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06/11/1997 | LUXEMBOURG | N°10013C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 novembre 1997, 10013C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10013C Inscrit le 23 mai 1997 Audience publique du 6 novembre 1997 Recours formé par Mme … STOLL contre le ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations (annulation d’un acte à caractère réglementaire) Vu la requête déposée au greffe de la Cour administrative en date du 23 mai 1997 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, et tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 1997;

Vu le mémoire en répons

e de Monsieur le délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 2...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10013C Inscrit le 23 mai 1997 Audience publique du 6 novembre 1997 Recours formé par Mme … STOLL contre le ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations (annulation d’un acte à caractère réglementaire) Vu la requête déposée au greffe de la Cour administrative en date du 23 mai 1997 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, et tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 1997;

Vu le mémoire en réponse de Monsieur le délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 22 septembre 1997;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Edmond DAUPHIN au greffe de la Cour administrative le 1er octobre 1997;

Vu les articles 7 et 98 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 2 octobre 1997, Maître Edmond DAUPHIN, avocat de la liste I du Barreau de Luxembourg et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

Dans une requête déposée au greffe de la Cour administrative le 23 mai 1997, la requérante … STOLL fait exposer qu’elle exerce, sur base de l’article 7 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours contre la décision du ministre de l’Intérieur, datée du 6 février 1997, et signifiée à l’avocat de la requérante le 24 février 1997, décision par laquelle ce ministre, statuant sur certaines réclamations, notamment celle de la requérante, dirigées contre une délibération du 12 juillet 1993 du conseil communal de la Ville de Luxembourg, portant adoption définitive de la partie graphique du Projet d’Aménagement Général de la Ville, déclare ces réclamations recevables en la forme, mais quant au fond non motivées à suffisance de droit, et par laquelle ce même ministre approuve la prédite délibération du 12 juillet 1993 dans son entité, sauf qu’il fait droit à quelques réclamations.

La requérante fait exposer que dans le cadre de la procédure d’adoption du nouveau plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, voté provisoirement le 4 novembre 1991 et définitivement le 12 juillet 1993, elle avait formulé une objection auprès du Conseil des Bourgmestre et Echevins et une réclamation auprès du ministre de l’Intérieur contre les dispositions de la partie écrite du plan d’aménagement suivant lesquelles étaient classés zone non aedificandi, subdivision zone de verdure, des fonds appartenant à la requérante, et inscrits au cadastre de l’ancienne commune d’Eich, section D de Neudorf, sous les numéros 608/689, 608/1082, 606/684, 606/1081, 604, 605 et 603, d’une superficie totale de 53 ares 20 ca, dont, selon le classement de l’administration du cadastre, 6 ares 80 de broussailles, 22 ares 30 de bois et 43 ares 30 de labours.

La requérante fonde son recours sur la violation de l’article 11 de la Constitution qui dispose que les Luxembourgeois sont égaux devant la loi et de l’article 16 de la Constitution ainsi que de la législation sur l’expropriation pour cause d’utilité publique.

Le délégué du Gouvernement, dans son mémoire en réponse du 18 septembre 1997, oppose l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt alors que le recours n’est pas dirigé contre la décision du conseil communal mais seulement contre celle du ministre de l’Intérieur, le recours contre la décision du conseil communal étant par ailleurs irrecevable alors qu’il s’agirait d’un acte à caractère réglementaire pris avant l’entrée en vigueur de la loi du 7 novembre 1996. Le délégué oppose encore la tardiveté du recours alors que la décision d’approbation rétroagirait à la date de l’acte approuvé, soit celle du dépôt du projet d’aménagement à la maison communale et que, la législation en vigueur avant le 1er janvier 1997 n’ayant pas prévu de recours contre les actes réglementaires, le recours dirigé contre la décision ministérielle serait irrecevable.

Quant au fond, le délégué du Gouvernement estime le recours non fondé, aucune violation du principe de l’égalité devant la loi n’étant donnée en cause et l’article 16 de la Constitution ne faisant pas obstacle à la règlementation de l’usage de la propriété et la décision du ministre approuvant celle du conseil communal n’ayant pas porté atteinte au droit de propriété de la requérante en réglementant ce droit dans l’intérêt général.

Dans un mémoire en réplique du 1er octobre 1997, la requérante soutient que la décision du ministre de l’Intérieur ne constituerait pas un simple acte de tutelle, mais que le ministre de l’Intérieur partagerait un pouvoir d’appréciation avec les pouvoirs locaux faisant que le projet d’aménagement ne devient valable qu’au jour où il est approuvé par le ministre.

Au fond la requérante maintient son objection quant à la violation du principe de l’égalité devant la loi et affirme que la décision objet du recours ampute son droit de propriété d’une part considérable de sa valeur et conteste la finalité urbanistique visée par la mesure prise au sujet de ses fonds.

Considérant que le recours, visant les dispositions intéressant la requérante dans la partie écrite du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg adoptée par le conseil communal de la Ville de Luxembourg par vote du 12 juillet 1993, n’est dirigé que contre la décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 1997 signifiée le 24 février 1997 par laquelle le ministre rejette les réclamations formulées dans le cadre de la procédure prévue par la loi du 12 juin 1937 et approuve la délibération visée en ce qui concerne les dispositions qui intéressent la requérante;

Considérant que le délégué du Gouvernement oppose en premier lieu l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt alors qu’à supposer même aboutir le présent recours contre la seule décision approbatrice du ministre de l’Intérieur, la décision du conseil communal non entreprise dans le recours subsisterait;

Considérant toutefois qu’il est de doctrine et de jurisprudence que le recours contre la seule décision d’approbation d’un acte soumis à tutelle est en principe recevable, l’acte d’approbation étant en lui-même une décision susceptible d’un recours en annulation pour les vices qui lui sont propres, contrairement au recours contre la seule décision de l’autorité soumise à tutelle qui , à défaut et avant l’approbation n’est pas susceptible de faire grief (cf.: Buttgenbach, Droit administratif, no 157 et 158; cf.: Wigny, Droit administratif no 124);

Considérant que le délégué du Gouvernement oppose encore la tardivité du recours alors que la décision d’approbation rétroagirait à la date de la décision approuvée et que l’article 12 de la loi du 12 juin 1937 donnerait effet aux plans d’aménagement à la date de leur dépôt à la maison communale;

Considérant que sous réserve de l’examen du caractère rétroactif de l’approbation et de la question de la date de la prise d’effet des plans d’aménagement, il y a lieu d’écarter le moyen de tardivité du recours alors que le délai de recours, à défaut de grief réalisé avant l’approbation d’un acte soumis à tutelle, ne saurait commencer à courir avant le jour de cette décision de l’autorité de tutelle (Buttgenbach et Wigny, op. et loc. cit.);

Considérant toutefois que la question de la recevabilité se pose encore, comme il est relevé par le délégué du Gouvernement, au niveau de considérations de l’application de la loi dans le temps alors que la décision à caractère réglementaire approuvée par l’acte entrepris remonte à une époque antérieure à la création par la loi du 7 novembre 1996 du recours direct contre les actes à caractère réglementaire et de l’effet juridique des décisions de tutelle administrative qui rétroagirait au jour de la décision approuvée;

Considérant qu’en ce qui concerne ces deux questions, la requérante soutient que dans la matière des plans d’aménagement, l’acte du ministre qui statue sur une réclamation ne constituerait pas une simple mesure de tutelle, mais que le ministre de l’Intérieur partagerait un pouvoir d’appréciation avec les pouvoirs locaux, donnant à sa décision le caractère d’un acte autonome;

Considérant toutefois qu’il est admis que la tutelle administrative, outre les actes d’approbation, d’improbation et d’annulation comporte aussi, comme en l’espèce, des actes intervenant dans le cadre de recours à fin de réformation où l’autorité de tutelle n’intervient que sur saisine de la part du réclamant;

que ces dernières interventions de l’autorité supérieure sont à considérer, non comme actes autonomes, mais comme simple acte de tutelle administrative (cf . Les Novelles, Lois politiques et administratives, T1 V° Institutions communales, no 643);

qu’il y a donc lieu de qualifier la décision du ministre rendue en l’espèce d’acte de tutelle administrative et de l’examiner suivant le régime général des actes de tutelle;

Considérant que les actes de tutelle administrative rétroagissent à la date de la décision approuvée qui, une fois approuvée, est censée être valable dès son origine (Wigny, loc.cit; Buttgenbach, loc.cit; De Tollenaere, Loi communale Vol 2 no 529; Jurisclasseur Droit Administratif, fasc. 108-130, no 52; Grands arrêts administratifs, Dalloz 11e édition, arrêt du 25 juin 1948, note page 403);

Considérant que la décision approuvée du 12 juillet 1993 et la date du dépôt des plans à la maison communale sont antérieures à l’entrée en vigueur de la loi du 7 novembre 1996 qui, en son article 7 a créé le recours direct devant la Cour administrative contre les décisions administratives à caractère réglementaire;

Considérant que les décisions portant adoption des plans d’aménagement dans le cadre de la procédure définie dans la loi du 12 juin 1937 sur l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes sont de nature réglementaire, la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur participant à ce caractère;

Considérant que l’existence d’une voie de recours est une règle de fond du droit et non une règle de forme, et qu’elle est régie, en l’absence de disposition transitoire, ce qui est le cas en l’espèce, par la loi sous l’empire de laquelle la décision rendue a été rendue (Encycl. Dalloz Procédure, V° Conflit de lois dans le temps, no 147; Jurisclasseur procédure civile, fasc. 61 no 72);

Considérant que du fait du caractère de simple acte de tutelle de la décision du ministre de l’Intérieur et de l’effet rétroactif de cette mesure de tutelle à la date de la décision approuvée, celle-ci étant antérieure à l’entrée en vigueur le 1er janvier 1997 de la loi du 7 novembre 1996, le recours en annulation contre la décision du ministre de l’Intérieur, acte de la procédure d’élaboration d’un texte à caractère réglementaire ayant sorti ses effets avant la création du recours direct, est irrecevable.

Par ces motifs La Cour administrative, statuant contradictoirement déclare le recours introduit par requête du 23 mai 1997 contre une décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 1997 irrecevable;

condamne la requérante aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par Monsieur Georges Kill, Président Madame Marion Lanners, Vice-Présidente Monsieur Jean-Mathias Goerens, Premier Conseiller-rapporteur et lu par le président Georges KILL , en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le Greffier en chef Le Président 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 10013C
Date de la décision : 06/11/1997

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;1997-11-06;10013c ?

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