La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2012 | HAïTI | N°RG4675-4112

Haïti | Haïti, Cour de cassation, 1ère section, 21 novembre 2012, RG4675-4112


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE SECTION, A RENDU L’ARRÊT SUIVANT : SUR le pourvoi exercé par le sieur Charlecéus Franckel, propriétaire, demeurant et domicilié à Viélot, section communale de Verrettes, actuellement détenu à la prison civile de Saint Marc, ayant pour avocat Me Willy Dérose du barreau de St-Marc, dûment identifié, patenté et imposé, avec élection de domicile au bureau d’assistance Légale de St-Marc et, à Port-au-Prince, au greffe de la Cour de cassation de la République ;

CONTRE le jugement du Tribunal de première instance de Saint Marc, rendu en s

es attributions criminelles avec assistance de jury, le vingt-neuf mars deux ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE SECTION, A RENDU L’ARRÊT SUIVANT : SUR le pourvoi exercé par le sieur Charlecéus Franckel, propriétaire, demeurant et domicilié à Viélot, section communale de Verrettes, actuellement détenu à la prison civile de Saint Marc, ayant pour avocat Me Willy Dérose du barreau de St-Marc, dûment identifié, patenté et imposé, avec élection de domicile au bureau d’assistance Légale de St-Marc et, à Port-au-Prince, au greffe de la Cour de cassation de la République ;

CONTRE le jugement du Tribunal de première instance de Saint Marc, rendu en ses attributions criminelles avec assistance de jury, le vingt-neuf mars deux mille onze entre lui et le ministère public, représentant de la société :

OUÏ à l’audience ordinaire et publique du lundi cinq novembre deux mille douze, les parties n’étant pas représentées à la barre, le substitut Me François Fouchard Bergrome, en la lecture du réquisitoire de son collègue Me Jean Sainclair Joassaint, visant la cassation de l’œuvre querellée :

Vu : 1) l’expédition du jugement du vingt-cinq mars deux mille onze attaqué ;

2) un extrait de la déclaration de pourvoi en date du 29 mars 2011 ;

3) la requête du pourvoyant signifiée le 8 avril 2011, les autres pièces à l’appui ;

4) le réquisitoire du ministère public et les textes de loi invoqués.

Et après en avoir délibéré en chambre du conseil conformément à la loi ;

Selon les faits et documents de la cause, le nommé Charlecéus Franckel, sous l’inculpation d’assassinat sur la personne de Jean Claude Mérisca, a comparu par-devant le Tribunal de première instance de Saint-Marc, en ses attributions criminelles siégeant avec assistance de jury.

La susdite juridiction a rendu le vingt-neuf mars deux mille onze un jugement condamnant le nommé Charlecéus aux travaux forcés à perpétuité.

Mécontent de la décision sus parlée, le sieur Charlecéus Franckel a fait, le vingt-neuf mars deux mille onze une déclaration de pourvoi au greffe du susdit tribunal suivie de sa requête.

Pour la cassation et l’annulation de l’œuvre querellée, le pourvoyant a présenté six moyens :

nullité du jugement pour violation de l’article 269 du CIC.

nullité du jugement pour excès de pouvoir et violation des articles 192 et 269 du CIC ;

nullité du jugement pour violation du deuxième alinéa de l’article 251 du CIC.

nullité du jugement pour violation du droit de la défense manifestée par le refus du doyen du tribunal criminel d’accorder la parole, au cours des débats particuliers, à un avocat choisi par l’accusé ;

nullité du jugement pour violation des articles 228 à 230 du CIC régissant le mode de fonctionnement du tribunal criminel avec assistance de jury ; nullité du jugement pour défaut de procès-verbal de la séance du tribunal criminel.

SUR LES DEUX PREMIERS MOYENS RÉUNIS

ATTENDU QUE le requérant soutient que les questions posées à l’audience s’articulaient autour du crime d’assassinat et non du crime de meurtre tel que mentionné dans l’acte d’accusation ; ATTENDU QUE l’acte d’accusation doit être basé sur l’ordonnance de renvoi, sans qu’il puisse y porter la moindre modification ; ATTENDU QUE l’ordonnance de renvoi du cabinet d’instruction a fait état de crime d’assassinat, le ministère public ne peut, ni ne doit, hors les cas prévus par la loi, modifier la position de l’accusé ; ATTENDU QUE le demandeur en cassation remet en question le formulaire posé aux jurés par le tribunal criminel. ATTENDU QU’il est bien évident que la formule posée dans l’article 269 du CIC annoté par Menan Pierre-Louis est sacramentelle. On ne peut la diminuer, ni la restreindre dans aucune de ses Parties. Ainsi, le doyen du tribunal criminel, pour n’avoir pas posé tel que prévu par la loi les questions, a porté le jury à faire une déclaration qui n’a pas pu servir de base à la condamnation de l’accusé. La Cour retiendra ces moyens avec les conséquences de droit ;

SUR LE TROISIÈME MOYEN ATTENDU QUE le pourvoyant relate que le plumitif, en termes vagues, a mentionné que le témoin a prêté serment ;

ATTENDU QUE l’article 251 du CIC, annoté par Menan Pierre Louis, stipule que « avant de déposer, ils (témoins) prêteront, à peine de nullité, le serment de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité» que cette omission entraînera la nullité du jugement querellé ;

SUR LE QUATRIÈME MOYEN ATTENDU QUE le pourvoyant reproche au tribunal criminel d’avoir violé le droit de la défense en n’accordant pas la parole à un avocat choisi par lui au cours des débats particuliers ;

ATTENDU QUE la défense est un droit sacré, l’accusé peut se faire assister par autant d’avocats qu’il croit utile et nécessaire à sa cause ; ATTENDU QU’en privant à l’accusé une garantie essentielle que la loi lui accorde, le doyen du tribunal criminel a bien mérité le reproche à lui adressé, ce qui fera casser le jugement du tribunal criminel.

SUR LE CINQUIÈME MOYEN ATTENDU QUE le pourvoyant soutient que sur la liste des trente jurés qui doivent être présents au moment de la formation du jury du jugement, le nom du quinzième juré n’a pas été porté ; ATTENDU QU’en matière criminelle, tout est de droit strict. L’omission du nom du quinzième juré porte le nombre de jurés à vingt-neuf. Il résulte que le tirage au sort du jury s’est fait sur une liste incomplète. En l’occurrence, l’accusé n’a pas eu toute la latitude que la loi a voulu lui assurer dans le choix de ses juges. Ainsi illégalement formé, la déclaration du jury n’a pas pu être une base légale de la condamnation prononcée par le tribunal criminel. D’où la Cassation de l’œuvre entreprise.

SUR LE SIXIÈME MOYEN

ATTENDU QUE le pourvoyant allègue que le procès-verbal de la séance n’a pas été dressé selon les prescrits de l’article 304 du CIC ;

ATTENDU QUE le procès-verbal dressé par le greffer est entaché d’irrégularités en relatant : « procès-verbal de toutes les formalités prescrites par la formation des membres du jury », Or il devrait y avoir un procès-verbal de toute la séance et non pour la formation unique du jury. Ne répondant pas au vœu de la loi, ceci équivaut à l’absence de procès-verbal ;

ATTENDU QU’aux termes de l’article 304 du CIC : « le greffer dressera un procès-verbal de la séance, à l’effet de constater que toutes les formalités prescrites ont été observées… ». Son omission emporte nullité de condamnation sans préjudice d’une amende de cent gourdes contre le greffer.

LA COUR D’OFFICE

SUR LE TÉMOIN

ATTENDU Qu’à la question posée par le tribunal criminel au témoin, Diliane Dilanore, après avoir prêté serment : « Dites au Tribunal pourquoi vous êtes là ? », elle a répondu comme suit : «Pour la mort du père de mon enfant» ;

ATTENDU QU’il est de principe qu’on ne peut pas être témoin de sa propre cause. Cette déposition a été faite en marge de l’article 254 du CIC annoté par Jean Vandal. Ainsi donc, le droit de la défense a été violé et ce témoin doit être écarté ;

SUR LE JUGEMENT

ATTENDU QUE le président du tribunal criminel dans le dispositif du verdict déclare : « condamne l’accusé Franckel aux travaux forcés à perpétuité selon l’article 247 stipulé ci-dessus ».

ATTENDU QU’il n’a pas décliné l’identité de l’accusé afin de savoir de quel Franckel s’agit-il ;

ATTENDU QUE le président du tribunal criminel n’a pas déclaré dans le dispositif avoir lu à haute voix le texte de loi, selon lequel est fondé le jugement et qu’il s’est contenté de dire : « selon l’article 247 » sans mentionner le code en question ;

ATTENDU QUE le greffer du siège n’a non plus inséré dans le dispositif du verdict le texte de loi au mépris de l’article 299 du CIC annoté par Jean Vandal qui lui fait cette obligation, ce sous peine de quatre-vingt gourdes d’amende ;

ATTENDU QUE toutes ces irrégularités ne font qu’entraîner la nullité du verdict de condamnation du tribunal criminel de saint-Marc, en date du vingt-neuf mars deux mille onze ;

PAR CES MOTIFS, la Cour, sur le réquisitoire du ministère public, accueille les moyens du pourvoi de l’accusé Charlecéus Franckel, casse et annule le jugement du vingt-neuf mars deux mille onze du Tribunal de première instance de Saint-Marc en ses attributions criminelles avec assistance de jury rendu entre lui et le ministère public, représentant de la société, renvoie la cause et les parties en l’état par devant le même tribunal dont ne fera partie aucun des jurés qui ont pris part ; toujours avec assistance de jury pour qu’il en soit procédé conformément à la loi ; condamne le greffer Pierre Lubens, d’une part, à cent gourdes d’amende pour défaut de procès-verbal de séance et d’autre part, à quatre-vingt gourdes d’amende pour n’avoir pas inséré le texte de loi appliqué, le tout au profit de l’État haïtien ; ordonne le retour du dossier ainsi que le présent arrêt au commissaire du gouverne- ment près la Cour pour être transmis à son homologue de St-Marc, aux fins de droit.

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR NOUS, Anel Alexis Joseph, président, Jean Medtzgher Théodore, Bien-Aimé Jean, Franzi Philémon, Louis Pressoir Jean Pierre, juges à l’audience ordinaire et publique du vingt-et-un novembre deux mille douze, en présence du ministère public, représenté par le substitut Me Jean Sainclair Joissaint, substitut du commissaire du gouvernement près la Cour avec assistance du greffer du siège, Monsieur Antoine Moise.-

IL EST ORDONNÉ à tous huissier sur ce requis de mettre le présent arrêt à exécution, aux officiers du ministère public près les tribunaux civils d’y tenir la main, à tous commandants et autres officiers de la force publique d’y prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

EN FOI DE QUOI la minute du présent arrêt est signée du président, des juges et du greffier susdits.

AINSI SIGNÉ : ANEL ALEXIS JOSEPH – JEAN MEDTZGHER THÉODORE – BIEN AIMÉ JEAN – FRANZI PHILÉMON – LOUIS PRESSOIR JEAN PIERRE – ET ANTOINE MOISE.

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de première instance de Saint Marc, rendu en ses attributions criminelles avec assistance de jury, le vingt-neuf (29) mars deux mille onze (2011) ;


Synthèse
Formation : 1ère section
Numéro d'arrêt : RG4675-4112
Date de la décision : 21/11/2012

Analyses

Ordonnance de renvoi, modification de l’acte d’accusation, droit de la défense, témoin, serment

L’acte d’accusation doit être basé sur l’ordonnance de renvoi, sans qu’il puisse y porter la moindre modification. L’ordonnance de renvoi du cabinet d’instruction a fait état de crime d’assassinat, le ministère public ne peut, ni ne doit, hors les cas prévus par la loi, modifier la position de l’accusé. Viole le droit de la défense, le juge qui n’a pas accordé la parole à l’avocat de l’une des parties. La formule posée dans l’article 269 du Code d’instruction criminelle est sacramentelle. On ne peut la diminuer, ni la restreindre. Ainsi, le doyen du tribunal Criminel, pour n’avoir pas posé tel que prévu par la loi les questions, a porté le jury à faire une déclaration qui n’a pas pu servir de base à la condamnation de l’accusé. Dès lors, cette décision doit être cassée. De même, l’absence d’identification complète du texte de loi et de l’accusé lors du prononcé du verdict entraîne la nullité du jugement.


Parties
Demandeurs : Charlecéus Franckel
Défendeurs : Ministère Public

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ht;cour.cassation;arret;2012-11-21;rg4675.4112 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award