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26/05/1998 | LUXEMBOURG | N°10641C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 26 mai 1998, 10641C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10641C Inscrit le 26 mars 1998

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Audience publique du 26 mai 1998 Recours formé par Monsieur le Ministre du Travail et de l’Emploi contre Monsieur … RUSSO et Madame … PEPIC en matière de permis de travail - Appel -



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Vu l’acte d’appel déposé a

u greffe de la Cour administrative le 26 mars 1998 par Maître Guy ARENDT, avocat inscrit à la liste I du ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10641C Inscrit le 26 mars 1998

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Audience publique du 26 mai 1998 Recours formé par Monsieur le Ministre du Travail et de l’Emploi contre Monsieur … RUSSO et Madame … PEPIC en matière de permis de travail - Appel -

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 26 mars 1998 par Maître Guy ARENDT, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son Ministre d’Etat, Ministre du Travail et de l’Emploi, tendant à la réformation d’un jugement rendu à la date du 19 février 1998 en matière de permis de travail contre … RUSSO et … PEPIC;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL du 25 mars 1998 portant signification dudit acte d’appel à … RUSSO et à … PEPIC;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport et Maître Guy ARENDT en sa plaidoirie.

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Aucun mandataire ne s’est présenté pour Monsieur … RUSSO, de sorte qu’il y a lieu de statuer par défaut à son encontre.

La partie … PEPIC n’a pas été touchée par l’acte d’appel, alors que son domicile est actuellement inconnu. Il y a partant lieu d’ordonner la disjonction des suites de la requête d’appel à son encontre.

La demande est partant à examiner par rapport au volet autorisation de travail, le volet autorisation de séjour étant à réserver dans le cadre du recours de Madame … Pepic.

1 Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 26 mars 1998 et signifiée préalablement le 25 mars 1998, l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son Ministre d’Etat, Ministre du Travail et de l’Emploi, relève appel d’un jugement rendu contradictoirement par le tribunal administratif le 19 février 1998 qui a déclaré fondé le recours en annulation introduit par le sieur … RUSSO et Madame … PEPIC, a annulé l’arrêté ministériel du 15 juillet 1997 et a renvoyé l’affaire devant le ministre du Travail et de l’Emploi avec condamnation de l’Etat aux frais.

La partie appelante fait valoir que contrairement à l’estimation du tribunal, l’arrêté ministériel du 15 juillet 1997 présente une motivation légale, valable et suffisante.

Elle soutient également que dans la mesure où en violation de la loi, l’employeur n’a pas déclaré vacant le poste de travail en question et qu’il n’a pas exploré la possibilité de recruter un salarié sur les 18 marchés du travail des pays de l’Union Européenne ou de l’Espace Economique Européen, il n’a pu recruter un salarié d’un pays non-membre de l’Union Européenne, respectivement de l’Espace Economique Européen.

La partie appelante reproche enfin au tribunal d’avoir estimé que si la déclaration de poste vacant n’a pas été spécialement et expressément faite, elle peut néanmoins ressortir implicitement de la déclaration d’engagement tenant lieu de demande en obtention du permis de travail.

L’appelant demande à la Cour, par réformation du jugement entrepris, de débouter le requérant RUSSO de son recours en annulation et de confirmer l’arrêté du Ministre du Travail et de l’Emploi du 15 juillet 1997.

Aux fins d’apprécier le bien-fondé de l’appel, la Cour doit procéder à l’examen du caractère convaincant des arguments de fait avancés, alors que le juge administratif saisi d’un recours en annulation a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée.

Il est constant en cause que la personne concernée par la demande d’embauche de Monsieur Russo est de nationalité yougoslave, sans formation professionnelle, que par décision du 3 mars 1997 le tribunal administratif a confirmé la décision du ministre de la Justice lui refusant le statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève.

L’arrêté ministériel de refus du permis de travail du 15 juillet 1997 est motivé comme suit:

« pour des raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi;

- priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.);

- poste de travail non déclaré vacant par l’employeur;

- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place. » Pour motiver sa décision de refus, le ministre du Travail et de l’Emploi a ainsi énoncé trois raisons: la situation et l’organisation du marché de l’emploi, la priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen et la disponibilité de demandeurs d’emploi appropriés sur place.

Une obligation de motivation expresse d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi du 28 mars 1972 concernant, entre autres, l’emploi de la 2 main-d’oeuvre étrangère telle que modifiée, ni par le règlement grand-ducal d’exécution du 12 mai 1972 tel que modifié.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit se baser sur des motifs légaux, une décision de refus doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base et dans les cas où, tel qu’en l’espèce, la motivation expresse n’est pas imposée, l’administré a le droit d’exiger la communication des motifs.

Si la motivation expresse de l’acte de refus n’est pas imposée explicitement par le texte qui constitue sa base légale, il suffit en l’occurrence, pour que l’acte de refus soit valable, que ces motifs aient existé au moment du refus, quitte à ce que l’administration concernée les fournisse à posteriori sur demande de l’administré, le cas échéant au cours d’une procédure contentieuse.

L’ensemble de la motivation fournie répond à suffisance de droit au critère de précision requis par les dispositions légales précitées et le jugement entrepris est à réformer.

Aux voeux de l’article 28 de la loi précitée du 28 mars 1972 et de l’article 1er du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, seuls les travailleurs ressortissant d’un des pays membres de l’Union européenne sont dispensés de la formalité du permis de travail et bénéficient au même titre que les nationaux de la priorité d’embauche par rapport aux travailleurs ressortissant d’Etats non-membres de l’Union européenne.

Un étranger non ressortissant de l’Union européenne ou de l’E.E.E. doit donc être autorisé conformément aux dispositions du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 à occuper un emploi sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg. Les motifs pouvant justifier le refus d’octroyer un permis de travail sont énoncés à l’article 27 de la loi précitée du 28 mars 1972 ainsi qu’à l’article 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 qui dispose que « l’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusés aux travailleurs étrangers pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi, compte tenu de la priorité d’embauche dont bénéficient les ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, conformément à l’article 1er du règlement CEE 1612/68 concernant la libre circulation des travailleurs ».

En l’espèce, le ministre a basé sa décision notamment sur la considération que les demandeurs d’emploi appropriés, qui doivent bénéficier d’une priorité à l’emploi, sont disponibles sur place au Grand-Duché pour occuper le poste de femme de ménage auprès de Monsieur … RUSSO.

La décision ministérielle du 15 juillet 1997 renvoie de façon précise à la situation juridique de la postulante non-membre de l’E.E.E. sur le marché de l’emploi, et la décision de refus est à suffisance motivée d’après les éléments de fait objectifs tirés du marché de l’emploi.

En ce qui concerne l’obligation de déclarer le poste vacant, motif invoqué par le ministre à l’appui de sa décision de refus, il y a lieu de relever que l’article 9 de la loi précitée du 21 février 1976 dispose que « dans l’intérêt du maintien du plein emploi, de l’analyse du marché de l’emploi et du recrutement de travailleurs à l’étranger, la déclaration des places vacantes à l’Administration de l’Emploi est obligatoire. » Outre cette obligation générale de déclaration d’un poste vacant, dans l’hypothèse d’un travailleur étranger qui n’est pas ressortissant d’un 3 Etat membre de l’Union Européenne ou d’un Etat partie à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg impose encore qu’« aucun employeur ne peut occuper un travailleur étranger non muni d’un permis de travail valable et sans avoir au préalable fait une déclaration à l’administration de l’emploi relative au poste de travail à occuper. » L’alinéa 3 du même article ajoute que la déclaration à l’ADEM doit être préalable à l’entrée en service du travailleur étranger. L’omission de l’employeur de déclarer son intention d’engager un travailleur provenant d’un Etat tiers dans un délai utile préalablement à son entrée en service constitue un empêchement légal à la formation d’un contrat d’emploi entre ledit patron et le travailleur étranger. Il s’ensuit logiquement qu’une autorisation de travail ne saurait lui être accordée, étant donné qu’en vertu de l’article 1er du règlement grand-ducal susdit, le lien contractuel entre l’employeur et le salarié est en principe spécifique. Faute de contrat de travail valablement conclu entre l’employeur et le travailleur étranger, ce dernier ne saurait prétendre à une autorisation de travail.

En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que l’employeur a introduit en date du 5 juin 1997 une déclaration d’engagement pour une femme de ménage auprès de l’ADEM en mentionnant comme date d’entrée en service le 7 juin 1997, soit une déclaration de vacance de place munie d’une demande d’embauche limitée à une seule personne, de sorte que l’administration de l’emploi à défaut de demande expresse n’était pas tenue à assigner d’autres candidats à l’employeur qui n’avait pas l’intention d’engager une autre personne, réclamant même la connaissance de la langue anglaise dans le chef de sa femme de ménage.

Le ministre du Travail et de l’Emploi a dès lors légalement pu refuser le permis de travail en ce qu’il n’a pas été mis en mesure d’établir l’existence de travailleurs appropriés et disponibles sur place, qui auraient pu bénéficier d’une priorité à l’emploi en leur qualité de ressortissants d’un Etat membre de l’Espace Economique Européen.

L’appel de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg est partant à déclarer fondé et le jugement dont appel est à réformer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant contradictoirement à l’égard de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et par défaut à l’encontre de Monsieur … RUSSO;

ordonne la disjonction des suites de la requête d’appel à l’encontre de Madame … PEPIC;

reçoit l’appel en la forme;

au fond le déclare fondé;

partant, par réformation du jugement du tribunal administratif du 19 février 1998 et dans la mesure où il se rapporte au volet autorisation de travail concernant Monsieur … Russo 4 défaillant, déclare non fondé le recours en annulation contre la décision ministérielle du 15 juillet 1997 et en déboute;

fixe l’acte d’appel, dans la mesure où il est dirigé contre Madame … Pepic au rôle général;

condamne la partie défaillante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par:

Georges KILL, président Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, rapporteur Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par Georges KILL, président, en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

le Greffier en chef le Président 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 10641C
Date de la décision : 26/05/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;1998-05-26;10641c ?

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