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02/07/1998 | LUXEMBOURG | N°10648C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 02 juillet 1998, 10648C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 10648 C Inscrit le 27 mars 1998 —————————————————————————————————— ——— AUDIENCE PUBLIQUE DU 2 JUILLET 1998 Appel des consorts MARTINS CASIMIRO et CERVEIRA FERREIRA c/ la Commune de STEINFORT en matière de dispense de cours scolaires (jugement entrepris du 16 février 1998 / nos 9360 et 9430 du rôle)   Vu la requête d’appel déposée au Greffe de la Cour a

dministrative le 27 mars 1998 par Maître Paul THEVES, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, assisté de Maître Christian GEORGES, avocat au Barreau de Bruxelles, pour les consorts MA...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 10648 C Inscrit le 27 mars 1998 —————————————————————————————————— ——— AUDIENCE PUBLIQUE DU 2 JUILLET 1998 Appel des consorts MARTINS CASIMIRO et CERVEIRA FERREIRA c/ la Commune de STEINFORT en matière de dispense de cours scolaires (jugement entrepris du 16 février 1998 / nos 9360 et 9430 du rôle)   Vu la requête d’appel déposée au Greffe de la Cour administrative le 27 mars 1998 par Maître Paul THEVES, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, assisté de Maître Christian GEORGES, avocat au Barreau de Bruxelles, pour les consorts MARTINS CASIMIRO et CERVEIRA FERREIRA;

vu l’exploit BIEL du 25 mars 1998 portant signification du recours à l’Administration communale de STEINFORT;

vu le mémoire en réponse déposé par Maître Roger NOTHAR, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, en date du 22 avril 1998;

vu les pièces régulièrement versées en cause, et notamment les décisions attaquées et le jugement entrepris;

ouï le président en son rapport ainsi que Maître Carine ALTMEYER, en remplacement de Maître Paul THEVES et Maître Raymond FABER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, en leurs plaidoiries respectives.

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  Par requête déposée le 27 mars 1998 Maître Paul THEVES, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, assisté de Maître Christian GEORGES, avocat au Barreau de Bruxelles, pour les consorts MARTINS CASIMIRO et CERVEIRA FERREIRA, a relevé appel contre la Commune de STEINFORT d’un jugement rendu le 16 février 1998 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous les numéros 9360 et 9430 du rôle.

Les faits à la base du litige se résument comme suit:

Le 18 septembre 1993, le sieur MARTINS CASIMIRO a introduit auprès du bourgmestre de la commune de STEINFORT une requête tendant à obtenir une dispense des cours du samedi de l’école primaire. La demande était motivée par les convictions religieuses des requérants.

A cette demande il a été répondu par lettre recommandée du bourgmestre datée du 29 septembre 1993, informant le requérant qu’il ne pouvait être répondu favorablement à sa demande.

En date du 18 décembre 1994 les requérants ont réitéré leur demande en dispense, tout en limitant sa portée à 30 jours par année scolaire.

L’autorité communale de Steinfort y répondit en avisant le 28 décembre 1994, que « ni le bourgmestre, ni le Collège échevinal, ni le Conseil communal et ni la Commission scolaire (n’ avaient) compétence pour accorder une dispense des cours scolaires primaires du samedi ».

Le 3 février 1995 les consorts MARTINS CASIMIRO - CERVEIRA ont adressé un recours gracieux à l’Administration communale contre cette décision.

Par décision du 6 mars 1995, notifiée aux requérants le 4 avril 1995, le Conseil communal de STEINFORT a exprimé son refus « d’aviser favorablement » la demande de dispense. Pour motiver ce refus l’autorité communale s’est appuyée sur les avis négatifs de l’inspecteur du ressort (21.09.1993) et de la commission scolaire (06.02.1995).

Le 3 juillet 1995 le Conseil communal, se prononçant une deuxième fois sur la demande (respectivement les demandes), a exprimé à l’unanimité des voix son refus d’accorder la dispense sollicitée.

Par son jugement du 16 février 1998 le tribunal administratif a reçu en la forme et joint les deux recours en annulation dirigés par les requérants originaires contre ces deux décisions des autorités communales de STEINFORT. Le même jugement a déclaré les recours en question non fondés.

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En droit L’appel contre le prédit jugement est recevable en la forme pour avoir été introduit dans les forme et délai prévus par l’article 99 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif.

Les parties ne critiquent pas la décision du Tribunal administratif quant à la recevabilité en la forme des recours en annulation, ni le principe de la jonction des rôles introduits devant le Conseil d’Etat sous les numéros 9360 et 9430.

Les parties appelantes estiment en premier lieu que ce serait à tort que le tribunal administratif a considéré que la demande de dispense du 18 décembre 1994 n’était qu’une réitération de celle du 18 septembre 1993 et qu’en l’absence de tout élément nouveau les autorités communales pouvaient se dispenser de solliciter un nouvel avis de la part de l’inspecteur. Elles soutiennent que la demande du 18 décembre 1994, motivée avec plus de soins que la demande antérieure, aurait dû être considérée comme demande nouvelle et autonome; qu’elle aurait partant dû être soumise pour avis à la commission scolaire et à l’inspecteur d’enseignement primaire.

Cette argumentation, qui fut déjà présentée en première instance, a été examinée de façon consciencieuse par le Tribunal administratif (pages 3 et 4 du jugement). D’une analyse minutieuse des deux demandes et des circonstances de fait dans lesquelles elles furent toisées en l’espèce la juridiction de première instance a conclu à bon droit que les deux lettres en cause des 18 septembre 1993 et 18 décembre 1994 constituent en réalité une seule demande, de sorte que les délibérations déférées, ainsi que les avis de la commission scolaire et de l’inspecteur ont valablement pu se référer à la seule demande du 18 septembre 1993, la demande du 18 décembre 1994 ne faisant que réitérer et préciser celle du 18 septembre 1993.

La juridiction a ainsi encore constaté à juste titre que le moyen d’annulation tiré du défaut de l’avis actuel de l’inspecteur n’est .. pas fondé, étant donné que l’avis émis en date du 21 septembre 1993 par l’inspecteur Hastert a été sollicité sur base d’une demande en substance identique à celle réitérée par les mêmes demandeurs le 18 décembre 1994, de sorte qu’en l’absence d’élément nouveau, les autorités communales n’étaient pas tenues de solliciter un nouvel avis de la part de l’inspecteur.

Décider le contraire reviendrait à concéder à une partie concernée par une décision administrative le droit de différer indéfiniment cette décision par l’introduction répétée d’arguments autrement présentés.

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 Les consorts MARTINS CASIMIRO et CERVEIRA FERREIRA, avaient conclu devant les juges de première instance à la nullité de la décision déférée en raison d’une motivation insuffisante au regard des dispositions du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure administrative non-contentieuse, des avis de l’inspecteur et de la commission scolaire, ainsi que de la décision déférée elle-même.

En appel ils insistent plus particulièrement sur le fait que l’avis du 21 septembre 1993 de l’inspecteur serait insuffisamment motivé et que l’argumentation du Tribunal administratif suivant laquelle cette insuffisance ne vicierait pas la procédure d’élaboration de la décision méconnaîtrait les dispositions du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure administrative non-contentieuse, soutenant de leur côté que ce vice devrait entraîner la nullité de la décision du Conseil communal qui en fait état.

Après avoir écarté pour des motifs exhaustivement développés les reproches dirigés contre la motivation de l’avis de la commission scolaire et de la décision entreprise elle-même les juges de première instance ont à bon droit admis les critiques dirigées contre la motivation de l’avis émis le 21 septembre 1993 par l’inspecteur d’enseignement primaire.

La Cour relève que la loi scolaire règle très restrictivement les possibilités d’accorder des dispenses temporaires de l’obligation scolaire inscrite dans l’article 23 de la Loi fondamentale. Ainsi la loi n’exige-t-elle pas seulement en son article 7 pour toute dispense dépassant la durée de 8 jours consécutifs que la décision du Conseil communal s’appuie sur les avis de la commission scolaire et de l’inspecteur, mais elle précise encore que l’un et l’autre de ces deux avis doit être positif pour que l’autorité communale puisse accorder une dispense.

L’avis négatif régulièrement émis par la commission scolaire de la commune de Steinfort relativement à la demande des consorts MARTINS CASIMIRO et CERVEIRA FERREIRA constitue à lui seul un empêchement péremptoire interdisant au Conseil communal de faire droit à la demande de dispense. Il en suit que les parties appelantes sont sans intérêt à invoquer le défaut de motivation de l’avis de l’inspecteur, le vice affectant cet avis étant, en raison de la réglementation stricte imposée par la loi scolaire, sans aucune possibilité d’incidence effective sur la décision critiquée.

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Les appelants critiquent encore le jugement entrepris en ce qu’il n’y serait pas pris position quant à l’argument développé par le Ministre de l’Education Nationale qui avait écrit, en date du 26. 11. 1982, dans un courrier adressé au Directeur du Lycée Technique du Centre de Luxembourg: « J’ai l’honneur de vous informer que tout élève membre de l’Eglise Adventiste du Luxembourg peut être libéré des cours le samedi s’il en fait la demande pour motif de conviction religieuse » (5e page de la requête d’appel, 7e alinéa).

La Cour constate cependant que le Tribunal administratif a pris soin de préciser que les administrations relevant de l’Etat ou des communes n’étaient pas liées dans leurs décisions par des précédents émanant d’autres autorités administratives.

Le reproche émis par les appelants n’est donc pas fondé en fait, alors que le considérant ci-dessus repris fait justice de l’argumentation basée sur l’existence d’une décision antérieure. Contrairement à ce que la formulation du 7e alinéa de la 5e page de la requête d’appel semble vouloir suggérer, la lettre ministérielle ne contient en elle-même aucun argument susceptible d’être débattu dans le contexte du présent litige. Dans la lettre du 26 novembre 1982 invoquée par les consorts MARTINS CASIMIRO et CERVEIRA FERREIRA à l’appui de leur recours le Ministre de l’Education Nationale se limite en effet à informer le directeur de l’établissement scolaire concerné qu’il lui était laissé la faculté d’exempter certains élèves des cours du samedi. Par contre l’écrit ne divulgue pas la motivation qui a pu justifier ce message aux yeux du Ministre.

 Quant au fond les appelants ne partagent pas l’opinion de la juridiction de première instance que les samedis soient considérés comme journées entières au regard de l’article 7 de la loi scolaire du 10 août 1912.

Alors qu’au niveau des dispenses de brève durée à accorder par le personnel enseignant l’article 7 de la loi scolaire prévoit la notion de « journée ou partie d’une journée », les dispenses pour une durée plus longue sont référencées par le terme de « jours ». Le Tribunal administratif a relevé à juste titre que la loi n’entendait pas instituer une différence entre les différents jours de la semaine. Un critère de différenciation ne résulte d’aucun texte, de sorte que les motifs du jugement à quo établissant que les samedis constituent un jour entier au sens des dispositions de l’article 7 peuvent être repris par la Cour.

La Cour estime cependant, comme l’a fait le tribunal, que le caractère relevant de cette conclusion pour l’espèce est minime en raison du fait que les recourants ont limité leur demande de dispense à 30 jours, en précisant - 5 -

dans leur mémoire en réplique qu’ils seraient satisfaits avec une dispense de 30 samedis seulement.

Cette limitation enlève son fondement à la première motivation fournie par le Conseil communal de Steinfort à sa décision, motivation que les juges ont écartée en première instance.

 Le deuxième motif invoqué par le conseil communal pour refuser de faire droit à la demande litigieuse est basé sur ce que « des convictions religieuses ne sauraient déroger au principe de la scolarité obligatoire dans l’enseignement primaire fixé à l’article 23 de la Constitution et la législation subséquente ».

Les consorts MARTINS CASIMIRO et CERVEIRA FERREIRA critiquent cette motivation en faisant valoir que l’autorité communale n’aurait pas été en droit de soutenir qu’en l’espèce le respect des prescriptions d’ordre religieux invoquées par les appelants et l’obligation scolaire de leur fils Fabio ne sauraient être conjugués, puisque la loi organiserait la dispense, du moins telle que sollicitée en ordre subsidiaire par leur demande du 18 décembre 1994.

Le Tribunal administratif a très exhaustivement analysé cette argumentation (pages 7 à 9) dans des motifs auxquels la Cour ne peut que se rapporter. Prenant en considération d’une part les principes de la liberté des cultes et de l’obligation scolaire et d’autre part les données concrètes de la cause les juges de première instance ont estimé à bon droit qu’une dérogation systématique, sinon du moins quasi-systématique, à l’obligation de présence pendant une journée déterminée de la semaine, en l’occurrence le samedi, est en l’espèce susceptible de désorganiser démesurément les programmes scolaires aussi bien du point de vue du bénéficiaire du régime ainsi dérogatoire que des responsables de classe, de même que des autres élèves de la (ou des) classe(s) scolaires concernés, notamment au regard des adaptations de l’emploi du temps et de l’évacuation des programmes ainsi engendrés. Ils en ont tiré la conclusion qu’en l’espèce le principe de la liberté du culte, tel qu’invoqué à l’appui de la demande de dispense, et le principe démocratique de l’école publique obligatoire et gratuite n’était pas conjugable dans le sens escompté par les demandeurs et que le Conseil communal de Steinfort avait sainement apprécié les éléments de la cause en privilégiant l’instruction obligatoire et gratuite.

Les appelants critiquent la motivation ci-dessus en faisant remarquer que la décision critiquée ferait croire, sans être corrigée sur ce point par le jugement, que la dispense était demandée sur base de « convictions religieuses », alors qu’en fait la base légale en serait à chercher dans le - 6 -

droit positif, et notamment dans la Convention européenne des Droits de l’Homme.

Cette critique n’est pas fondée, alors que, sans s’arrêter à la formulation employée par le Conseil communal, le Tribunal administratif a examiné l’objet du litige sous l’éclairage de l’article 9 de ladite convention, ainsi que des articles 19, 20 et 23 de la Constitution luxembourgeoise.

En relativisant la liberté d’exercice des cultes le raisonnement des premiers juges s’insère dans le courant prépondérant de la jurisprudence internationale.

Ainsi la Cour suprême des Etats Unis s’est prononcée comme suit: La liberté religieuse embrasse deux concepts, d’une part la liberté de croire et d’autre part la liberté de manifester sa croyance par l’action. Si la première est sans restriction, la deuxième, par la nature des choses, ne saurait l’être (cf.: Cour suprême des Etats Unis: Cantwell c/ Connecticut 310 US 296 du 20 mai 1940).

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a relevé que selon le texte-

même de l’article 9 paragraphe 2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme la liberté de manifester sa religion ou sa conviction peut faire l’objet de restrictions (Arrêt CEDH du 25 mai 1993, Kokkinakis c/ Grèce).

La Cour de droit public de la Confédération helvétique a estimé que cette liberté de religion .. peut être limitée à condition que la restriction repose sur une base légale suffisante, réponde à un intérêt public prépondérant et respecte le principe de la proportionnalité (arrêt BGE 123 I 296 du 12.11.1997; affaire X c/ Conseil d’Etat du Canton de Genève).

Le jugement entrepris, conforme au droit interne, à la Convention européenne des Droits de l’Homme et à la jurisprudence internationale, est donc à confirmer en toutes ses forme et teneur.

par ces motifs et ceux non-contraires des premiers juges, la Cour administrative, statuant contradictoirement sur le rapport de son président, reçoit l’appel en la forme ;

le déclare non fondé et en déboute ;

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partant confirme le jugement du 16 février 1998 dans toute sa teneur ;

condamne les appelants aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par Messieurs Georges KILL, président, rapporteur, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le greffier en chef Le président - 8 -


Synthèse
Numéro d'arrêt : 10648C
Date de la décision : 02/07/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;1998-07-02;10648c ?

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