GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10721C Inscrit le 22 mai 1998
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Audience publique du premier décembre 1998 Recours formé par Monsieur … MUQAJ contre le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour - Appel -
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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 22 mai 1998 par Maître Arsène KRONSHAGEN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l 'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MUQAJ, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à …, contre un jugement du Tribunal administratif rendu contradictoirement entre l’appelant et le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour à la date du 15 avril 1998;
Vu l’exploit Guy ENGEL du 20 mai 1998 par lequel l’acte d’appel a été signifié à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 10 juin 1998;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;
Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport oral, Maître François CAUTAERTS, en remplacement de Maître Arsène KRONSHAGEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.
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Par requête déposée le 17 octobre 1997 au greffe du Tribunal administratif, Monsieur … MUQAJ a introduit un recours tendant à la réformation et subsidiairement à l'annulation d'une décision du ministre de la Justice du 21 juillet 1997, confirmée, sur recours gracieux, par décision ministérielle du 8 septembre 1997, lui refusant l'autorisation de séjour au Luxembourg.
Par jugement rendu à la date du 15 avril 1998, le Tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation et a déclaré le recours en annulation non justifié.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 22 mai 1998, et préalablement signifiée le 20 mai 1998 à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, le requérant a déclaré relever appel du jugement précité.
L’appelant critique en premier lieu le fait que le Tribunal administratif ait rejeté à tort le recours en estimant qu’il n'aurait pas rapporté la preuve de disposer de moyens personnels suffisants pour supporter ses frais de voyage et de séjour;
que l'appelant en sa qualité d'actionnaire unique de la S.A R.L. EURO-DACH-TECHNIK GmbH aurait tenu une assemblée générale extraordinaire destinée à régulariser sa situation;
que suivant extrait du procès-verbal de ladite assemblée, l'appelant aurait été désigné gérant administratif avec pouvoir de signature individuelle;
que cette nomination aurait été effectuée dans le respect des dispositions de la loi de 1915 sur les sociétés commerciales de sorte que par réformation de la décision attaquée, il y aurait lieu de constater que l'appelant serait en droit de percevoir des indemnités de la part de la société EURO-DACH-TECHNIK à concurrence de 105.000 LUF par mois et que cette rémunération serait dès lors suffisante au regard de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers;
que pour autant que de besoin, l'appelant offre également de déposer entre les mains du Ministère de la Justice une garantie bancaire émise par un établissement bancaire luxembourgeois d'un montant de 500.000 LUF ou tout autre montant pour garantir les engagements financiers découlant de l'obtention d'une autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg.
Dans son mémoire en réponse déposé le 10 juin 1998, le délégué du Gouvernement fait valoir que l'appelant invoque comme moyen unique le fait que le Tribunal administratif aurait considéré à tort que la preuve des moyens d'existence personnels à laquelle l'octroi d'une autorisation de séjour est subordonné n'aurait pas été rapportée.
Quant aux faits et motifs ayant conduit à la décision de refus de l'autorisation de séjour, il renvoie à son mémoire déposé en première instance où il a exposé que l'autorisation de séjour a été refusée le 21 juillet 1997, l'appelant n'ayant pas rapporté la preuve de disposer de moyens d'existence personnels au sens de l'article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers.
Au moment de la décision de refus de même qu'au moment du rejet du recours gracieux, l'appelant se serait vu refuser le permis de travail, de sorte qu'il n'était pas autorisé à travailler pour compte de la s.à r.l. Euro-Dach-Technik Gmbh.
Le fait que l'appelant soit l'associé unique de cette société serait irrelevant alors que l'autorisation d'établissement du ministre des Classes moyennes serait liée à la condition que la gérance soit assurée par Monsieur Franz Goldschmit.
2 L'appelant se serait par ailleurs vu refuser le permis de travail.
Le Tribunal administratif aurait fait une analyse exacte de la situation en décidant que même si l'appelant produit des pièces dont il résulte qu'il se fait chaque mois un virement représentant le salaire pour le travail qu'il accomplit dans sa société, ces revenus ne sont pas pour autant «légalement perçus ».
Il résulterait des fiches de salaire versées à l'appui du recours introduit devant le Tribunal administratif que l'appelant serait un salarié de la s.à r.l. Euro-Dach-Technik, la fiche de même que l'ordre de virement par lequel M. Muqaj se fait parvenir son salaire précisant qu'il s'agit du salaire mensuel avec l'indication du mois concerné.
Or l'appelant ne serait pas autorisé à travailler pour le compte de la société en question, le permis de travail lui ayant été refusé.
S’il affirme actuellement qu'une assemblée générale extraordinaire aurait régularisé la situation en le désignant gérant administratif avec pouvoir de signature individuelle, cette assemblée générale aurait été tenue postérieurement à la décision ministérielle, de sorte que ce fait ne saurait avoir la moindre incidence sur la présente affaire, le juge administratif devant examiner la situation des faits telle qu'elle s'est présentée au moment où la décision litigieuse a été prise.
La désignation de l'appelant comme gérant administratif, désignation qu'il a pu opérer seul alors qu'il est l'associé unique de la société ne changerait de toute façon pas les données du problème alors qu'il subsiste que la qualification professionnelle reposerait sur M. Goldschmit qui, selon les statuts déposés le 23 mars 1998 devant le Tribunal administratif, avait seul pouvoir pour engager la société.
L'offre de présenter une garantie bancaire serait à écarter alors que dans le cadre d'un appel contre une décision du Tribunal administratif ayant statué comme juge de l'annulation une pièce nouvelle non soumise aux premiers juges ne pourrait être produite.
La requête d’appel ayant été introduite dans les formes et délai de la loi est recevable.
Lorsque la Cour est saisie, comme en l’espèce, d’un recours en annulation, elle a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver la décision entreprise et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés.
Par ailleurs la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise, de sorte que l’offre actuelle d’une garantie bancaire, ne valant par ailleurs pas comme preuve de disposer de moyens personnels suffisants, n’est pas à prendre en considération.
3 La décision attaquée est basée sur ce que l’appelant n’a pas pu fournir la preuve de l’existence de moyens personnels propres tels que requis par l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3.
l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère et n’a pu de ce fait obtenir ultérieurement une autorisation de séjour.
C’est à bon droit et pour de justes motifs auxquels la Cour se rallie que les juges de première instance ont constaté qu’au jour où la décision administrative a été prise, l’appelant n’était pas en possession d’un permis de travail et n’était pas autorisé à occuper un emploi au Grand-
Duché de Luxembourg, ni à toucher des revenus provenant de cet emploi, les revenus dont il fait état n’étant pas légalement perçus.
La décision de refus du ministre de la Justice du 21 juillet 1997, confirmée sur recours gracieux par décision ministérielle du 8 septembre 1997 refusant l'autorisation de séjour au Luxembourg, est partant justifiée en fait et en droit, le ministre de la Justice n’ayant pas commis d’excès de pouvoir et n’ayant pas violé la loi.
Le jugement du Tribunal administratif du 15 avril 1998 est partant à confirmer.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme;
le dit non fondé et en déboute;
partant confirme le jugement du 15 avril 1998 dans toute sa teneur;
condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.
Ainsi jugé par:
Marion LANNERS, vice-présidente Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller Marc FEYEREISEN, conseiller, rapporteur et lu par la vice-présidente Marion LANNERS, en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
le greffier la vice-
présidente 4