RÉPUBLIQUE
FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 24/00262 - N° Portalis DB3Z-W-B7I-GZA4
MINUTE N° : 2024/
Notification
Copie certifiée conforme
délivrée le : 02/09/24
à :
Mme [B]
Copie exécutoire délivrée
le :02/09/24
à :
Me BOITARD
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT DENIS
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TRIBUNAL DE PROXIMITÉ DE SAINT BENOIT
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JUGEMENT
DU 29 AOUT 2024
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JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
PARTIES
DEMANDEUR :
S.A. BRED BANQUE POPULAIRE
RCS PARIS 552 091 795
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Henri BOITARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION substitué par Maître Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉFENDEUR :
Madame [X] [B]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparante en personne
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Pascaline PILLET,
Assisté de : Maureen ETALE, Greffier,
DÉBATS :
À l’audience publique du 19 Août 2024
DÉCISION :
Prononcée par Pascaline PILLET, Juge du contentieux de la Protection, assistée de Maureen ETALE, Greffier,
FAITS ET PROCEDURE
Suivant offre préalable de prêt acceptée le 28 avril 2022, la BRED BANQUE POPULAIRE a consenti à Madame [X] [B] un prêt d'un montant de 30.000,00€, remboursable en 84 mensualités, moyennant un taux d’intérêt nominal de 4,64% l’an (prêt n° 06857180).
Alléguant un défaut de paiement des échéances l'ayant conduit à prononcer la déchéance du terme, la BRED BANQUE POPULAIRE, par acte de commissaire de justice du 4 juillet 2024 faisait assigner Madame [X] [B] devant le Juge des contentieux de la protection de Saint-Benoît aux fins de les voir condamner à lui payer la somme de 29.510,59€ avec intérêts au taux contractuel de 4,64€ sur la somme de 27.092,24€ et au taux légal pour le surplus outre la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
L'affaire était appelée à l'audience du 19 août 2024 lors de laquelle la BRED BANQUE POPULAIRE maintenait l’intégralité de sa demande en paiement.
Le Juge soulevait d’office la déchéance du droit aux intérêts en l’absence de preuve de la consultation du FICP, la demanderesse étant autorisée à produire l’élément durant le cours du délibéré.
La défenderesse, citée à personne, ne comparaissait pas.
La demanderesse indiquait avoir connu une baisse de revenus dans le foyer, avoir de multiples crédits en cours et ne pas être en mesure de s’acquitter des sommes dues.
La décision était rendue par mise à disposition au greffe le 29 août 2024.
MOTIFS
Le contrat de prêt liant les parties obéit aux dispositions d’ordre public des articles L 311-1 et suivants du code de la consommation.
Aux termes de l'article L.312-16 du même code, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6.
L'article 1353 du code civil dispose qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver. Il s'ensuit qu' il appartient au prêteur, qui prétend obtenir paiement des intérêts au taux conventionnel, d'établir qu'il a respecté les dispositions précitées d'ordre public du code de la consommation.
En l'espèce, faute d'établir la preuve de la consultation du fichier des incidents de paiement, la demanderesse sera déchue du droit aux intérêts contractuels.
Conséquences sur les sommes demandées
En vertu de l’article L341-23 du code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions précitées est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
Au vu de ce qui précède, des stipulations contractuelles, du tableau d’amortissement et du décompte produit par la banque, il apparaît que le total du financement s’élève à 30.000,00€ euros, les sommes remboursées à 5.389,15€. Ainsi, déduction faite des frais et intérêts, la débitrice reste redevable d'une somme de 24.610,85€ quelle sera condamnée à payer.
Sur les intérêts applicables
Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l'article 1153 du Code Civil, devenu 1231-6.90, sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice.
Ces dispositions légales doivent cependant être écartées, si en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu'il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d'efficacité.
L'arrêt rendu le 27 mars 2014 par la Cour de Justice de l'Union Européenne (affaire C-56.905/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan) a ainsi dit pour droit que l'article 23 de la directive 2008/48 s'oppose à l'application d'intérêts au taux légal lesquels sont en outre majorés de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire d'une décision de justice prononçant la déchéance du droit aux intérêts si « les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance des intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté » ses obligations découlant de ladite directive.
En l'espèce, le crédit personnel a été accordé pour un montant de 30.000€ euros à un taux d'intérêt annuel fixe de 4,64%.
Les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points ne sont pas significativement inférieurs à ce taux conventionnel.
Il convient en conséquence de ne pas faire application de l'article 1153 du code civil, devenu 1231-6.90, et de l'article L.313-3 du code monétaire et financier et de dire que la somme restant due en capital au titre de ce crédit ne portera pas intérêts au taux légal.
Sur les demandes accessoires
Le défendeur, qui succombe à l’instance, sera condamné aux dépens. Ni l'équité ni la situation économique des parties ne justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile, la présente décision est exécutoire par provision.
PAR CES MOTIFS
Le juge, statuant après audience publique par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en premier ressort,
CONSTATE la déchéance du terme du prêt à la consommation n°06857180,
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts contractuels s'agissant du contrat n° 06857180,
CONDAMNE Madame [X] [B] à payer à la BRED BANQUE POPULAIRE la somme de 24.610,85€ au titre du prêt n°06857180,
DIT que cette somme ne produira pas intérêt au taux légal,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Madame [X] [B] aux entiers dépens.
Ainsi jugé et mis à disposition aux jour, mois et an susdits.
LE GREFFIER LE JUGE