GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 11095 C Inscrit le 25 janvier 1999
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Audience publique du 23 février 1999 Recours formé par … BIGELBACH et consorts contre X. et consorts en matière de Délégations du personnel
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Vu le recours déposé au greffe de la Cour administrative le 25 janvier 1999 par Maître Georges PIERRET, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de … BIGELBACH, …, tous employés privés, recours tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines rendue à la date du 11 janvier 1999 ayant déclaré un recours initial recevable mais non fondé.
Vu la signification dudit recours en réformation à la date du 21 janvier 1999 par exploit d’huissier Michelle THILL à …, X. et à la S.A. ARBED, ayant son siège social à Esch/Alzette.
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 9 février 1999 par Maître Guy Castegnaro, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de …, X., tous employés privés.
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 10 février 1999 par Maître Georges PIERRET au nom des demandeurs préqualifiés.
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 10 février 1999 par Maître Guy Castegnaro au nom des défendeurs préqualifiés.
Vu la loi du 18 mai 1979 portant réforme des délégations du personnel.
Vu le règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel.
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise.
1 Ouï le conseiller Marc FEYEREISEN en son rapport, Maître Georges PIERRET pour les parties appelantes, ainsi que Maître Guy Castegnaro pour les parties intimées en leurs plaidoiries.
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Historique de la procédure.
Lors des élections pour le renouvellement de la délégation principale des employés auprès de l’Administration Centrale de l’ARBED S.A. en date du 11 novembre 1998, organisées selon les règles du scrutin proportionnel, la liste sous le n° 3 LCGB a obtenu 53,5 % des suffrages tandis que la liste n° 2 OGB-L a obtenu 46,5 % des suffrages.
L'arithmétique du partage des sièges a eu pour résultat un partage des 10 sièges, 5 pour le LCGB et 5 pour l'OGB-L.
La délégation principale telle que désignée, et sur laquelle les cinq requérants furent élus sur la liste n° 3, a procédé, à la date du 17 décembre 1998, à la répartition des charges et mandats, et ce conformément aux articles 27 et 21 de la loi du 18 mai 1979 portant réforme des délégations du personnel.
Lorsqu'il s'agissait de procéder à l'élection du délégué libéré, les membres de la délégation ont désigné, suite à une égalité de voix, cinq à cinq, le candidat X., en raison de son âge.
Suite à un recours introduit en date du 18 décembre 1998 par le sieur … Bigelbach, le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines a déclaré cette contestation recevable, mais non fondée.
Par recours déposé au greffe de la Cour administrative le 25 janvier 1999 et signifié à la date du 21 janvier 1999, Maître Georges PIERRET, au nom de … BIGELBACH, …, tous employés privés, a sollicité la réformation de la décision du 11 janvier 1999.
Les appelants sont d’avis que le règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel ne prévoit nullement celle de la désignation des fonctions et mandat des délégués une fois élus, de sorte que l'article 34, prévoyant l'élection du candidat le plus âgé en cas d'égalité de suffrages, ne peut être appliqué qu'au scrutin majoritaire, ou au scrutin proportionnel, mais en ce cas uniquement pour départager deux candidats en cas d'égalité de suffrages sur une et même liste, alors qu'une égalité de suffrages interlistes ne saurait être départagée au critère de l'âge;
que la délégation, et ultérieurement le Directeur de l'Inspection du Travail et des Mines, se seraient laissés induire en erreur et auraient amalgamé les deux systèmes majoritaire et proportionnel, alors qu'il s'agissait d'abord, et ce par un scrutin proportionnel par listes, d'attribuer le siège, sans encore y mettre le nom d'un candidat;
qu'au lieu de se baser ensuite sur les deux candidats ayant obtenu chacun 5 voix, et de suivre le président de la délégation, qui fut par hasard un des candidats en lice, et qui a déclaré élu le candidat le plus âgé, c'est-à-dire lui-même, la délégation aurait dû trouver un critère objectif pour la répartition du siège, en dehors de l'identité des candidats.
Les appelants demandent d’attribuer, par réformation, le mandat du délégué libéré auprès de la société ARBED S.A., administration centrale, à la liste numéro 3, à savoir au candidat BIGELBACH.
2 Maître Guy Castegnaro a déposé un mémoire en réponse en date du 9 février 1999 au greffe de la Cour Administrative.
Après s’être rapporté à prudence de justice quant à la recevabilité de l’appel, il attire l'attention de la Cour sur le fait qu'il ne serait pas certain qu'un litige issu de la procédure de désignation d'un ou de plusieurs délégués libérés par une délégation du personnel qui a été élu par les membres du personnel et dont l'élection n'a fait l'objet d'aucune contestation sur base des articles 40 (1) de la loi de 1979 et/ou 39 de son règlement d'exécution du 21 septembre 1979 concernant les opérations pour la désignation des délégués du personnel, entre dans le champ de compétence du Directeur de l'I.T.M. qui est limité aux contestations liées à l'électorat et à la régularité des opérations électorales relatives à la désignation des délégations du personnel.
En vertu de l'article 39, 2ième alinéa de ce règlement de 1979, ces contestations «ne sont recevables que si elles sont introduites dans les quinze jours qui suivent le dernier jour d'affichage du résultat du scrutin visé à l'article 36. » Le défendeur invoque par la suite les moyens suivants :
1) Défaut d'intérêt Comme seul le sieur … BIGELBACH préqualifié, a introduit la contestation sur base de laquelle le Directeur a pris la décision attaquée, le recours introduit par … serait à déclarer irrecevable parce que introduit par des parties n'ayant pas figuré en première instance. (voir en ce sens C.A., aff. KINN et EISCHEN c/ DEUTSCHE BANK S.A., 19 janvier 1999, rôle n° 11048 C) 2) Défaut d'objet La contestation et le recours seraient partant irrecevables pour défaut d'objet.
3) Exception de chose jugée Par lettre du 20 novembre 1998 adressée aux sieurs … et BIGELBACH du LCGB (Annexe 3), le Directeur de l'I.T.M. aurait décidé que les contestations relatives à la procédure de désignation des délégués libérés « sont de la compétence du tribunal du travail .» Cette décision ne s'imposerait non seulement aux parties qui y sont visées mais également aux juridictions.
Le procès-verbal de la réunion constituante du 16 décembre 1998 en vertu duquel le sieur X. a été désigné comme délégué libéré ne pourrait être contesté par le sieur BIGELBACH dans la mesure où la réunion constituante était postérieure à la décision du Directeur de l'I.T.M. du 20 novembre 1998 non attaquée par les sieurs … et BIGELBACH et qui avait dès lors acquis autorité de chose jugée.
Quant au fond, les défendeurs sont d’avis que ce sont les membres de la délégation et non pas l'électorat actif ayant figuré sur les listes électorales qui désigneraient selon les règles du scrutin proportionnel par listes le ou les délégués libérés.
En cas de parité de voix dans le cadre des élections des président, vice-président et secrétaire de la délégation du personnel, le candidat le plus âgé serait chaque fois élu en vertu de l’article 27 de la loi de 1979 prémentionnée.
3 Par analogie, le candidat le plus âgé devrait également être retenu en cas d'égalité de suffrages lors de la désignation du délégué libéré.
Maître Georges PIERRET, dans un mémoire en réplique déposé le 9 février 1999 au greffe de la Cour Administrative a répondu à l’argumentation développée par Maître Castegnaro en concluant à la recevabilité et au bien-fondé de son appel.
Maître Castegnaro a déposé un mémoire en duplique le 10 février 1999 au greffe de la Cour Administrative et répond à l’argumentation développée par les appelants quant au fond de l’affaire.
Recevabilité de l’acte d’appel.
La décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines datée du 11 janvier 1999 ayant été notifiée aux parties en cause à la date du 21 janvier 1999, la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 25 janvier 1999 a été valablement introduite dans le délai des quinze jours prévu à l’article 40 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel.
L’article 40 du règlement grand-ducal de 1979 dispose que la Cour statue comme juge du fond, de sorte que le recours en réformation est recevable.
Compétence du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines.
La contestation qui fait l’objet du présent recours a été introduite devant le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines par lettre recommandée, suivant tampon d’entrée, le 30 décembre 1998.
L’article 40 de la loi modifiée du 18 mai 1979 portant réforme des délégations du personnel dispose comme suit:
(1) Les contestations relatives à l’électorat et à la régularité des opérations électorales sont de la compétence du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines; cette décision peut faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat, comité du contentieux, statuant en dernière instance et comme juge du fond.
(2) Pour autant qu’il n’ait pas statué autrement, les contestations à naître de la présente loi et de ses règlements d’exécution autres que celles visées au paragraphe qui précède, sont de la compétence du tribunal du travail.
Il en résulte qu’un litige issu de la procédure de désignation d'un ou de plusieurs délégués libérés par une délégation du personnel est à toiser suivant les modalités prévues à l’article 40(2) alors que l’opération contestée ne rentre pas dans les prévisions de l’article 40(1) de la loi. C’est dès lors à tort que le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines s’est déclaré compétent.
La décision du 11 janvier 1999 est partant à réformer.
L’affaire ayant été portée à tort devant le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines, les requérants appelants doivent supporter les frais de procédure.
Par ces motifs, 4 la Cour, sur le rapport du conseiller Marc FEYEREISEN, statuant contradictoirement, reçoit l’appel de … BIGELBACH, … en la forme;
réformant, dit que le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines était incompétent pour connaître de la procédure;
condamne les appelants aux frais de l’instance.
Ainsi jugé par Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller-rapporteur, et lu par le premier conseiller en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
le greffier le premier conseiller 5