TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE
2ème Chambre
ORDONNANCE DE MISE EN ETAT
Rendue le 02 Août 2024
N° RG 21/07209 - N° Portalis DB3R-W-B7F-W3HG
N° Minute : 24/
AFFAIRE
[Z] [Y]
C/
S.A. ALLIANZ IARD, S.A.S. BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE, S.A. ICF LA SABLIERE exerçant sous le nom commercial ICF HABITAT LA SABLIERE, S.A.S.U. CIEC, CPAM DES HAUTS DE SEINE, SAS SATEB et SAS HERVE THERMIQUE
Copies délivrées le :
A l’audience du 2 Juillet 2024,
Nous, Julia VANONI, Juge de la mise en état assistée de Fabienne MOTTAIS, Greffier,
DEMANDERESSE
Madame [Z] [Y]
[Adresse 7]
[Localité 16]
représentée par Me Charlotte TEISSIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : PN 308
DEFENDERESSES
S.A. ALLIANZ IARD
[Adresse 2]
[Localité 15]
représentée par Me Mathieu CENCIG, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 303
S.A.S. BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 13]
représentée par Maître Nathalie ROINE de la SELARL ROINÉ ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : A0002
S.A. ICF LA SABLIERE exerçant sous le nom commercial ICF HABITAT LA SABLIERE
[Adresse 6]
[Localité 11]
représentée par Maître Karim BOUANANE de l’ASSOCIATION LEGITIA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : E1971
S.A.S.U. CIEC
[Adresse 5]
[Localité 10]
représentée par Maître Brigitte BEAUMONT de la SELEURL CABINET BRIGITTE BEAUMONT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : A0372
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
[Adresse 3]
[Localité 14]
représentée par Maître Stéphane FERTIER de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L0075
SAS SATEB
[Adresse 9]
[Localité 12]
représentée par Me Véronique MAZURU, avocate au barreau de PARIS, vestiaire E 1983
SAS HERVE THERMIQUE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 8]
ORDONNANCE
Par décision réputée contradictoire susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile, et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats au 25 juillet 2024, prorogé au 2 août 2024.
Les avocats des parties ont été entendus en leurs explications, l’affaire a été ensuite mise en délibéré et renvoyée pour ordonnance.
Avons rendu la décision suivante :
EXPOSE DU LITIGE
Par actes d’huissier du 2 septembre 2021, Mme [Z] [Y] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Nanterre la société ICF La Sablière – exerçant sous le nom commercial ICF Habitat La Sablière – ainsi que son assureur, la SA Allianz Iard, en présence de la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine, aux fins de voir réparer son préjudice corporel consécutif à l’accident dont elle a été victime le 18 août 2016, ayant été brûlée sur diverses parties du corps à la suite de la rupture d’une canalisation d’eau chaude au sein de son logement qu’elle occupe avec ses enfants, et qu’elle loue auprès de la société ICF La Sablière.
Il convient de préciser que deux ordonnances de référé ont été rendues à la suite de cet accident : la première le 13 mai 2017, aux termes de laquelle une expertise médicale confiée au docteur [O] a été ordonnée et une provision de 5 000 euros lui a été allouée, mise à la charge de la société ICF La Sablière, exerçant sous le nom commercial ICF Habitat La Sablière, et une seconde, le 21 mars 2019, ayant alloué une provision complémentaire à Mme [Y] de 20 000 euros, outre 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au paiement de laquelle la même société a été condamnée in solidum avec son assureur, la SA Allianz Iard.
Le docteur [O] a déposé son rapport le 9 juin 2020, après avoir recueilli l’avis d’un sapiteur psychiatre, le docteur [X].
Par actes des 4 et 11 octobre 2022, la SA Allianz Iard a fait assigner en intervention forcée aux fins de garantie la société CIEC et la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, sur le fondement des articles 1240 et 1242 du code civil, la dernière étant tenue de la garantie décennale et la seconde étant titulaire du marché d’entretien et de maintenance des installations d’eau chaude.
La jonction de ces procédures a été ordonnée le 21 mars 2023.
Par actes des 10 et 11 juin 2024, la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France a fait assigner en intervention forcée les sociétés Sateb et Hervé Thermique.
Au cours de l’instruction de l’affaire et par conclusions notifiées par la voie électronique le 25 septembre 2023, la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France a saisi le juge de la mise en état aux fins de voir déclarer la SA Allianz Iard irrecevable en ses demandes à son encontre.
Par conclusions d’incident notifiées par la même voie le 1er décembre 2023, la société CIEC a conclu dans le même sens.
Dans ses dernières conclusions sur incident notifiées par la voie électronique le 25 juin 2024, la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France demande au juge de la mise en état de :
Déclarer irrecevable car prescrite l’action de la société Allianz Iard à son encontre, Déclare irrecevable pour défaut d’intérêt à agir l’action de la société Allianz Iard à son encontre, Condamner la SA Allianz Iard à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, dont distraction au profit de Me Roiné, de la SELARL Roiné et associés.
Dans ses dernières conclusions sur incident notifiées par la voie électronique le 1er juillet 2024, la société CIEC demande au juge de la mise en état de :
Déclarer prescrite et donc, irrecevable, la SA Allianz Iard dans ses demandes à son encontre, Subsidiairement, dire que la SA Allianz Iard ne justifie pas de la subrogation dont elle se prévaut et la déclarer en conséquence irrecevable en son action à son encontre,Plus subsidiairement, dire que la SA Allianz Iard ne justifie d’une subrogation dans les droits de Mme [Y] qu’à concurrence de la somme de 22 500 euros et déclarer prescrites les demandes excédant ce montant pour lequel la preuve d’une subrogation n’est pas rapportée, En tout état de cause, Débouter les parties de toutes leurs demandes, Condamner la SA Allianz Iard à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Dans ses dernières conclusions en réplique sur incident notifiées par la voie électronique le 2 juillet 2024, la SA Allianz Iard demande au juge de la mise en état de :
Débouter la société CIEC et la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France de toutes leurs demandes, Renvoyer l’affaire au fond pour les conclusions des parties, Les condamner à lui payer chacune la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Ainsi que le permet l’article 455 du code de procédure civile, il convient de renvoyer aux dernières conclusions des parties pour un exposé plus détaillé de leurs prétentions et moyens.
La société IDF La Sablière et Mme [Y] n’ont pas conclu sur incident.
L’incident, initialement fixé à l’audience du 5 mars 2024 pour être plaidé et ayant fait l’objet de deux renvois afin de permettre aux parties de se mettre en état, a été évoqué à l’audience du 2 juillet 2024, avant d’être mis en délibéré au 25 juillet 2024, prorogé au 2 août 2024 par mise à disposition au greffe.
Il convient de préciser que la société CIEC qui avait seule sollicité le renvoi de l’affaire, motif pris du caractère tardif des dernières conclusions récapitulatives sur incident notifiées par la SA Allianz Iard, ainsi que sa communication complémentaire de pièces, a été autorisée, après que cette demande de renvoi a été rejetée compte tenu des deux précédents renvois accordés, à produire une note en délibéré, ce qu’elle a fait le 11 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la jonction
Il convient d’ordonner la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 21/7209 et 24/5050, en suite des assignations en intervention forcée délivrées par la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France aux sociétés Sateb et Hervé Thermique.
Sur la recevabilité des demandes de la SA Allianz Iard à l’encontre de la société CIEC et de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France
Moyens des parties
Les sociétés CIEC et Bouygues Bâtiment Ile-de-France concluent dans le même sens quant à la prescription de l’appel en garantie formé à leur encontre par la SA Allianz Iard, relevant qu’elle est intervenue volontairement aux côtés de son assurée, dès la première instance diligentée en référé par Mme [Y] aux fins d’expertise et de provision, invoquant à cette fin le bénéfice de la prescription quinquennale de droit commun. S’agissant des indemnités provisionnelles que la SA Allianz Iard aurait réglées à la victime, elles soulèvent l’une comme l’autre que les conditions de la subrogation légale, comme de la subrogation conventionnelle ne sont pas remplies, soulignant notamment que la police produite en dernier lieu évoque une franchise à la charge de l’assurée de 400 000 euros par sinistre, le quantum des demandes de Mme [Y] n’excédant pas en dernier lieu la somme de 150 000 euros.
La SA Allianz Iard conclut au rejet de ces moyens d’irrecevabilité qu’elle estime mal fondés et rappelle avoir produit la police d’assurance la liant à son assurée, la société ICF La Sablière, dans sa dernière version applicable, ainsi qu’avoir rapporté de manière suffisante la preuve du paiement des sommes qu’elle a réglées à Mme [Y] en exécution des ordonnances rendues en référé.
Appréciation du tribunal
Qu’il s’agisse du recours subrogatoire exercé par la SA Allianz Iard ou de son appel en garantie, les demanderesses à l’incident opposent les mêmes moyens d’irrecevabilité.
Aux termes de l'article 789 6° du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les ifns de non-recevoir.
L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
1/ Sur le recours subrogatoire de la SA Allianz Iard
Selon les dispositions de l’article L. 121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.
Pour bénéficier de la subrogation légale de plein droit, l’assureur doit justifier qu’il a effectivement payé l’indemnité d’assurance et que le paiement est intervenu en exécution de l’obligation de garantie qu’il avait souscrite par contrat.
Par ailleurs, selon l’article 1250 ancien du code civil, devenu l’article 1346-1 du même code, la subrogation est conventionnelle, lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur. Cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement.
L’assureur qui a payé l'indemnité d'assurance dispose contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur, non seulement de la subrogation légale spéciale du code des assurances, mais aussi du droit d'invoquer la subrogation conventionnelle dans les droits de son assuré, prévue par le code civil (voir notamment en ce sens, 2ème Civ., 17 novembre 2016, n°15-25.405).
S'agissant des indemnités que la SA Allianz Iard indique avoir réglé à Mme [Y] à titre de provisions à valoir sur la réparation de son préjudice corporel, il est constant que l'action de l'assureur subrogé contre le responsable est soumise à la prescription applicable à l'action directe de la victime (2ème Civ., 15 mars 2007, n°06-11.509) et que le point de départ de la prescription de l'action du subrogé est identique à celle de l'action du subrogeant (Civ. 1re, 2 févr. 2022, no20-10.855).
Partant, la prescription applicable au recours subrogatoire de la SA Allianz Iard au titre des indemnités provisionnelles qu'elle a réglées à Mme [Y] est la prescription spéciale de l'article 2226 du code civil, soit dix ans à compter de la consolidation du dommage.
La consolidation de l'état de santé de la victime directe en suite de l'accident dont elle a été victime ayant été fixée à la date du 16 avril 2019, aux termes de l'expertise judiciaire diligentée par le docteur [O], le recours subrogatoire de la SA Allianz Iard, initiée par l'assignation qu'elle a fait délivrer les 4 et 11 octobre 2022, respectivement à la CIEC et à la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France n'est pas tardif, la prescription de l'action de la victime directe, dans les droits de laquelle la SA Allianz Iard prétend être subrogée à concurrence de ce qu'elle a réglé à titre de provision, n'étant pas prescrite à cette date.
Toutefois, il appartient encore à la SA Allianz Iard d'établir que les conditions de la subrogation sont réunies, ce que contestent la CIEC et la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France.
La SA Allianz Iard se prévalant tout à la fois de la subrogation légale et de la subrogation conventionnelle, elle doit rapporter la preuve du paiement des indemnités provisionnelles dont elle se prévaut.
A cet égard, elle excipe d'une part, des décisions qui ont été rendues en référé au bénéfice de Mme [Y] et qui l'ont condamnées au paiement desdites indemnités provisionnelles et d'autre part, des conclusions qui ont été déposées au fond par Mme [Y] elle-même, ainsi que par la société ICF La Sablière, son assuré, aux termes desquelles celles-ci indiquent pour la première, qu'elle a perçu les dites provisions et pour la seconde, qu'elles ont été réglées directement par la SA Allianz Iard. Elle produit par ailleurs des captures d'écran qui établissent selon elle les règlements qu'elle a assurés au profit de la Mme [Y] à concurrence de la somme totale de 25 000 euros.
Si les ordonnances rendues en référé au bénéfice de Mme [Y] ont condamné la société ICF La Sablière, in solidum avec la SA Allianz Iard en ce qui concerne la seconde uniquement, au paiement d'indemnités provisionnelles, ainsi qu'au paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles, force est de constater d'une part, qu'aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives notifiées au fond, Mme [Y] ne se contente pas de reprendre les termes de ces décisions, mais retient, s'agissant de la liquidation de ses préjudices, dans le dispositif de ses conclusions, qu'il convient de déduire les sommes réglées qui lui ont été réglées à titre provisionnel à concurrence de la somme de 25 000 euros et d'autre part, que la société ICF La Sablière, tenue au paiement à son égard, indique que seule la SA Allianz Iard a procédé au règlement de l’intégralité de cette somme au profit de la victime directe.
Aussi, il est suffisamment rapporté la preuve, par les déclarations respectives de Mme [Y] et de la société ICF La Sablière, susceptibles de constituer un aveu judiciaire au sens de l'article 1383 du code civil, que la SA Allianz Iard a réglé à la première une indemnité provisionnelle totale de 25 000 euros, sans qu'il ne soit dès lors nécessaire d'exiger d'elle qu'elle l'établisse par un autre moyen.
Si la preuve d'un paiement est rapportée, force est de constater que la SA Allianz Iard ne peut toutefois se prévaloir de la subrogation légale du code civil dès lors qu'il n'est produit aucune pièce établissant la volonté qu'aurait eu Mme [Y] concomitamment ou antérieurement aux paiements qu'elle a reçus de la première de la subroger dans ses droits.
Il appartient donc à la SA Allianz Iard, qui ne peut se prévaloir que de la subrogation légale de l'article L. 121-12 du code des assurances, de rapporter la preuve qu'elle a payé ces sommes parce qu'elle y était obligée en exécution de la garantie souscrite auprès d'elle par la société ICF La Sablière.
Il résulte à cet égard de la pièce intitulée « Programme d'assurance – Tous risques sauf dommages et pertes financières consécutives – Avenant de refonte » (pièce de la SA Allianz Iard n°20) qui concerne la SNCF et ses sociétés filles, au nombre desquelles est visée la société ICF Habitat – qui mentionne bien un numéro de police identique à celui qui figure dans le document que la SA Allianz Iard avait précédemment communiqué (pièce de la SA Allianz Iard n°1), à savoir la police Allianz Eurocourtage n°17 624 029 « pour les biens, frais et pertes consécutifs des sociétés du groupe ICF Habitat » - que le contrat d'assurance conclu pour la filiale ICF Habitat (pages 96 et suivantes de la pièce de la SA Allianz Iard n°20) inclut une garantie « responsabilité civile propriétaire d'immeuble » ayant pour objet de la « garantir contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu'i peut encourir, et consécutives à un dommage garanti, en vertu des articles 1382 à 1386 et 1719 à 1721 du code civil, en raison de l'ensemble des dommages corporels, à savoir toute atteinte corporelle subie par une personne physique, y compris les conséquences d'ordre psychique ou moral (...) ».
Si aux termes du chapitre 1 de ce contrat consacré à la définition des termes usités et plus précisément, à l'article 7 relatif à la franchise, il est stipulé que « dans le cas d'un sinistre mettant en jeu plusieurs garanties du contrat, seule la franchise la plus élevée sera applicable (…). Il est appliqué une franchise aggregate de 400 000 euros par an. Après application des franchises contractuelles de base, l'assuré accepte de prendre à sa charge une deuxième franchise de 400 000 euros par année d'assurance (…) », il est toutefois expressément prévu au contrat, et indiqué en gras, que ces stipulations ne s'appliquent pas aux garanties « responsabilité civile » et « défense et recours ».
En l'espèce et ainsi qu'il a été relevé plus avant, c'est précisément la garantie « responsabilité civile propriétaire d'immeuble » qui a vocation à être mobilisée pour l'indemnisation du préjudice corporel subi par Mme [Y], preneuse à bail d'un immeuble dont la société ICF La Sablière est propriétaire.
Aussi, cette franchise double, d'un montant total de 800 000 euros, ne s'applique pas et n'est pas opposable à la SA Allianz Iard.
En revanche, le chapitre 6 dudit contrat propre à la société ICF La Sablière (pages 110 et suivantes) relatif aux montants des garanties et franchises indique expressément, à l'article 6.2, que « le règlement des sinistres à charge de l'assureur s'effectuera sous déduction d'une franchise par sinistre de :
Franchise dommage
- Tous dommages : 13 000 euros
Sauf
(…)
- Responsabilité civile propriétaire d'immeubles : 1 500 euros
(...) ».
Il s'ensuit que seule une franchise d'un montant de 1 500 euros est à la charge de la société ICF La Sablière, étant toutefois observé que l'ordonnance de référé rendue en dernier lieu le 21 mars 2019 par le président du tribunal judiciaire de Nanterre a également condamné la SA Allianz Iard, in solidum avec son assuré, à régler à Mme [Y] la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles, ce qui est susceptible d'épuiser la franchise, étant relevé que la société ICF La Sablière a indiqué dans ses conclusions, ainsi qu'il a été relevé plus avant, que la SA Allianz Iard avait seule assumé la charge de l'exécution de ladite ordonnance, la demanderesse au principal ayant indiqué en avoir reçu paiement intégral de ses causes.
Aussi, la SA Allianz Iard établit bien qu'elle a payé ces indemnités provisionnelles en exécution d'une obligation de garantie régulièrement souscrites, étant relevé qu'il est indifférent que la police souscrite, au demeurant spécialement conclue dans l'intérêt de son souscripteur assuré et de ses bénéficiaires puisqu'il s'agit du programme d'assurance de la SNCF, ne soit pas signée de l'assuré lui-même pour que l'assureur puisse s'en prévaloir à l'encontre d'un tiers dans le cadre de son action subrogatoire.
Les fins de non-recevoir opposées à la SA Allianz Iard s'agissant de l'exercice de son recours subrogatoire à concurrence des indemnités provisionnelles réglées à Mme [Y] pour une somme de 25 000 euros seront écartées, étant observé qu'en l'état des demandes formées par la SA Allianz Iard au fond et dont le tribunal se trouve saisi par l'assignation en intervention forcée qu'elle a fait délivrer aux sociétés CIEC et Bouygues Bâtiment Ile-de-France, elle ne se prévaut à leur encontre que des sommes réglées au bénéfice de Mme [Y] elle-même.
2/ Sur l'appel en garantie
La SA Allianz Iard poursuit forme également un appel en garantie contre les sociétés CIEC et Bouygues Bâtiment Ile-de-France, au sens de l'article 334 du code de procédure civile, s'agissant de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre dans le cadre de la présente instance, au bénéfice de Mme [Y].
Une telle action repose sur le droit commun de la responsabilité extra-contractuelle, la SA Allianz Iard n'entretenant aucune relation contractuelle avec les sociétés CIEC et Bouygues Bâtiment Ile-de-France.
Aussi, la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil s'applique.
S'agissant du point de départ de la prescription de l'appel en garantie, la Cour de cassation juge à présent que celui qui forme l'appel en garantie ne peut agir à cette fin avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution de l'obligation en nature, de sorte qu'il ne peut être considéré comme inactif, pour l'application de la prescription extinctive, avant l'introduction des demandes principales. Dès lors, l'assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action de celui qui entend être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou qui tend à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures (3ème Civ., 14 décembre 2022, n°21-21.305). Elle a précisé que cette jurisprudence nouvelle était immédiatement applicable aux instances en cours.
En l'espèce, il est constant que Mme [Y] a fait assigner une première fois en référé la société ICF La Sablière devant le président du tribunal d'instance de Courbevoie par acte d'huissier du 12 janvier 2017, aux fins de voir ordonner une expertise médicale et pour qu'il lui soit alloué une provision, la SA Allianz Iard étant intervenue volontairement à l'instance en sa qualité d'assureur de la société ICF La Sablière.
Le juge des référés ayant statué en second lieu en mars 2019 a retenu que la demande d'indemnité provisionnelle, dirigée contre la société ICF La Sablière, était fondée, au vu des éléments produits « susceptibles de rendre vraisemblable l'existence d'une faute imputable à la société ICF La Sablière dont la société Allianz Iard ».
Toutefois, seule la société ICF La Sablière a été condamnée à lui régler la somme de 5 000 euros à titre provisionnel, et il n'est pas établi que Mme [Y] ait sollicité, postérieurement à l'intervention volontaire à l'instance de la SA Allianz Iard, sa condamnation in solidum avec son assuré, pas plus qu'elle ne serait prévalue du bénéficie de l'action directe ouverte par les dispositions de l'article L. 124-3 du code des assurances.
Aussi, il ne peut pas être considéré, au vu de la jurisprudence susvisée, que l'action introduite en référé devant le président du tribunal d'instance de Courbevoie, bien qu'elle tendait à l'octroi d'une provision, était accompagnée d'une demande de la victime directe de reconnaissance d'un droit qu'elle détiendrait contre la SA Allianz Iard, cette demande étant uniquement dirigée contre son assurée, la SA ICF La Sablière.
Ce n'est donc que par la seconde assignation qu'elle a faite délivrer devant le président du tribunal judiciaire de Nanterre statuant en référé que Mme [Y] a formé une demande d'indemnité provisionnelle complémentaire contre son bailleur et l'assureur de celui-ci, la SA Allianz Iard, poursuivant leur condamnation in solidum.
Cette assignation lui a été délivrée, selon les mentions qui figurent dans l'ordonnance de référé, le 19 décembre 2018.
Aussi, et en application des dispositions de l'article 2224 du code civil, la SA Allianz Iard disposait d'un délai de cinq ans à compter de cette date, soit au plus tard jusqu'au 19 décembre 2023 pour former un appel en garantie à l'encontre des sociétés qu'elle a fait assigner en intervention forcée et qu'elle désigne comme devant supporter la charge définitive de l'indemnisation du préjudice corporel de Mme [Y].
Les assignations délivrées à cette fin à la CIEC et à Bouygues Bâtiment Ile-de-France ayant été délivrées en octobre 2022, soit avant l'acquisition de la prescription, la SA Allianz Iard sera déclarée recevable en son appel en garantie à leur encontre.
Sur les mesures accessoires
Succombants en leurs prétentions, la CIEC et la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, dont les demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées, seront condamnées à payer à la SA Allianz Iard la somme de 1 500 euros chacune.
La présente ordonnance ne mettant pas fin à l'instance, les dépens de l'incident seront réservés à l'examen de l'affaire au fond.
PAR CES MOTIFS
Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance réputée contradictoire, susceptible d'appel dans les conditions prévues à l'article 795 du code de procédure civile,
Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 21/7209 et 24/5050, et dit que l’affaire sera désormais appelée sous le seul numéro 21/7209,
Rejette les fins de non-recevoir opposés par la société CIEC et la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France à la SA Allianz Iard,
Déclare la SA Allianz Iard recevable en son recours subrogatoire à l'encontre de la société CIEC et de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France au titre de l'indemnité provisionnelle d'un montant total de 25 000 euros qu'elle a réglée, en exécution du contrat d'assurance souscrit auprès d'elle par la société ICF La Sablière, à Mme [Z] [Y],
Déclare la SA Allianz Iard recevable en son appel en garantie des condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre au bénéfice de Mme [Z] [Y], demanderesse au principal, à l'encontre de la société CIEC et de la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France,
Rejette toute autre demande des parties,
Déboute la société CIEC et la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
Condamne la société CIEC à payer à la SA Allianz Iard la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France à payer à la SA Allianz Iard la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Réserve les dépens de l'incident à l'examen de l'affaire au fond,
Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 19 novembre 2024 pour la constitution de la SAS Hervé Thermique et les conclusions récapitulatives en défense des sociétés Bouygues Immobilier Bâtiment Ile-de-France et CIEC.
Ordonnance signée par Julia VANONI, Vice-Présidente, chargée de la mise en état, et par Fabienne MOTTAIS, Greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER
Fabienne MOTTAIS
LE JUGE DE LA MISE EN ETAT
Julia VANONI