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16/06/1998 | LUXEMBOURG | N°10657

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 16 juin 1998, 10657


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10657 Inscrit le 7 avril 1998 Audience publique du 16 juin 1998 Recours formé par Monsieur … NZANGO ASSOBA contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -



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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 7 avril 1998 par Maître François MOYSE, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, au nom de Monsieur …

NZANGO ASSOBA, contre un jugement du tribunal administratif rendu en date du 18 mars 199...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10657 Inscrit le 7 avril 1998 Audience publique du 16 juin 1998 Recours formé par Monsieur … NZANGO ASSOBA contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 7 avril 1998 par Maître François MOYSE, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, au nom de Monsieur … NZANGO ASSOBA, contre un jugement du tribunal administratif rendu en date du 18 mars 1998 en matière de statut de réfugié politique;

Vu l’exploit Pierre KREMMER du 7 avril 1998 par lequel l’acte d’appel a été signifié à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 18 mai 1998;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 4 juin 1998 par Maître François MOYSE;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport, Maître François MOYSE et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête déposée le 12 janvier 1998 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … NZANGO ASSOBA a introduit un recours tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 6 janvier 1998 l’informant de ce que le Luxembourg s’est déclaré incompétent pour traiter sa demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié.

Par jugement rendu à la date du 18 mars 1998, le tribunal administratif a déclaré le recours au fond non justifié et en a débouté le demandeur avec condamnation aux frais.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 7 avril 1998 et signifiée à la même date à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, le requérant a déclaré relever appel du jugement précité.

L’appelant soutient que c’est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen d’annulation basé sur la violation des articles 16-1 et 32 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés et sur la violation des droits de la défense en lui ôtant la possibilité d’intenter un recours avant la reprise.

Il reproche au tribunal de n’avoir pas considéré la violation de l’article 10 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes comme une formalité devant entraîner la nullité de la décision attaquée, de n’avoir pas estimé donnée la violation des articles 5 (4) et 13 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, d’avoir rejeté le moyen fondé sur la violation de l’article 12 de la loi du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers et d’avoir enfin estimé que l’article 7 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile pouvait servir de base légale à une décision d’incompétence.

L’appelant demande à la Cour, par réformation du jugement entrepris, d’annuler la décision du ministre de la Justice du 6 janvier 1998.

Dans son mémoire en réponse déposé en date du 18 mai 1998, le délégué du Gouvernement rétorque que les articles 16 et 32 de la Convention de Genève ne sont pas applicables en l’espèce car il ne s’agit pas d’une mesure d’expulsion prévue par l’article 9 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers, mais d’une remise effectuée en conformité avec les dispositions de la Convention de Dublin.

Il conteste la prétendue violation de l’article 10 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, de l’article 5 (4) et 13 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 et de l’article 7 de la loi du 3 avril 1996 en renvoyant aux mémoires présentés en première instance.

Il conclut à la confirmation du jugement du 18 mars 1998.

Dans un mémoire en réplique versé au greffe de la Cour administrative le 4 juin 1998, la partie appelante rétorque que le délégué du Gouvernement a estimé à tort qu’un demandeur d’asile n’est pas un réfugié de prime abord, au sens de la Convention de Genève, et maintient ses moyens concernant la violation de l’article 13 de la Convention Européenne des droits de l’Homme, de la loi du 28 mars 1972 et de l’article 16 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précités.

La requête d’appel ayant été introduite dans les formes et délai de la loi est recevable.

Une décision administrative s’apprécie en considération des motifs légaux et des faits matériellement exacts gisant à sa base, dont l’appréciation échappe à la compétence du juge de l’excès de pouvoir. Il n’est pas contesté que l’appelant est arrivé en provenance du Maroc en Espagne en date du 27 août 1997, qu’il a ensuite transité par Paris pour se rendre au Luxembourg où il est arrivé le 2 septembre 1997. Par lettre du 10 novembre 1997 à l’adresse 2 de l’office de l’asile et des réfugiés du ministère de l’Intérieur espagnol, le ministre de la Justice luxembourgeois sollicita la reprise de l’appelant par l’Espagne afin que celle-ci se charge du traitement de sa demande d’asile, cette dernière marquant son accord en date du 18 décembre 1997 avec la reprise de l’appelant sur base de l’article 6 de la Convention relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres des Communautés Européennes, signée à Dublin le 15 juin 1990 et approuvée par une loi luxembourgeoise du 20 mai 1993, ci-après dénommée « la Convention de Dublin ».

Le ministre de la Justice s’est basé sur l’article 7 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ainsi que sur l’article 6 de la Convention de Dublin pour se déclarer incompétent.

C’est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté le moyen fondé sur la violation de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers.

En effet, le fait que la loi précitée du 28 mars 1972 fixe en principe toujours l’ensemble des prescriptions relatives à la condition de tous les étrangers ne saurait faire perdre de vue ni les limites découlant du droit communautaire et d’autres engagements internationaux souscrits par le Luxembourg, ni la réorientation de la police des étrangers qui, d’un instrument de politique purement nationale, tend à devenir un instrument de politique commune aux Etats membres de l’Union Européenne.

En l’espèce il ne s’agit pas d’une expulsion, mesure prévue à l’article 9 de la loi modifiée du 28 mars 1972 mais bien d’une remise effectuée en conformité avec les dispositions d’une Convention internationale, la Convention de Dublin.

C’est encore à juste titre que les juges de première instance ont rejeté le moyen basé sur la fausse application de la loi en ce qui concerne l’article 7 de la loi précitée du 3 avril 1996, en estimant que l’article 7 ne prévoit qu’un sursis à statuer permettant au Grand-Duché de Luxembourg de revenir sur l’affaire au cas où la reprise n’est pas accordée par un Etat membre signataire de la Convention de Dublin, lui donnant alors la possibilité d’analyser le fond du dossier. La décision de détermination du pays responsable en vertu d’engagements internationaux implique une surséance à statuer sur la demande introduite.

La procédure prévue à l’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 ne joue que pour les articles 8 et 9 qui visent spécifiquement d’autres cas dans lesquels les demandes ne sont pas analysées au fond.

En ce qui concerne la violation des articles 16 et 32 de la Convention de Genève, c’est à juste titre que le tribunal administratif a constaté que ces articles ne peuvent trouver application en l’espèce, l’article 16 s’appliquant aux réfugiés reconnus et non pas aux demandeurs d’asile et l’article 32 visant exclusivement l’hypothèse et l’expulsion d’un réfugié vers un état tiers, alors que la décision d’incompétence prise par le Luxembourg ne saurait être qualifiée de décision d’expulsion au sens de l’article 32 précité.

Le fait que l’appelant ait pu assurer sa défense devant les juridictions administratives et cela même à partir de l’Espagne, dément la violation alléguée des droits de la défense, cette dernière invoquant les articles 5.4 et 13 de la Convention Européenne des droits de l’Homme.

Concernant la violation de l’article 10 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, il échet de constater que cette règle d’ordre procédural ne constitue pas une formalité prévue à peine de nullité de la procédure; d’ailleurs il ressort du dossier et des débats que le mandataire de l’appelant a eu connaissance de la décision prise par le ministre de la Justice le jour où celle-ci a été portée à la connaissance de son mandant, qu’il a pu assister utilement ce dernier et qu’il n’y a donc pas eu entrave dans l’organisation de la défense.

3 En prenant la décision dûment motivée et en ayant observé la procédure et les formalités prévues en la matière par la loi et par la Convention de Dublin, le ministre a agi dans les limites de sa compétence et il n’a pas violé la loi.

Le jugement dont appel est partant à confirmer.

Par ces motifs la Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme;

le déclare non-fondé et en déboute;

partant confirme le jugement du 18 mars 1998 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens et l’instance d’appel.

Ainsi jugé par:

Marion LANNERS, vice-présidente Jean Mathias GOERENS, premier conseiller Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, rapporteur et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

le greffier la vice-présidente 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 10657
Date de la décision : 16/06/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;1998-06-16;10657 ?

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