GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10494C Inscrit le 24 décembre 1997
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Audience publique du 26 mai 1998 Recours formé par Monsieur … RASITI contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel
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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 24 décembre 1997 par Maître Marc Elvinger, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … RASITI, ressortissant albanais du Kosovo, résidant actuellement à …, contre un jugement du Tribunal administratif rendu contradictoirement entre l’appelant et le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique à la date du 26 novembre 1997;
Vu l’exploit de signification de ladite requête à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à la date du 23 décembre 1997;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 9 février 1998;
Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Marc Elvinger au nom de Monsieur … RASITI au greffe de la Cour administrative le 6 mars 1998;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;
Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport, Maître Marc Elvinger et Madame le délégué du Gouvernement Claudine Konsbruck en leurs plaidoiries respectives.
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1 Par requête déposée le 10 mars 1997 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … RASITI a introduit un recours tendant à l'annulation d'une décision du ministre de la Justice intervenue le 9 décembre 1996 révoquant une décision du 24 mars 1994 lui octroyant le statut de réfugié politique.
Par jugement du 26 novembre 1997, le recours en annulation a été déclaré recevable en la forme mais non justifié quant au fond.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 24 décembre 1997 et signifiée préalablement le 23 décembre 1997 à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, l’appelant … RASITI a relevé appel du jugement précité.
La décision dont appel serait à réformer alors qu'en fait elle aurait fait une appréciation injuste des faits et qu'en droit elle en aurait tiré des conclusions erronées en jugeant que « les actes accomplis par le demandeur révèlent qu'il n'est plus dans une situation telle qu'il ne peut ou ne veut plus se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité, c'est-à-dire qu'il n'existe plus de crainte légitime de persécution de la part de ses autorités d'origine. » Qu'en réalité « les actes accomplis ne révéleraient rien de tel, pas plus qu'ils ne sauraient, dans les circonstances de la cause, être réputés révéler pareil état des choses. » Le jugement de première instance serait partant à réformer et la décision du ministre de la justice portant retrait du statut de réfugié à annuler.
Par conclusions déposées en date du 9 février 1998 au greffe de la Cour administrative, le délégué du gouvernement a demandé la confirmation du premier jugement en se référant à ses développements de première instance.
Par mémoire en réplique déposé en date du 6 mars 1998 au greffe de la Cour administrative, l'appelant a développé de façon très détaillée le déroulement des faits et des conséquences juridiques qui seraient à en tirer.
La requête d’appel est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai de la loi.
Aux termes de la clause dite « de cessation » prévue à l'article ler, section C, 1), de la Convention de Genève, une personne qui s’est vu reconnaître le statut de réfugié perd ledit statut « si elle s'est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité, (…) » C’est à bon droit que les premiers juges ont décidé que la demande et l'obtention, par un réfugié politique possédant une nationalité mais demeurant hors du pays dont il a la nationalité, d’un renouvellement de son passeport de son pays d'origine fait présumer que le réfugié a voulu se réclamer à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité, sauf au réfugié à prouver à suffisance de droit qu'il n’a pas agi volontairement en vue de se réclamer de la protection de son pays d'origine.
2 Le demandeur a procédé auprès de l'ambassade de la république fédérale de Yougoslavie en Belgique au renouvellement d'un passeport yougoslave établi à son nom et, ensuite, a fait apposer, dans ledit passeport, par l'ambassade de la République fédérale d'Allemagne un visa de transit à travers la RFA en renseignant la république fédérale de Yougoslavie comme pays de destination.
C’est encore à bon droit et pour de justes motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont retenu qu’indépendamment de la question relative à la crédibilité du récit fait par le demandeur lors de son audition du 26 novembre 1996, maintenu et précisé en cours d'instruction, récit qui est en contradiction avec ses déclarations faites lors de sa première audition en date du 27 mars 1996, les raisons exposées ne sont pas de nature à établir qu’il n’a pas agi volontairement, c’est à dire que des circonstances exceptionnelles indépendantes de sa volonté l'ont contraint de renouer des contacts avec les autorités officielles de son pays d'origine qui équivalent au recours à une mesure de protection du pays dont il a la nationalité.
En effet la situation de son frère et de l’épouse de ce dernier, qui avaient librement pu quitter le Kosovo pour se rendre en Hongrie, pays dans lequel ils n’étaient plus exposés à des persécutions de la part des autorités serbes, ne justifiait pas qu’il reprenne contact avec les autorités consulaires de son pays d’origine, en vue du renouvellement de son passeport. Il convient encore de relever qu’il n’a pas seulement demandé le renouvellement de la validité de son passeport, mais qu’il a reçu satisfaction sans problèmes de sa demande par l’obtention dudit renouvellement.
Contrairement aux affirmations de l’appelant, il n’appartient pas au juge administratif, dans le cadre d’un recours en annulation, de se lancer dans une recherche étendue sur les intentions du réfugié, tel que prévu par le «Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié», « Guide » qui n’a pas de force légale obligatoire au Grand-Duché de Luxembourg. (Cour administrative du 12 juin 1997, DJEKIC, Numéro du rôle 9879C, KRASNIQI, 10 juillet 1997, Numéro du rôle 9900C).
Les actes accomplis par le demandeur révèlent qu’il n’est plus dans une situation telle qu’il ne peut ou ne veut plus se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité.
L’appréciation faite par le ministre de la justice dans sa décision de rejet n'encourt partant pas de reproche devant conduire à l'annulation de cette décision de sorte que le jugement dont appel est à confirmer.
3 Par ces motifs la Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme;
le déclare non-fondé et en déboute;
partant confirme le jugement du 26 novembre 1997 dans toute sa teneur;
condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.
Ainsi jugé par:
Marion Lanners, vice-présidente Christiane Diederich-Tournay, conseiller Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur et lu par la vice-présidente Marion Lanners en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.
le greffier la vice-présidente 4