GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10780C Inscrit le 1er juillet 1998
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Audience publique du 7 janvier 1999 Recours formé par Monsieur … FERRO contre la commune de Weiler-la-Tour et le ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations
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Vu le recours déposé au greffe de la Cour administrative le 1er juillet 1998 par Maître Marc Elvinger, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom du sieur … Ferro, recours tendant à l’annulation de la délibération du conseil communal de Weiler-la-Tour du 2 avril 1998 portant refus d’approbation d’un projet d’aménagement particulier couvrant des terrains situés au lieu dit « Auf dem Widem » tel que présenté pour son compte par l’architecte … ainsi que, pour autant que de besoin, de la décision du ministre de l’Intérieur du 24 avril 1998 par laquelle celui-ci a « pris acte » de la prédite délibération du conseil communal et décidé que sa missive valait « clôture du dossier »;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour le 6 octobre 1998;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour le 2 décembre 1998 par Maître Guy Ludovissy, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Weiler-la-Tour;
Vu l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;
1 Ouï le premier conseiller rapporteur en son rapport, Maîtres Marc Elvinger et Guy Ludovissy ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbruck en leurs plaidoiries respectives.
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Par requête déposée le 1er juillet 1998 et signifiée à la Commune de Weiler-la-Tour le 8 juillet 1998, le sieur … Ferro, demeurant à L-…, a exercé un recours en annulation à l’encontre de la délibération du conseil communal de Weiler-la-Tour du 2 avril 1998 portant refus d’approbation d’un projet d’aménagement particulier couvrant des terrains situés au lieu dit « auf dem Widem » tel que présenté pour son compte par l’architecte … ainsi que, pour autant que de besoin, contre la décision du ministre de l’Intérieur du 24 avril 1998 par laquelle celui-ci a « pris acte » de la prédite délibération du conseil communal et décidé que sa missive valait « clôture du dossier ».
La décision attaquée du conseil communal est critiquée en ce que, suivant l’avis de la commission d’aménagement prévue par la loi du 12 juin 1937, elle a refusé d’approuver le projet d’aménagement particulier présenté par le requérant, cet avis voulant notamment que le projet d’aménagement particulier respecte les limites de périmètre d’agglomération telles qu’elles sont indiquées au projet d’aménagement général approuvé par le ministre de l’Intérieur le 26 février 1996.
Le requérant expose que, antérieurement à l’introduction de la procédure tendant au classement voulu des parcelles immobilières lui appartenant, la procédure d’établissement du plan d’aménagement général de la commune de Weiler-la-Tour aurait été clôturée par une décision du ministre de l’Intérieur selon laquelle, en dehors de toute réclamation, le ministre de l’Intérieur aurait apporté au projet communal soumis à la procédure de la loi du 12 juin 1937 des modifications en ce qui concerne le tracé du périmètre et le classement en zone verte de différentes parcelles dont certaines appartenant au requérant.
Il est soutenu que, agissant ainsi, le ministre de l’Intérieur aurait excédé ses pouvoirs ce qui aurait engendré la nullité de la décision, nullité susceptible d’examen et de sanction sur base de l’article 95 de la Constitution dans le cadre du présent litige et qui ne saurait de ce fait valoir comme base légale et motivation à la décision entreprise.
De ce fait il y aurait lieu à annulation de la décision du conseil communal refusant l’approbation du projet d’aménagement particulier introduit par le requérant.
Dans son mémoire du 6 octobre 1998, le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la lettre du ministre de l’Intérieur du 24 avril 1998, cette lettre dans laquelle le ministre a pris acte de la décision du conseil communal de la commune de Weiler-la-Tour ne constituant pas de décision ni d’acte à caractère réglementaire.
A titre subsidiaire et quant au fond, le délégué du Gouvernement expose que, faute de possibilité de recours direct contre les actes à caractère réglementaire avant l’entrée en vigueur de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le plan d’aménagement général approuvé avec certaines modifications apportées d’office en 1995 et 1996 constitue un règlement communal valable adopté dans les formes de la loi.
2 Le délégué du Gouvernement signale par ailleurs qu’au cours des années 1994 et 1995 le requérant actuel se serait déjà vu refuser par les autorités communales un projet d’aménagement particulier portant sur les mêmes terrains, aucune réclamation n’ayant à l’époque été présentée par le sieur Ferro.
Il est encore relevé que, outre l’avis favorable de la commission d’aménagement de 1991 cité par le requérant, un avis défavorable aurait été émis la même année sur un projet d’aménagement particulier avec extension du périmètre sur les lieux visés par le présent recours.
Dans un mémoire déposé le 2 décembre 1998 et qualifié improprement de mémoire en réplique, l’administration communale de Weiler-la-Tour déclare se rapporter à la sagesse de la Cour tant en ce qui concerne la recevabilité du recours qu’en ce qui concerne le fond, tout en soutenant, au fond, que du fait du classement par le ministre de l’Intérieur de parcelles litigieuses en zone verte, la commune « ne pouvait plus approuver les plans d’aménagement particulier qui ne respecteraient pas le projet du plan d’aménagement général tel qu’il fut adopté par le ministre de l’Intérieur ».
Considérant que le présent recours est dirigé contre une décision du conseil communal de la commune de Weiler-la-Tour qui a refusé, au stade du vote provisoire prévu par l’article 9, alinéa 2 de la loi du 12 juin 1937, l’approbation d’un projet d’aménagement particulier introduit par le requérant, ainsi que contre la décision du ministre de l’Intérieur par laquelle celui-ci a pris acte de la délibération du conseil communal;
Considérant que la procédure d’adoption d’un plan d’aménagement étant de nature réglementaire, c’est à juste titre que le recours est porté devant la Cour; qu’il est introduit dans les formes et délai de la loi et qu’il est dès lors recevable à ce titre;
Quant au recours contre la lettre du ministre de l’Intérieur du 24 avril 1998:
Considérant que c’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la teneur de la lettre du ministre de l’Intérieur du 24 avril 1998 par laquelle le ministre « a pris acte » de la décision du conseil communal refusant, au stade du vote provisoire, d’approuver le projet de plan d’aménagement particulier lui soumis;
Considérant qu’un vote négatif à ce stade de la procédure prévu par la loi du 12 juin 1937 précitée met fin à la procédure et ne comporte pas d’autres suites, la loi ne soumettant à l’approbation du ministre de tutelle que les délibérations du conseil communal qui, après que la procédure de la loi a été suivie, approuvent le plan d’aménagement général ou particulier ou y apportent des modifications;
que la délibération intervenue en cause, soit la décision négative sur le vote provisoire, n’est pas soumise à approbation, aucune décision n’affectant les règles d’urbanisme n’ayant été prise, et que par ailleurs, en prenant simplement acte de la décision négative du conseil communal, le ministre n’a pas lui-même pris de décision ni posé un acte dans la procédure réglementaire;
3 que le recours est dès lors irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la lettre du ministre de l’Intérieur du 24 avril 1998;
Quant au recours contre la décision du conseil communal:
Considérant que le requérant reproche à la décision du conseil communal de se fonder sur des décisions du ministre de l’Intérieur intervenues antérieurement à la présente procédure, dans le contexte de l’adoption du plan d’aménagement général de la commune de Weiler-la-Tour réalisée avant l’entrée en vigueur de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif;
Considérant que le moyen produit par le requérant est fondé sur l’article 95 de la Constitution;
Considérant que si le recours direct en annulation des actes à caractère réglementaire n’est admissible qu’à l’égard de textes postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 7 novembre 1996 qui a créé le recours en question, il n’en est pas moins que l’illégalité de textes réglementaires antérieurs à cette date peut être soulevée sur base de l’article 95 de la Constitution aux termes duquel les cours et tribunaux n’appliquent les réglements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes à la loi;
que de ce texte se déduit la compétence des juridictions pour examiner la légalité des textes réglementaires lorsque leur application est contestée en justice à l’occasion d’une décision fondée sur les textes incriminés;
Considérant toutefois qu’en espèce, les textes réglementaires en question, soit le plan d’aménagement général de la commune de Weiler-la-Tour et le règlement des bâtisses qui en définit les différentes zones ne sont pas des règlements conditionnant la décision du conseil communal lors de la décision ultérieure sur un plan d’aménagement particulier;
qu’au contraire, la procédure d’adoption d’un plan d’aménagement particulier est une procédure réglementaire de même niveau hiérarchique que le plan d’aménagement général qu’elle a vocation de modifier, de sorte qu’en droit, des dispositions du plan d’aménagement général ne sauraient empêcher ou interdire l’admission de dispositions dérogatoires ultérieures;
que les dispositions du plan d’aménagement général dont l’illégalité est invoquée sur base de l’article 95 de la Constitution n’ayant dès lors pu en droit conditionner ou fonder la décision entreprise, il y a lieu d’écarter le moyen sans qu’il n’y ait besoin de l’examiner au fond;
Considérant qu’en tirant argument de la teneur actuelle du plan d’aménagement général et notamment du tracé du périmètre et de la classification en zone verte des parcelles sur lesquelles porte le litige, le conseil communal a, en fait, fait état de considérations légitimes d’ordre urbanistique de sa compétence et que sa décision de ne pas approuver le plan d’aménagement particulier présenté par le requérant qui entendait modifier le périmètre d’agglomération de ce classement de plusieurs parcelles n’est entachée d’aucune cause d’annulation.
Par ces motifs:
4 la Cour statuant contradictoirement;
reçoit le recours en la forme;
le déclare irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la teneur de la lettre du ministre de l’Intérieur du 24 avril 1998;
le déclare non fondé en ce qu’il vise la décision du conseil communal de la commune de Weiler-la-Tour du 2 avril 1998;
condamne le requérant aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par:
Georges KILL, président, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par le président Georges KILL en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.
le greffier en chef le président 5