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16/06/1998 | LUXEMBOURG | N°10242

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 16 juin 1998, 10242


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10242 Inscrit le 18 août 1997 Audience publique du 16 juin 1998 Recours formé par le ministre du Travail et de l’Emploi contre … ZEC en matière de permis de travail - Appel -



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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 18 août 1997 par Maître Pierre BERMES, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de L

uxembourg, représenté par son ministre du Travail et de l’Emploi, contre un jugement rendu ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10242 Inscrit le 18 août 1997 Audience publique du 16 juin 1998 Recours formé par le ministre du Travail et de l’Emploi contre … ZEC en matière de permis de travail - Appel -

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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 18 août 1997 par Maître Pierre BERMES, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre du Travail et de l’Emploi, contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 14 juillet 1997 entre la partie appelante et … ZEC, ouvrier, ayant demeuré à …, demeurant actuellement à Luxembourg, 27, avenue de la Gare, en matière de permis de travail par rapport à un arrêté ministériel du 19 avril 1996;

Vu l’exploit de signification de la requête d’appel par acte d’huissier Michelle THILL du 14 août 1997;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté ministériel attaqué;

Ouï la vice-présidente en son rapport oral et Maître Pierre BERMES en ses plaidoiries.

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Par arrêté ministériel du 19 avril 1996, le ministre du Travail et de l’Emploi a refusé à l’appelant le permis de travail, refus motivé comme suit: « pour des raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi; priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.); poste de travail non déclaré vacant par l’employeur; des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place ».

Suite à un recours gracieux de l’intéressé, l’arrêté ministériel a été confirmé par une décision du 26 juillet 1996 motivée comme suit: «… les conclusions retenues par le comité de coordination tripartite en matière d’autorisations de travail de ressortissants non communautaires limitent l’octroi d’autorisations afférentes à des cas tout à fait exceptionnels.

Le principe de la priorité à l’embauche de ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) est à appliquer strictement et des autorisations de travail pour des ressortissants de pays tiers ne seront attribuées que si l’employeur a rapporté la preuve qu’il s’agit de salariés hautement spécialisés, introuvables sur les 18 marchés de travail de l’E.E.E..

Par ailleurs, l’employeur a omis de déclarer le poste de travail vacant auprès de l’administration de l’emploi, obligation qui lui incombe conformément aux dispositions de l’article 9 paragraphe (1) de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi.

En outre des demandeurs d’emploi susceptibles d’occuper l’emploi vacant étaient et sont toujours inscrits aux bureaux de placement de l’administration de l’emploi ».

Suite à un recours en annulation le tribunal administratif, par jugement du 14 juillet 1997, a annulé l’arrêté ministériel du 19 avril 1996 et renvoyé l’affaire devant le ministre du Travail et de l’Emploi.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 18 août 1997 et signifiée valablement à … ZEC par acte d’huissier Michelle THILL du 14 août 1997, Maître Pierre BERMES, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, a relevé appel du jugement du 14 juillet 1997.

La partie appelante demande la réformation du jugement entrepris dans le sens du rétablissement de la décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 19 avril 1996 ayant refusé à la partie intimée le permis de travail.

Elle reproche au jugement entrepris d’avoir négligé le moyen du défaut d’autorisation de séjour dans le chef de l’actuel intimé, moyen qu’elle qualifie d’ordre public qui aurait dû justifier à lui seul le rejet du recours.

En ordre subsidiaire, la partie appelante critique le jugement entrepris dans la mesure où la décision ministérielle a été déclarée ne pas répondre au critère de précision requis.

Elle renvoie à la situation du marché de l’emploi invoquée par le ministre et au cas concret de la partie intimée largement examiné au cours de la procédure administrative à la base de la décision ministérielle.

2 Elle réfute le reproche de l’omission d’assignation d’autres candidats à l’emploi à l’employeur.

Elle reproche aux juges de première instance d’avoir décidé à tort que la déclaration de poste vacant par un employeur et la déclaration d’engagement peuvent être concomitantes.

Finalement, la partie appelante fait valoir qu’il y a lieu à application de l’article 16 de la loi du 21 février 1976 sur l’administration de l’emploi.

Aucun mandataire ne s’étant présenté pour la partie intimée, il y a lieu de statuer par défaut à l’encontre de … ZEC.

Quant au défaut d’une autorisation de séjour:

Il est vrai que la loi du 28 mars 1972 telle que modifiée dispose dans son article 4 qu’aucun étranger ne pourra résider au pays sans disposer d’une autorisation de séjour.

L’article 2 de la même loi tel que complété par la loi du 18 août 1995 énonce que l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger « qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Il résulte des travaux préparatoires à la loi précitée que ledit ajout est destiné à éviter de voir tomber les étrangers à la charge de l’Etat et qu’un engagement personnel de prise en charge par un tiers ne doit pas être pris en considération, alors que l’expérience a montré que les personnes ayant signé une prise en charge soit la retirent après un certain temps, soit ne sont financièrement pas en mesure de remplir les obligations qu’elles ont assumées.

L’article 26 de la même loi, sous réserve des dispositions de l’article 28, prohibe à tout étranger d’être occupé sur le territoire du Grand-Duché sans permis de travail.

Aucune disposition légale ne règle l’ordre chronologique dans lequel un étranger est obligé à se procurer une autorisation de séjour et un permis de travail.

Pour se mettre en accord avec les exigences de l’article 2 précité, il est généralement indispensable qu’un étranger introduise en premier lieu une demande en obtention d’un permis de travail.

Il est évident que seul l’octroi subséquent d’une autorisation de séjour met le postulant étranger en situation régulière au Grand-Duché.

Ce moyen d’appel n’est donc pas fondé.

Quant à la précision de la décision ministérielle attaquée:

Pour motiver sa décision de refus, le ministre du Travail et de l’Emploi a énoncé 4 raisons: la situation et l’organisation du marché de l’emploi, la priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.), un poste de travail non déclaré vacant par l’employeur et la disponibilité de demandeurs d’emploi appropriés sur place.

3 La motivation sommaire de l’arrêté ministériel du 19 avril 1996 a été valablement complétée par la décision confirmative du 26 juillet 1996 et les explications et précisions fournies dans les mémoires du mandataire de l’Etat au cours des deux instances.

En effet, une obligation de motivation expresse d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi du 28 mars 1972 concernant, entre autres, l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, telle que modifiée, ni par le règlement grand-ducal d’exécution du 12 mai 1972, tel que modifié.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux, une décision de refus doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base et dans les cas où, tel qu’en l’espèce, la motivation expresse n’est pas imposée, l’administré a le droit d’exiger la communication des motifs.

Si la motivation expresse de l’acte de refus n’est pas imposée explicitement par le texte qui constitue sa base légale, tel qu’en l’espèce, il suffit en l’occurrence, pour que l’acte de refus soit valable, que ces motifs aient existé au moment du refus, quitte à ce que l’administration concernée les fournisse à posteriori sur demande de l’administré, le cas échéant au cours d’une procédure contentieuse.

Dans le cas d’espèce, la motivation sommaire de l’arrêté ministériel attaqué ensemble avec les compléments de motivation précités rendent l’acte ministériel attaqué valable au sens des dispositions légales précitées, l’acte attaqué renvoyant à la situation juridique du demandeur d’emploi, à savoir sa qualité de non ressortissant de l’Espace Economique Européen et à la situation de fait, à savoir le non-respect des dispositions légales en la matière par l’employeur et l’existence de bon nombre d’autres demandeurs d’emploi privilégiés, cette dernière affirmation étant acquise en période de chômage établie et en présence d’un demandeur d’emploi non qualifié (aide-cuisinier).

Ce moyen d’appel est partant fondé et le jugement entrepris est à réformer sur ce point.

Quant à la déclaration de vacance de poste:

Il résulte des pièces versées en cause que l’employeur a introduit le 30 janvier 1996 (tampon d’entrée) auprès de l’administration de l’emploi une « déclaration d’engagement tenant lieu de demande en obtention du permis de travail » contresignée par l’intimé.

C’est à bon droit que les juges de première instance ont décidé que pareille démarche vaut déclaration de vacance de poste en cas d’engagement d’un travailleur étranger qui n’est pas ressortissant d’un Etat membre de l’Union Européenne ou d’un Etat partie à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, alors que l’alinéa 2 de l’article 4 du règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg dispose que « cette déclaration (préalable à l’Office National du Travail relative au poste de travail à occuper) dûment contresignée par le travailleur, vaut comme demande en obtention ou en renouvellement du permis de travail ». En 4 effet, l’alinéa précité permet donc expressément deux démarches simultanées, à savoir la déclaration de vacance de poste par l’employeur contresignée par le travailleur, qui vaut alors en même temps et implicitement comme demande en obtention d’un permis de travail pour ledit travailleur. En procédant en sens inverse, c’est-à-dire en soumettant à l’Office National du Travail une « déclaration d’engagement tenant lieu de demande en obtention du permis de travail » contresignée par le travailleur, l’employeur a également satisfait aux exigences de l’alinéa 2 de l’article 4, la déclaration de vacance de poste étant dans ce cas implicite.

L’alinéa 1er de l’article 4, auquel l’alinéa 2 renvoie par les termes de « cette déclaration », prévoit pourtant une déclaration préalable à l’Office National du Travail relative au poste de travail à occuper tout en faisant interdiction à l’employeur d’ « occuper » un travailleur étranger non muni d’un permis de travail valable. Une déclaration d’engagement valant implicitement comme déclaration de vacance de poste doit partant prévoir une date d’entrée en service postérieure devant permettre à l’administration de l’Emploi de prendre position par rapport à la demande en obtention d’un permis de travail.

Dans le cas d’espèce, la déclaration d’engagement est entrée aux services de l’administration de l’Emploi, suivant tampon d’entrée, à la date du 30 janvier 1996, alors qu’elle renseigne comme « date d’entrée en service » de l’intimé le 2 janvier 1996.

Il n’y a partant pas eu de déclaration de vacance de poste régulière et c’est partant à juste titre que l’arrêté ministériel le relève.

Quant à l’assignation d’autres candidats à l’emploi:

L’administration de l’emploi n’était pas tenue à assigner d’autres candidats à l’emploi à l’employeur faute de déclaration de vacance de poste préalable et compte tenu de la limitation de la déclaration d’engagement au seul intimé.

Quant à l’application de la loi du 21 février 1976:

Il ne résulte d’aucun élément du dossier que l’intimé aurait été domicilié en Belgique à l’époque de la présentation de la déclaration d’engagement par la s. à r.l. Lux-Brasserie, de sorte que l’article 16 de la loi du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’emploi n’est pas applicable en l’espèce.

Par ces motifs, la Cour, statuant par défaut, reçoit l’appel;

le dit fondé;

5 partant, par réformation du jugement du 14 juillet 1997, déclare non justifié le recours en annulation de … ZEC contre l’arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 19 avril 1996 lui refusant le permis de travail;

condamne … ZEC aux frais des deux instances.

Ainsi jugé par Mme Marion LANNERS, vice-présidente, rapporteur M. Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller et Mme Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS, en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

Le greffier La vice-présidente 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 10242
Date de la décision : 16/06/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;1998-06-16;10242 ?

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