GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 10746 C Inscrit le 9 juin 1998 —————————————————————————————————— ——— AUDIENCE PUBLIQUE DU 22 OCTOBRE 1998 Requête d’appel de … HESSE c/ le ministre de la Justice en matière d’armes prohibées (jugement entrepris du 29 avril 1998) Vu la requête déposée le 9 juin 1998 par laquelle … HESSE a relevé appel contre le ministre de la Justice d’un jugement rendu le 29 avril 1998 par le Tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 10394 du rôle;
vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Carlos Calvo par lequel le recours a été signifié à la partie intimée;
vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour le 6 juillet 1998;
vu les pièces versées en cause et notamment les décisions des 24 avril 1997 et 29 juillet 1997, ainsi que le jugement entrepris du 29 avril 1998;
ouï le président en son rapport, Maître Martine Mirkes, en remplacement de Maître Roy Reding, ainsi que le délégué du Gouvernement Madame Claudine Konsbruck en leurs plaidoiries.
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Par requête déposée le 9 juin 1998 … HESSE a relevé appel contre le ministre de la Justice d’un jugement rendu le 29 avril 1998 par le Tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 10394 du rôle.
Ledit jugement a reçu en la forme mais déclaré non fondé le recours en annulation dirigé par l’appelant contre la décision du 24 avril 1997 par laquelle le ministre de la Justice a refusé de faire droit à sa demande d’autorisation de port d’arme, décision confirmée le 29 juillet 1997 sur recours gracieux.
Les faits à la base du litige se résument comme suit:
Titulaire depuis le 19 novembre 1996 d’une autorisation de détention d’armes Monsieur HESSE a introduit le 25 novembre de la même année une demande tendant à se voir autoriser à porter une arme en motivant cette demande par le fait qu’en tant que gérant d’une société exploitant plusieurs stations-service il était amené régulièrement à transporter de fortes sommes d’argent, et ce notamment la nuit.
Le ministre de la Justice a justifié son refus en signalant que les motifs invoqués par le requérant n’étaient pas reconnus comme valables au sens de l’article 16 de la loi du 15 mars 1983 sur les armes et munitions. Il a notamment signalé que la situation invoquée comme justification par Monsieur HESSE était commune à beaucoup de commerçants et que les dangers invoqués étaient susceptibles d’être minimisés par des moyens d’organisation, respectivement en ayant recours à une firme spécialisée dans le transport de fonds.
En droit la partie appelante estime que la motivation de la décision ministérielle ne repose pas sur des critères objectifs et que les considérations d’ordre général invoquées omettent de tenir compte de la situation concrète de l’espèce.
Dans son mémoire du 6 juillet 1998, se référant au mémoire déposé le 10 mars 1998 en première instance, le délégué du Gouvernement expose que l’alinéa premier de l’article 16 précité ne permettrait d’autoriser le port d’armes de la catégorie II que si les motifs invoqués sont reconnus valables, ce qui n’aurait pas pu être tenu pour admis en l’espèce après examen du dossier de l’appelant.
————————————————————————————— ———— Aucune disposition légale ne conférant à l’administré un recours en pleine juridiction en cas de refus opposé par le ministre de la Justice à une demande d’autorisation de port d’arme, la juridiction administrative s’est à juste titre déclarée incompétente pour statuer sur le recours pour autant qu’il vise la réformation de la décision. Par contre le recours en annulation, - 2 -
introduit dans les forme et délai de la loi, a été jugé à bon droit recevable sur base de l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996.
En appel … HESSE fait valoir, comme il l’a fait en première instance, que les décisions de refus du ministre de la Justice se trouveraient insuffisamment motivées alors qu’elles ne contiendraient aucune mise en doute des motifs invoqués par lui, ni ne feraient référence à son comportement, à sa santé mentale ou à d’éventuels antécédents défavorables dans son chef.
La Cour doit constater que ces reproches ne sont pas pertinents et méconnaissent le mécanisme instauré par la loi du 15 mars 1983 en matière d’autorisation de détenir, respectivement de porter une arme.
Aux termes de la loi la détention et le port d’armes prohibées de la catégorie II sont en principe formellement interdits.
En exception à ce principe le ministre de la Justice peut faire droit à une demande d’autorisation de détenir, respectivement de porter pareille arme si les motifs invoqués à l’appui de la demande sont reconnus valables.
Cependant même en présence de motifs reconnus valables l’autorisation peut être refusée lorsqu’il est à craindre que le requérant, compte tenu de son comportement, de son état mental et de ses antécédents, ne fasse un mauvais usage de l’arme.
En l’espèce le ministre de la Justice a motivé son refus par l’indication qu’il ne reconnaissait pas comme valables les raisons invoqués à l’appui de la demande, tout en précisant à suffisance les raisons pour lesquelles il estimait que les motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande n’étaient pas de nature à le convaincre de leur caractère valable.
Dans cette hypothèse les éléments pouvant laisser craindre un mauvais usage sont sans relevance.
Le reproche d’une motivation insuffisante étant ainsi à rejeter, il convient d’examiner la décision au regard de l’incompétence, de l’excès et détournement de pouvoir, de la violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés par une fausse appréciation de la situation de fait.
La juridiction administrative, siégeant comme juge d’annulation, n’apprécie les faits que pour autant que cet exercice est nécessaire pour lui permettre de vérifier la légalité formelle de la décision intervenue. Par contre le ministre est le juge de l’opportunité de la décision à prendre, l’octroi ou le refus du port d’armes sollicité se faisant à son appréciation, pour autant que cette appréciation repose sur des critères objectifs et s’opère d’une manière non-arbitraire.
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En l’espèce le ministre, en prenant la décision critiquée, est resté dans les attributions que lui confère la loi, ceci d’autant plus que la gravité de la décision d’accorder une autorisation de porter une arme impose au ministre de faire application de critères très restrictifs pour la reconnaissance de motifs valables.
C’est donc à bon droit que le Tribunal administratif a décidé que le recours en annulation n’était pas fondé; le jugement entrepris est partant à confirmer.
L’appelant est à condamner aux frais de l’instance d’appel.
par ces motifs la Cour administrative, statuant contradictoirement sur le rapport de son président, reçoit l’appel en la forme;
le dit non fondé, partant confirme le jugement entrepris dans toute sa teneur;
condamne l’appelant aux frais de l’instance d’appel.
Ainsi jugé par Messieurs Georges Kill, président, rapporteur, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.
Le greffier en chef Le président - 4 -