GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10674 C Inscrit le 20 avril 1998
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Audience publique du 9 février 1999 Recours formé par l’administration des Contributions directes contre … ESCH en matière de:
Imposition des non-résidents Appel
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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 20 avril 1998 par Maître François Biltgen, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, au nom de l’administration des Contributions directes, représentée par le ministre des Finances, contre un jugement rendu en matière d’imposition des non-résidents entre les parties … Esch de D-… et le directeur de l’administration des Contributions directes par le tribunal administratif à la date du 9 mars 1997.
Vu l’acte de signification dudit acte d’appel à la requête de l’administration des Contributions directes, représentée par le ministre des Finances, sinon de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son premier ministre, ministre d’Etat, par exploit d’huissier Marcel Herber du 20 avril 1998.
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 6 octobre 1998 par Maître Alex Schmitt, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, au nom de … Esch.
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 24 novembre 1998 par Maître François Biltgen au nom de l’administration des Contributions directes.
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 11 janvier 1999 par Maître Alex Schmitt au nom de … Esch.
Ouï la vice-présidente en son rapport, Maître Nicolas Bauer, en remplacement de Maître François Biltgen ainsi que Maître Jean Steffen, en remplacement de Maître Alex Schmitt en leurs plaidoiries respectives.
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L’appelant … Esch exerce le métier de peintre en bâtiment en Allemagne et son établissement principal est situé à … (D) au même endroit que son domicile privé.
En raison d’une augmentation importante des commandes en provenance du Luxembourg, … Esch déclare avoir décidé au cours de l’année 1992 d’établir une certaine infrastructure au Grand-Duché afin d’y exécuter à partir de cette base les travaux afférents.
Il a ainsi pris en location des locaux à L-…, et déclaré l’ouverture de cet établissement au 1er juin 1992 auprès du bureau d’imposition X de l’administration des Contributions directes par déclaration afférente du 27 mai 1992. Durant les années 1992 à 1995, les commandes de clients luxembourgeois auraient été exécutées par intervention de l’établissement luxembourgeois. Après la reprise de l’entreprise par le fils, l’établissement au Luxembourg a été abandonné à la fin de l’année 1995.
Suite à des visites des lieux après le dépôt des déclarations d’impôt par l’appelant, le préposé du bureau d’imposition de Grevenmacher a décidé que l’appelant ne sera pas assujetti à l’impôt luxembourgeois, alors que l’infrastructure à Gostingen n’était pas constitutive d’un établissement stable au sens de la convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et la République Fédérale d’Allemagne du 23 août 1958 tendant à éviter les doubles impositions et a envoyé les déclarations fiscales de l’appelant au Bundesamt für Finanzen, ce qui a déclenché une procédure de droit pénal fiscal.
Après recours en réformation, sinon en annulation, devant le tribunal administratif contre la décision du préposé du bureau d’imposition de Grevenmacher et la décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes suite à sa réclamation, le tribunal administratif a, par jugement du 9 mars 1997, déclaré le recours recevable en tant que dirigé contre la décision du préposé du bureau d’imposition de Grevenmacher du 10 mai 1996 et irrecevable pour le surplus, au fond, par réformation, dit que le demandeur disposait d’un établissement stable luxembourgeois au sens de la convention de double imposition durant la période du 1er juin 1992 au 31 décembre 1995 et renvoyé l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 20 avril 1998 et signifiée à la même date, Maître François Biltgen, au nom de l’administration des Contributions directes, représentée par le Ministre des Finances, a relevé appel du jugement précité pour, principalement voir déclarer la requête introductive initiale irrecevable pour défaut d’intérêt à agir et défaut de préjudice et subsidiairement entendre dire que l’intimé n’a pas rapporté la preuve de l’exercice d’une activité au Grand-Duché par le biais d’un établissement stable au sens de la convention de double imposition durant la période concernée.
En l’absence de tout élément de preuve de la date de la notification du jugement entrepris, Maître Alex Schmitt, au nom de l’intimé, soulève l’irrecevabilité de l’acte d’appel.
Le mandataire de l’intimé analyse d’une façon approfondie l’intérêt à agir de son mandant pour demander au fond la confirmation du jugement entrepris.
Sur base de l’article 131-1 du code de procédure civile, l’intimé réclame une indemnité de procédure de l’ordre de 150.000.- francs.
2 Maître Biltgen a répliqué dans un mémoire déposé le 24 novembre 1998 dans lequel il maintient et approfondit tous ses moyens.
Dans un mémoire en duplique déposé le 11 janvier 1999, la partie intimée formule une offre de preuve par témoins.
Recevabilité de l’acte d’appel En application des dispositions de l’article 99 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le délai pour interjeter appel est, sous peine de forclusion, de 40 jours, la computation se faisant, d’après l’article 1033 du code de procédure civile applicable au cas d’espèce - l’article 1256 du nouveau code de procédure civile étant par ailleurs resté inchangé - à partir de minuit du jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la signification qui le fait courir, le délai expirant le dernier jour à minuit.
Le directeur des Contributions et le ministre des Finances ayant signé la réception du jugement entrepris, suivant pièces versées en cause, le 11 mars 1998, l’appel du 20 avril 1998 a été interjeté dans le délai prévu par la loi.
Intérêt à agir C’est à bon droit et pour les motifs exhaustivement développés par le tribunal administratif et adoptés par la Cour, que les juges de première instance ont conclu qu’une décision sur le seul principe de l’assujettissement à l’impôt de l’administration fiscale d’un Etat déterminé doit être considérée comme étant de nature à causer grief au contribuable, une telle décision affectant sa situation fiscale globale.
La recevabilité du recours en réformation de la partie Esch contre la décision du préposé du bureau d’imposition de Grevenmacher du 10 mai 1996 est partant à confirmer.
Le fond du litige Il échet d’apprécier si l’intimé a satisfait aux dispositions de l’article 2 (1) 2. de la convention de double imposition qui définit l’établissement stable comme « eine feste Geschäftseinrichtung, in der die Tätigkeit des Unternehmens ganz oder teilweise ausgeübt wird ».
Le tribunal administratif a pris en considération le dépôt de matériaux de peinture, la détention d’une autorisation d’établissement luxembourgeoise, l’engagement de trois salariés affiliés à la sécurité sociale luxembourgeoise, ainsi que la détention d’un numéro individuel d’identification à la T.V.A. et d’un compte bancaire luxembourgeois pour admettre l’existence d’un établissement stable au sens de l’article 2 (1) 2. précité.
La partie appelante conteste la décision du tribunal en faisant valoir que seule a été rapporté la preuve de l’apparence d’un établissement stable.
Les démarches administratives faites par l’intimé et retenues par le tribunal sont de nature à établir l’apparence d’un établissement stable au Luxembourg, ce qui n’est cependant pas le cas en fait.
3 En effet, la Cour estime que l’exercice d’une réelle activité économique depuis le local loué au Grand-Duché n’est pas établi en considération des faits suivants tous appuyés par des pièces versées au dossier se référant en partie à des constatations officielles (lettres du 10 mai et 2 octobre 1996 de l’administration des Contributions directes):
l’intimé a loué à Gostingen une cave (4 x 7 m) au prix annuel de 13.000.- francs;
la propriétaire de l’immeuble a déclaré aux agents de l’administration des Contributions directes que le local servait exclusivement de dépôt et qu’il n’a jamais contenu de bureau;
les mêmes agents ont constaté sur place le 15 mars 1995, soit plusieurs mois avant la cessation de l’entreprise, qu’aucune enseigne n’indiquait la présence d’une entreprise;
le local ne disposait pas de raccordement téléphonique à la poste;
le papier à lettres de l’intimé figurant au dossier renseigne exclusivement un numéro de téléphone en Allemagne, de sorte qu’aucune commande n’a pu être reçue à Luxembourg, les clients potentiels devant appeler un numéro en Allemagne.
Un loyer mensuel de 1.083.- francs, le défaut de raccordement téléphonique à la poste et l’absence d’une autorisation prévue par la loi modifiée du 9 mai 1990 sur les établissements dangereux, insalubres ou incommodes contredisent à suffisance de droit l’existence d’une infrastructure stable permettant l’exploitation de l’entreprise en partie ou dans sa totalité.
Le dossier ne contient aucun élément établissant qu’au-delà d’un simple dépôt de matériel, la cave louée ait servie à l’exercice d’une activité économique au sens de la convention de double imposition et plus spécialement de son article 2 (1) 2.
L’offre de preuve par témoins de l’intimé est à écarter, alors que les faits offerts en preuve sont d’ores et déjà contredits par l’ensemble des pièces versées au dossier contenant en partie des renseignements officiels et fiables.
Le jugement entrepris est partant à réformer.
Compte tenu de la décision à intervenir, la demande de l’intimé en allocation d’une indemnité de procédure est à abjuger, les conditions d’application de l’article 131-1 du code de procédure civile n’étant pas remplies.
Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de la vice-présidente, reçoit l’appel, le dit partiellement fondé, confirme le jugement du 9 mars 1997 dans la mesure où il a déclaré le recours en réformation de l’intimé recevable en tant que dirigé contre la décision du préposé du bureau d’imposition de Grevenmacher du 10 mai 1996 et irrecevable pour le surplus;
réformant:
4 rejette l’offre de preuve de la partie intimée;
dit que la preuve d’un établissement stable luxembourgeois au sens de la convention de double imposition durant la période du 1er juin 1992 au 31 décembre 1995 n’a pas été rapportée par l’intimé;
partant déclare le recours de l’intimé contre la décision du 10 mai 1996 précitée non fondé et en déboute;
rejette la demande de l’intimé présentée sur base de l’article 131-1 du code de procédure civile;
condamne la partie intimée aux frais des deux instances.
Ainsi jugé par:
Marion LANNERS, vice-présidente, rapporteur Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
le greffier la vice-présidente 5