GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10864C Inscrit le 2 septembre 1998 Audience publique du 10 novembre 1998 Recours formé par le ministre du Travail et de l’Emploi contre Monsieur … PETOSEVIC, … et la s. à r.l. PROINTEE, … en matière de permis de travail - Appel -
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 2 septembre 1998 par Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER, en vertu d’un mandat du ministre du Travail, contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 29 juillet 1998 en matière de permis de travail entre … PETOSEVIC et la s. à r.l. Prointée comme parties demanderesses, et le ministre du Travail et de l’Emploi comme partie défenderesse.
Vu la signification de la requête d’appel par acte d’huissier GRASER à la date du 24 août 1998 pour … PETOSEVIC et du 26 août 1998 pour la s. à r.l. Prointée.
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.
Ouï la vice-présidente en son rapport et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en ses plaidoiries.
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Par jugement du 29 juillet 1998, le tribunal administratif a annulé les décisions ministérielles des 29 mai 1997 et 10 septembre 1997 ayant refusé une demande de permis de travail présentée par la s. à r.l. Prointée en faveur de … PETOSEVIC.
Le jugement du 29 juillet 1998 est entrepris dans la mesure où il n’a pas accueilli les motifs de refus de la décision ministérielle tirés de la priorité à l’emploi pour les ressortissants de l’Espace Economique Européen et de la disponibilité sur place de demandeurs d’emploi appropriés, qu’il a retenu l’absence d’assignation d’autres candidats à la société employeuse et le défaut de preuve de la disponibilité concrète de demandeurs susceptibles de bénéficier de la 1 priorité CEE et que finalement il a décidé que le ministre n’est pas autorisé à refuser un permis de travail pour non respect des dispositions de la loi du 21 février 1976 sur le recrutement des travailleurs à l’étranger.
La Cour renvoie au jugement de première instance pour l’historique des faits.
En présence d’un recours en annulation, le juge administratif a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des fait matériels qui sont à la base de la décision attaquée et de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à justifier légalement la décision attaquée.
Dans le cas d’espèce, il s’agit en premier lieu d’examiner si … PETOSEVIC est le seul candidat à présenter les qualités exigées par l’employeur et si les demandeurs d’emploi disponibles dans l’espace économique européen sont tous dépourvus des qualités essentielles nécessaires pour occuper le poste vacant auprès de la s. à r.l. Prointée.
Il y a lieu de constater que la s. à r.l. Prointée n’a à aucun moment déclaré un poste vacant avec indication du profil recherché, mais qu’elle a introduit le 3 avril 1997 auprès du ministère du Travail et de l’Emploi une demande de permis de travail en faveur du seul … PETOSEVIC, demeurant à …, en précisant que ce dernier a une qualification unique correspondant au profil de consultant recherché avec des connaissances du marché de l’Europe de l’Est. Le courrier du mandataire des intimés du 16 avril 1997 fait encore référence à la connaissance des langues de cette partie du continent européen et des annonces publiées dans les journaux exigent en plus des connaissances en droit et en matière informatique, une expérience dans le domaine de la protection de la propriété intellectuelle dans les pays de l’Est et, outre la maîtrise d’une langue des pays de l’Est, la maîtrise de l’anglais, du français et de l’allemand.
Il est acquis en cause qu’une dame … BERNARDY-IOTOVA, qui avait été assignée à la s. à r.l. Prointée par l’ADEM et qui avait également posé sa candidature à la suite des annonces parues dans les quotidiens, a été refusée au motif qu’elle « ne correspond pas aux qualifications exigées, n’a pas de formation légale ».
Compte tenu du fait que la s. à r.l. Prointée avait exigé des connaissances en droit et qu’il résulte des pièces versées en cause que la candidate au poste, née en 1968, est titulaire d’un diplôme Y 13 N° 063384 lui certifiant des connaissances en droit civil, commercial et international privé (mention bien), en droit national de l’URSS et des pays étrangers (mention parfait) et en droit international (mention bien), le motif du refus de la candidate est en tout cas dénué de tout fondement.
S’y ajoute que l’employeur a encore motivé le refus d’engagement de la dame Bernardy par la mention « nous avons le candidat idéal » et qu’il a demandé à l’ADEM de ne plus lui assigner d’autres candidats.
Il résulte de l’ensemble des éléments précités que l’employeur n’avait pas l’intention d’engager un autre candidat au poste.
La déclaration d’engagement de … PETOSEVIC mentionne comme profession « employé-
conseiller » avec un salaire de 80.000 frs par mois.
Au moment de la décision ministérielle de refus, 23 cadres administratifs supérieurs étaient inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement publics, que l’ADEM aurait pu assigner à l’employeur. Compte tenu de la circonstance que Prointée a précisé sur la carte 2 d’assignation de la dame … BERNARDY-IOTOVA que d’autres assignations étaient « non demandées » au motif « nous avons le candidat idéal », le reproche à l’adresse de l’ADEM de ne pas avoir assigné d’autres candidats est non justifié.
La partie PETOSEVIC étant domiciliée à …, c’est à juste titre que la partie appelante fait valoir que les dispositions de l’article 16 de la loi du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’Administration de l’Emploi et portant création d’une Commission nationale de l’Emploi n’ont pas été respectées.
En effet, l’article 16 (1) précité fixe en principe pour l’administration de l’Emploi le monopole de procéder au recrutement de travailleurs à l’étranger et cela pour des raisons inhérentes à la surveillance du marché de l’emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l’ordre public et la sécurité publique, enfin dans l’intérêt de la protection de l’emploi de la main-d’oeuvre occupée dans le pays (travaux parlementaires n° 1682, exposé des motifs), tout autre recrutement étant interdit sous peine d’une amende correctionnelle.
Les juges de première instance ont relevé à juste titre que les règlements grand-ducaux des 28 mars 1972 et 12 mai 1972 fixent respectivement les conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales et déterminent les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.
Il n’en reste pas moins que la loi du 21 février 1976 impose dans son article 16 une condition supplémentaire à l’employeur qui veut recruter un travailleur à l’étranger, à savoir solliciter préalablement l’autorisation auprès de l’administration de l’Emploi.
Dans le cas d’espèce, c’est l’employeur qui a introduit par lettre du 3 avril 1997 la demande de permis de travail en faveur de … Petosevic et présenté une déclaration d’engagement contresigné par Petosevic et renseignant … comme adresse de ce dernier.
Confronté à une demande émanant de l’employeur, l’on ne saurait dénier au ministre la compétence de vérifier si toutes les dispositions légales en la matière se trouvent remplies.
Les parties intimées n’ayant pas été représentées à l’audience et la requête d’appel leur ayant été valablement signifiée, il y a lieu de statuer par défaut à leur encontre.
Par ces motifs:
la Cour, statuant par défaut à l’encontre de … PETOSEVIC et PROINTEE s. à r.l., reçoit l’acte d’appel, le dit fondé, partant, par réformation du jugement du 29 juillet 1998, confirme les décisions de refus du ministre du Travail et de l’Emploi des 29 mai 1997 et 10 septembre 1997 en matière de permis de travail, condamne les parties intimées aux frais des deux instances.
3 Ainsi jugé par Marion LANNERS, vice-présidente, rapporteur Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS, en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
le greffier la vice-présidente 4