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02/04/1998 | LUXEMBOURG | N°10393C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 02 avril 1998, 10393C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 10393 C Inscrit le 3 novembre 1997 —————————————————————————————————— ——— AUDIENCE PUBLIQUE DU 2 AVRIL 1998 Recours formé par Monsieur … Jost contre le directeur de l’Administration de l’Emploi en matière de garantie de salaire - Appel ————————————————————————————— ———— Vu la requête déposée le 3 novembre 1997 par laquelle … JOST a relevé appel d’un jugement rendu contradictoi

rement en date du 8 octobre 1997 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 9757 du rôle;

Vu l’exploit du ministère de l’huissier Guy Engel du 22 octobre 1997 signifiant ladite re...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 10393 C Inscrit le 3 novembre 1997 —————————————————————————————————— ——— AUDIENCE PUBLIQUE DU 2 AVRIL 1998 Recours formé par Monsieur … Jost contre le directeur de l’Administration de l’Emploi en matière de garantie de salaire - Appel ————————————————————————————— ———— Vu la requête déposée le 3 novembre 1997 par laquelle … JOST a relevé appel d’un jugement rendu contradictoirement en date du 8 octobre 1997 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 9757 du rôle;

Vu l’exploit du ministère de l’huissier Guy Engel du 22 octobre 1997 signifiant ladite requête à l’Etat du Grand-Duché;

Vu le mémoire additionnel de … JOST versé en cause le 11 décembre 1997;

Vu le mémoire en réponse de l’Etat du Grand-Duché déposé le 18 février 1998 ensemble l’exploit de signification du même jour;

Vu les pièces versées en cause de part et d’autre et notamment la décision attaquée du 28 mai 1996;

Ouï le président en son rapport, Maître Sandrine Damy-Chometon en rempla-cement de Maître Michel Karp et Maître Pierre Bermes en leurs plaidoiries respectives.

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————————————————————————————— ———— Par requête déposée le 3 novembre 1997 … Jost a relevé appel d’un jugement rendu le 8 octobre 1997 par le tribunal administratif sur le recours introduit sous le numéro 9757 du rôle contre une décision du directeur de l’Administration de l’Emploi refusant à l’appelant la garantie prévue par l’article 46 (2) de la loi du 24 mai 1989 au motif que les périodes auxquelles se rapporte la créance de salaire ne se situeraient pas dans la période précédant de six mois la déclaration de faillite.

Les juges de première instance ont retenu que la créance de salaire pour laquelle … Jost revendique la garantie en question aurait été prescrite dès le 29 octobre 1994 à minuit, de sorte qu’un acte interruptif posé le 31 octobre 1994 n’aurait plus pu interrompre la prescription triennale de l’article 2277 du Code civil, rendu applicable en la matière par la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail. Le jugement entrepris dispose par ce motif que le directeur de l’Administration de l’Emploi aurait à juste titre, quoique pour d’autres motifs, refusé la garantie sollicitée.

La partie appelante dénie au fonds pour l’emploi le droit d’invoquer la prescription, respectivement d’en bénéficier, dès lors que la créance a été admise par le tribunal de commerce (plus précisément en l’espèce par le curateur et le juge-commissaire) dans le cadre des opérations de la faillite.

Elle estime par ailleurs que la prescription n’est en fait pas acquise en l’espèce. Finalement elle fait remarquer que le moyen de la prescription n’aurait pas été soulevé en temps utile par l’Administration de l’emploi. La partie Jost insiste plus particulièrement sur le fait que la vérification des créances opérée par le curateur et le juge-commissaire, au cours de laquelle la créance en cause aurait été admise au passif privilégié de la faillite, lierait le directeur de l’Administration de l’Emploi.

L’Etat du Grand-Duché a fait déposer un mémoire en réponse dans lequel il attire l’attention sur la différence qui existerait entre, d’une part le sort des créances salariales proprement dites, tel qu’il est réglé par les dispositions civiles et commerciales, et d’autre part la garantie de salaire qui serait du ressort du droit administratif.

La loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail ne prévoyant pas de recours de pleine juridiction en la matière, c’est à juste titre que le tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation et a reçu en la forme le recours en annulation dirigé contre la décision du directeur de l’Administration de l’Emploi du 28 mai 1996.

Quant à la prescription de la créance :

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En examinant les pièces sur lesquelles une juridiction est admise à se baser pour apprécier la durée effective des relations de travail ayant existé entre … JOST et son employeur, la société à responsabilité limitée G.P.C.I.

actuellement en état de faillite, la Cour relève que dans une lettre adressée le 26 septembre 1991 à son employeur JOST notifie à ce dernier son congé à partir du 1er novembre 1991, prenant soin de préciser que le délai de préavis expire le 31 octobre 1991 au soir (pièces 15 et 16 versées par Maître Karp). La Cour constate d’autre part que l’employeur a dressé le dernier décompte des commissions dues à JOST en mentionnant comme période de référence celle du 1er au 31 octobre 1991, documentant ainsi que les parties n’étaient pas en désaccord sur la date de sortie de l’employé (pièces numérotées 69 à 72 versées par Maître Karp).

S’il est vrai que la désaffiliation de JOST au Centre commun de la Sécurité sociale fut opérée le 29 octobre 1991 cet acte, susceptible d’être intervenu soit d’office, soit sur intervention unilatérale, n’est pas de nature à diminuer la force probante des pièces ci-dessus citées qui font apparaître le 31 octobre comme dernier jour de travail.

Aux termes de l’article 40 (2) de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail les décomptes de salaire détaillés et le traitement ou salaire encore dû doivent, en cas de résiliation du contrat de travail, être remis au salarié à la fin du contrat au plus tard dans les cinq jours.

La latitude laissée à l’employeur de reporter en toute légalité de cinq jours le paiement de la dernière rémunération empêche pendant ce délai le salarié d’agir en justice pour obtenir paiement. La conséquence en doit être que la prescription ne saurait commencer à courir qu’une fois le délai de l’article 40 (2) révolu.

En l’espèce le délai de prescription n’a donc pas couru avant le 6 novembre 1991, de sorte que le 31 octobre 1994 JOST a valablement pu l’interrompre par sa requête introductive devant le Tribunal du travail de Luxembourg et que partant la créance invoquée par JOST n’était pas prescrite au moment où le directeur de l’Administration de l’Emploi a eu à statuer sur la demande de garantie.

Quant au délai de six mois :

Dans sa décision du 28 mai 1996 le directeur de l’Administration de l’Emploi n’a pas invoqué le moyen de la prescription, mais a refusé la garantie prévue par l’article 46 (2) de la loi du 24 mai 1989 au motif que les périodes auxquelles se rapporte la créance de salaire de l’appelant ne se situeraient pas dans la période précédant de six mois au plus la déclaration de faillite.

Aux termes de l’article 46 (2) de la loi du 24 mai 1989 « Sont garanties jusqu’à concurrence du plafond visé à l’article 2101, paragraphe (2) du code civil, les créances des rémunérations et indemnités de toute nature - 3 -

dues au salarié à la date du jugement déclaratif de la faillite pour les six derniers mois de travail et celles résultant de la rupture du contrat de travail ».

La Cour, adoptant les motifs des juges de première instance, doit constater, comme l’ont fait ceux-ci, que le texte de l’article 46 (2) ci-

dessus cité est sans ambiguïté et ne peut que s’interpréter comme englobant les créances résultant du contrat de travail pour autant qu’elles font partie des six derniers mois de travail du salarié au service de la société faillie, même si elles se rapportent à des périodes de plus de six mois antérieures à la faillite (C.A. 9 décembre 1997, REITER, no.

9869C du rôle; C.A. 29 janvier 1998, JEANPAUL, no. 10423C du rôle).

Il en suit que la décision attaquée du directeur de l’Administration de l’Emploi encourt l’annulation pour avoir violé l’article 46 (2) de la loi du 24 mai 1989.

Quant à l’autorité de la vérification des créances:

Dans sa requête introductive d’instance déposée au Conseil d’Etat le 31 décembre 1996 la partie Jost argumente à titre principal que le directeur de l’Administration de l’emploi ne saurait méconnaître l’autorité de la chose jugée qui s’attache aux décisions de justice, le tribunal de commerce ayant entériné le caractère superprivilégié de la créance.

Cette argumentation est à rejeter alors qu’elle méconnaît le texte formel de l’article 46 (6) de la loi du 24 mai 1989 au termes duquel: « … le fonds pour l’emploi verse aux salariés, les sommes impayées figurant sur le relevé des créances présenté par le curateur, visé par le juge-commissaire et vérifié par l’Administration de l’emploi. » Cette formulation ne laisse pas de doute sur le fait que l’Administration est en droit de procéder à son propre examen des créances qui lui sont soumises. Ceci est d’autant plus vrai que suivant le même alinéa dudit article 46 « le relevé (des créances) peut être présenté par le curateur avant la clôture du procès-verbal de vérification des créances », donc à un moment où aucune autorité de chose jugée ne peut être reconnue à l’inscription de la créance au relevé prémentionné.

La finalité de la vérification faite par le directeur de l’Administration de l’Emploi consiste à fixer les limites de la garantie exorbitante du droit commun accordée aux salariés en application de l’article 46 et non à statuer sur l’existence ou la consistance mêmes de la créance sous tous ses aspects. De ce fait une décision judiciaire sur le montant de la créance d’un salarié sur son employeur ne saurait influencer péremptoirement le contrôle effectué par l’Administration dans les limites fixées par l’article 46 (6) de la loi du 24 mai 1989.

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En toute hypothèse la reconnaissance d’un privilège ou superprivilège est sans rapport avec l’objet du présent recours. Le texte très clair de l’article 46 (2) ne permet pas de douter que la référence à l’article 2101 (2) du Code civil est faite dans l’unique but de fixer le plafond de la garantie.

En l’espèce il appert de la correspondance versée que les montants réclamés pour différents chefs par JOST et admis au passif de la faillite ont fait l’objet de discussions et de contestations entre le salarié et son employeur, une instance ayant d’ailleurs été introduite à leur sujet devant le tribunal du travail de Luxembourg sans qu’elle eût à ce jour abouti à une décision.

Le droit du directeur de l’Administration de l’Emploi de procéder à la vérification prévue par l’article 46 (6) n’en saurait que moins être contesté.

Il en suit que l’appel n’est pas fondé pour autant qu’il vise, conformément à la requête introductive en première instance, à faire reconnaître le caractère privilégié de la créance salariale de … JOST dans le cadre de la faillite de la société à responsabilité limitée GPCI.

Les parties ayant succombé chacune dans une partie de leurs moyens il est équitable de procéder au partage par moitié des frais des deux instances et de les imposer pour moitié à chacune des parties.

par ces motifs la Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit en la forme la requête d’appel déposée le 3 novembre 1997 par laquelle … JOST a relevé appel contre le directeur de l’Administration de l’Emploi;

déclare l’appel fondé pour autant qu’il vise l’annulation de la décision du 28 mai 1996;

en conséquence annule la décision attaquée et renvoie l’affaire devant le directeur de l’Administration de l’Emploi;

déclare l’appel non fondé pour autant qu’il tend, conformément à la requête introductive en première instance, à l’annulation de la décision directoriale au motif qu’il y aurait lieu de reconnaître le caractère privilégié de la créance salariale de … JOST dans le cadre de la faillite de la société à responsabilité limitée GPCI;

fait masse des frais des deux instances et les impose pour moitié à chacune des parties.

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Ainsi jugé par Messieurs Georges KILL, président, rapporteur, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le greffier en chef Le président - 6 -


Synthèse
Numéro d'arrêt : 10393C
Date de la décision : 02/04/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;1998-04-02;10393c ?

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