GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 10785 C Inscrit le 6 juillet 1998 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU 7 JANVIER 1999 Requête d’appel de CLAUDE PUBLICITE S.A. et … MULLER c/ la Ville de Luxembourg et le Ministre de la Culture en matière d’autorisation de bâtir et d’enseignes publicitaires (jugement entrepris du 27 mai 1998) ————————————————————————————————— Vu la requête déposée le 6 juillet 1998 par laquelle la société anonyme CLAUDE PUBLICITE et Monsieur … MULLER, faisant le commerce sous l’enseigne … ont relevé appel contre la Ville de Luxembourg et le Ministre de la Culture d’un jugement rendu le 27 mai 1998 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous les numéros 9793, 9794 et 10069 du rôle;
vu l’exploit Guy ENGEL du 6 juillet 1998 par lequel cette requête a été signifiée à l’Administration communale de la VILLE DE LUXEMBOURG et à L’ETAT DU GRAND-DUCHE;
vu les mémoires en réponse déposés le 17 septembre 1998 par l’Administration communale de la Ville de Luxembourg et le 14 octobre 1998 par le délégué du Gouvernement;
vu le mémoire en réplique des appelants déposé le 5 novembre 1998;
Ouï le président en son rapport, Maître Yves Huberty, en remplacement de Maître Roland Assa, Maître Jean Medernach et le délégué du Gouvernement, Monsieur Gilles Roth, en leurs conclusions.
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Par requête déposée le 6 juillet 1998 la société anonyme CLAUDE PUBLICITE et Monsieur … MULLER, ce dernier faisant le commerce sous l’enseigne …, ont relevé appel contre la Ville de Luxembourg et le Ministre de la Culture d’un jugement rendu le 27 mai 1998 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous les numéros 9793, 9794 et 10069 du rôle.
Ledit jugement a déclaré irrecevables les recours introduits sous les trois numéros du rôle prémentionnés et condamné les demandeurs aux frais.
A l’appui de leur appel les parties CLAUDE PUBLICITE et … MULLER font valoir que, contrairement à ce qu’a admis le Tribunal administratif, ils auraient un intérêt direct et personnel en cause. Quant au fond elles demandent en ordre principal le renvoi devant un Tribunal administratif autrement composé. En ordre subsidiaire elles maintiennent leurs conclusions présentées en première instance.
L’Administration communale de la Ville de Luxembourg conclut à la confirmation pure et simple du jugement entrepris en se rapportant à ses mémoires versés en première instance.
Le délégué du Gouvernement se rapporte à prudence quant à la recevabilité de l’appel, tout en critiquant ce dernier pour avoir été signifié au Premier ministre alors que le recours initial aurait été dirigé contre le ministre de la Culture. Quant au fond il demande la confirmation du jugement entrepris.
Les appelants répliquent en soulignant que l’article 69-1 du Code de procédure civile serait applicable en matière administrative et l’appel serait partant valablement signifié au Ministère d’Etat. Quant au fond ils soulignent que le fait qu’un tiers, en l’espèce la société … S.A., disposerait éventuellement d’un intérêt personnel dans la cause n’empêcherait pas que de leur part un intérêt personnel suffisant, distinct de celui de …, pourrait être invoqué.
————————————————————————————————— Quant à la recevabilité de l’appel:
Dans son mémoire du 14 octobre 1998 le délégué du Gouvernement critique la recevabilité de l’appel sur base de l’article 99,3° de la loi du 7 novembre 1996 alors que l’acte d’appel a été signifié à l’Etat du Grand-Duché représenté par son Ministre d’Etat. De ce fait, la requête n’aurait pas été signifiée, comme le prescrit le prédit article de la loi, « aux parties ayant figuré en première instance ».
S’il est exact que le jugement entrepris a été rendu entre les appelants d’une part, et la Ville de Luxembourg et le Ministre de la Culture d’autre part, le destinataire de la signification de l’acte d’appel quant à cette dernière partie n’en est pas moins l’Etat du Grand-Duché qui, contrairement à un ministère déterminé, revêt la personnalité juridique. La signification a donc été correctement faite conformément à l’article 69-1 du Code de procédure civile, qui est applicable en la matière à défaut d’une disposition particulière réglant les significations à l’Etat en matière administrative (C.A. nos. du rôle 10522 et ss. du 28.05.1998).
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L’appel, interjeté et signifié dans les forme et délais de la loi, est dès lors recevable.
Quant au fondement de l’appel:
Par son jugement du 27 mai 1998 le Tribunal administratif a déclaré les trois recours introduits par les appelants … MULLER et CLAUDE PUBLICITE S.A.
irrecevables en motivant cette décision par le défaut d’intérêt personnel et direct des recourants, lesquels n’invoqueraient qu’un intérêt purement commercial qui serait insuffisant pour leur donner qualité pour agir.
La Cour estime que la décision du tribunal ne saurait être critiquée pour autant qu’elle se rapporte au recours introduit par Monsieur … MULLER. Ce dernier n’intervient en effet dans les projets commerciaux de CLAUDE PUBLICITE S.A.
en nom personnel uniquement comme sous-traitant pour la réalisation technique des enseignes lumineuses. S’il est vrai que dans le chef de … MULLER on peut présumer un intérêt de nature commerciale à voir autoriser les projets de CLAUDE PUBLICITE S.A., cet intérêt ne saurait être considéré comme personnel et direct en rapport avec l’objet du recours. Par ailleurs les démarches administratives qui ont été faites par … MULLER l’ont été, expressis verbis, pour le compte de CLAUDE PUBLICITE S.A., de sorte que, également sous ce rapport, aucun intérêt personnel, né et actuel ne peut être pris en compte pour l’appréciation de la recevabilité du recours.
Pour l’évaluation de l’intérêt que la recourante CLAUDE PUBLICITE S.A. met en avant il y a lieu d’apprécier l’ensemble des activités commerciales de cette société par rapport au projet concret qui se trouve à l’origine du recours. A ces fins il s’impose d’examiner en particulier le contrat qui lie la société en question à sa cliente, la société … S.A. En l’absence de toute contestation sur la validité entre parties du contrat initialement conclu par la société de droit français CLAUDE PUBLICITE S.A. il ne s’impose pas de vérifier d’office la régularité de la reprise de ce contrat par la société de droit belge recourante et appelante.
De l’examen de la pièce en question il se dégage aux yeux de la Cour que l’activité de la société CLAUDE PUBLICITE S.A. ne se limite pas à la livraison et à l’installation d’un dispositif publicitaire lumineux, cette activité étant en l’espèce confiée en grande partie en sous-traitance à l’entreprise …. Les termes du contrat, en particulier les stipulation sub 1) (objet du contrat) et sub 4) (emplacement) mettent en évidence une activité sui generis de ladite société consistant à rechercher des emplacements utiles pour la pose de panneaux publicitaires, à s’en assurer la disposition et à les utiliser pour offrir aux clients potentiels un service publicitaire sur cet emplacement.
Compte tenu de la spécificité inhérente à chacune des deux branches d’activités, livraison et montage de panneaux lumineux d’une part, exploitation d’emplacements d’autre part, il est permis d’admettre que le savoir-faire commercial que recherche la clientèle qui a recours aux services de CLAUDE PUBLICITE S.A. se rapporte au moins autant à la deuxième activité qu’à la première.
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Ce n’est donc pas sans justification logique qu’aux termes de l’article 4) c du contrat sous examen l’emplacement en question est considéré comme faisant partie du fond de commerce de CLAUDE PUBLICITE et que l’article 1er fait état d’un emplacement dont CLAUDE PUBLICITE a la disposition.
Dans le cas d’espèce il résulte des pièces versées, en particulier du plan numéro 1 joint à la demande d’autorisation, que la recourante se prévaut de l’accord du propriétaire de l’immeuble pour l’utilisation de l’emplacement. Le plus ample examen de l’existence et du contenu de cet accord relève du fond de l’affaire.
CLAUDE PUBLICITE S.A. fait ainsi valoir sur l’emplacement en question des droits qui lui permettent de prévoir leur utilisation à des fins commerciales. La société a en conséquence un intérêt direct, né et certain à soumettre à l’appréciation de la juridiction compétente les décisions administratives qui lui font grief en empêchant une utilisation lucrative d’un emplacement dont elle s’est assuré la disposition.
Il en suit que le jugement entrepris doit être réformé pour autant qu’il a déclaré irrecevables pour défaut d’intérêt les recours introduits par CLAUDE PUBLICITE S.A.
L’affaire n’étant pas en état d’être jugée au fond et en vue d’assurer aux parties un double degré de juridiction il y a lieu de renvoyer l’affaire en prosécution de cause devant le Tribunal administratif.
par ces motifs la Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit les appels de … MULLER et de CLAUDE PUBLICITE S.A. en la forme;
déclare celui de … MULLER non fondé et en déboute avec charge des dépens pour les deux instances;
déclare celui de CLAUDE PUBLICITE S.A. fondé;
reçoit en la forme le recours introduit par CLAUDE PUBLICITE S.A;
renvoie l’affaire en prosécution de cause devant le Tribunal administratif;
réserve les dépens relatifs à la procédure d’appel.
Ainsi jugé par Messieurs - 4 -
Georges KILL, président, rapporteur, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.
Le greffier en chef Le président - 5 -