R.G. 46/06
RENDU PAR LE TPI DE M AMOUDZOU LE 27/03/2006 No 21/06
INFIRMATION
TRIBUNAL SUPERIEUR D'APPEL
MAMOUDZOU MAYOTTE
CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 19/06/2007 N086/ 2007
Prononcé publiquement le 19 juin deux mille sept par le Tribunal Supérieur d'Appel de MAMOUDZOU
-MAYOTTE, statuant en matière civile
PARTIE EN CAUSE DEVANT LA COUR
APPELANT
SARL DEM
CIO Sandrine Y... -
...
COMPARANT PAR Maître OUSSENI, AVOCAT au barreau de Mamoudzou (MAYOTTE)
INTIMEE
LA SARL MAYOTTE DEMENAGEMENT
Zone Industrielle NEL
97600 MAMOUDZOU
COMPARANT PAR Me PATRIMONIO, Avocat Maître LEBEL, Avocat postulant
LA SOCIETE A.T. OCEAN INDIEN
INTERVENANTE VOLONTAIRE
COMPARANT PAR Maître C...
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU PRONONCE DU DELIBERE
PRESIDENT :
Monsieur Jean-Claude D..., Vice-Président du Tribunal Supérieur d'Appel de Mamoudzou Mayotte,
ASSESSEURS
Monsieur NOURDINE E..., assesseur titulaire désigné le 26 janvier 2007, et Monsieur Pierre F..., assesseur suppléant désigné le 22 mai 2007 par ordonnances de Monsieur le Président du Tribunal Supérieur d'Appel en application de l'ordonnance no 92 1 141 du 12 octobre 1992, relative à l'organisation judiciaire à Mayotte ;
A l'audience publique du 23 mai 2007, les parties à la cause et leurs conseils ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
La cause a été mise en délibéré par le Président et l'arrêt rendu à l'audience publique du 19 juin 2007 ;
ASSISTES DU GREFFIER
Fatima G... lors des débats et lors du prononcé du délibéré ;
ARRET CONTRADICTOIRE :
Prononcé à l'audience publique du 19 juin 2007 par Monsieur Jean- Pierre H..., Vice-Président du Tribunal Supérieur d'Appel, présent lors du délibéré, et signé par le Président et le Greffier.
Par déclaration d'appel au greffe de la juridiction, en date du 30 mars 2006, la société DEM 976 a régulièrement interjeté appel d'une ordonnance no 21/06, rendue le 27 mars 2006 par le juge des référés du Tribunal de Première Instance de MAMOUDZOU qui, statuant en matière commerciale, publiquement, par ordonnance contradictoire, et en premier ressort, a :
-déclaré irrecevable en référé la demande de la société Mayotte Déménagement, concernant Madame Martine I...,
-fait interdiction à la société DEM 976 d'utiliser les dénominations commerciales "A.Tessiot Demeco Mayotte, Tessiot Demeco Mayotte ou Demeco Mayotte"
-débouté les parties de leurs toutes autres demandes,
-condamné la société DEM 976 à verser à la société Mayotte Déménagement, la somme de 1 000 euros, au titre des frais irrépétibles.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte d'huissier de justice, délivré le 27 janvier 2006, la société MAYOTTE DEMENAGEMENT a fait assigner, au seul visa des dispositions des articles 1382 du code civil, et 873 du nouveau code de procédure civile, la société à responsabilité limitée DEM 976 devant le juge des référés de ce tribunal afin de constater, à l'essentiel, que cette société avait embauché Monsieur Daniel J... en qualité de directeur, et donné à Madame Martine I... les moyens d'exercer une activité liée au déménagement, et ce, en infraction à une clause de non-concurrence liant ces deux personnes à la société Mayotte Déménagement.
La société requérante demandait donc au juge des référés :
-de faire interdiction à la société DEM 976 de continuer à fournir à Madame I... les moyens d'exercer sa profession, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
-de lui faire interdiction de faire référence à la société "TESSIOT DEMECO MAYOTTE", sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, au motif que cette société n'était pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés,
-de condamner la société DEM 976 au paiement de la somme de 30 000 euros, à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'à celle de 5 000 euros, au titre des frais irrépétibles.
Après qu'il a été statué comme indiqué ci-dessus dans l'ordonnance frappée d'appel, l'affaire a été inscrite au rôle de la Chambre civile du Tribunal Supérieur d'Appel de MAMOUDZOU le 5 avril 2006 ;
La société A.T. OCEAN INDIEN, un moment intervenante volontaire à l'instance d'appel, a déclaré se désister de cette intervention.
Les parties, régulièrement convoquées devant cette juridiction, ont comparu par avocat ou en personne, et après renvois contradictoires, à l'audience de plaidoirie du 23 mai 2007 ;
L'affaire a été mise en délibéré au 15 juin suivant.
DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES
1 -de l'appelant :
Par conclusions régulièrement communiquées et enregistrées le 6 mars 2007, ainsi qu'à l'audience de plaidoirie du 23 mai suivant, la société DEM 976, en de très longues conclusions, demande à la Cour de :
-constater l'absence de fondement légal de l'action en cessation d'un trouble prétendument illicite allégué,
-constater que l'ordonnance de référé s'est fondée sur des textes non soulevés par les parties,
-constater que I'ordonnance précitée n'a pas soumis à la contradiction les moyens soulevés par elle d'office, -constater que I'ordonnance de référé a statué au delà de la demande présentée,
-constater la discussion par le société MAYOTTE DÉMÉNAGEMENT de la clause de non- concurrence la liant à Djamel J...,
-constater la contestation sérieuse,
-constater la nécessité du sursis à statuer du premier juge en raison du fait de l'instance prud'homale,
-constater que la procédure d'appel est évoquée dans les pièces présentées par la société Mayotte Déménagement,
-constater l'absence de preuve d'utilisation par la société DEM 976 de l'enseigne DEMECO,
-constater que la société A. Tessiot Océan Indien jouit de l'enseigne commerciale TESSIOT DEMECO qu'elle utilise seule à Mayotte,
-constater l'immatriculation de la SARL A. Tessiot Océan Indien auprès du registre du commerce et des sociétés de Mayotte depuis le début de son activité au mois de janvier 2006,
-constater que la SARL MAYOTTE DÉMÉNAGEMENT a agi de manière dolosive et abusive, notamment en occultant des informations, et en exécutant l'ordonnance dont s'agit, avec publications dans la presse écrite locale,
-infirmer en conséquence l'ordonnance querellée, et statuant à nouveau,
-dire et juger que l'assignation délivrée le 27 janvier 2006 est nulle du fait de l'absence de fondement juridique suffisant, et que l'ordonnance rendue a violé le principe du contradictoire et a statué ultra petita ; que par ailleurs, il existait une contestation sérieuse empêchant la compétence du juge des référés.
La société DEM 976 demande, en tout état de cause :
-dire et juger qu'il n'est pas de trouble manifestement illicite, puisque l'enseigne DEMECO n'a jamais été utilisée par la SARL DEM 976, mais par la société A. Tessiot Océan Indien qui est régulièrement inscrite au RCS de Mayotte,
- condamner la société MAYOTTE DÉMÉNAGEMENT à lui payer la somme de 142 269 euros, à titre de dommages-intérêts pour abus de droit et acharnement procédural, et en raison du préjudice consécutif à l'exécution de I'ordonnance de référé,
-condamner la société Mayotte Déménagement à lui payer la somme de 4 000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
-la condamner en tous les dépens.
A titre subsidiaire,
-surseoir à statuer dans l'attente de la décision d'appel à intervenir sur l'application ou non de la clause de non-concurrence,
-débouter la société intimée de toutes ses demandes.
2 -de l'intimée :
Par très longues conclusions également, régulièrement communiquées et enregistrées le 3 avril 2007, ainsi qu'à l'audience de plaidoiries, et après avoir invoqué l'irrecevabilité de l'intervention de la société A.T. OCEAN INDIEN pour Ia première fois en cause d'appel, la société MAYOTTE DÉMÉNAGEMENT soutient que les textes visés dans son assignation étaient suffisants pour permettre au juge des référés de statuer, la situation illicite exigée ressortant amplement de la description des faits reprochés.
Elle soutient également qu'il n'y a pas eu violation du contradictoire par le premier juge, ce dernier ne faisant que qualifier exactement les faits, et vérifier de son propre mouvement l'absence ou la réunion des conditions d'application de la règle invoquée.
Elle rappelle que Monsieur J... et Madame I... sont intervenus pour le compte de sociétés exerçant des activité dans des secteurs identiques aux siens, et ce, en infraction à la clause de non-concurrence qui les liait à MAYOTTE DÉMÉNAGEMENT.
Cette dernière relate ensuite longuement l'historique des relations liant les diverses parties, ainsi que celui des différentes sociétés mises en cause.
C'est dans ces conditions qu'il est sollicité qu'il plaise :
-déclarer la société A.T. OCEAN INDIEN irrecevable en son intervention volontaire,
-constater la responsabilité de la société DEM 976 pour avoir embauché monsieur J..., en violation de la clause de non-concurrence le liant à la société intimée,
-constater la responsabilité de la société DEM 976 pour avoir participé à la violation de la clause de non-concurrence avec Madame I...,
-constater la responsabilité de la société DEM 976 pour avoir permis à la société TESSIOT DEMECO MAYOTTE, non immatriculée à Mayotte, selon elle, d'utiliser ses locaux et y avoir exposé des documents commerciaux et publicitaires,
-dire irrecevables, et en tous cas non fondées, les exceptions soulevées, de nullité de l'assignation, de l'incompétence de la juridiction saisie et de sursis à statuer,
En conséquence,
-confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a fait interdiction à la société DEM 976 d'utiliser les dénominations commerciales A TESSIOT DEMECO MAYOTTE, TESSIOT DEMECO MAYOTTE, ou DEMECO MAYOTTE,
La réformant pour le surplus,
-condamner la société DEM 976 au paiement, à titre provisionnel, de la somme de 30 000 euros, à titre de dommages-intérêts pour attitude déloyale,
-condamner la société DEM 976 au paiement, à titre provisionnel, de la somme de 5 000 euros, pour procédure abusive,
-condamner la société DEM 976 à lui payer la somme de 5 000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
-la condamner en tous les dépens de première instance et d'appel. SUR CE, LA COUR
Vu l'ensemble des conclusions oralement reprises par les parties, ensemble la décision de première instance auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits et du droit,
Sur les exceptions et la compétence du juge des référés :
Attendu qu'indépendamment des nullités relatives alléguées de l'assignation, du non-respect du contradictoire et du refus de surseoir à statuer, bien qu'il soit établi que l'élément essentiel du support juridique de l'action reposait sur l'application, ou non, de la clause de non- concurrence liant Monsieur J... et Madame I... à la société MAYOTTE DÉMÉNAGEMENT ;
Attendu qu'indépendamment, également, que la société intimée présente des demandes nouvelles en cause d'appel, comme celle de constater la responsabilité de la société appelante, pour avoir embauché Monsieur J..., il ressort des pièces du dossier que ce dernier a été licencié pour faute grave, le 20 janvier 2005, que Madame I... a démissionné le 28 septembre suivant, que la société DEM 976 a bien été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Mayotte, le 8 juin 2005, que la société A. TESSIOT DEMENAGEMENTS (A.T.O.I.) a son siège à BOURGES, depuis plus d'un siècle, et que sa filiale à LA REUNION, la société A. Tessiot Océan Indien Demeco exploite l'enseigne commerciale "TESSIOT DEMECO", puis a créé une succursale à Mayotte, au mois de janvier 2006, sous l'enseigne commerciale TESSIOT DEMECO MAYOTTE, dont il n'est pas établi qu'elle se confondrait avec la société DEM 976 ;
Attendu principalement qu'il ressort, d'une part, des dispositions de l'article 5 du code précité, que le juge doit se prononcer seulement sur ce qui lui est demandé, et qu'il ressort d'autre part, des dispositions de l'article 873 du nouveau code de procédure civile, que le président du tribunal peut ordonner l'exécution d'une obligation qui n'est pas sérieusement contestable, même s'il s'agit d'une obligation de faire ;
Attendu , en premier lieu, que la procédure de première instance, la société MAYOTTE DÉMÉNAGEMENT n'a jamais demandé à ce qu'il soit fait interdiction à la société DEM 976 d'utiliser les dénominations commerciales de A. Tessiot Demeco Mayotte, Tessiot Demeco ou Demeco Mayotte, mais simplement la non utilisation du nom de la société "TESSIOT DEMECO MAYOTTEWdans des publicités ou dans des documents commerciaux, et que le premier juge a donc statué ultra petita, en violation du texte précité ;
Attendu, en second lieu, que cette obligation de faire, ne pouvait être ordonnée du fait qu'elle était sérieusement contestable et d'ailleurs vivement contestée comme le prouve la longueur inhabituelle des écritures des parties dans une procédure de référé, en dehors même du fait qu'au moment où il a statué, un premier jugement en date du 11juillet 2005 et dont il n'a pas été relevé appel, avait fixé la durée d'application de la clause de non-concurrence à six mois ;
Attendu, en conséquence, que ladite clause ne s'appliquait plus à Monsieur J... au moment où le premier juge a statué, le 27 mars 2006, le cas de Madame I... n'ayant pas fait l'objet d'une demande en justice, celle-ci ayant démissionné, et le juge des référés ayant estimé pour cette dernière, qu'il y avait une contestation sérieuse, et que le dommage imminent ou le trouble manifestement illicite n'étaient pas caractérisés ;
Attendu, de plus fort, qu'il convient de rappeler que saisie de l'appel d'une ordonnance de référé, la Cour doit se placer, pour apprécier la réalité du trouble, à la date à laquelle elle statue et non à celle de la décision attaquée, l'ordonnance querellée sera réformée en toutes ses dispositions.
Sur la demande en dommages-intérêts de la société DEM 976 :
Attendu qu'il convient de rappeler qu'une ordonnance de référé est une décision provisoire, susceptible d'appel, même si l'exécution provisoire est de droit, et qu'en l'espèce, aucune publication légale n'avait été ordonnée ;
Attendu que l'exécution d'une ordonnance de référé n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui d'en réparer les conséquences dommageables sans qu'il soit nécessaire de relever une faute à son encontre ;
Attendu qu'il ressort des pièces produites par la société DEM 976, que dans le journal MAYOTTE HEBDO, n0282, du 8 avril 2006, figurent sous la rubrique "Publication Judiciaire", divers passages "significatifs" de l'ordonnance du 27 mars 2006, dont celui de l'obligation d'être immatriculé au registre du commerce et des sociétés, ou encore la mention "en conséquence qu'un trouble manifestement illicite est caractérisé", suivie de celle de l'interdiction à la société DEM 976 d'utiliser les diverses appellations de "A. Tessiot Demeco Mayotte", le tout, suivi de l'affirmation de ce que le greffier du tribunal de commerce avait attesté que les différentes sociétés citées n'étaient pas immatriculées, ou en cours d'immatriculation, alors même que la société A. T. OCEAN INDIEN est inscrite depuis le 25 janvier 2006, avec effet au ler janvier 2006, et que l'avis d'ouverture d'un établissement secondaire avait été publié dans le "MAYOTTE K..." du 30 décembre 2005, et qu'en conséquence, à la date de publication de l'ordonnance, il ne pouvait être fait état d'une attestation devenue obsolète, mais malicieusement publiée ;
Attendu que ce "Communiqué" a été repris dans le journal "Le Mahorais", no 90, du 11 avril 2006 ;
Attendu qu'à la suite de ces "Communiqués" ou "Publication judiciairel'non ordonnés par une décision de justice, des clients institutionnels, tels que le Ministère de la Défense, a publié un avis de mise en garde auprès de son personnel, et La Poste, ainsi que des clients privés se sont décommandés en raison de cette publication dans les journaux ;
Attendu que si la société MAYOTTE DÉMÉNAGEMENT n'est pas responsable du contenu de la décision querellée, elle a causé cependant à la société DEM 976 un préjudice certain en publiant une décision provisoire, susceptible de recours, et en utilisant des informations fausses, car périmées au moment de la publication, démontrant par là la caractère dilatoire et fautif de cette publication ; elle sera donc condamnée à payer à la société DEM 976, la somme de 6 000 euros, à titre de dommages-intérêts.
Sur la demande au titre des frais irrépétibles :
Attendu que la SARL DEM 976 sollicite l'attribution de la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Attendu qu'en équité, cette demande est partiellement justifiée dans son principe, il y a lieu de condamner la société MAYOTTE DÉMÉNAGEMENT à lui payer la somme de 3 500 euros, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, comme à la condamner en tous les dépens d'appel et de première instance.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal Supérieur d'Appel de MAMOUDZOU, statuant publiquement, contradictoirement, en Chambre civile, en matière de référé et en dernier ressort,
En la forme, déclare régulier et recevable l'appel interjeté par la SARL DEM 976 à l'encontre de l'ordonnance numéro 21/06, rendue le 27 mars 2007 par le magistrat des référés du Tribunal de Première Instance de MAMOUDZOU ;
Donne acte à la société A.T. Océan Indien de son désistement d'intervention volontaire ;
Dit cet appel bien fondé,
et en conséquence,
-infirme la décision déférée en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau,
-condamne la SARL MAYOTTE DÉMÉNAGEMENT à payer à la SARL DEM 976, la somme de 6 000 euros, à titre de dommages intérêts, tous préjudices confondus, ainsi que la somme de 3 500 euros, au titre des frais irrépétibles d'appel et de première instance ;
-la condamne en tous les dépens de première instance et d'appel.
..'
Le Greffier, Le Président,