TRIBUNAL SUPERIEUR D'APPEL
MAMOUDZOU MAYOTTE
---------------------------------------
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 31 / 07 / 2007 No 119 / 2007
----------------------------------------------------
R. G. 18 / 07
Prononcé publiquement le 31 juillet deux mille sept par le Tribunal Supérieur d'Appel de MAMOUDZOU – MAYOTTE, statuant en matière civile –
DONT APPEL D'UN JUGEMENT RENDU PAR LE TPI DE MAMOUDZOU
LE 30 / 01 / 2007 No01 / 07
APPEL DU : 09 / 02 / 2007
PARTIE EN CAUSE DEVANT LA COUR
APPELANT- INTIME
REFORMATION
PARTIELLE Monsieur Joseph X...
...
97600 MAMOUDZOU
COMPARANT PAR Maître BAUMONT, Avocat au barreau d'Auch
INTIME- APPELANT
LA SCI JACK- IMMO
BP 63 – Kawéni
97600 MAMOUDZOU
COMPARANT PAR Maître OUSSENI, Avocat au barreau de MAYOTTE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS
ET DU DELIBERE
PRESIDENT :
Monsieur Jean- Pierre NICOLAI, Vice- Président du Tribunal Supérieur d'Appel de Mamoudzou Mayotte,
ASSESSEURS :
Monsieur NOURDINE HAMADA, assesseur titulaire désigné le 26 janvier 2007 par ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal Supérieur d'Appel, et Madame Anne Marie GRIMAUD désigné par ordonnance du 29 juin 2007 en application de l'ordonnance no 92 1141 du 12 octobre 1992, relative à l'organisation judiciaire à Mayotte,
A l'audience publique du 3 juillet 2007, les parties à la cause et leurs conseils ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, et informés que l'arrêt en délibéré sera prononcé par sa mise à disposition au greffe, le 31 juillet 2007 ;
ASSISTES DU GREFFIER
Amine CHAABANE lors des débats et Yasmina BAUBET lors du prononcé du délibéré ;
ARRET CONTRADICTOIRE :
Prononcé à l'audience publique le 31 juillet 2007 par Monsieur Jean- Pierre NICOLAÏ, Vice- Président du Tribunal Supérieur d'Appel, présent lors du délibéré, et signé par le Président et le Greffier.
Par déclaration au greffe de la juridiction en dates du 09février 2007 pour Joseph X... et du 21 mars 2007 pour la SCI JACK IMMO, ces deux parties sont, respectivement, régulièrement appelantes du jugement no 01 / 07 rendu le 30 janvier 2007 par le Tribunal de Première Instance de Mamoudzou qui statuant publiquement en matière civile, contradictoirement et en premier ressort :
Déboute les époux X... de leur demande tendant à voir constater qu'ils sont propriétaires d'une parcelle de 1658 m2 sise à pointe d'IRONI commune de DEMBENI pour l'avoir acquise des époux E...
Déboute les époux X... de leur demande tendant à voir condamner la SCI JACK IMMO à retirer sous astreinte du paiement d'une somme de 50 par jour de retard une chaîne qui serait installé à l'entrée de la propriété revendiquée
Déboute les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires
Condamne les époux X... à payer à la SCI JACK IMMO la somme de
2 000. 00, en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Condamne les époux X... aux dépens
FAITS ET PROCEDURE
Par acte d'huissier délivré le 13 décembre 2004, Monsieur Joseph X... a fait assigner devant le Tribunal de Première Instance de Mamoudzou la SCI JACK IMMO aux fins suivantes :
- Entendre constater que les époux X... sont propriétaires d'une parcelle de 1658 m2 sise à pointe d'Ironi, commune de DEMBENI, pour l'avoir acquise des époux E...par acte sous seing privés en date du 17 novembre 2002.
- Entendre ordonner sous astreinte de 50 euros par jour de retard l'enlèvement immédiat d'une chaîne installée à l'entrée de leur propriété.
- Entendre condamner la SCI Jack Immo à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 1000 euros au titre de l'obligation de plaider.
Après qu'il a été statué et fait appel dans les conditions rappelées plus haut les dossiers enrôlés respectivement sous les no18 / 07 et 46 / 07 aux dates des 09 février et 21 mars 2007 devant la chambre civile du Tribunal Supérieur d'Appel devant lequel les parties régulièrement convoquées par voie de recommandé ont comparu par avocat après renvois contradictoirement successivement ordonnés à l'audience de plaidoirie du 03 juillet 2007.
L'affaire était mise en délibéré au 31 juillet 2007 et les parties étaient avisées, conformément à l'article 450 al 2 du NCPC, que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la juridiction.
DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES
- de Monsieur X...
Suivant conclusions en date du 25 mai 2007 régulièrement communiquées par voie de télécopie du 28 mai 2007, Monsieur et Madame Joseph X... font valoir, sur la propriété de la parcelle de 1658 m ² à pointe Ironi qu'ils peuvent se prévaloir de la prescription abrégée prévue par l'article 2265 du code civil dont les 3 conditions supplémentaires se trouvent également remplies puisqu'il s'agit d'un immeuble, le possesseur est de bonne foi et il a un juste titre ce qui est bien de leur cas puisqu'ils ont acquis par acte sous seing privé, en date du 17 novembre 2002, des époux E...une parcelle de 1658 m ² sise à pointe d'Ironi, commune de Dembeni, distraite de la propriété dite " pointe d'IRONI " du titre foncier no2107-90, l'usucapion étant invoqué pour asseoir leur droit de propriété dont la preuve est libre et qui en l'espèce réside en leur croyance en un juste- titre, la bonne foi du possesseur étant requise principalement au moment de l'acquisition ce qui est leur cas ;
Ils font valoir, sur le retrait de la chaîne installée par la SCI Jack- Immo, que la dite chaîne se situe dans la zone des pas géométriques (Z. P. G) propriété de la personne publique et qui constitue à cet endroit, une servitude de passage laquelle en cas d'enclave, comme en l'espèce, est une servitude légale et également une servitude naturelle ; qu'ils souhaitent donc que le Tribunal Supérieur d'Appel affirme sa compétence d'attribution en la matière (article R 321-6 du NCPC) ;
Les époux X... font plaider que l'abus de droit soulevé par la partie adverse n'est pas recevable et constitue même une agression inutile et dommageable à leur endroit à un agent immobilier d'ester en justice ;
Ils réfutent en bloc la demande indemnitaire présentée par la SCI JACK- IMMO qui soutient, sans en apporter la preuve, que le projet immobilier touristique en question aurait échoué en raison de la procédure engagée par les époux X... ;
C'est dans ces conditions que ces derniers prient qu'il plaise au Tribunal Supérieur d'appel.
De recevoir les époux X... en leur demande tendant à voir constater qu'ils sont propriétaires d'une parcelle de 1658 m2 sise à pointe d'IRONI commune de DEMBENI pour l'avoir acquise des époux E...;
De recevoir les époux X... en leur demande tendant à voir condamner la SCI JACK IMMO à retirer sous astreinte du paiement d'une somme de 50 par jour de retard une chaîne qui est installée à l'entrée de leur propriété, qui les empêche d'accéder à leur propriété et qui bloque illégalement une servitude de passage ;
Rejeter la demande de la SCI JACK IMMO tendant à voir condamner les époux X... à une somme de 185 749. 48 en réparation du dommage infligé à la SCI JACK IMMO toutes causes confondues ;
Débouter la SCI JACK- IMMO de ses prétentions et de ses conclusions plus amples ou contraires ;
Condamner la SCI JACK- IMMO à payer aux époux X... la somme de 2 000. 00, en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne la SCI JACK- IMMO aux dépens ;
- de la SCI JACK- IMMO.
Selon conclusions régularisées le 10 mai 2007, la SCI JACK- IMMO demande à la cour :
- Constater que Joseph X... avoue avoir été intermédiaire en qualité d'agent immobilier dans la transaction intéressant les époux E...à la SCI JACK IMMO,
- Constater que la SCI JACK IMMO a été contestée dans son autorisation d'occupation temporaire, par les époux X... malgré le strict respect de ses obligations à cet égard ;
- Constater que Monsieur et Madame X... n'apportent pas la preuve de la contenance réelle de la parcelle dont ils se prétendent propriétaire ;
- Constater que Monsieur et Madame X... produisent le duplicata du titre foncier no2107- DO originel et déclaré perdu par Monsieur Hubert E...;
- Constater que ledit duplicata, titre foncier ne mentionne aucune des mutations postérieures relatives à cette propriété ;
- Constater que Joseph X... a été écarté de Madeleine E...veuve par décision aujourd'hui définitive du Tribunal de Première Instance statuant en matière de tutelles le 1er décembre 2003 ;
- Constater que la SCI JACK IMMO a bénéficié d'un permis de construire d'un projet hôtelier de tables et maisons d'hôtes d'envergure, aujourd'hui caduque,
- Constater que la SCI JACK- IMMO a perdu la possibilité de céder à des acquéreurs les parts de sa société ;
- Constater que la SCI JACK- IMMO a renoncé à ses projets touristiques du fait de la multitude de plaintes judiciaires initiées par Monsieur et Madame X... ;
En conséquence
Statuant à nouveau
- Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions hormis à propos du rejet de la demande de réparation de la SCI JACK- IMMO ;
- Constater que la SCI JACK IMMO n'a pu céder ses parts sociales à des repreneurs inquiets du fait des procédures en cours initiées par les époux X... ;
- Condamner Monsieur et Madame X... à une somme de 185 749. 48 en réparation du dommage infligé à la SCI JACK IMMO toutes causes confondues ;
- Condamner Monsieur et Madame X... à une somme de 3 500. 00 au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile ;
- Condamner Monsieur et Madame X... aux entiers frais et dépens ;
SUR CE, LA COUR
Vu les écritures des parties oralement reprises, les pièces produites ainsi que la décision de Première Instance auxquelles expresse référence est faite pour plus ample exposé du fait et du droit.
- Sur la jonction des procédures :
Attendu qu'il y a lieu d'ordonner la jonction des instances d'appel respectivement introduites par les époux X... et la SCI JACK IMMO qui ont été enrôlées sous les numéros 18 / 07 et 46 / 07 qui resteront inscrite sous le premier numéro, le plus ancien ;
Qu'il sera statué par un seul et même arrêt.
- Sur les mérites du premier appel :
Concernant l'irrecevabilité de la demande de Monsieur X... :
Attendu que Monsieur X..., seul appelant, soulève devant la cour le moyen tiré de la prescription acquisitive abrégée pour faire échec aux effets du titre foncier dont se prévaut la société JACK IMMO ;
Attendu que la SCI objecte qu'il s'agit d'une demande nouvelle des époux X... et, qu'en outre, le fondement juridique avancé est également irrecevable, l'article 2265 du code civil n'étant pas applicable lors de la prétendue acquisition faite par ces derniers ;
Attendu qu'il y a lieu de relever que l'article 2489 du Code Civil article 2284 ancien, issu de l'ordonnance no 2002-1476 du 19 décembre 2002, a réglé les conditions d'application de ce code sur le territoire de Mayotte, dont l'entrée en vigueur a été fixée le 1er juin 2004 ;
Attendu qu'a la date du sous- seings privé litigieux dont les époux X... se targuent au soutien de l'usucapion qu'ils revendiquent, l'article 2265 invoqué n'était pas encore entré en application dans la Collectivité Départementale de Mayotte,
Attendu que faute d'effectivité du droit prétendu au moment de sa revendication, Monsieur X... ne peut prétendre à la reconnaissance d'un droit positif en sa faveur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé et que sa demande est irrecevable.
Concernant la pertinence du rejet de la demande de Monsieur X....
Attendu que ce dernier n'oppose aucun moyen sérieux de nature à faire échec à la motivation du premier juge dont il convient pour l'essentiel, d'adopter les motifs pertinents étant relevé que l'article 118 du décret du 04 février 1911 modifié édicte que seul fait foi le titre foncier. Qu'à cet égard la SCI JACK IMMO produit le dernier duplicata du titre foncier de la propriété pointe d'Ironi no2107- DO, lequel est définitif et inattaquable ;
Attendu que cependant aux termes de l'alinéa dernier de l'article susvisé, toute action tendant à la revendication d'un droit réel non révélé en cours de procédure, est irrecevable ;
Attendu qu'il convient donc d'émender le jugement attaqué en substituant au déboutement de Monsieur X..., l'irrecevabilité de sa demande ;
Concernant la demande d'expertise et d'enlèvement d'une chaîne.
Attendu que la première demande qui n'est pas renouvelée en cause d'appel, a été rejetée à bon droit par le premier juge et qu'il y a lieu de confirmer, en tant que besoin, le jugement attaqué ;
Attendu que s'agissant de la seconde demande, c'est à juste titre que le Tribunal l'a également rejetée étant en outre relevé que Monsieur X... ne peut prétendre à la reconnaissance d'un droit qui lui a été dénié par la juridiction compétente, la prétendue cession de droits invoquée entre les époux E...et lui- même n'ayant pu produire son effet en raison du caractère personnel, précaire et recevable de l'A. O. T. que le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
- Sur les mérites du second appel :
Concernant l'abus de droit,
Attendu que la SCI JACK IMMO fait grief au Tribunal d'avoir rejeté la demande indemnitaire présentée sur le fondement de l'abus de droit, au seul motif qu'elle n'aurait pas apporté la preuve que le projet touristique immobilier aurait échoué en raison de la procédure engagée par le demandeur ;
Mais attendu qu'il résulte des éléments de la cause que la société appelante avait finalisé un projet immobilier touristique hôtelier, pointe d'IRONI BE, qui n'a pu voir le jour en raison des actions de toutes natures engagées par Monsieur X... pour se voir reconnaître des droits dont il ne pouvait pas ignorer la vanité à raison de sa profession d'agent immobilier ; qu'une telle demande était forcément vouée à l'échec dans la mesure où sa recevabilité était clairement exclue par les textes applicables ;
Attendu que cette persistance dans l'erreur est constitutive, en l'espèce, de la mauvaise foi du demandeur dont l'aveuglement l'a conduit, en outre, à interjeter appel d'une décision clairement motivée et qui était loin de lui être défavorable ;
Attendu que cet acharnement processif signe une action entreprise avec témérité et dont la légèreté blâmable constitue de sa part un abus de droit dont il doit réparation à la SCI JACK IMMO ;
Attendu qu'en effet un tel abus, constitutif d'une conduite fautive à l'encontre de cette dernière, est à l'origine, avec le retard accumulé dans l'avancement de son projet, du désistement des deux acquéreurs potentiels qu'en désespoir de cause elle avait trouvés (pièce 23) ;
Attendu que ce désistement procède directement des multiples plaintes et revendications tracassières auxquelles la SCI JACK IMMO a dû faire face pour se défendre ;
Attendu qu'ayant finalement décidé de vendre, puis, dans l'impossibilité d'y procéder, repris la poursuite du projet initial, celui- ci a vu son budget d'origine augmenter considérablement sous l'effet conjugué de la majoration de l'indice du B. T. P. et des nouvelles contraintes environnementales apparues depuis l'origine ;
Attendu qu'en l'état des éléments suffisants d'appréciation dont elle dispose (dossier de demande de financement, pièce 28 ; des différents devis, pièce 30 ; du dossier d'étude d'impact et de demande de permis de construire, pièces 31 et 34 ; de consultation des entreprises et de rendus des offres, pièce 35 ; ensemble cinq factures dont une acquittée pour un montant de 13 350 du 18 décembre 2001, pièce 29 ; l'estimation du surcoût des travaux arrêtée au 20 avril 2005 par le cabinet d'architecture JVO3 SARL) la Cour fixe à 90 000 le préjudice total subi par la SCI JACK IMMO ;
Attendu qu'il convient donc de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire reconventionnelle de cette dernière société et qu'il échet de condamner Monsieur X... à lui payer, pour l'ensemble de son préjudice, la somme globale de 90 000 euros à titre de dommages- intérêts,
concernant les frais irrépétibles et les dépens.
Attendu qu'en confirmant de ces deux chefs la décision déférée il convient, en cause d'appel, d'allouer supplémentairement la somme de 2 000 euros à la SCI JACK IMMO sur le fondement de l'article 700 NCPC et de condamner Monsieur X... aux dépens de la présente instance ;
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal Supérieur d'Appel
Statuant publiquement, contradictoirement, en chambre civile et en matière foncière, en dernier ressort,
Déclare réguliers et recevables les appels respectivement interjetés par Monsieur Joseph X... et la SCI JACK IMMO à l'encontre du jugement no01 / 07, rendu le 30janvier 2007 par le Tribunal de Première Instance de Mamoudzou ;
Ordonne la jonction des procédures no 18 / 07 et 46 / 07 qui resteront inscrites sous le no 18 / 07, le plus ancien.
Confirme ledit jugement en ses décisions de déboutement, sauf pour celle afférente à la constatation de la qualité de propriétaires des demandeurs d'une parcelle de 1658 m ² à la pointe d'IRONI, commune de Dembeni ;
Emendant de ce chef ;
Déclare irrecevable une telle demande.
Confirme partiellement la décision déférée au titre des frais irrépétibles et des dépens.
Déclare fondé l'autre appel de la SCI JACK IMMO.
Réforme le jugement attaqué quant au rejet de la demande reconventionnelle indemnitaire de la SCI JACK IMMO.
Statuant à nouveau sur cette demande incidente et y faisant partiellement droit en son quantum.
Condamne Monsieur Joseph X... à payer à cette dernière la somme de 90 000 euros à titre de dommages- intérêts, en réparation du préjudice né de la l'abus de droit d'ester en justice.
Y ajoutant :
Condamne Monsieur Joseph X... à payer supplémentairement à la SCI JACK IMMO la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 NCPC
Le condamne aux dépens de l'instance d'appel ;
Le Greffier, Le Président,