Décision attaquée : Arrêt de la Cour d’appel de Port-au-Prince rendu le 13 mars 2013
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE SECTION, A RENDU L’ARRÊT SUIVANT :
SUR LE POURVOI exercé par le sieur Marcel Neptune, propriétaire, demeurant et domicilié à Port-au-Prince, identifié au no 003-003-651-2, ayant pour avocats constitués Mes Patrick D.F. Laurent , Joseph Rooseval Chéry, Hérold Toussaint, Joël Beauchanps, Énock Chéry, Marie Carole Bastien Robert, Jean Jharbens Alexandre, Inola Étienne, Pelex Flerenie du barreau de Port-au-Prince, Me Olivil Pierriche pour le stage et Me Yves Louisor du barreau de la Croix-des-Bouquets dûment identifiés, patentés et imposés avec élection de domicile au cabinet Patrick et associés sis à l’avenue Lamartinière (Bois-Verna) au no 105 ;
EN CASSATION d’un arrêt de la Cour d’appel de Port-au-Prince rendu le treize mars deux mille treize entre lui et les héritiers de feu Charles Marseille représentés par Jean Joseph Marc Marseille et consorts, propriétaire, demeurant et domicilié à Pétion-Ville, identifié au no :004-196-486-7, plaidant par Mes Emmanuel Blaise, Darlène Blaise et Geneviève Blaise, avocats du barreau de Port-au-Prince, dûment identifiés, patentés et imposés avec élection de domicile au cabinet des susdits avocats sis à la rue Pavée au no 70 à l’étage ;
OUÏ à l’audience ordinaire et publique du lundi deux juin deux mille quatorze, les parties n’ayant pas été représentées à la barre, le substitut près la cour, Me François Fouchard Bergrome, en la lecture des conclusions de son collègue Me Patrick H. C. Pierre Fils tendant à la cassation de l’arrêt querellé ;
VU la déclaration de pourvoi, la requête en cassation, l’arrêt entrepris ensemble leurs exploits de signification et les pièces à l’appui, la requête responsive, le récépissé constatant le dépôt de l’amende, les susdites conclusions du ministère public et les textes de loi invoqués ;
Et après délibération en chambre du conseil au vœu de la loi ;
SUR une action en revendication du droit de propriété introduite par les héritiers de feu Charles Mar- seille, le Tribunal de première instance de Port-au-Prince a rendu un jugement par défaut consacrant le droit des requérants sur la portion de terre litigieuse. Que mécontent, le sieur Marcel Neptune a fait opposition ; ledit tribunal, en accueillant l’opposition ainsi formée, la rejette, car le demandeur sur opposition en dépit des sommations qui lui ont été faites, n’a pas estimé nécessaire d’en donner suite ;
QUE soumise au rejugé de la Cour d’appel de Port-au-Prince, l’œuvre entreprise fut maintenue dans toute sa forme et teneur par arrêt prononcé le treize mars deux mille treize signifié le vingt mars deux mille treize, le sieur Marcel Neptune s’est pourvu en cassation contre l’arrêt susvisé et a présenté à l’appui de son recours cinq moyens :
1)-violation des articles 354 et suivants, 376 du CPC ;
2)- violation du droit de la défense suivant les articles 85 et 118 du CPC ;
3)- violation de l’article 382 du CPC sur la rédaction du jugement ;
4)-excès de pouvoir pris pour violation des articles 102 et 108 du décret du 22 août 1995 sur l’organisation judiciaire ;
5)-violation du principe, le criminel tient le civil en état, auxquel les héritiers de feu Charles Marseille ont répondu dans leur requête en défense par une fin de non-recevoir tirée de la violation de l’article 417 du CPC entrainant une forclusion totale ;
SUR LA FIN DE NON RECEVOIR DES DÉFENDEURS
ATTENDU QUE les défendeurs en ce moyen unique de défense soutiennent « que dans ce cas d’espèce les 30 jours prévus par le susdit article sont plus que révolus puisque, depuis la dernière signification du jugement principal du 8 décembre 2009, soit le 8 janvier 2010, deux années se sont écoulées, autant dire que toutes les voies de recours sont fermées pour l’adversaire, qu’il n’y a plus lieu à déclaration de pourvoi, de même à exercer aucun pourvoi, que l’adversaire est frappé de forclusion totale»(sic) ;
ATTENDU QUE la Cour d’appel de Port-au-Prince s’est prononcée sur cette affaire entre les mêmes Parties par arrêt contradictoire le treize mars deux mille treize et que le pourvoyant a fait sa déclaration après la signification du vingt mars qui fait courir le délai, soit le vingt-deux mars de la même année, puis signifié ses moyens en cassation le six avril deux mille treize, il n’y a pas lieu de parler de forclusion puisque le délai prévu à cet effet a été scrupuleusement respecté. D’où le rejet de cette fin de non-recevoir pour défaut de fondement juridique ;
SUR LES QUATRE PREMIERS MOYENS RÉUNIS
ATTENDU QUE le pourvoyant reproche aux juges d’appel d’avoir au mépris des articles 354. 376, 85, 118, 382 du Code de procédure civile et les articles 102 et 108 du décret du 22 août 1995, violé le droit de la défense ;
ATTENDU QUE l’étude de l’arrêt dénoncé révèle que les juges d’appel ne se sont pas prononcés sur les chefs des demandes de l’appelant devenu pourvoyant aujourd’hui en ce qui concerne les articles précités. Ils ont commis un excès de pouvoir et méritent les reproches à eux formulés, ce qui fera casser l’arrêt avec les conséquences de droit ;
SUR LE CINQUIÈME MOYEN
ATTENDU QUE le demandeur au pourvoi fait grief aux juges d’appel d’avoir violé le principe le criminel tient le civil en état et de n’avoir pas compris l’espèce en débat au point de qualifier l’appel comme une action en défense d’exécuter ;
ATTENDU QUE dans l’inventaire des pièces déposées au délibéré des juges d’appel figuraient un certificat du greffe du Tribunal de première instance de Port-au-Prince, datant du douze décembre deux mille dix, attestant qu’une action en faux et usage de faux a été intentée contre les intimés ;
ATTENDU QUE la règle concernée est d’ordre public et peut être soulevée même en cassation, ce qui constitue une faiblesse de l’arrêt, lequel relate : « qu’il ne s’agit pour la Cour d’entrer dans les procédures pénales qui se déroulent entre les parties pour lesquelles elle n’a reçu aucun mandat. De plus, l’avocat de la partie demanderesse en défense d’exécuter n’a soumis aucun jugement de sursis, ni aucun certificat du parquet afin de prouver à la Cour que le dossier n’est pas en état de recevoir jugement selon le principe le criminel tien le civil en état » ;
ATTENDU QUE, dès que l’action publique ait été mise en mouvement, soit avant ou pendant l’exercice de l’action civile devant le Tribunal de première instance et établissant l’identité des faits entre les deux actions, le juge de l’action civil doit surseoir de statuer suivant le principe le criminel tient le civil en état. Ce moyen étant fondé sera retenu ;
PAR CES MOTIFS, la Cour, sur les conclusions conformes du ministère public, casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Port-au-Prince rendu le treize mars deux mille treize entre les héritiers de feu Charles Marseille ci-dessus représentés et le sieur Marcel Neptune, ordonne la remise de l’amende consignée et condamne les défendeurs aux frais et dépens de la procédure liquidés à la somme de gourdes……………….en ce non compris le coût du présent arrêt, et pour y être statué ce que de droit, renvoie la cause et les parties par-devant la Cour d’appel des Gonaïves.
AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR NOUS : Anel Alexis Joseph, président, Jean Medtzgher Théodore, Windelle Coq Thélot, Franzi Philémon, Louis Pressoir Jean Pierre, juges à l’audience ordinaire et publique du lundi trente (30) juin deux mille quatorze en présence de Me François Fouchard Bergrome, substitut du commissaire du gouvernement représentant le ministère public et avec l’assistance du greffier du siège Silien Pluviose.-
IL EST ORDONNÉ à tous huissiers sur ce requis de mettre le présent arrêt à exécution ; aux officiers du ministère public près les tribunaux civils d’y tenir la main ; à tous commandants et autres officiers de la force publique d’y prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
EN FOI DE QUOI la minute du présent arrêt est signée du président des juges et du greffier susdits.
AINSI SIGNÉ : ANEL ALEXIS JOSEPH – JEAN MEDTZGHER THÉODORE – WINDELLE COQ TH E LOT – FRANZI PHILÉMON – LOUIS PRESSOIR JEAN PIERRE – ET SILIEN PLUVIOSE