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17/12/1998 | LUXEMBOURG | N°10776C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 17 décembre 1998, 10776C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10776C Inscrit le 29 juin 1998 Audience publique du 17 décembre 1998 Recours formé par la Ville de Luxembourg contre l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial - Appel -



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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 29 juin 1998 par Maître Georges MARGUE, avocat inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d

e la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, con...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10776C Inscrit le 29 juin 1998 Audience publique du 17 décembre 1998 Recours formé par la Ville de Luxembourg contre l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial - Appel -

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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 29 juin 1998 par Maître Georges MARGUE, avocat inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, contre un jugement du tribunal administratif rendu en date du 20 avril 1998 en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt commercial;

Vu l’exploit Pierre BIEL du 25 juin 1998 par lequel l’acte d’appel a été signifié au directeur de l’administration des Contributions directes et à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg représenté par son ministre d’Etat ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 30 novembre 1998;

Vu le mémoire en réplique de Maître Georges MARGUE au nom de la Ville de Luxembourg déposé au greffe de la Cour administrative le 4 décembre 1998;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport et Maître Georges MARGUE ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie Klein en leurs plaidoiries respectives.

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1 Par deux requêtes inscrites sous les numéros du rôle 10163 et 10164 et déposées le 23 juillet 1997 au greffe du tribunal administratif, Maître Georges MARGUE, avocat inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, a introduit 1) un recours en réformation contre le bulletin de l'impôt sur le revenu des collectivités pour l'année 1990, émis le 25 janvier 1996 et adressé à l'administration communale de la Ville de Luxembourg, lotissement Kaltreis, n° fiscal 1600/5001/319;

2) un recours en réformation contre le bulletin de l'impôt commercial communal pour l'année 1990, émis le 25 janvier 1996 au nom de l'administration communale de la Ville de Luxembourg, lotissement Kaltreis.

Par jugement rendu à la date du 20 mai 1998, le tribunal administratif a joint les deux rôles, les a reçus en la forme et les a déclarés non justifiés.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 29 juin 1998 et préalablement signifiée le 25 juin 1998 au directeur de l’administration des Contributions directes et pour autant que de besoin à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, la requérante a déclaré relever appel du jugement précité.

Ce serait à tort que le jugement entrepris a déclaré « que ce ne sont pas les communes qui sont soumises comme telles à l'impôt sur le revenu des collectivités, mais que ce sont leurs entreprises de nature commerciale, industrielle ou minière qui sont passibles dudit impôt. » De cette affirmation le jugement entrepris a déduit une conclusion inadmissible: la commune, en matière fiscale, ne constituerait pas une personne morale à patrimoine unique, mais se subdiviserait en "entreprises" à patrimoine propre et distinct, c'est-à-dire en personnes morales subordonnées pouvant être débitrices d'impôt de façon séparée, sans lien entre elles et incapables de compenser les bénéfices réalisés et les pertes subies dans les différentes branches d'exploitation.

Non seulement, le jugement attaqué refuse à la Ville de Luxembourg le droit de mettre en balance des bénéfices réalisés en matière d'opérations immobilières avec des pertes subies par le service communal de transport de personnes, mais même les bénéfices réalisés par une partie des opérations en matière d'aménagement de logements avec les pertes subies lors d'opérations analogues en d'autres quartiers voire dans les exercices antérieurs dans le même quartier, dans la mesure où les pertes sont reportables.

Ce serait erronément que la décision attaquée affirme que l'existence d'un lien économique direct entre les activités accomplies par la commune dans le cadre du lotissement Kaltreis et d'autres activités de lotissement de la commune n'aurait pas été alléguée alors qu’il en aurait été question tout au long des discussions entre les représentants de l'administration des Contributions et ceux des communes.

L’appelante demande principalement de déclarer inapplicables, sur le fondement de l'article 95 de la Constitution, les dispositions du règlement allemand du 6 février 1935 dit "Erste KStDvo' , dans la mesure où elles s'opposent à la prise en considération, aux fins des impôts en litige, de l'ensemble des activités d'une commune soumises à l'impôt sur le revenu et à l'impôt dit "Gewerbesteuer".

2 En ordre subsidiaire elle demande de poser à la Cour constitutionnelle la question de savoir si l'interprétation de l'article 159 de la loi sur l'impôt sur le revenu, admise par les premiers juges, est compatible avec la disposition de l'article 11 (2) de la Constitution qui déclare l'égalité des Luxembourgeois devant la loi.

Le délégué du Gouvernement, dans un mémoire en réponse déposé le 30 novembre 1998, soutient que l’appel n'avait pas à être signifié au directeur des Contributions, ni surtout à une adresse où il n'a pas ses bureaux.

Si le tribunal administratif a estimé que le lotissement Kaltreis de la Ville de Luxembourg constituait une « entreprise » au sens de l'article 159 (1) B de la loi du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, cela ne signifierait nullement qu'une telle entreprise ait un patrimoine propre ni qu'elle soit une personne morale distincte.

Ce serait au contraire l'administration communale qui se serait vu notifier les bulletins et qui se défendrait contre l'obligation de payer l'impôt.

Une commune luxembourgeoise ne pourrait être assimilée à une société de capitaux que dans la mesure où elle entreprend une activité de même nature.

Le délégué du Gouvernement demande la confirmation du premier jugement.

Par un mémoire en réplique déposé le 4 décembre 1998, l’appelante conclut encore une fois à la recevabilité et au bien-fondé de son appel.

Quant à la recevabilité de l’appel, l’article 99(3) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif stipule que l’appel est interjeté par une requête déposée au greffe de la Cour administrative et signifiée préalablement aux parties ayant figuré en première instance.

Le recours ayant été introduit devant le tribunal administratif par la Ville de Luxembourg contre l’administration des Contributions directes et les qualités des parties au litige n’ayant pas été contestées, c’est en application de l’article précité que la signification de l’acte d’appel a été faite au directeur des Contributions directes au bureau d’imposition concerné. Le directeur des Contributions n’ayant pas la capacité juridique pour représenter l’Etat devant les tribunaux en matière de contentieux d’impôts, c’est à juste titre que la signification de la requête d’appel a également été faite à l’Etat du Grand-Duché, représenté par son ministre d’Etat.

La requête d’appel ayant été introduite dans les formes et délai de la loi est recevable.

Il se dégage des pièces versées en cause ainsi que de l’examen des faits effectué par les juges de première instance que le bureau d'imposition compétent émit le 25 janvier 1996, à charge de l'administration communale de la ville de Luxembourg - Lotissement Kaltreis -, un bulletin de l'impôt sur le revenu des collectivités pour l'année 1990, ainsi qu'un bulletin de l'impôt commercial communal pour ladite année, basés sur un bénéfice commercial de 11 620.541 -

francs.

3 L'assujettissement à l'impôt sur le revenu des collectivités se détermine d'après l'article 159 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) qui consacre à l'alinéa ler sub B. le principe de l'imposition des « entreprises de nature commerciale, industrielle ou minière, même sans but de lucre, de l'Etat, des communes, des syndicats de communes, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public. » D'éventuelles exemptions sont prononcées par l'article 161 L.I.R. qui prévoit une exemption de l'impôt sur le revenu des collectivités, « si ces organismes, suivant leurs statuts ou leur pacte social et leur activité poursuivent directement et uniquement des buts cultuels, charitables ou d'intérêt général. » Cette possibilité d'exemption n'est pas à confondre avec une non-imposition absolue des communes alors que le même article 161 précise que ces organismes à caractère collectif « restent passibles de l'impôt dans la mesure où ils exercent une activité à caractère industriel ou commercial », disposition se justifiant par le souci d’éviter des distorsions de concurrence entre les entreprises publiques et les entreprises privées.

Les seules entreprises commerciales de l'Etat, des communes et des syndicats de communes qui sont exemptes de l'impôt sur le revenu des collectivités sont les entreprises de fourniture d'eau, de gaz et d'électricité (art. 161, al. ler, no. 2 L.I.R.).

Le fait de lotir un terrain en terrains à bâtir constitue une activité commerciale et les revenus tirés de cette entreprise de lotissement sont considérés comme bénéfice commercial au sens de l'article 14 L.I.R..

D’après l’article 159 (2) L.I.R., l’impôt sur le revenu des collectivités porte sur l’ensemble des revenus du contribuable de sorte que la notion « d’activité à caractère industriel et commercial » ne saurait s’appliquer individuellement à chaque lotissement comme entité économique autonome, mais doit être définie dans le cadre d’une catégorie d’activité se distinguant par rapport aux autres catégories d’activités usuellement considérées comme se poursuivant dans « l’intérêt général ».

La Ville de Luxembourg ne saurait ainsi revendiquer un recalcul de l’imposition basée sur le solde de toutes ses opérations non exonérées.

Elle est néanmoins en droit de revendiquer que les calculs de la base d’assiette globale et de l’impôt commercial communal se fassent d’après les règles établies au chapitre IV du Titre II.

L.I.R. intitulé « Revenu imposable », après prise en considération de l’ensemble de toutes les opérations sur immeubles de son domaine privé, de sorte que les bénéfices réalisés en matière d’aménagement de logements peuvent être compensés par des pertes subies lors d’opérations analogues.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant contradictoirement;

reçoit l’appel en la forme;

4 le déclare également fondé;

par réformation du premier jugement, dit que le calcul de la base d’assiette globale et de l’impôt commercial communal doit être établi après prise en considération de l’ensemble de toutes les opérations sur immeubles du domaine privé de la Ville de Luxembourg ;

renvoie le dossier au bureau d’imposition Sociétés IV ;

condamne l’intimée aux frais et dépens des deux instances.

Ainsi jugé par Marion LANNERS, vice-présidente, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, rapporteur et lu par la vice-présidente Marion LANNERS, en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

le greffier la vice-présidente 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 10776C
Date de la décision : 17/12/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;1998-12-17;10776c ?

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