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17/12/1998 | LUXEMBOURG | N°10844C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 17 décembre 1998, 10844C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10844C Inscrit le 19 août 1998

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Audience publique du 17 décembre 1998 Recours formé par Monsieur … ELSHANI et son épouse Madame … ELSHANI-KRASNIQI contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel

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Vu la requête d’a

ppel déposée au greffe de la Cour administrative le 19 août 1998 par Maître Claude DERBAL, avocat i...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10844C Inscrit le 19 août 1998

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Audience publique du 17 décembre 1998 Recours formé par Monsieur … ELSHANI et son épouse Madame … ELSHANI-KRASNIQI contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel

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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 19 août 1998 par Maître Claude DERBAL, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ELSHANI et de son épouse Madame … ELSHANI-

KRASNIQI, les deux agissant tant en leur nom personnel qu’en leur qualité d’administrateurs légaux de leurs enfants mineurs …, contre un jugement du tribunal administratif rendu contradictoirement entre les appelants et le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique à la date du 15 juillet 1998;

Vu l’exploit de signification de ladite requête à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à la date du 19 août 1998;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le premier octobre 1998;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Claude DERBAL au greffe de la Cour administrative le 19 novembre 1998;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport, Maître Claude DERBAL et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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2 Par requête inscrite sous le numéro du rôle 10654 et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 avril 1998, Monsieur … ELSHANI et son épouse Madame … ELSHANI-KRASNIQI, les deux agissant tant en leur nom personnel qu’en leur qualité d’administrateurs légaux de leurs enfants mineurs …, ont demandé la réformation sinon l’annulation de deux décisions du ministre de la Justice intervenues respectivement les 13 janvier et 2 mars 1998, la première rejetant la demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié, et la seconde rejetant un recours gracieux exercé contre la première décision.

Par jugement du 15 juillet 1998, le recours en réformation a été déclaré recevable en la forme mais non justifié quant au fond, le recours en annulation a été déclaré irrecevable.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 19 août 1998 et préalablement signifié à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, les appelants … ELSHANI et … ELSHANI-

KRASNIQI ont relevé appel du jugement précité.

La décision dont appel serait à réformer alors qu'en fait elle aurait fait une appréciation injuste des faits et qu'en droit elle en aurait tiré des conclusions erronées en jugeant que les éléments soumis par les appelants ne justifieraient pas dans leur chef une crainte justifiée de persécution en raison de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social ou d'une croyance religieuse.

Le tribunal administratif arriverait de façon paradoxale à la conclusion que l'instruction de la demande des parties appelantes ne serait pas viciée alors qu'il résulterait indéniablement des pièces du dossier que rien ne permettrait d'établir que le rapport d'audition du 8 mars 1996, contesté par les parties appelantes, refléterait parfaitement leurs déclarations.

Les premiers juges auraient estimé à tort que la seule procédure à suivre était la procédure de droit commun s’appliquant à toutes les demandes administratives, découlant du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979.

Les appelants soutiennent dans ce contexte que s'il est exact qu'au moment de la rédaction du procès-verbal du 8 mars 1996, la procédure d'examen des demandes de réfugiés n'était pas encore réglementée par des dispositions particulières, les principes généraux de droit commun s'appliqueraient à l'examen de toute demande, de sorte que l'administration aurait dû appliquer les exigences procédurales minimales préconisées par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en sa vingt-huitième session d'octobre 1977, en faisant suivre la transcription de la déclaration d'un demandeur d'asile d'une formule rédigée tant dans sa langue natale qu'en français et qui reprend en substance la teneur suivante:

"le texte ci-dessus (c.-à-d. la déclaration actée) m'a été traduit dans ma langue maternelle et il n'y avait aucun problème de compréhension entre les différents agents et moi. Je ne retiens aucune information ne correspondant pas à la réalité. De ma part, il n'y a plus d'autres faits à invoquer au sujet de la présente demande d'asile et aux déclarations précédentes il n'y a plus rien à ajouter".

3 Comme cette formalité aurait été respectée lors d’autres interrogatoires, il en résulterait que les principes d'une instruction contradictoire et d'un traitement égal d'une demande par l'administration n'auraient pas été observés, voire manifestement violés, lors de l'audition du sieur ELSHANI et qu’il y aurait là inobservation des règles établies pour protéger le statut particulier de l’appelant.

Qu'il résulterait des rétroactes de l'affaire, et notamment des pièces versées en cause, que le sieur ELSHANI serait recherché par les autorités serbes en raison de la détention de matériel de propagande du parti d'opposition L.D.K..

Le sieur ELSHANI aurait dû fuir son pays d’origine alors que craignant à juste titre une incarcération comme le confirmerait le mandat de perquisition et d'amener du 24 juillet 1994 ayant suivi la convocation du 13 juillet 1994 délivrée par les autorités serbes, voire d’être torturé ou exécuté.

Qu'au vu du mandat de perquisition et d'amener du 24 juillet 1994 visant expressément la répression d'un activisme politique, il ne saurait être supposé, comme l'aurait erronément admis le tribunal administratif, que la convocation du 13 juillet 1994 serait prétendument motivée par des motifs de droit commun alors que ce serait en raison de cette conviction politique que le sieur ELSHANI aurait été sur le point d’être appréhendé lorsqu'il aurait pris la décision de fuir.

Par conclusions déposées en date du premier octobre 1998 au greffe de la Cour administrative, le délégué du gouvernement a demandé la confirmation du premier jugement en se référant à ses développements de première instance.

Par mémoire en réplique déposé en date du 19 novembre 1998 au greffe de la Cour administrative les appelants font encore une fois valoir que lors de l’audition du 8 mars 1996, il n'aurait pas été procédé à une relecture des déclarations de Monsieur ELSHANI par l’interprète, de sorte qu'il n'aurait pu en contrôler la régularité ni y porter les éventuelles corrections qui s’imposaient de sorte que la décision de refus d'admission au statut de réfugié politique ne saurait se fonder sur le rapport d'audition du 8 mars 1996.

Le sieur ELSHANI réaffirme faire l'objet de recherches actives de la part des autorités serbes, étant convaincu d'avoir détenu du matériel de propagande en faveur du parti politique LDK, cet élément étant objectivement vérifiable par la Cour au vu du mandat de perquisition et d’amener du 24 juillet 1994.

La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai de la loi.

En application de l’article 3 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif le tribunal et, sur appel, la Cour administrative connaissent comme juge du fond des recours introduits contre les décisions ministérielles en matière de statut de réfugié politique.

Il est constant en cause que les appelants basent leurs développements sur deux pièces qui constituent un des éléments d’appréciation susceptibles d’influencer l’intime conviction de la Cour qui ne peut valablement se prononcer que sur base de documents irrécusables.

4 Dans ce contexte, les juridictions administratives sont autorisées à demander à l’autorité ministérielle compétente pour établir et instruire le dossier de base du postulant, de faire contrôler par les services officiels à sa disposition tels que Parquets, ambassades, services de police ou tout autre organe compétent, l’authenticité des pièces leurs soumises au cas où la fiabilité de ces pièces semble douteuse.

Dans l’impossibilité de constater l’authenticité de telles pièces, la Cour est amenée, avant tout autre progrès en cause, à prononcer la rupture du délibéré pour permettre au ministre de la Justice de renseigner la Cour sur le caractère fiable des pièces suivantes:

a) « convocation du 13 juillet 1994 pour le 22 juillet 1994 »;

b) « mandat de perquisition et d'amener du 24 juillet 1994 ».

PAR CES MOTIFS la Cour statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme, avant tout autre progrès en cause, ordonne la rupture du délibéré pour permettre au Ministre de la Justice de renseigner la Cour sur le caractère fiable des pièces suivantes :

a) « convocation du 13 juillet 1994 pour le 22 juillet 1994 »;

b) « mandat de perquisition et d'amener du 24 juillet 1994 », fixe l’affaire au rôle général.

Ainsi jugé par:

Georges KILL, président Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller Marc FEYEREISEN, conseiller, rapporteur et lu par le président Georges KILL en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny MAY.

le greffier en chef le président 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 10844C
Date de la décision : 17/12/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;1998-12-17;10844c ?

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