GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10754C Inscrit le 12 juin 1998
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Audience publique du 20 octobre 1998 Recours formé par Monsieur … WAGNER et Monsieur … SKRIJELJ contre le ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail - Appel -
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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 12 juin 1998 par Maître Cathy Arendt, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, aux noms de Monsieur … Wagner et de Monsieur … Skrijelj, contre un jugement du tribunal administratif rendu contradictoirement entre les appelants et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail à la date du 30 avril 1998;
Vu l’exploit Pierre Biel du 11 juin 1998 par lequel l’acte d’appel a été signifié à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 18 septembre 1998;
Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Cathy Arendt, aux noms de Monsieur … Wagner et de Monsieur … Skrijelj, au greffe de la Cour administrative le 21 septembre 1998;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;
Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport, Maître Cathy Arendt ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives.
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Par requête déposée le 16 janvier 1998 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … Wagner et Monsieur … Skrijelj ont introduit un recours tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 19 novembre 1997 refusant à Monsieur Skrijelj, ouvrier agricole de nationalité yougoslave, le permis de travail sollicité par Monsieur … Wagner, son employeur.
Par jugement rendu le 30 avril 1998, le tribunal administratif a déclaré le recours au fond non justifié et en a débouté les demandeurs avec condamnation aux frais.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 12 juin 1998 et préalablement signifiée le 11 juin 1998 à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, les requérants ont déclaré relever appel du jugement précité.
Les appelants font valoir que le tribunal administratif a estimé à tort que le ministre du Travail et de l’Emploi pourrait légalement refuser le permis de travail en se basant sur l’occupation irrégulière de Monsieur Skrijelj avant la déclaration de vacance de poste et en invoquant une priorité d’embauche pour les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et des Etats parties à l’accord sur l’Espace Economique Européen.
Ils soutiennent que la prédite priorité d’embauche constituerait une restriction à la liberté d’un chef d’entreprise de choisir les personnes qu’il entend employer et que l’interprétation de cette disposition telle que faite par le Ministre du Travail et de l’Emploi ainsi que par le tribunal administratif serait erronée, alors que les textes applicables en l’espèce n’impliqueraient nullement une règle légale de priorité à l’emploi.
Ils critiquent également les juges de première instance d’avoir estimé que le fait que le poste de travail occupé par Monsieur … Skrijelj n’avait pas été déclaré vacant avant l’entrée en fonction de l’ouvrier, avait mis l’administration de l’Emploi dans l’impossibilité de lui assigner utilement des travailleurs disponibles sur le marché de l’emploi.
Ils font valoir que Monsieur Wagner a été obligé de recourir d’urgence au service d’un ouvrier agricole et n’a pas pu attendre qu’un ouvrier lui soit assigné par l’administration de l’Emploi, qu’il a cependant, le 3 mars 1997, présenté une demande de permis de travail en déposant à cette fin une déclaration d’engagement sur un formulaire préimprimé, et que l’administration de l’Emploi ne lui aurait pas envoyé de candidats valables pour un poste aux conditions de travail aussi dures.
Ils contestent enfin l’allégation que Monsieur Skrijelj aurait été occupé de manière irrégulière par son employeur alors qu’il a été régulièrement affilié aux organismes de la sécurité sociale, qu’il a payé ses cotisations sociales et ses impôts.
Ils demandent à la Cour administrative, par réformation du jugement entrepris, d’annuler la décision du Ministre du Travail et de l’Emploi du 19 novembre 1997.
Dans son mémoire en réponse déposé le 18 septembre 1998 au greffe de la Cour administrative, le délégué du Gouvernement conteste l’urgence invoquée par les appelants et rétorque que Monsieur Wagner n’avait de toute manière pas l’intention d’engager de demandeur d’emploi bénéficiant d’une priorité à l’emploi pour un poste où il aurait pu cependant embaucher des travailleurs communautaires.
2 Il fait valoir que le ministre du Travail et de l’Emploi peut légitimement s’immiscer dans l’organisation de l’entreprise de l’employeur, notamment par référence à l’accès prioritaire aux emplois disponibles des ressortissants de l’Espace Economique Européen et conclut en demandant la confirmation du jugement du 30 avril 1998.
Dans un mémoire en réplique déposé en date du 21 septembre 1998, les parties appelantes maintiennent leurs arguments, en particulier l’urgence devant laquelle se trouvait Monsieur Wagner d’engager un ouvrier, en arguant qu’il avait fait de mauvaises expériences avec les travailleurs précédents de nationalité portugaise, alors que Monsieur Skrijelj faisait son travail d’une manière satisfaisante dans l’exploitation agricole.
La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les forme et délai de la loi.
En premier lieu, les appelants soutiennent que le règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, invoqué par le ministre du Travail et de l’Emploi afin de justifier la priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen serait contraire à l’article 11 (6) de la Constitution, au motif qu’un règlement grand-ducal ne pourrait pas édicter une restriction à la liberté d’un chef d’entreprise de choisir les personnes qu’il entend employer.
Ce moyen d’appel n’est cependant pas fondé, alors que la priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen constitue une obligation imposée aux Etats membres par le droit communautaire, hiérarchiquement supérieur au droit national, et que l’article 10 (1) du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 précité prévoit expressément cette priorité.
L’Etat luxembourgeois risquerait d’encourir une sanction en cas de recours en manquement devant la Cour de Justice des Communautés Européennes pour non respect des obligations découlant du droit communautaire et de l’accord E.E.E.
Le principe qu’aucun travailleur étranger ne pourra être occupé sur le territoire du Grand-
Duché sans permis de travail est prévu par l’article 26 de la loi du 28 mars 1972 concernant 1.
l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l’emploi de la main-
d’oeuvre étrangère, et de ce fait l’article 11 (6) de la Constitution n’a pas été violé; d’ailleurs en refusant un permis de travail, le ministre n’empêche pas l’employeur d’exercer ses activités, mais sur base des lois applicables et par référence à l’accès prioritaire aux emplois disponibles des ressortissants de l’Espace Economique Européen, il peut légalement s’immiscer dans l’organisation de l’entreprise de l’employeur.
Les appelants reprochent ensuite au premiers juges, pour refuser d’annuler la décision du ministre du Travail du 19 novembre 1997, de tirer argument de l’occupation irrégulière de Monsieur Skrijelj avant la déclaration de vacance de poste, mettant ainsi l’administration de l’Emploi dans l’impossibilité d’assigner utilement à l’employeur les travailleurs disponibles sur le marché de l’emploi luxembourgeois.
Ils font valoir à leur décharge que, tout en reconnaissant que l’employeur n’avait pas fait au préalable des démarches administratives pour déclarer le poste vacant et n’avait pas attendu qu’un travailleur lui soit assigné par l’administration de l’Emploi, l’employeur avait été obligé de recourir d’urgence au service d’un ouvrier agricole et qu’il savait de toute manière par expérience que parmi les demandeurs d’emploi disponibles sur le marché, personne ne voulait 3 travailler comme ouvrier agricole, que de toute manière l’administration de l’Emploi savait depuis le 3 mars 1997 par le biais de la déclaration d’engagement présentée que Monsieur Wagner recherchait un travailleur pour occuper un poste d’ouvrier agricole et qu’elle ne lui avait pas envoyé de candidats appropriés.
Il résulte des pièces versées en cause que la déclaration d’engagement tenant lieu de demande en obtention d’un permis de travail en faveur de Monsieur Skrijelj n’a été introduite auprès de l’administration de l’emploi qu’en date du 3 mars 1997, en prévoyant comme date d’entrée en service de Monsieur Skrijelj le 20 novembre 1995.
Or une déclaration d’engagement valant implicitement comme déclaration de vacance de poste doit prévoir une date d’entrée en service postérieure devant permettre à l’administration de l’Emploi de prendre position par rapport à la demande en obtention d’un permis de travail.
Il n’y a en conséquence pas eu de déclaration de vacance régulière, et c’est partant à juste titre que l’arrêté ministériel le relève, le poste à pourvoir étant occupé avant d’être déclaré vacant et Monsieur Wagner n’ayant pas l’intention d’occuper un demandeur d’emploi envoyé par L’ADEM, mais souhaitant régulariser la situation de Monsieur Skrijelj à son service depuis un an et demi.
Il en résulte que l’administration de l’Emploi n’était pas tenue à assigner d’autres candidats à l’emploi à Monsieur Wagner faute de déclaration de vacance de poste préalable et compte tenu de la limitation de la déclaration d’engagement au seul appelant.
L’omission par l’employeur de faire une déclaration de vacance régulière constitue un empêchement légal à la formation d’un contrat d’emploi entre ledit employeur et le travailleur étranger.
C’est partant à juste titre que la décision de refus renvoie à la situation irrégulière de l’étranger.
Par ces motifs;
La Cour administrative, statuant contradictoirement;
reçoit l’appel en la forme;
le déclare non-fondé et en déboute;
partant, confirme le jugement du 30 avril 1998 dans toute sa teneur;
condamne les appelants aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par:
Marion LANNERS, vice-présidente 4 Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, rapporteur Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
le greffier la vice-présidente 5