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27/01/1998 | LUXEMBOURG | N°10422C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 27 janvier 1998, 10422C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10422C Inscrit le 21 novembre 1997 Audience publique du 27 janvier 1998 Recours formé par Monsieur … Lounes Ferhat contre le Ministre de la Justice en matière d’expulsion - Appel -



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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 21 novembre 1997 par Maître Marco Fritsch, avocat de la liste I du barreau de Luxembourg, au nom de Monsieur … Lounes Ferhat, contre un jugement du tribunal administr

atif rendu contradictoirement entre l’appelant et le Ministre de la Justice en matière ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10422C Inscrit le 21 novembre 1997 Audience publique du 27 janvier 1998 Recours formé par Monsieur … Lounes Ferhat contre le Ministre de la Justice en matière d’expulsion - Appel -

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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 21 novembre 1997 par Maître Marco Fritsch, avocat de la liste I du barreau de Luxembourg, au nom de Monsieur … Lounes Ferhat, contre un jugement du tribunal administratif rendu contradictoirement entre l’appelant et le Ministre de la Justice en matière d’expulsion à la date du 20 octobre 1997;

Vu l’exploit de signification de ladite requête à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à la date du 20 novembre 1997;

Vu le mémoire en réponse du délégué de Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 13 janvier 1998;

Vu les articles 3 et 99 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport, Maître Louis Tinti, en remplacement de Maître Marco Fritsch et Madame le délégué du Gouvernement Claudine Konsbruck en leurs plaidoiries respectives.

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Par requête déposée le 29 juillet 1997 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … Lounes Ferhat avait introduit un recours tendant au sursis à exécution d’un arrêté du 1 Ministre de la Justice du 30 avril 1997, ordonnant l’expulsion du demandeur, ainsi qu’à l’annulation de ladite décision ministérielle.

Par jugement rendu à la date 30 octobre 1997, le tribunal administratif a déclaré la demande en sursis à exécution sans objet, le recours non justifié quant au fond et en a débouté le requérant avec condamnation aux frais.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 21 novembre 1997 et signifiée préalablement à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg le 20 novembre 1997, Monsieur … Lounes Ferhat a relevé appel du jugement précité.

L’appelant soutient que les premiers juges ont fait une appréciation injuste des faits en décidant que ceux-ci justifieraient qu’il soit expulsé du territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

Il soutient que la mesure d’expulsion attaquée contrevient à l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme du 4 novembre 1950, aux termes duquel toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance et qu’il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, ou à la protection des droits et libertés d’autrui, et que le jugement rendu en date du 9 janvier 1997 par le tribunal correctionnel de Luxembourg ne saurait faire obstacle à lui seul à ce principe de droit, alors qu’une condamnation pénale ne justifie pas de plein droit une mesure de police à l’égard d’un étranger condamné et qu’il ne s’est rendu coupable d’aucune autre infraction à la loi depuis son arrivée sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

Il fait valoir que les faits sanctionnés suivant le jugement correctionnel du 9 janvier 1997 ne revêtent par ailleurs pas une gravité telle que l’on devrait considérer que son comportement puisse constituer une menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société, qu’il s’ensuit que la mesure d’expulsion prise à son égard a un caractère disproportionné au regard du droit de l’expulsé au respect de sa vie familiale et privée et qu’elle constitue une application erronée de l’article 9 de la loi modifiée du 28 mars 1972 qui autorise l’expulsion du territoire de l’étranger qui, par sa conduite, compromet la tranquillité, l’ordre ou la sécurité publics.

L’appelant demande à la Cour administrative, par réformation du jugement entrepris, d’annuler la décision ministérielle d’expulsion du 30 avril 1997.

Dans son mémoire en réponse déposé en date du 13 janvier 1998, le délégué du Gouvernement relève que l’appelant n’invoque pas de moyens nouveaux à l’appui de sa requête d’appel, et qu’il peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui est nécessaire à la sécurité nationale et à la sûreté publique. Il fait valoir que la nature et la gravité des infractions commises par l’appelant sont des indications quant à son comportement actuel et futur, en particulier quant à la probabilité de nouvelles activités délictuelles 2 dans son chef, et que devant la crainte d’une récidive, le ministre de la Justice a pris une décision d’expulsion justifiée.

Le représentant étatique demande la confirmation du jugement du 20 octobre 1997 dans toute sa teneur.

L’appel est recevable pour avoir été interjeté dans les forme et délai de la loi.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision entreprise et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés.

C’est à bon droit et pour de justes motifs que la Cour adopte, que les juges de première instance, après avoir constaté que Monsieur Ferhat a subi une condamnation définitive à une peine d’emprisonnement de deux ans dont six mois avec sursis et à une amende de 20.000.- francs du chef d’avoir volontairement endommagé les propriétés mobilières d’autrui, de coups et blessures volontaires, de menaces verbales et d’attentat, de coups et blessures volontaires ayant causé une incapacité de travail, de vol, de faux en écritures de commerce, d’usage de faux, d’escroquerie, de tentative d’escroquerie, de destruction de clôture, de menaces verbales, d’attentat avec ordre ou sous condition, de violation de domicile qualifiée, ont décidé que le comportement de Monsieur Ferhat compromet la tranquillité, l’ordre et la sécurité publics et que la décision d’expulsion était légalement justifiée.

L’appelant soutient d’autre part que la mesure d’expulsion dont il a fait l’objet contreviendrait à l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme du 4 novembre 1950, approuvée par une loi du 29 août 1953, étant donné que d’une part, les faits pour lesquels il a été condamné ne revêtent pas une gravité telle que l’on devrait considérer que le comportement du requérant constituerait un danger pour l’ordre public et que d’autre part, l’exécution de cette mesure porterait atteinte à son droit au respect de sa vie familiale et privée.

Les dispositions de l’article 8 de la Convention Européenne précitée, qui sont d’ordre public, doivent être examinées par le juge de l’annulation afin de s’assurer du contrôle de la légalité de la mesure prise.

Si une condamnation pénale ne justifie pas de plein droit une mesure de police à l’égard d’un étranger condamné, il n’en reste pas moins qu’une seule condamnation pénale peut, le cas échéant, dénoter un comportement révélant une atteinte grave et actuelle à l’ordre public et justifier une mesure d’expulsion du territoire.

En l’occurrence, il résulte de la condamnation correctionnelle précitée, que l’appelant s’est rendu coupable d’une série impressionnante d’infractions s’échelonnant sur une période allant de mai 1995 à octobre 1996, qu’ainsi la mesure d’expulsion n’apparait pas comme disproportionnée par rapport aux faits reprochés à l’appelant qui par 3 ailleurs n’a plus d’attache familiale au Grand-Duché, sa femme ayant introduit une demande en divorce en octobre 1995.

Le moyen tiré d’une prétendue violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme manque dès lors de fondement.

Il s’ensuit que le ministre de la Justice pouvait légalement déduire du comportement de l’appelant qu’il compromet gravement l’ordre public et que la décision ministérielle attaquée ne saurait être incriminée d’avoir porté atteinte de manière disproportionnée ou illégale au droit de l’appelant au respect de sa vie familiale.

Le jugement dont appel est donc à confirmer dans toute sa teneur.

P A R C E S M O T I F S :

La Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme;

le déclare non-fondé et en déboute;

partant confirme le jugement du 20 octobre 1997;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par:

Marion LANNERS, vice-présidente Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, rapporteur Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.

le greffier la vice présidente 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 10422C
Date de la décision : 27/01/1998

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;1998-01-27;10422c ?

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