-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10249C Inscrit le 22 août 1997 Audience publique du 9 décembre 1997 Recours formé par M. … STEIN contre le ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations Appel Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative en date du 22 août 1997 par Maître Carlos ZEYEN, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, au nom de Monsieur … STEIN contre un jugement du tribunal administratif rendu contradictoirement entre l’appelant et le ministre de l’Intérieur en matière d’aménage-ment des agglomérations à la date du 15 juillet 1997;
Vu l’exploit de signification de ladite requête d’appel à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à la date du 21 août 1997;
Vu le mémoire en réponse de Monsieur le délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 28 octobre 1997;
Vu les articles 3 et 99 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;
Ouï le premier conseiller-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 13 novembre 1997, Maître Michel SCHAUS en remplacement de Maître Carlos ZEYEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.
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1 Par requête déposée le 13 octobre 1995 le sieur … STEIN a saisi le Comité du Contentieux du Conseil d’Etat d’un recours en réformation sinon en annulation d’une décision du Ministre de l’Intérieur en ce qu’elle a classé en zone verte au sens de la loi du 11 août 1982 concernant la protection des ressources naturelles une aire sise au lieu-dit « bei Kahlscheuer », propriété du requérant qui avait été classée zone d’habitation de faible densité par les décisions du conseil communal de la commune de Kopstal des 3 décembre 1992 et 6 avril 1993 adoptant la première le plan d’aménagement général de la Commune de Kopstal et la deuxième des modifications dudit plan d’aménagement.
Ledit recours était fondé sur un motif tiré de « l’illégalité de ladite décision du Ministre de l’Intérieur du 14 juillet 1995 pour excès de pouvoir, détournement de pouvoir, incompétence et violation de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, telle que modifiée, ainsi que de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ».
Dans son jugement du 15 juillet 1997 le Tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour statuer sur le recours alors qu’il ne s’agirait pas d’un recours contre une décision administrative à portée individuelle mais d’un acte à caractère réglementaire. Le jugement soulève encore que les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 accordent aux individus un recours juridictionnel effectif contre les excès du pouvoir exécutif qui lèsent leurs droits garantis par la Convention, soit également le droit de propriété, le recours contre ces actes, s’ils ont le caractère réglementaire, étant de la compétence de la Cour administrative aux termes de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif.
En conséquence, le jugement entrepris a ordonné la transmission du dossier à la Cour administrative.
En ce qui concerne l’appel du sieur … STEIN:
L’appel est fondé sur ce que c’aurait été à tort que le tribunal a qualifié la décision du Ministre de l’Intérieur comme étant de nature réglementaire alors qu’en réalité elle revêtirait le caractère d’une décision individuelle et dès lors serait de la compétence du Tribunal administratif.
L’appelant conclut principalement à la réformation sur ce point de la décision entreprise et au renvoi du dossier devant le Tribunal administratif.
A titre subsidiaire, l’appelant conclut à voir annuler la décision du Ministre pour excès de pouvoir, sinon pour incompétence et violation de la loi, plus subsidiairement pour défaut de motivation ou pour violation du droit des administrés « d’être traités de la même manière », ou encore « pour expropriation illégale ».
2 Dans son mémoire en réponse du 21 octobre 1997 le Délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement d’incompétence du Tribunal administratif, la décision du Tribunal administratif étant intervenue en matière réglementaire. A titre subsidiaire, il conclut au rejet des moyens de fond invoqués par l’appelant.
En ce qui concerne la transmission du dossier pour raisons de compétence à la Cour administrative:
S’estimant incompétent pour connaître du recours originairement introduit devant le Comité du Contentieux du Conseil d’Etat, le Tribunal administratif a ordonné la transmission du dossier à la Cour administrative. Le sieur … STEIN, appelant contre la décision d’incompétence, n’a pas conclu quant à cette transmission ordonnée par le jugement.
Le Délégué du Gouvernement se rapporte à prudence de justice à ce sujet. Au fond, dans le contexte de compétence de la Cour sur base de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996, il conclut à l’irrecevabilité du recours, la décision entreprise tout comme d’ailleurs le recours introduit devant le Comité du Contentieux du Conseil d’Etat étant antérieur à la création, par la loi du 7 novembre 1996, du recours direct contre les décisions à caractère réglementaire.
Quant à l’appel contre le jugement du Tribunal administratif du 15 juillet 1997:
Considérant que l’appel a été interjeté dans les forme et délai de la loi;
qu’il est partant recevable;
Considérant que le recours introduit devant le Comité du Contentieux du Conseil d’Etat tendait à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du Ministre de l’Intérieur du 16 juillet 1995 par laquelle le Ministre a, dans le cadre de l’approbation de deux décisions du conseil communal de la commune de Kopstal des 3 décembre 1992 et 6 avril 1993 portant vote définitif du plan d’aménagement général de la commune de Kopstal et d’une modification de ce même plan, reclassé des parties de terrain dans lesquelles le requérant a des propriétés foncières en zones vertes au sens de la loi du 11 août 1992 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles;
Considérant que l’appelant demande la réformation du jugement du Tribunal administratif intervenu en cause le 15 juillet 1997 en ce que ce serait à tort que le Tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour connaître du recours, estimant que la décision du Ministre de l’Intérieur revêt le caractère réglementaire;
3 Considérant que la décision du Ministre intervenant dans la procédure d’adoption d’un plan d’aménagement sur base de la loi du 12 juin 1937 participe au caractère réglementaire de la procédure et que, dès lors, elle a le caractère d’acte réglementaire;
que la loi du 7 novembre 1996 ayant, en son article 7, attribué le contentieux de la légalité des actes à caractère réglementaire à la Cour administrative, c’est à bon droit que le Tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour connaître du recours;
que l’appel n’est dès lors pas fondé;
Quant à la transmission du dossier à la Cour administrative:
Considérant que le Tribunal administratif, après s’être déclaré incompétent, a ordonné la transmission du dossier à la Cour administrative;
qu’eu égard à la confirmation de la décision d’incompétence, cette mesure est justifiée sur base de l’article 96(1) de la loi du 7 novembre 1996;
Considérant que la Cour se trouve donc valablement saisie du recours originairement introduit devant le Comité du Contentieux du Conseil d’Etat;
Quant au recours introduit devant de Comité du Contentieux du Conseil d’Etat:
Considérant qu’aux termes de la requête introductive, le recours est introduit en réformation sinon en annulation de la décision ci-dessus qualifiée du Ministre de l’Intérieur;
que le recours en réformation est irrecevable, aucun texte de loi ne prévoyant un recours au fond en la matière;
Considérant qu’en ce qu’il tend à l’annulation de la décision du Ministre, le recours, comme il a été développé ci-dessus, se dirige contre un acte à caractère réglementaire;
Considérant qu’à l’exception des recours ouverts aux autorités communales sur base de l’article 107 de la loi communale, aucun recours dirigé contre les actes réglementaires n’existait ni au moment où a été prise la décision litigieuse ni à celui où le recours a été introduit, ce recours n’ayant été institué que par la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif;
Considérant que l’existence d’une voie de recours est une règle de fond du droit et non une règle de forme et qu’elle est régie, en l’absence d’une disposition 4 transitoire, ce qui est le cas en l’espèce, par la loi sous l’empire de laquelle la décision a été rendue;
qu’aucune loi n’ayant, au moment de la décision qui participe au caractère réglementaire de la procédure d’élaboration des plans d’aménagement, autorisé un recours direct contre les actes à caractère réglementaire, le recours en annulation est, à ce titre, irrecevable;
Considérant par ailleurs que le jugement susvisé du Tribunal administratif a examiné d’office la question de l’existence éventuelle d’un recours sur base des articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ce dernier article garantissant aux citoyens un recours juridictionnel effectif contre les actes du pouvoir exécutif qui lèsent leurs droits garantis par la Convention;
Considérant que la question de l’application en l’espèce de l’article 13 de la Convention ne serait susceptible de se poser que si aucune voie de recours interne n’était à la disposition du requérant;
que tel n’était toutefois pas le cas alors que la question de la légalité de l’acte à caractère réglementaire, qui sous l’empire de la législation antérieure à l’entrée en vigueur, le ler janvier 1997, de la loi du 7 novembre 1996, ne pouvait faire l’objet d’un recours direct, était toutefois et reste d’ailleurs susceptible de faire l’objet d’une exception d’illégalité à produire à l’occasion d’un recours contre une décision individuelle prise ou à prendre sur base de la disposition réglementaire dont s’agit;
qu’il s’ensuit qu’en l’espèce, il n’y a pas lieu à application de l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
Par ces motifs:
la Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme;
le déclare non fondé et en déboute;
admet la transmission du dossier par le Tribunal administratif;
déclare le recours tant en réformation qu’en annulation irrecevable;
condamne le requérant - appelant aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par 5 Georges KILL, président de la Cour administrative Marion LANNERS, vice-présidente Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur et lu par le président Georges KILL en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
Le greffier le président 6