GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 10087 C du rôle Inscrit le 30 juin 1997
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Audience publique du 21 octobre 1997 LICINA …, contre le Ministre d’Etat et le Ministre de la Justice en matière de : Statut de réfugié politique - Appel
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Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 30 juin 1997 par Maître Nicolas DECKER, avocat de la liste I du Barreau de Luxembourg, au nom de … LICINA, contre un jugement du tribunal administratif rendu contradictoirement entre l’appelant et le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique à la date du 2 juin 1997;
Vu l’exploit de signification de ladite requête à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à la date du 20 juin 1997;
Vu le mémoire en réponse de Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER déposé au greffe de la Cour administrative le 9 juillet 1997;
Vu les articles 3 et 99 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;
Ouï le premier conseiller en son rapport, Maître Nicolas DECKER et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.
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Faits:La Cour est saisie d’une requête d’appel signifiée le 20 juin et déposée le 30 juin 1997 par laquelle le sieur … LICINA demande la réformation d’un jugement du Tribunal administratif du 2 juin 1997 qui a déclaré non justifié le recours en réformation dirigé contre une décision du Ministre de la Justice du 21 novembre 1996 refusant à l’appelant le statut de réfugié politique conformément à la Convention de Genève du 28 juillet 1951.
L’appelant motive son appel sur ce que le tribunal aurait mal apprécié en fait l’objet de son recours en ce qu’il serait à considérer comme réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 en tant que habitant musulman du Monténégro, il a refusé de se rendre à un rappel à la réserve de l’armée serbo-
bosniaque au motif qu’il « refuse de tirer sur ses coreligionnaires ».
Le délégué du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement alors qu’il résulterait du dossier que l’appelant … LICINA n’est arrivé à Luxembourg qu’en juillet 1996, soit après la signature des accords de paix de Dayton, et qu’il ne serait pas établi que les appelés à la réserve auraient été appelés à combattre les Bosniaques, la guerre ayant été terminée au moment où l’appelant soutient avoir quitté son pays.
En droit:
Considérant que l’appel a été interjeté dans les formes et délais de la loi;
qu’il est partant recevable;
Considérant au fond qu’il résulte des renseignements recueillis et des pièces versées en cause que l’appelant, après avoir effectué son service militaire, a quitté son pays au mois de juillet 1996 afin d’éviter de devoir répondre à des appels à la réserve de l’armée où il déclare refuser de vouloir servir pour ne pas être obligé de participer à des actions militaires dirigées contre ses coreligionnaires musulmans de l’ancienne Yougoslavie;
Considérant que le jugement entrepris a rejeté le recours de l’appelant contre la décision du ministre de la Justice du 21 novembre 1996 lui refusant la demande d’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève alors que la crainte de poursuites pénales en raison de l’infraction d’insoumission n’est pas une crainte de persécution à caractère politique au sens de ladite Convention, les faits allégués par le sieur LICINA n’étant par ailleurs pas établis;
Considérant que l’article 1er, A. 2 de la Convention de Genève déclare admissible au statut de réfugié une personne « craignant avec raison d’être persécutée en son pays du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques »;
Considérant que l’appelant, tout en reconnaissant que le fait de l’insoumisssion ou de la désertion ne peut par lui-même donner droit au statut de réfugié, soutient qu’il en serait autrement d’une personne qui refuse de prester son service militaire au motif qu’il serait amené à défendre des institutions politiques contraires aux règles fondamentales des droits de l’homme;
Considérant qu’il résulte du dossier versé en cause par les parties que la question soulevée par l’appelant ne se pose pas en fait alors qu’au moment où l’appelant a quitté son pays comme au moment de la décision entreprise du ministre de la Justice, aucune action belliqueuse n’était pendante entre les forces armées de l’ancienne Yougoslavie de sorte que la crainte de devoir servir contre ses coreligionnaires, à la supposer pertinente au sens de la Convention, n’était pas motivée en fait au moment de la demande du statut de réfugié;
qu’il en résulte que le tribunal a correctement apprécié la situation en fait et en droit et qu’il y a lieu à la confirmation du jugement entrepris.
Par ces motifs:
la Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme;
le déclare non-fondé et en déboute;
confirme le jugement du 2 juin 1997;
condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par Marion LANNERS, vice-présidente, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
Le greffier la vice-présidente