TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE NANTERRE
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PÔLE CIVIL
6ème Chambre
JUGEMENT RENDU LE
30 Août 2024
N° RG 22/02436 - N° Portalis DB3R-W-B7G-XJTR
N° Minute : 24/
AFFAIRE
[R] [E], [G] [L] épouse [E]
C/
Société FRANFINANCE
Copies délivrées le :
DEMANDEURS
Monsieur [R] [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Madame [G] [L] épouse [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentés par Maître Guillaume BOULAN de la SCP C R T D ET ASSOCIES, avocat postulant au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 713
et par Maître Christophe de WATRIGANT de la SELAS Cabinet LABORDE - C 2010, avocat plaidant au barreau de PARIS
DEFENDERESSE
Société FRANFINANCE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Stéphanie CARTIER, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 350
En application des dispositions de l’article 802 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mai 2024 en audience publique devant Anne LECLERC, Juge, statuant en Juge Unique, assistée de Sylvie CHARRON, Greffier.
JUGEMENT
prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats au 22 août 2024 et prorogé au 30 août 2024.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte d'huissier du 16 octobre 2020, la société Franfinance a fait assigner M. [R] [E] et Mme [G] [L] épouse [E] devant le tribunal de proximité de Gonesse aux fins de les voir condamnés solidairement au paiement, au principal, de la somme de 8 423,39 euros avec intérêts au taux contractuel de 8,19% à compter du 10 septembre 2020 et capitalisation des intérêts en exécution d'un prêt personnel de 27 000 euros qu'elle a déclaré leur avoir consenti le 16 octobre 2008 dans le cadre de la vente d'une pompe à chaleur.
Par jugement du 7 juin 2021, signifié le 17 septembre 2021 à la société Franfinance, le tribunal a débouté la société Franfinance de sa demande en paiement.
M. et Mme [E] ont fait assigner par acte d'huissier du 14 mars 2022 la société Franfinance devant ce tribunal et demandent, sur le fondement des articles L.311-8 à L.311-13 et L.311-20 à L.311-28 du code de la consommation, sa condamnation au paiement en principal de la somme de 12 160,38 euros à titre de trop perçu et de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2023, les époux [E] demandent au tribunal de :
" Vu le jugement du Tribunal de Proximité de Gonesse du 7 juin 2021,
Vu les articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation,
Vu les articles L. 311-20 à L. 311-28 du code de la consommation,
Vu l'article 1302 du code civil,
- Rejeter l'irrecevabilité soulevée avant dire droit par la société Franfinance,
- Condamner la société Franfinance au paiement de la somme de 12 160,38 euros, en principal, cor-respondant au trop versé par M. et Mme [E], tel que constaté par le Tribunal de Proximité de Go-nesse aux termes du jugement non contesté du 7 juin 2021,
- Condamner la société Franfinance au paiement d'une somme de 5 000 euros pour résistance abu-sive,
- Juger que toutes ces sommes porteront intérêts au taux légal, portant eux-mêmes intérêts, et ce à compter du jugement du Tribunal de Gonesse du 7 juin 2021,
- Débouter la société Franfinance de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- Condamner la société Franfinance au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Franfinance au paiement des entiers dépens d'instance. "
Ils exposent en substance, en réponse à l'irrecevabilité soulevée par la société Franfinance tirée de l'autorité de la chose jugée, qu'ils n'ont pas formulé de demande de restitution d'un trop perçu dans le cadre de l'instance pendante devant le tribunal de proximité de Gonesse rendant légitime leur demande à ce titre dans le cadre de la présente instance, le débat n'étant pas purgé. Ils font valoir que le jugement du tribunal de proximité de Gonesse est définitif et que leur demande à ce titre est donc parfaitement recevable. Ils insistent sur le fait qu'ils ont assigné à bref délai après la décision rendue le 7 juin 2021.
Au fond, M. et Mme [E] indiquent que l'identité du vendeur du matériel vendu (pompe à chaleur) financé par la société Franfinance n'étant pas indiquée sur l'offre de prêt du 16 octobre 2008, cette dernière société doit être déchue du droit aux intérêts contractuels. Ils exposent avoir uniquement demandé dans le cadre de l'instance qui s'est tenue devant le tribunal de proximité de Gonesse le débouté de la société Franfinance sans demander la restitution du trop versé au titre des intérêts pour la somme de 12 160,38 euros découlant de la motivation du jugement rendu le 7 juin 2021.
Ils estiment que la motivation du jugement retient deux bornes, celle de 27 000 euros correspondant au montant de l'engagement et du contrat revendiqué par la société Franfinance et celle de 39 160,38 euros correspondant au montant total des versements indument consentis et sollicitent en conséquence la condamnation de la société Franfinance à leur verser la somme de 12 160,38 euros, sur le fondement de l'article 1302 du code civil.
Ils demandent que la société Franfinance soit condamnée à leur verser la somme de 5 000 euros en raison de la résistance abusive de la société Franfinance, indiquant que les faits remontent à l'année 2008.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 novembre 2022, la société Franfinance demande au tribunal de :
" - Dire et juger la société Franfinance recevable et bien fondée en l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions ;
Y faisant droit, à titre principal :
- Déclarer M. et Mme [E] tant irrecevables que mal fondés en leurs demandes,
A titre subsidiaire :
- Condamner M. et Mme [E] à payer à la société Franfinance une somme correspondant aux inté-rêts à restituer ;
- Ordonner la compensation des sommes dues entre les parties ;
- Débouter M. et Mme [E] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ou la réduire à de plus justes proportions leur demande ;
En tout état de cause :
- Réduire à de plus justes proportions leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner in solidum M. et Mme [E] au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure ;
- Ordonner l'Exécution provisoire de la décision à intervenir. "
La société Franfinance expose en substance avoir consenti aux époux [E], suivant offre de crédit du 16 octobre 2008, un prêt de 27 000 euros remboursable en 149 mensualités aux taux de 8,19% pour la fourniture et l'installation d'une pompe à chaleur. Elle explique que les défendeurs ont réceptionné le matériel, fourni par la société Avatherm, sans réserve, lequel a été payé par la société Franfinance.
Elle indique que M. et Mme [E] ayant cessé le remboursement des échéances du prêt le 20 juin 2019, la société Franfinance, après les avoir mis en demeure le 12 février 2020, a prononcé la déchéance du terme le 10 juillet 2020 et saisi le tribunal de proximité de Gonesse pour obtenir leur condamnation solidaire aux sommes dues au titre du prêt et de sa résiliation. Elle ajoute que le tribunal de proximité de Gonesse l'a déboutée de sa demande en paiement au motif qu'à défaut d'identité du vendeur sur l'offre de prêt, elle encourait la déchéance du droit aux intérêts contractuels.
La société Franfinance soulève l'irrecevabilité des demandes de M. et Mme [E] en raison de l'autorité de la chose jugée. Elle précise que les demandeurs n'ont formé aucune demande de restitution des intérêts contractuels et qu'aucune condamnation à ce titre a été prononcée par le jugement du 7 juin 2021.
A titre subsidiaire, la société Franfinance considère que le juge a soulevé d'office le moyen tiré du non-respect de l'article L.311-10 du code de la consommation sans avoir été invitée à faire valoir ses observations et sans que M. et Mme [E] n'aient soulevé ce moyen dans leurs conclusions récapitulatives. Elle estime que le jugement encourt la nullité sur le fondement de l'article 464 du code de procédure civile.
Elle ajoute que l'identité du vendeur apparaît sur l'offre de prêt, à savoir la société Avatherm, et donc que la déchéance du droit aux intérêts n'est pas justifiée en application de l'article L.311-10 du code de la consommation.
La société Franfinance estime que si les intérêts étaient restitués, M. et Mme [E] devraient être condamnés à une somme équivalente en réparation du préjudice subi.
Elle s'oppose à la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, rappelant que M. et Mme [E] n'ont pas formé de demande au titre de la déchéance des intérêts contractuels avant l'assignation du 14 mars 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens de parties, il y a lieu de se référer à leurs dernières conclusions en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'instruction a été close par ordonnance du 9 octobre 2023 et les plaidoiries fixées pour le 7 mai 2024. A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 22 août 2024 et prorogée au 30 août 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'action de M. et Mme [E]
L'article 789 6° du code de procédure civile dispose que, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.
En l'espèce, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée soulevée par la société Franfinance est irrecevable en ce qu'elle n'a pas été invoquée devant le juge de la mise en état, seul compétent.
Toutefois, l'article 125 du code de procédure civile dispose que le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.
L'article 16 du même code ajoute que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
En l'espèce, par leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2023 pour les époux [E] et le 17 novembre 2022 pour la société Franfinance, les parties ont toutes les deux conclu sur l'irrecevabilité de l'action des époux [E] tirée de l'autorité de la chose jugée. Ce moyen d'irrecevabilité, soulevé d'office, a donc été débattu contradictoirement par les parties aux termes de leurs conclusions et il en sera tenu compte dans le présent jugement.
L'article 122 du code de procédure civile dispose que " constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. "
L'article 1355 du code civil, applicable à l'espèce, dispose que " l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. "
Il incombe aux parties de présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens qu'elles estiment de nature, soit à fonder la demande, soit à justifier son rejet total ou partiel.
En l'espèce, M. et Mme [E], défendeurs à l'instance devant le tribunal de proximité de Gonesse, ont, sur le fondement des articles L.311-1 et suivants du code de la consommation et 1134 ancien du code civil contesté la demande en paiement formée à leur encontre par la société Franfinance au titre de l'offre de prêt du 16 octobre 2008 faisant valoir que la demanderesse ne rapportait pas la preuve de leur engagement.
Dans le cadre de l'instance pendante devant le tribunal de céans, M. et Mme [E] se prévalent de ladite offre de prêt pour réclamer la restitution des intérêts perçus par la société Franfinance. Ils se fondent sur les termes de la décision rendue le 7 juin 2021 par le tribunal de proximité de Gonesse qui a débouté la société Franfinance de sa demande en paiement, motivant sa décision par la déchéance du droit aux intérêts de la société Franfinance prévue à l’article L311-33 ancien du code de la consommation, tout en rappelant que M. et Mme [E] n'avaient pas formé de demande à ce titre.
Dès lors, la nouvelle demande de M. et Mme [E], introduite par leur assignation du 14 mars 2022 devant le tribunal de céans, invoquant comme moyen à l'appui de leur demande de restitution des intérêts payés à la société Franfinance le moyen tiré des dispositions de l'article L.311-33 ancien du code de la consommation, qu'ils s'étaient abstenus de soulever dans le cadre de la première instance, se heurte à la chose précédemment jugée relative à la même contestation, à savoir l'exécution de l'offre de prêt. Le jugement rendu par le tribunal de proximité de Gonesse a statué sur la même cause, à savoir l'application de l'offre de prêt, les deux instances ont le même objet et les parties sont identiques étant relevé de surcroît qu'aucune circonstance n'a été modifiée depuis lors.
Il appartenait en conséquence à M. et Mme [E] de présenter, dès l'instance introduite devant le tribunal de proximité de Gonesse, l'ensemble des moyens qu'ils entendaient faire valoir à l'encontre de la société Franfinance.
La demande de dommages et intérêts formée par M. et Mme [E] à l'encontre de la société Franfinance, qui ne vise au demeurant aucun fondement juridique, se heurte également à l'autorité de la chose jugée car relative à la même contestation.
Au surplus, la société Franfinance, dans ses conclusions au fond, conteste les conditions d'application de l'article L.311-33 ancien du code de la consommation, alors que le jugement du tribunal de proximité de Gonesse lui a été signifié le 17 septembre 2021 et qu'elle n'en a pas fait appel, alors qu'il lui appartenait d'en contester, le cas échéant, les termes dans ce cadre.
En conséquence, les demandes de M. et Mme [E] seront déclarées irrecevables car elles se heurtent à l'autorité de la chose jugée.
Sur les demandes accessoires
Parties perdantes au procès, M. et Mme [E] seront condamnés in solidum à payer à la société Franfinance la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
La demande de M. et Mme [E] au titre des frais irrépétibles est rejetée.
En application de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
Compte tenu de la nature de l'affaire et de son ancienneté, il n'y a pas lieu en l'espèce d'écarter l'exécution provisoire de droit.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, et par mise à disposition au greffe,
DÉCLARE irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la société Franfinance au titre de l'autorité de la chose jugée,
DÉCLARE d'office l'action de M. [R] [E] et de Mme [G] [L] épouse [E] irrecevable car se heurtant à l'autorité de la chose jugée,
REJETTE la demande de M. [R] [E] et de Mme [G] [L] épouse [E] au titre des frais irrépétibles,
CONDAMNE in solidum M. [R] [E] et de Mme [G] [L] épouse [E] à verser à la société Franfinance la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum M. [R] [E] et de Mme [G] [L] épouse [E] aux entiers dépens de l'instance,
RAPPELLE que l'exécution provisoire de la décision est de droit.
signé par Anne LECLERC, Juge et par Sylvie CHARRON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT