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29/01/1998 | LUXEMBOURG | N°10389C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 29 janvier 1998, 10389C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 10389 C Inscrit le 29 octobre 1997 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU 29 JANVIER 1998 Recours formé par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative contre … BODE (appel contre le jugement 9920/9921 du 6 octobre 1997) ————————————————————————————————— Vu la requête d’appel déposée le 29 octobre 1997 par le ministre de la Fonction publique e

t de la Réforme administrative, ensemble le mémoire du même ministre du 8 juillet 1997 versé en première instance et auquel il est fait référence dans la requête d’appel;

vu le mémoire en réponse...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 10389 C Inscrit le 29 octobre 1997 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU 29 JANVIER 1998 Recours formé par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative contre … BODE (appel contre le jugement 9920/9921 du 6 octobre 1997) ————————————————————————————————— Vu la requête d’appel déposée le 29 octobre 1997 par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, ensemble le mémoire du même ministre du 8 juillet 1997 versé en première instance et auquel il est fait référence dans la requête d’appel;

vu le mémoire en réponse de l’intimée déposé au greffe le 17 novembre 1997;

vu les pièces versées en cause et notamment les décisions des 12 décembre 1996 et 6 février 1997 ayant fait l’objet du recours, ainsi que le jugement entrepris;

vu les articles 3 et 99 de la loi du 7 novembre mil neuf cent quatre-vingt-seize portant organisation des juridictions de l’ordre administratif;

ouï le président en son rapport, Maître Stéphanie Marchand, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc Mathekowitsch en leurs plaidoiries en audience publique.

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Par requête déposée le 29 octobre 1997 le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative a relevé appel d’un jugement rendu le 6 octobre 1997 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous les numéros 9920 et 9921 du rôle.

Ledit jugement a déclaré la demande en effet suspensif sans objet, a reçu en la forme le recours au fond en réformation et l’a trouvé fondé en déclarant sans effet les décisions des 12 décembre 1996 et 6 février 1997 ayant mis fin au contrat de travail qui liait BODE à l’Etat sur base de l’article 40, 2., b) de la loi modifiée du 16 avril 1979.

Aux termes de cet article, rendu applicable au contrat de travail des employés de l’Etat par l’article 6, b) de la loi modifiée du 27 janvier 1972, la démission d’office peut être prononcée, sans qu’il y ait lieu de recourir à la procédure disciplinaire, dans les cas d’abandon par l’employé de l’exercice de ses fonctions.

Le Ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative avait déduit l’abandon de fonctions dans le chef de … BODE des circonstances de fait qui se résument comme suit :

Madame BODE, ayant suivant les affirmations non contestées de l’appelante accumulé 30 journées de maladie au cours de l’année 1996, fit parvenir le 2 décembre 1996 à son employeur un certificat médical la portant malade du lundi 2 au vendredi 6 décembre 1996. N’ayant pas repris son service à l’expiration de la validité dudit certificat, soit le lundi 9 décembre, Madame BODE se vit notifier par lettre du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en date du 12 décembre 1996 que son absence était considérée comme abandon de l’exercice de ses fonctions et que son contrat de travail était résilié avec effet immédiat sur base de l’article 40.2 b) de la loi modifiée du 16 avril 1979.

Le lundi, 16 décembre 1996 l’employée a repris son travail malgré la notification de la décision du 12 décembre pour être finalement renvoyée le 18 décembre. Le 17 décembre 1996 la dame BODE a introduit un recours gracieux qui fut vidé le 6 février 1997 par une lettre confirmative de la décision du 12 décembre.

Le tribunal administratif, pour motiver la réformation des deux décisions ministérielles entreprises, a relevé que la notion d’abandon de l’exercice de fonctions comporterait, outre l’élément matériel d’une absence prolongée, un élément moral dans le chef de l’employé(e) consistant dans la volonté de démissionner définitivement de son poste. C’est à défaut d’avoir pu relever des éléments de nature à établir à suffisance la volonté de la partie BODE d’abandonner de manière définitive l’exercice de ses fonctions que le tribunal a réformé la décision prise par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative.

Cette démarche est critiquée par l’appelant qui s’appuie sur la jurisprudence existant en la matière qui retient que la démission d’office n’est pas une sanction disciplinaire et ne présuppose pas d’élément intentionnel spécifique dans le chef du fonctionnaire touché par cette mesure.

- 2 -

L’examen sémantique du texte appliqué amène au constat que le terme abandon, employé comme en l’espèce dans son sens actif, comprend un élément intentionnel qui à lui seul fait la différence entre l’abandon et la perte, et ce tant dans le langage courant que dans la terminologie juridique où l’abandon est synonyme de délaissement unilatéral.

La même analyse amène à constater que le texte en question autorise la démission d’office au cas d’abandon de l’exercice des fonctions et non au cas d’abandon de poste, ce dernier ne pouvant être sanctionné par la résiliation du contrat de travail qu’en usant des formes prévues pour le cas de manquement grave. La notion d’abandon de l’exercice des fonctions implique que l’agent auquel elle est reprochée soit resté absent de son poste pendant une période suffisamment longue pour que, compte tenu des éléments concrets de l’espèce, sa fonction-même puisse être considérée comme délaissée.

Pour être un élément constitutif valable de l’abandon de l’exercice des fonctions au sens de l’article 40.2 b) de la loi modifiée du 16 avril 1979 l’élément intentionnel de l’agent doit porter sur la cessation sans justification de l’exercice de ses fonctions pendant ce temps prolongé. Sous peine d’ajouter à la loi il ne saurait être exigé que cette intention vise spécifiquement l’abandon de manière définitive de l’exercice de ses fonctions par le fonctionnaire, respectivement par l’employé(e), alors que le texte appliqué déduit précisément de la seule réalité de l’abandon la présomption qu’il existe une volonté de démission définitive.

Dans l’espèce soumise à la Cour le caractère volontaire et injustifié de la cessation des fonctions de la dame BODE ne peut pas être présumé avant la date du 9 décembre 1996. Le 12 décembre 1996, date de la notification de la démission d’office par le Ministre de la Fonction publique et de la réforme administrative, l’absence de Madame BODE, même si elle peut le cas échéant être considérée comme gravement fautive, n’avait pas atteint une durée qui eût pu justifier l’application de l’article 40.2 b). Dans les circonstances de la cause le prolongement de quelques jours de son congé de maladie par BODE n’a en effet pu justifier la présomption d’un abandon définitif de ses fonctions.

Le Tribunal administratif a donc constaté à bon droit que les décisions ministérielles des 12 décembre 1996 et 6 février 1997 étaient à réformer. Par les motifs ci-dessus, divergeant de ceux des juges de première instance sur l’interprétation des termes d’ “ abandon de l’exercice des fonctions ”, il y a lieu de confirmer le dispositif du jugement dont appel dans toute sa teneur.

L’appel incident de l’intimée est présenté en ordre subsidiaire de sorte, qu’eu égard à la décision à intervenir sur l’appel principal, il n’y a pas lieu d’y statuer.

Les frais de l’instance d’appel doivent rester à la charge de l’appelant.

par ces motifs - 3 -

la Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit en la forme la requête d’appel déposée le 29 octobre 1997 par laquelle l’Etat du Grand-Duché, agissant par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, a relevé appel contre … BODE;

la déclare cependant non fondée, partant confirme le jugement entrepris du 6 octobre 1997 dans toute sa teneur;

condamne l’Etat du Grand-Duché aux frais des deux instances.

Ainsi jugé par Monsieur Georges KILL, président, rapporteur, Madame Marion LANNERS, vice-présidente, Monsieur Marc FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le greffier en chef Le président - 4 -


Synthèse
Numéro d'arrêt : 10389C
Date de la décision : 29/01/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;1998-01-29;10389c ?

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