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11/03/1999 | LUXEMBOURG | N°11168C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 11 mars 1999, 11168C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 11168C du rôle Inscrit le 4 mars 1999 N° 11170C du rôle Inscrit le 5 mars 1999 Audience publique du 11 mars 1999 Recours formé par le ministre de la Justice contre Virginia KIROVA GUEORGUIEVA en matière de:

mise à la disposition du Gouvernement - Appel -



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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 4 mars 1999 par la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück,

en vertu d’un mandat du ministre de la Justice du 2 mars 1999, contre un jugement rendu par l...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 11168C du rôle Inscrit le 4 mars 1999 N° 11170C du rôle Inscrit le 5 mars 1999 Audience publique du 11 mars 1999 Recours formé par le ministre de la Justice contre Virginia KIROVA GUEORGUIEVA en matière de:

mise à la disposition du Gouvernement - Appel -

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 4 mars 1999 par la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück, en vertu d’un mandat du ministre de la Justice du 2 mars 1999, contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 1er mars 1999 en matière de mise à la disposition du Gouvernement à l’encontre de Virginia Kirova Gueorguieva, de nationalité bulgare, détenue au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, ayant demeuré en dernier lieu à Luxembourg, 36, rue Joseph Junck, actuellement sans domicile ni résidence connus, appel enrôlé sous le n° 11168C.

Vu l’acte d’appel au contenu identique déposé au greffe de la Cour administrative le 5 mars 1999 enrôlé sous le n° 11170C.

Vu la signification de l’acte d’appel par exploit d’huissier Marc Graser à la date du 4 mars 1999.

Vu le procès-verbal de recherche Graser du 5 mars 1999.

Vu les mémoires en réponse déposés au greffe de la Cour administrative le 8 mars 1999 dans les deux rôles par Maître Marc Boever, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Olivier Lang, avocat II, au nom de Virginia Kirova Gueorguieva.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris avec la décision ministérielle querellée.

Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport, Maître Olivier Lang, en remplacement de Maître Marc Boever, et la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête déposée le 18 février 1999 au greffe du tribunal administratif, Virginia Kirova Gueorguieva a déposé un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 17 février 1999 instituant une mesure de placement à son égard au centre pénitentiaire de Luxembourg, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

Par jugement rendu à la date du 1er mars 1999, le tribunal administratif a déclaré le recours en annulation irrecevable, le recours en réformation justifié quant au fond et a annulé la décision du ministre de la Justice du 17 février 1999 avec condamnation de l’Etat aux frais.

Les juges de première instance, pour motiver leur décision, ont argué que le rapport de police du 16 février 1999 dressé en cause ne se rapporte à aucun des faits justificatifs d’une mesure de refoulement prévus sous les points 1, 3, 4 et 5) de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 et que la possession de 10.000.- francs luxembourgeois peut être considérée comme suffisante pour supporter les frais de voyage et de séjour de l’actuelle intimée.

Par requêtes déposées au greffe de la Cour administrative respectivement les 4 et 5 mars 1999, la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück, en vertu d’un mandat du ministre de la Justice du 2 mars 1999, a déclaré relever appel du jugement précité.

Le jugement entrepris est critiqué dans la mesure où il n’a pas retenu que le rapport de police du 16 février 1999 se réfère expressément aux paragraphes 2 et 4 de l’article 12 de la loi du 28 mars 1972 et de n’en avoir pas tiré les conséquences légales qui s’imposent, à savoir: la constatation que l’intimée, en possession d’un visa Schengen valable jusqu’au 7 mars 1999 et contrôlée alors qu’elle s’adonnait à la prostitution, ne disposait donc plus de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, de sorte qu’elle ne remplissait plus les conditions de la Convention d’application de l’accord de Schengen et la constatation que l’intimée s’adonnait à une activité lucrative sans être en possession d’une autorisation de séjour.

En ordre subsidiaire, la partie appelante conteste qu’une somme de 10.000.- francs lux.

soit suffisante pour couvrir les frais de voyage et de séjour jusqu’au 7 mars 1999.

Maître Marc Boever a déposé en date du 8 mars 1999 un mémoire en réponse dans chacun des deux rôles.

Par rapport à l’acte d’appel déposé le 4 mars 1999, et enrôlée sous le numéro 11168C, il en soulève l’irrecevabilité pour défaut de signification.

Il critique également la recevabilité de l’acte d’appel déposé le 5 mars 1999 enrôlé sous le numéro 11170C pour ne pas répondre aux exigences de l’article 156 du nouveau code de procédure civile et pour tardiveté, alors que le jugement entrepris aurait été communiqué par fax le 1er mars 1999.

Quant au fond, Maître Boever demande la confirmation du jugement entrepris en faisant valoir que l’intimée disposait d’un visa valable, qu’elle possédait suffisamment d’argent 2 pour subvenir à ses besoins et que la prostitution n’est ni interdite ni réglementée. Il qualifie encore la mesure de placement dans un centre pénitentiaire d’illégale.

Par appel incident, il demande finalement l’allocation de l’indemnité de procédure réclamée en première instance.

En instance d’appel, il demande dans le rôle n° 11168C une indemnité de procédure de l’ordre de 10.000.- flux et dans le rôle n° 11170C une indemnité de 25.000.- flux.

Quant à la recevabilité des actes d’appel La déléguée du Gouvernement demande la radiation de l’acte d’appel du 4 mars 99 enrôlé sous le n° 11168C comme faisant double emploi avec l’acte d’appel du 5 mars 99 enrôlé sous le n° 11170C.

La partie intimée s’oppose à la radiation au motif qu’elle a présenté une demande par appel incident dans les deux rôles.

Il échet dans ces circonstances de ne pas faire droit à la demande de radiation.

Les deux actes d’appel déposés respectivement aux dates des 4 et 5 mars 1999 ayant un contenu identique et se rapportant chacun aux mêmes parties, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de les joindre pour les vider par un seul et même arrêt.

Le jugement dont appel ayant été notifié au ministre de la justice par la voie du greffe du tribunal administratif à la date du 3 mars 1999 et le délai d’appel prévu par l’article 103 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif étant de « trois jours à partir de la notification de la décision du tribunal administratif », les deux actes d’appel ont été déposés dans le délai prévu par la loi. En effet, pour le calcul du délai d’appel, il y a lieu de se référer à la date de la notification du premier jugement par la voie du greffe et non pas à une communication par voie de fax, communication qui n’a aucun caractère officiel et constitue un geste de pure complaisance en présence des délais très courts prévus en la matière, et sans conséquences légales.

L’acte d’appel du 4 mars 1999 est pourtant à écarter pour défaut de signification.

L’acte d’appel du 5 mars 1999 a été préalablement signifié le 4 mars 1999 à la partie intimée, conformément aux dispositions de l’article 99,3 de la loi du 7 novembre 1996 précitée.

Cette signification à la dernière adresse connue de l’intimée, suivie le lendemain, soit dans le délai d’appel, d’un procès-verbal de constat de recherche, répond aux exigences de l’article précité et de l’article 157 du nouveau code de procédure civile. S’y ajoute que dès le 5 mars, soit toujours au cours du délai d’appel, le mandataire de l’intimée a été informé de la procédure d’appel par la voie du greffe de la Cour administrative et que ledit mandataire a réagi par un mémoire en réponse, de sorte que la partie intimée n’a pas été lésée dans ses droits de la défense.

L’acte d’appel du 5 mars est partant recevable en la forme.

Quant au fond 3 Les juges de première instance ont à juste titre déclaré recevable le recours en réformation en application de l’article 15,9 de la loi du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers, 2. le contrôle médical des étrangers, 3. l’emploi de la main-d’oeuvre des étrangers et décidé que malgré son rapatriement à la date du 25 février 1999, la partie en cause garde néanmoins un intérêt à obtenir une décision relativement à la légalité de la mesure de la part de la juridiction administrative, puisqu’en vertu d’une jurisprudence constante des tribunaux judiciaires, respectivement la réformation ou l’annulation des décisions administratives individuelles constitue une condition nécessaire pour la mise en oeuvre de la responsabilité des pouvoirs publics du chef du préjudice causé aux particuliers par les décisions en question.

Les agents verbalisants ont constaté que l’intimée est titulaire d’un passeport bulgare établi en Bulgarie et d’un visa Schengen n° GR 09 12000, établi le 28 décembre 1998 à Sofia et valable jusqu’au 27 mars 1999. L’intimée a déclaré être partie de Bulgarie et avoir transité par la Hongrie et l’Allemagne pour arriver à Luxembourg.

Pour examiner la légalité de la mesure de refoulement, la Cour est amenée à prendre en considération la loi du 3 juillet 1992 portant approbation de la Convention d’application de l’Accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990 et la loi précitée du 28 mars 1972.

Il est un fait que les agents verbalisants se sont référés dans le procès-verbal du 16 février 1999 à l’article 21 de l’accord de Schengen et à l’article 12 sub 2 et 4 de la loi précitée du 28 mars 1972, suite au contrôle des papiers de légitimation de l’intimée et à la constatation de son activité.

L’article 12 de la loi de 1972 dispose qu’une mesure de refoulement peut être prise à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence … 2) qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour et 4) qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis.

L’article 21 de la loi précitée du 3 juillet 1992 dit que « les étrangers titulaires d’un titre de séjour délivré par une des Parties Contractantes peuvent, sous le couvert de ce titre ainsi que d’un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres Parties Contractantes, pour autant qu’ils remplissent les conditions d’entrée visées à l’article 5, paragraphe 1, points a, c et e et qu’ils ne figurent pas sur la liste de signalement national de la Partie Contractante concernée ».

L’article 5, paragraphe 1, point c prévisé dispose que « Pour un séjour n’excédant pas trois mois, l’entrée sur les territoires des Parties Contractantes peut être accordée à l’étranger qui remplit les conditions ci-après:

c. présenter le cas échéant les documents justifiant de l’objet et des conditions du séjour envisagé et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance ou le transit vers un Etat tiers dans lequel son admission est garantie, ou être en mesure d’acquérir légalement ces moyens. » 4 Il est un fait que l’intimée ne disposait que d’un visa de court séjour de trois mois et qu’elle n’était pas autorisée à résidence.

Elle a déclaré lors de son audition par les agents verbalisants « Wir (elle et une amie bulgare) kamen nach Luxemburg um uns hierlands zu prostituieren ».

Le but du séjour à Luxembourg était partant l’exercice d’une activité lucrative pour se procurer des moyens d’existence, soit de travailler et celà, sans disposer d’autorisation de séjour. S’y ajoute que l’intimée n’a pas fait état d’un titre de transport de retour et qu’elle ne disposait que d’une somme d’argent peu importante.

Il résulte de l’ensemble des éléments précités que l’intimée, en venant au Luxembourg pour s’y procurer des ressources financières sans autorisation de séjour, non munie d’un titre de transport de retour et en possession d’une somme modique seulement, ne remplit ni les conditions prévues à l’article 12 sub 2 et 4 de la loi précitée du 28 mars 1972 ni celles de l’article 21 de la loi précitée du 3 juillet 1992.

Le séjour illégal de l’intimée au Grand-Duché justifie la mesure de refoulement prise à son encontre, de sorte que le jugement entrepris est à réformer.

Le placement dans une partie déterminée des locaux du centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig n’est pas à qualifier d’illégal, à défaut d’autres locaux appropriés.

Quant à l’appel incident et à la demande en allocation d’une indemnité de procédure en instance d’appel Compte tenu de l’issue du litige, les conditions d’application de l’article 240 du nouveau code de procédure civile ne se trouvent pas remplies et l’appel incident est à déclarer non justifié.

Contrairement à l’avis de la partie intimée, les juges de première instance ont suffisamment motivé leur décision de refus par rapport à la demande en octroi d’une indemnité de procédure en décidant que « les conditions afférentes ne sont pas remplies en l’espèce », alors que l’article précité énonce comme seule condition pour décharger une partie des sommes non comprises dans les dépens le défaut d’équité.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant contradictoirement, dit qu’il n’y a pas lieu à radiation de l’acte d’appel du 4 mars 1999 enrôlé sous le n° 11168C;

joint les actes d’appel introduits les 4 et 5 mars 1999 et enrôlés sous les numéros 11168C et 11170C;

déclare irrecevable l’acte d’appel du 4 mars 1999;

reçoit l’acte d’appel du 5 mars 1999;

5 le dit fondé;

réformant, confirme la décision du ministre de la Justice du 17 février 1999;

reçoit l’appel incident;

le dit non fondé et en déboute;

déboute la partie intimée de sa demande en octroi d’une indemnité de procédure présentée en instance d’appel;

condamne la partie intimée aux frais des deux instances.

Ainsi jugé par Marion LANNERS, vice-présidente Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, rapporteur Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

Le greffier La vice-présidente 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11168C
Date de la décision : 11/03/1999

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;1999-03-11;11168c ?

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