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30/08/2024 | FRANCE | N°21/04550

France | France, Tribunal judiciaire de Nanterre, 6ème chambre, 30 août 2024, 21/04550


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE NANTERRE



PÔLE CIVIL

6ème Chambre

JUGEMENT RENDU LE
30 Août 2024


N° RG 21/04550 - N° Portalis DB3R-W-B7F-WVKR

N° Minute : 24/








AFFAIRE

[H] [D] divorcée [I]

C/

Société OCEANE FINANCES, Société OBER, Société GOYA





Copies délivrées le :







DEMANDERESSE

Madame [H] [D]
[Adresse 3]
[Localité 2]

représentée par Me Benoît DESCLOZEAUX, avocat postulant au barreau des HAUTS-DE-SEI

NE, vestiaire : 36
et par Me Bruno CESAREO de la SCP LE METAYER & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau d’ORLEANS


DEFENDERESSES

Société OCEANE FINANCES
[Adresse 1]
[Localité 4]

Société OBER
[Adresse 1]
[Localité 4]

So...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE CIVIL

6ème Chambre

JUGEMENT RENDU LE
30 Août 2024

N° RG 21/04550 - N° Portalis DB3R-W-B7F-WVKR

N° Minute : 24/

AFFAIRE

[H] [D] divorcée [I]

C/

Société OCEANE FINANCES, Société OBER, Société GOYA

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

Madame [H] [D]
[Adresse 3]
[Localité 2]

représentée par Me Benoît DESCLOZEAUX, avocat postulant au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 36
et par Me Bruno CESAREO de la SCP LE METAYER & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau d’ORLEANS

DEFENDERESSES

Société OCEANE FINANCES
[Adresse 1]
[Localité 4]

Société OBER
[Adresse 1]
[Localité 4]

Société GOYA
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentées par Me Claire ANGUILLAUME, avocat postulant au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 14
et par Me Hélène BOREAU, avocat plaidant au barrau de NANTES

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Mai 2024 en audience publique devant :

François BEYLS, Premier Vice-Président Adjoint, magistrat chargé du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries au tribunal composé de :

François BEYLS, Premier Vice-Président Adjoint
Anne LECLERC, Juge
Quentin SIEGRIST, Vice-président

qui en ont délibéré.

Greffier lors du prononcé : Sylvie CHARRON, Greffier.

JUGEMENT

prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats au 12 juillet 2024 et prorogé au 30 août 2024.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 10 mai 2013, Mme [H] [D] a régularisé un mandat de recherches d’un investissement dans le cadre de la loi dite « Girardin » avec la société Européenne de Conseils et d’Investissements (ci-après la société « ECI ») qui l’a alors mise en relation avec la société Nordydefisc, nouvellement dénommée Océane Finances.

Le 25 juin 2013, Mme [D] a signé un bulletin d’engagement avec la société Nordydefisc, nouvellement dénommée Océane Finances, portant sur des investissements immobiliers en outre-mer en application des dispositions de l’article 199 undecies C du code général des impôts dites « Girardin Social » consistant pour l’investisseur, par le biais de sociétés civiles immobilières, à souscrire à leur augmentation de capital.

La société SCI Goya a émis un bulletin de souscription de 22 100 parts sociales pour 22 100 euros le 21 novembre 2013 et la société SCI Ober de 19 042 parts sociales pour 19 042 euros le 5 décembre 2013 « au nom et pour le compte de Mme [I]-[D] [H] ».

Au titre de ses revenus de l’année 2013, Mme [D] a bénéficié d’une réduction d’impôt relative auxdits investissements d’un montant de 43 862 euros et au titre de ses revenus de 2014 de 7 151 euros.

Par lettre du 29 septembre 2017, l’administration fiscale a notifié à Mme [D] une reprise de la réduction d’impôt « investissement outre-mer dans le logement social » de 51 013 euros aux motifs que l’acquisition des terrains relatifs à l’investissement avait été effectuée plus de 18 mois après la souscription et que les sociétés SCI Goya et SCI Ober n’avaient perçu aucun revenu au cours des années 2015 et 2016, démontrant que les immeubles n’avaient pas été loués au 31 décembre 2016.

Par lettre du 5 février 2018, l’administration fiscale a maintenu sa position.

Le 11 juin 2018, Mme [D] s’est acquittée auprès des services fiscaux du paiement de la somme de 63 210 euros, correspondant à la rectification opérée à hauteur de 55 406 euros pour les droits à impôts sur le revenu, 3 324 euros pour les intérêts de retard et 4 480 euros pour la majoration de 10%.

Par lettre recommandée du 25 septembre 2018, reçue le 1er octobre suivant, Mme [D] a, par la voix de son conseil, mis en demeure la société Oceane Finances de réparer son préjudice.

Par actes d’huissier du 9 février 2021, Mme [D] a fait assigner la société Océane Finances et les sociétés civiles immobilières SCI Goya et SCI Ober devant le tribunal de céans afin d’obtenir la condamnation de la société Oceane Finances à lui verser la somme de 63 210 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2018, la SCI Goya à lui rembourser la somme de 22 100 euros et à faire son affaire de son retrait de la société, la SCI Ober à lui rembourser la somme de 19 042 euros et à faire son affaire de son retrait de la société, outre leur condamnation solidaire à la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 9 janvier 2023, Mme [D] demande au tribunal de :
« Vu les anciens articles 1134 et suivants du code civil,
Vu les articles 1217 et suivants du code civil,
- Dire et Juger Mme [H] [D] recevable et bien fondée en ses demandes,
- Y Faire droit,
- Condamner la société Océane Finances à verser à Mme [H] [D] la somme de 63 210 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2018,
- Condamner la SCI Goya à rembourser à Mme [H] [D] la somme de 22 100 euros correspondant à sa souscription des parts sociales numérotées 23 101 à 45 200,
- Condamner la SCI Goya à faire son affaire du retrait de Mme [H] [D],
- Condamner la SCI Ober à rembourser à Mme [H] [D] la somme de 19 042 euros correspondant à sa souscription des part sociales numérotées 101 à 19 142,
- Condamner la SCI Ober à faire son affaire du retrait de Mme [H] [D],
- Débouter les sociétés défenderesses de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires,
- Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
- Condamner les sociétés Oceane Finances, Goya et Ober à verser solidairement à Mme [H] [D] la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- les Condamner aux entiers dépens. »

Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 10 mars 2023, les sociétés Oceane Finances, SCI Goya et SCI Ober, demandent au tribunal de :
« Vu les articles 1134 ancien, 1217 et 1850 du code civil,
Vu les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats,
- Débouter Mme [D] de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la société Oceane Finances,
- Débouter Mme [D] de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la SCI Goya,
- Débouter Mme [D] de l’intégralité de ses demandes formulées à l’encontre de la SCI Ober,
- Prendre acte de la demande de retrait de la SCI Goya de Mme [D] et Dire et Juger qu’elle doit prendre effet, conformément et selon la procédure prévue aux statuts, le 31 décembre de l’année civile au cours de laquelle interviendra le prononcé du jugement du tribunal judiciaire, au prix de 1 euro,
- Prendre acte de la demande de retrait de la SCI Ober de Mme [D] et Dire et Juger qu’elle doit prendre effet, conformément et selon la procédure prévue aux statuts, le 31 décembre de l’année civile au cours de laquelle interviendra le prononcé du jugement du tribunal judiciaire, au prix de 1 euro.
- Condamner Mme [D] à verser à chacune des sociétés Oceane Finances, SCI Goya et SCI Ober une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Mme [D] aux entiers dépens de la présente instance qui seront recouvrés par Maître Claire Anguillaume, avocate, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. »

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens de parties, il y a lieu de se référer à leurs dernières conclusions en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’instruction a été close par une ordonnance du 20 mars 2023 et l’affaire renvoyée pour les plaidoiries le 13 mai 2024. A l’issue de l’audience elle a été mise en délibéré au 12 juillet 2024, prorogé ce jour.

MOTIFS DE LA DECISION
Sur la responsabilité contractuelle de la société Océane Finances

Mme [D] explique en substance qu’en application de l’article 199 undecies C du code général des impôts les réductions d’impôt prévues à cet article doivent remplir plusieurs conditions dont l’investissement de 95% minimum du produit de la souscription dans les 18 mois qui suivent la clôture de l’investissement et la mise en location du logement dans les six mois suivant l’achèvement à un organisme de logement social exerçant en outre-mer pour une durée égale à cinq ans.

Elle soutient que la société Océane Finances n’a pas rempli ces conditions en sa qualité de monteur de l’opération et en sa qualité de gérante des SCI Goya et Ober.

Ainsi, elle expose que l’investissement des sommes qu’elle a versées a été réalisé après le délai de 18 mois prévu pour bénéficier de la déduction fiscale contrairement aux attestations délivrées par la société Oceane Finances et que n’ayant pas déclaré de revenus pour les années 2015 et 2016, les SCI Goya et Ober n’ont pas donné les biens en location pour ces années.

La demanderesse relève qu’elle a donné mandat à la société Nordydefisc, nouvellement dénommée Océane Finances, d’une part pour souscrire en son nom et pour son compte les parts des sociétés lui permettant de bénéficier des avantages fiscaux prévus à l’article 199 undecies C du code général des impôts et d’autre part pour l’assister lors d’une phase précontentieuse vis-à-vis de l’administration fiscale.

Elle estime que la société Océane Finances a manqué à ses obligations qui consistaient à concevoir un montage efficace permettant d’obtenir la réduction d’impôt prévue et ajoute que la société Océane Finances ne l’a pas assistée lors des discussions avec l’administration fiscale.

La demanderesse rappelle que la responsabilité de la société ECI a consisté uniquement en une mise en relation entre elle et la société Océane Finances et donc que sa responsabilité ne peut être recherchée en ce qu’elle ne comportait aucun montage ou gestion des opérations de défiscalisation.

En défense, la société Océane Finances fait valoir en substance que la société ECI à laquelle Mme [D] a confié le mandat de recherches était tenue d’une obligation de conseil et d’information à son égard sur les risques de l’opération de défiscalisation. Elle expose qu’en sa qualité de monteur de l’opération, elle est débitrice d’une obligation de moyens consistant à concevoir un montage efficace et qu’en sa qualité de gérante des SCI, elle devait concrétiser les opérations d’investissement.

La société Océane Finances considère que Mme [D] ne formule pas de reproche à son encontre en sa qualité de gérante des SCI.

Sur les fautes reprochées en sa qualité de monteur de l’opération, la société Océane Finances explique que le non-respect des délais de mise en location des logements a été écarté par l’administration fiscale dans sa réponse aux observations du contribuable. Elle réfute donc une quelconque faute à ce titre.

Elle ajoute sur le non-respect de la condition d’un investissement de 95% minimum du produit de la souscription dans les 18 mois qui suivent la clôture, que l’investissement des fonds ayant été réalisé par la SCI Goya le 30 juin 2015 et par la société SCI Ober le 23 juin 2015, elle a rempli la condition qui, selon elle, devait être réalisée avant le 30 juin 2015, soit 18 mois après la clôture de l’exercice suivant l’investissement.

La société Océane Finances considère que la position de l’administration fiscale est contestable et que Mme [D] aurait dû former une réclamation contre l’impôt mis en recouvrement et qu’elle a abandonné le débat avec l’administration fiscale à un stade prématuré.

Elle affirme qu’il lui appartenait de former une réclamation contentieuse et que le juriste de la société Océane Finances a parfaitement rempli les obligations de cette dernière en préparant un projet d’observations qui a été adressé à l’administration fiscale.

Elle estime que Mme [D] en choisissant, sur les recommandations de son propre conseil en gestion de patrimoine, de ne pas contester le redressement opéré, a commis une faute participant à son propre préjudice.

* * *
L’article 1147 ancien du code civil, dans sa version applicable à l’espèce, dispose que « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
L'article 199 undecies C - IV du code général des impôts, dans sa version applicable à l’espèce, dispose que : « IV. (…) La réduction d'impôt, qui n'est pas applicable aux parts ou actions dont le droit de propriété est démembré, est subordonnée à la condition que 95 % de la souscription serve exclusivement à financer un investissement pour lequel les conditions d'application du présent article sont réunies. L'associé doit s'engager à conserver la totalité de ses parts ou actions jusqu'au terme de la location prévue au 1° du I. Le produit de la souscription doit être intégralement investi dans les dix-huit mois qui suivent la clôture de celle-ci. V.- La réduction d'impôt fait l'objet d'une reprise au titre de l'année au cours de laquelle :
1° Les conditions mentionnées au I ou, le cas échéant, au IV ne sont pas respectées ;
2° L'engagement prévu au IV n'est pas respecté ; »
Et l’article 199 undecies C - I du même code dispose que : « I. (…) 7° A l'issue de la période de location mentionnée au 1°, les logements ou les parts ou actions des sociétés qui en sont propriétaires sont cédés, dans des conditions, notamment de prix, définies par une convention conclue entre leur propriétaire et l'organisme locataire au plus tard lors de la conclusion du bail, à l'organisme locataire ou à des personnes physiques choisies par lui et dont les ressources, au titre de l'année précédant celle de la première occupation du logement, n'excèdent pas des plafonds fixés par décret en fonction du nombre de personnes destinées à occuper à titre principal le logement et de la localisation de celui-ci. Pour l'application du présent 7°, et nonobstant le 1°, la cession des logements et, le cas échéant, des parts ou actions des sociétés mentionnées au IV peut intervenir à l'expiration d'un délai de cinq ans décompté à partir de l'achèvement des fondations. La reprise prévue au 3° du V ne trouve pas à s'appliquer si la location prévue au 1° prend fin à la suite d'une cession de l'immeuble au profit du preneur conformément au présent 7° ; »

* * *
En l’espèce l'article 199 undecies C du code général des impôts porte un dispositif de défiscalisation destiné à encourager les investissements dans les DOM-TOM.

Ce dispositif consiste notamment à procéder à la souscription au capital d'une société civile immobilière (SCI) ayant comme objet exclusif la construction ou l'achat d`un logement neuf en Outre-Mer pour ensuite le donner en location à un bailleur social qui doit le louer à des locataires éligibles au secteur du logement social durant au moins cinq ans.

La société civile doit avoir investi 95% de la souscription dans les dix-huit mois qui suivent la clôture de la souscription.

L'administration fiscale a opéré le redressement de Mme [D] au motif, d’après sa réponse à observation du 5 février 2018, que la souscription au capital des sociétés civiles immobilières a été effectuée respectivement les 21 novembre et 5 décembre 2013 et aurait dû être réinvestie dans le délai de 18 mois dans la construction des immeubles neufs, soit au plus tard les 21 mai et 5 juin 2015, et que l’acquisition des terrains à elle seule a été effectuée au-delà du délai de la souscription. Elle relève également que la SCI Goya et la SCI Ober n’ont pas répondu aux demandes d’information de l’administration fiscale et que la date d’achèvement des immeubles, leur prix de revient et les baux conclus avec les organismes sociaux n’ont pas été produits ne permettant pas de justifier du respect du délai de 6 mois de mise en location après l’achèvement de l’immeuble.

Il ressort du document intitulé « bulletin d’engagement-mandat » signé par Mme [D] le 25 juin 2013 et des attestations délivrées par la société Océane Finances (anciennement Nordydefisc) le 30 avril 2015 que celle-ci a souscrit, 22 100 parts au capital de la SCI Goya et 19 042 parts au capital de la SCI Ober pour un montant total de 41 142 euros dans le but de bénéficier d'un dispositif de réduction fiscale.

Il est mentionné aux termes de ces attestations « la société Océane Finances déclare que (…) - 95% de la souscription a bien été investi dans le logement social dans les 18 mois, conformément à l’article 199 undecies C du code général des impôts ».

Or, il est constant que les SCI Goya et Ober ont acquis respectivement les 23 et 30 juin 2015 les terrains relatifs audits investissements, soit après que la société Océane Finances en a attesté.

Il n'est pas contesté que l'administration fiscale a opéré à l'encontre de Mme [D] un redressement fiscal correspondant aux réductions pratiquées pour ses revenus 2015 au titre des investissements souscrits qui n'étaient pas éligibles au dispositif de réduction fiscale d’une part en raison du délai de réalisation qui n’a pas été respecté et d’autre part en raison du non-respect de la mise en location des biens.

Si la société Océane Finances estime que la société ECI était tenue à une obligation d’information et de conseil à l’égard de Mme [D], elle ne conteste pas avoir organisé le montage fiscal pour lequel elle a bénéficié d'un mandat de Mme [D], se définissant comme « monteur » de l’opération fiscale et comme conseiller en investissements financiers aux termes du mandat qui lui a été donné.

La société Océane Finances avait donc l'obligation, en cette qualité, de s'assurer de l'effectivité de son montage fiscal et de permettre à l’investisseur de bénéficier de la réduction fiscale.

La société Océane Finances ne peut pas soutenir que le redressement litigieux a été effectué à tort par l'administration fiscale alors qu’il ressort de la réponse à observations du 5 février 2018 que les SCI Ober et Goya, dont elle était la gérante, se sont abstenues de répondre aux demandes de l’administration fiscale, ne permettant pas d’établir que les sommes versées avaient été réinvesties dans le délai de dix-huit mois dans la construction des immeubles neufs et qu’elles n’ont répondu à aucune demande d’information de l’administration fiscale sur la date d’achèvement des immeubles neufs et le prix de revient pas plus que sur les baux conclus avec les organismes sociaux.

La remise en cause de la réduction d’impôt par l'administration fiscale dont Mme [D] avait bénéficié au titre de l’impôt sur le revenu 2015 caractérise la faute de la société Océane Finances en sa qualité de monteur de l’opération.

Au surplus, la société Oceane Finances ne produit pas au débat d’élément suffisant relatif à l’assistance qu’elle prétend avoir apportée à Mme [D] dans le cadre du redressement opéré, de sorte qu’elle est mal fondée à affirmer avoir procédé aux diligences requises conformément aux termes du « bulletin d’engagement-mandat » du 25 juin 2013 qui stipule « je verse ce jour, par chèque à l’ordre de la SARL Nordydefisc, une somme correspondant à 1% du montant indiqué ci-dessus, pour le suivi fiscal, phase précontentieuse (réponse aux demandes d’informations et propositions de rectification n°2021) ».

Il ne peut être reproché par la société Océane finances à Mme [D] de ne pas avoir contesté la décision de redressement de l’administration fiscale alors qu’il ressort des éléments précités qu’elle a elle-même manqué à ses propres obligations en ne fournissant pas les renseignements demandés par l’administration fiscale.

Dès lors la société Océane Finances, par la faute de laquelle Mme [D] s’est vue notifiée un redressement par l’administration fiscale, doit réparer le préjudice subi par cette dernière, qui est la conséquence directe des fautes qu’elle a commises.

Sur le préjudice

Mme [D] explique être bien fondée à solliciter la condamnation de la société Océane Finances à lui verser la somme de 63 210 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2018.

Les sociétés défenderesses opposent à Mme [D] que la somme de 63 210 euros correspond à un ensemble de réhaussements qui ne comprend pas seulement la réduction prévue pour l’investissement réalisé dans le capital des SCI Goya et Ober.

Elles exposent que la perte d’un avantage fiscal ne peut pas constituer un préjudice indemnisable dès lors que le contribuable est seulement tenu de payer l’impôt auquel il était légalement tenu.

Elles ajoutent que les intérêts de retard ne constituent pas un préjudice indemnisable en ce qu’ils ne sont que la contrepartie du temps pendant lequel le contribuable a pu conserver les fonds revenant à l’administration fiscale dans sa trésorerie.

* * *

En l’espèce et ainsi qu’il a été décidé, la faute de la société Océane Finances dans la réalisation de l'opération a eu pour conséquence de faire perdre à Mme [D] la totalité de la déduction fiscale à laquelle l'investissement consenti lui donnait droit et d’être l'objet d'un redressement fiscal auquel elle a dû se soumettre, caractérisant ainsi le lien de causalité entre le manquement de la société Océane Finances, monteur de l’opération, et le préjudice subi par Mme [D].

En application du principe de la réparation intégrale du préjudice, le montant de la réparation résultant du redressement correspond au gain fiscal escompté et perdu, étant précisé que, le dispositif dit « Girardin » permet d'obtenir une réduction d'impôt supérieure aux investissements.

Mme [D] a investi la somme totale 41 142 euros étant précisé qu’aux termes du « bulletin d’engagement-mandat » du 25 juin 2013, cette souscription devait lui procurer « une réduction d’impôt sur le revenu au titre de l’année 2013 égale à 1,25 fois le montant de l’apport en numéraire mentionné ci-dessus ».

Il ressort des avis d’imposition sur les revenus 2013 et 2014 de Mme [D] qu’elle a déclaré une réduction d’impôt de 51 450 euros dont 43 862 euros retenus pour l’année 2013 et 7 151 euros retenus pour l’année 2014 (soit en réalité 51 013 euros correspondant, à 413 euros près, à 1,25 fois le montant de l’apport).

Mme [D] demande que la société Océane Finances soit condamnée à lui verser la somme de 63 210 euros qu’elle a versée le 11 juin 2018 à l’administration fiscale au titre de l’impôt sur le revenu.

Il ressort de la réponse de l’administration fiscale du 5 février 2018 que la rectification pour l’année 2015, s’élevant à la somme de 55 406 euros outre la somme de 3 324 euros au titre des intérêts de retard et celle de 4 480 euros au titre de la majoration de 10%, est la conséquence exclusive de la faute de la société Océane Finances compte tenu de la reprise de la réduction précédemment déclarée au titre de l’investissement litigieux.

Cette somme correspond au préjudice actuel et certain subi par Mme [D] en raison de la faute de la société Océane Finances, laquelle n’aurait pas été versée à l’administration fiscale par Mme [D] si le montage mis en place par cette société avait été effectif.

En conséquence, la société Oceane Finances sera condamnée à verser à Mme [D] la somme de 63 210 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2018, date de la mise en demeure.

Sur les demandes à l’égard des sociétés SCI Goya et SCI Ober

Mme [D] expose que la souscription au capital des SCI n’ayant été effectué que pour bénéficier des réductions fiscales, elle est bien fondée à solliciter le rachat desdites parts sociales pour 22 100 euros pour la SCI Goya et pour 19 042 euros pour la SCI Ober.

Les sociétés défenderesses expliquent que Mme [D] n’a pas recherché la responsabilité des sociétés SCI Goya et SCI Ober et demandent que le retrait soit opéré conformément aux statuts, à savoir à la clôture de l’exercice au cours duquel il est demandé et moyennant un prix de rachat fixé à l’euro symbolique.

* * *
L’article 1869 du code civil dispose que « sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice.
A moins qu'il ne soit fait application de l'article 1844-9 (3ème alinéa), l'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, fixée, à défaut d'accord amiable, conformément à l'article 1843-4. »
L’article 1843-4 du code civil dans sa version en vigueur à l’espèce, dispose que :
« I. – Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.
L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.
II. – Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa.
L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties. »
En l’espèce, il est stipulé aux termes du pouvoir signé le 25 juin 2013 par Mme [D], qu’elle donne mandat à la société Nordydefisc, nouvellement dénommée Océane Finances, pour « - signer, en mon nom et pour mon compte, les promesses d’achat et promesses de vente réciproques des droits sociaux désignés ci-dessous, au profit de toute personne morale ou personne physique choisie par le mandataire, - signer au terme en mon nom et pour mon compte, les actes de cession desdites parts sociales en exécution des promesses réciproques d’achat et de vente précitées (…) Il s’agit de la totalité des droits sociaux que j’aurais souscrits en 2013 dans une ou plusieurs sociétés spécialement constituées pour véhiculer les avantages fiscaux au titre de l’impôt sur le revenu prévus aux articles 199 undecies C ou 199 undecies B du code générale des impôts ; ces parts sociales seront promises puis cédées, au terme du délai minimum de conservation imposé par la loi, au bénéficiaire choisi par le mandataire au prix symbolique de 1 (un) euro pour l’ensemble des parts sociales détenues dans chaque société. ».

Ces stipulations doivent être lues au regard des dispositions de l’article 199 undecies C - I du code général des impôts qui dispose que « à l'issue de la période de location les parts ou actions des sociétés qui sont propriétaires des logements sont cédés, dans des conditions, notamment de prix, définies par une convention conclue entre leur propriétaire et l'organisme locataire au plus tard lors de la conclusion du bail, à l'organisme locataire ou à des personnes physiques choisies par lui et dont les ressources, au titre de l'année précédant celle de la première occupation du logement, n'excèdent pas des plafonds fixés par décret en fonction du nombre de personnes destinées à occuper à titre principal le logement et de la localisation de celui-ci. »

De plus, l’article 14 des statuts des sociétés SCI Goya et SCI Ober, produits en pièces n°10 et 11 des défenderesses, stipulent « en cas de remboursement, le prix de rachat des parts sociales de l’associé retrayant est fixé à l’euro symbolique ».

En l’espèce, Mme [D] n’ayant pas demandé le retrait dans les conditions prévues à l’article 14 des statuts, sa demande s’analyse en une demande de retrait judiciaire pour justes motifs prévue à l’article 1869 du code civil.

Ainsi qu’il a été expliqué, la souscription des parts des sociétés civiles immobilières et leur détention étaient motivées par l’opération de défiscalisation afin de répondre aux exigences prévues à l’article 199 undecies C du code général des impôts.

Les sociétés défenderesses ne justifiant pas de la cession des parts souscrites dans les conditions prévues au pouvoir donné par Mme [D] à la société Nordydefisc le 25 juin 2013, il y a lieu d’ordonner son retrait total des sociétés SCI Goya et SCI Ober.

S’agissant de la valeur des droits sociaux rachetés, celle-ci est déterminée par les statuts de chacune des sociétés à la somme de 1 euro.

En outre, s’agissant d’une opération de défiscalisation et ainsi qu’il ressort du pouvoir donné par Mme [D] à la société Nordydefisc, nouvellement dénommée Océane Finances, le 25 juin 2013, il était prévu dès l’origine que le montant de l’investissement dans les parts des sociétés civiles immobilières n’avait pas vocation à être récupéré et que l’ensemble des parts sociales détenues dans chaque société devait être cédé au prix symbolique de un euro.

Dès lors, Mme [D] sera déboutée de ses demandes de condamnations de la SCI Goya et de la SCI Ober à lui rembourser la somme respectivement de 22 100 euros et de 19 042 euros.

Le retrait total de Mme [D] des sociétés SCI Goya et SCI Ober devra donc intervenir dans le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision au prix de un euro pour l’ensemble des droits sociaux qu’elle détient dans chacune des sociétés.

Sur les demandes accessoires
 
Partie perdante au procès, la société Océane Finances sera condamnée à payer à Mme [D] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

La demande de Mme [D] au titre des frais irrépétibles à l’encontre des sociétés SCI Goya et SCI Ober est rejetée.

Les demandes des sociétés Océane Finances, SCI Goya et SCI Ober au titre des frais irrépétibles sont rejetées.

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Compte tenu de la nature de l’affaire et de son ancienneté, il n’y a pas lieu en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, et par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE la société Océane Finances à verser à Mme [H] [D] la somme de de 63 210 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2018, à titre de dommages et intérêts,

ORDONNE le retrait total de Mme [H] [D] de la société SCI Goya moyennant le prix de un euro pour l’ensemble des droits sociaux qu’elle détient dans la société dans les deux mois qui suivent la signification de la présente décision,

ORDONNE le retrait total de Mme [H] [D] de la société SCI Ober moyennant le prix de un euro pour l’ensemble des droits sociaux qu’elle détient dans la société dans les deux mois qui suivent la signification de la présente décision,

DÉBOUTE Mme [H] [D] de sa demande de condamnations de la société SCI Goya pour la somme de 22 100 euros,

DÉBOUTE Mme [H] [D] de sa demande de condamnations de la société SCI Ober pour la somme de 19 042 euros,

CONDAMNE la société Océane Finances à verser à Mme [H] [D] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les demandes de Mme [H] [D] au titre des frais irrépétibles dirigées contre les sociétés SCI Goya et SCI Ober,

REJETTE les demandes des société Océane Finances, SCI Goya et SCI Ober au titre des frais irrépétibles dirigées contre Mme [H] [D],

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la société Océane Finances aux entiers dépens de l’instance,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la décision est de droit.

signé par François BEYLS, Premier Vice-Président Adjoint et par Sylvie CHARRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nanterre
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/04550
Date de la décision : 30/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-30;21.04550 ?
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