03/1999 | LUXEMBOURG | N°10592C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 16 mars 1999, 10592C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10592C Inscrit le 2 mars 1998

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Audience publique du 16 mars 1999 Recours formé par l’administration communale de Schifflange contre le ministre de l’Intérieur en matière d’urbanisme

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Vu la requête déposée au greffe de la Cour administrative le 2 mars 1998 par Maître Roger Nothar, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Lux

embourg, au nom de l’administration communale de Schifflange et tendant à l’annulation d’une décisi...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10592C Inscrit le 2 mars 1998

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Audience publique du 16 mars 1999 Recours formé par l’administration communale de Schifflange contre le ministre de l’Intérieur en matière d’urbanisme

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Vu la requête déposée au greffe de la Cour administrative le 2 mars 1998 par Maître Roger Nothar, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, au nom de l’administration communale de Schifflange et tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 26 novembre 1997 portant refus d’approbation sur base de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes de la délibération du 27 août 1997 du conseil communal de Schifflange.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative par le délégué du Gouvernement à la date du 11 mai 1998.

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 8 janvier 1999 par Maître Roger Nothar au nom de l’administration communale de Schifflange.

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée.

Ouï la vice-présidente en son rapport et Maître Roger Nothar ainsi que le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs observations orales.

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Par délibération du 27 août 1997 et en se référant à la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, le conseil communal de Schifflange a décidé « de surseoir provisoirement et jusqu’à délibération sur les conclusions de l’étude sur le développement urbain à présenter dans un délai de deux ans, à la délivrance d’autorisations de construire des résidences à appartements multiples (plus de trois appartements), sachant que les demandes d’autorisation introduites avant l’aboutissement de la présente procédure ne sont pas visées », décision destinée à figurer comme ajout au règlement des bâtisses en vigueur.

Par décision du 26 novembre 1997, le ministre de l’Intérieur a refusé son approbation à la délibération sur la base de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 précité, décision notifiée à la commune le 4 décembre 1997 et motivée comme suit: «En effet, il est aberrant de ne plus autoriser, même pour une période limitée, des résidences à plus de trois appartements sur le territoire de la commune de Schifflange, alors que la structure de l’agglomération de cette localité est caractérisée actuellement par cette forme d’habitat. Comme je comprends toutefois le souci qui a amené le conseil communal à prendre une mesure pour faire face à une croissance excessive et incontrôlée des logements à Schifflange, j’estime que les autorités communales seraient bien conseillées de suivre la démarche proposée par la commission d’aménagement dans son avis du 9 juillet 1997. Le Service de l’Aménagement des Communes se tient à la disposition des autorités communales de Schifflange pour concrétiser cette suggestion.» Dans son avis négatif du 10 juillet 1997, la commission d’aménagement avait proposé aux autorités communales « de soumettre la disposition en question à la procédure définie par l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 » précité, après avoir relevé que « la procédure appropriée de mise en oeuvre d’une telle disposition, à savoir la procédure définie par l’article 16 de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire, se heurte à la disposition de l’article 12 de cette même loi qui stipule que les servitudes visées ne peuvent être contraires aux objectifs du projet de plan d’aménagement général actuellement en voie d’élaboration ».

Contre ce refus d’approbation ministériel l’administration communale de Schifflange a introduit un recours en annulation pour « incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés ».

L’administration communale reproche au ministre la violation de l’article 8.2 de la Charte européenne de l’autonomie locale signée à Strasbourg, le 15 octobre 1985 et approuvée par la loi du 18 mars 1987 - contrôle d’opportunité d’une décision en cas de délégations de tâches aux collectivités locales - et de l’article 4.2 de la même Charte -

pouvoir d’initiative attribué aux collectivités locales pour toute question qui n’est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité.

Elle fait valoir que la tutelle administrative ne permet pas au ministre de se prononcer en opportunité sur une décision qui ressort de la compétence exclusive du conseil communal et qu’il ne lui incombe pas de modifier une décision soumise à son contrôle tutélaire ni d’y substituer une nouvelle décision. L’autonomie locale garantie aux collectivités locales par la Charte européenne limite, de l’avis de la commune, le contrôle administratif au seul contrôle du respect de la légalité et des principes constitutionnels, la loi du 12 juin 1937 confiant directement aux communes la charge d’élaborer des projets d’aménagements.

2 Le paragraphe 4.4 de la Charte européenne précise que les compétences des collectivités locales ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autorité centrale « que dans le cadre de la loi » et l’article 8.2 dispose que « normalement » le contrôle administratif ne doit viser qu’à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels, mais que ce contrôle peut comprendre un contrôle de l’opportunité.

Or, les dispositions légales applicables au cas d’espèce, à savoir la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes (art. 2, 3, 4, 9) et la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire qui traite des interdictions pouvant frapper les immeubles pendant la période d’élaboration des plans et projets (art. 16) et qui renvoie à la loi du 12 juin 1937, prévoient expressément l’approbation du ministre.

Le ministre était donc légalement habilité à intervenir dans le cadre de ses compétences de ministre de tutelle investi d’un pouvoir d’approbation.

La décision de refus du ministre n’encourt pas le reproche du défaut de motivation, alors que le ministre renvoie à l’avis de la commission d’aménagement du 9 juillet 1997, avis dûment motivé.

En faisant siens les arguments développés par ladite commission, le ministre n’a pas non plus motivé son refus par des moyens d’opportunité, mais par des moyens tirés de la légalité de la procédure envisagée par l’ajout voté par la commune.

La commission a en effet argué que la procédure envisagée par la commune et « définie par l’article 16 de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire, se heurte à la disposition de l’article 12 de cette même loi qui stipule que les servitudes visées ne peuvent être contraire aux objectifs du projet de plan d’aménagement général actuellement en voie d’élaboration » et critique l’interdiction temporaire générale envisagée de la construction d’immeubles à logements multiples.

L’esprit des articles 16 et 12, alinéa 2 de la loi du 20 mars 1974, applicables au cas d’espèce, est pourtant contraire à la démarche de la commune.

En effet, l’article 16 de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire dispose qu’ « au cours des études ou travaux tendant à établir, à modifier, à compléter ou à réviser un plan ou un projet d’aménagement et jusqu’au moment du dépôt à la maison communale prévu à l’article 13, alinéa 2 de la présente loi ou de l’article 9, alinéa 2 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, il peut être décidé, que les immeubles touchés par le plan ou le projet d’aménagement à l’étude ou en élaboration sont frappés des servitudes visées à l’article 12, alinéa 2 de la présente loi, sauf que les propriétaires restent libres de procéder aux travaux d’entretien et de réparation. Ces servitudes frappent les propriétaires sans conférer le droit à l’indemnité ».

Il résulte de la disposition précitée que le législateur, en parlant d’ « immeubles touchés par le plan » et de « propriétaires », a visé des situations ponctuelles et précises, sans vouloir accorder la possibilité de décréter des servitudes globales et générales valables pour l’intégralité d’une commune.

3 Cette déduction est confortée par les développements et cas de figure exposés dans les travaux préparatoires à la loi du 20 mars 1974 (n° 1427, exposé des motifs) desquels il résulte que le législateur a entendu régler des mesures conservatrices par rapport à des biens immobiliers déterminés, soit à des situations données, sans viser des projets de constructions futures sur l’ensemble d’un territoire communal.

L’article 12, alinéa 2 de la loi du 20 mars 1974 auquel la commission et le ministre renvoient va dans le même sens en disposant que « … tout morcellement des terrains, toute construction ou réparation confortatives, ainsi que tous travaux généralement quelconques sont interdits, en tant que ces morcellements, réparations ou travaux seraient contraires aux dispositions des projets de plan », alors qu’il est inconcevable que la commune de Schifflange prohibe sur tout le territoire de la commune la construction d’immeubles à plus de trois appartements.

La décision ministérielle de refus se trouve partant valablement motivée par des moyens tirés de la légalité de la procédure envisagée par la commune.

L’administration communale reproche encore au ministre la violation du principe du contradictoire inscrit à l’article 4.6 de la Charte Européenne.

L’hypothèse visée par l’article 4.6 est celle où l’autorité de tutelle agit en dehors de toute initiative de la commune, ceci en vue d’assurer que le point de vue de la commune puisse être pris en considération. Or, dans le cas d’espèce, le ministre a agi dans le cadre d’une procédure légale déclenchée par la commune qui a fait connaître ses vues et qui a sollicité une décision du ministre.

Par ces motifs:

la Cour administrative, sur le rapport de la vice-présidente, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation de l’administration communale de Schifflange;

le dit non fondé et en déboute;

condamne la partie requérante aux frais de l’instance.

Ainsi jugé par Marion LANNERS, vice-présidente, rapporteur Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

4 Le greffier La vice-

présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 10592C
Date de la décision : 16/03/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;1999-03-16;10592c ?

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