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01/08/2024 | FRANCE | N°23/08964

France | France, Tribunal judiciaire de Nanterre, Loyers commerciaux, 01 août 2024, 23/08964


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

LOYERS COMMERCIAUX

JUGEMENT PRONONCÉ LE 01 Août 2024





N° RG 23/08964 - N° Portalis DB3R-W-B7H-Y67N

N° de minute : 24/









AFFAIRE

S.A.R.L. GUANG YUAN

C/

[H] [V]



DEMANDERESSE


S.A.R.L. GUANG YUAN
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Thierry DAVID, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A 436


DÉFENDEUR


Monsieur [H] [V]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté par Me Timothée BRAULT, avoc

at au barreau de PARIS, vestiaire : G129


INTERVENANTE VOLONTAIRE

Société PANDA
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Thierry DAVID, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A 436


COMPOSITION
...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

LOYERS COMMERCIAUX

JUGEMENT PRONONCÉ LE 01 Août 2024

N° RG 23/08964 - N° Portalis DB3R-W-B7H-Y67N

N° de minute : 24/

AFFAIRE

S.A.R.L. GUANG YUAN

C/

[H] [V]

DEMANDERESSE

S.A.R.L. GUANG YUAN
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Thierry DAVID, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A 436

DÉFENDEUR

Monsieur [H] [V]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté par Me Timothée BRAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G129

INTERVENANTE VOLONTAIRE

Société PANDA
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Thierry DAVID, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A 436

COMPOSITION

Juge des loyers commerciaux : Elisette ALVES
Greffier : Fanny GABARD

DÉBATS

A l’audience du 11 mars 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire, en premier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

 

EXPOSE DU LITIGE
 
Suivant acte sous seing privé du 28 mars 2014, M. [H] [V] a donné à bail commercial en renouvellement à la société GUANG YUAN, pour une durée de neuf années à compter rétroactivement du 1er avril 2011, des locaux dépendant d’un immeuble sis [Adresse 1] et [Adresse 3] à [Localité 6], afin qu'elle y exploite une activité de restaurant-traiteur-plats à emporter-cyber café, moyennant un loyer annuel fixé à la somme de 33.300 euros en principal.

Par acte extrajudiciaire du 25 septembre 2019, M. [V] a fait signifier à la société GUANG YUAN un congé à effet du 31 mars 2020, portant offre de renouvellement de son bail à compter du 1er avril 2020, moyennant le règlement d’un loyer renouvelé fixé à la somme de 48.000 euros.

La société GUANG YUAN a acquiescé au renouvellement proposé, mais contesté le déplafonnement invoqué par le bailleur et revendiqué la fixation du loyer dû à compter du 1er avril 2020 en fonction de la variation des indices.

Les parties ne se sont pas entendues sur le montant du loyer du bail renouvelé.

Faisant suite à son mémoire préalable notifié en lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 9 février 2020, la société GUANG YUAN a fait assigner M. [V] devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de NANTERRE, en fixation du montant du loyer renouvelé à la somme de 37.607 euros, par exploit d'huissier en date du 1er février 2021.
 
Par jugement du 6 septembre 2021, le juge des loyers commerciaux a notamment :
- constaté le renouvellement au 1er avril 2020 du bail entre M. [V] et la société GUANG YUAN portant sur les locaux situés [Adresse 1] et [Adresse 3] à [Localité 6],
- ordonné une expertise, avant dire droit sur le montant du loyer du bail renouvelé, aux frais avancés du bailleur et désigné M. [P] pour y procéder,
- fixé le loyer provisionnel dû par la société GUANG YUAN pour la durée de l’instance au montant tel que résultant du bail ancien,
- sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport d’expertise.

L’affaire, enrôlée sous le RG : 21/00996, a consécutivement été retirée du rôle.

Mme [K], désignée en remplacement de M. [P] par ordonnance du 25 octobre 2021, a établi son rapport le 29 mars 2023. Elle est d’avis que la valeur locative annuelle des locaux donnés à bail ressort, au 1er avril 2020, à la somme de 48.000 euros, correspondant à une surface pondérée de 111,63 m²p incluant l’appartement accessible uniquement depuis la boutique et à un prix unitaire de 430 euros/m²p/an. Elle précise que si le loyer devait être fixé en fonction de la variation de l’indice des loyers commerciaux, il ressortirait à la somme de 37.583,83 euros à la date du renouvellement et à la somme de 38.426,42 euros en fonction de la variation de l’indice du coût de la construction.

C'est dans ce contexte que l'affaire a été rétablie au rôle sous le RG : 23/08964.

Selon dernier mémoire en ouverture de rapport et intervention volontaire notifié en courrier recommandé dont l'avis de réception a été réceptionné le 15 mars 2024, la société GUANG YUAN et la société PANDA demandent au juge des loyers commerciaux, de :

DECLARER la société PANDA recevable en son intervention volontaire,

JUGER qu'il n'existe aucun motif justifiant que les règles du plafonnement du loyer d'un bail renouvelé, instituées par l’article L 145-34 du Code de Commerce, soient écartées,

FIXER en conséquence le montant du loyer des locaux commerciaux situés à [Localité 6] [Adresse 1] et [Adresse 3] à compter du 1ER AVRIL 2020 à la somme de 37 607 Euros par an,

Subsidiairement, si le juge des loyers estimait qu'il y avait un motif de déplafonnement,
FIXER en conséquence le montant du loyer des locaux commerciaux situés à [Localité 6] [Adresse 1] et [Adresse 3] à compter du IER AVRIL 2020 à la somme de 37 735,33 Euros par an,

DEBOUTER Monsieur [V] de sa demande de voir « indiquer » que le loyer indexé au 1er avril 2023 correspondra au loyer du 1er avril 2020 augmenté de 15,99% selon les indices,

DEBOUTER Monsieur [V] de sa demande de condamnation de la société GUANG YUAN à l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER Monsieur [V] à 4 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER Monsieur [V] aux entiers dépens.

Aux termes de son dernier mémoire notifié en lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 25 octobre 2023 par la société GUANG YUAN, M. [V] demande au Juge des loyers commerciaux, de :

A titre principal :
FIXER le loyer du bail renouvelé à effet du 1 er avril 2020 à la somme annuelle en principal de CINQUANTE DEUX MILLE DEUX CENTS EUROS (52.200 €) HT/HC ;

A titre subsidiaire :
FIXER le loyer du bail renouvelé à effet du 1 er avril 2020 à la somme annuelle en principal de QUARANTE HUIT MILLE EUROS (48.000 €) HT/HC ;

En toute hypothèse :
INDIQUER que le loyer indexé au 1er avril 2023 correspondra au loyer du bail renouvelé à effet du 1er avril 2020 augmenté de 15,99 % pour tenir compte de la variation de l’indice conformément aux stipulations contractuelles ;

CONDAMNER la S.A.R.L. GUANG YUAN aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise, dont distraction à la Maître Timothée BRAULT, dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la S.A.R.L. GUANG YUAN au paiement de la somme de SEPT MILLE EUROS (7.000 €) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

RAPPELER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux derniers mémoires précités des parties pour ce qui concerne l’exposé détaillé de leurs moyens et prétentions.
 
L’affaire, plaidée à l’audience du juge des loyers commerciaux du 11 mars 2024, a été mise en délibéré au 13 mai 2024, prorogé in fine au 1er août 2024.
 
MOTIFS

A titre liminaire

Il sera préalablement rappelé que les demandes tendant à « juger » et « indiquer » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile lorsqu’elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert, ces demandes n'étant en réalité que la redite des moyens invoqués et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire du jugement, sur lesquelles il n'y a donc pas lieu de statuer.

A titre surabondant, le juge des loyers commerciaux constate que la clause du bail évoquée par le bailleur au titre de l’augmentation de 15,99% invoquée est relative à la révision triennale et non pas à la fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé objet de la présente instance.

Par ailleurs, il convient de relever que si les mémoires en ouverture de rapport notifiés mentionnent comme bailleur « M. [H] [V] », la procédure a été introduite à l’encontre de « M. [H] [V] », qui est seul partie à la procédure. Ce dernier nom figurant en tête du jugement avant dire-droit qui a ordonné l’expertise judiciaire précitée, correspond aussi à celui mentionné en tête du précédent bail renouvelé le 28 mars 2014.

Sur l'intervention volontaire de la société PANDA

La société GUANG YUAN et la société PANDA demandent au juge des loyer commerciaux de déclarer cette dernière recevable en son intervention volontaire. Elles exposent que par acte sous seing privé du 13 février 2024, la première a cédé son fonds de commerce incluant le droit au bail portant sur les lieux loués à la seconde. Elles soutiennent que la société PANDA a ainsi intérêt à intervenir à la procédure en fixation du montant du loyer du bail renouvelé.

M. [V], qui n’a pas notifié de nouveau mémoire après celui du 23 octobre 2023, ne répond pas sur ce point.

Selon l'article 328 du code de procédure civile, l'intervention volontaire est principale ou accessoire.

L'article 329 du même code dispose que l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

L'article 330 du même code ajoute que l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

Par ailleurs, en application de l’article 1199 du code civil, le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties.

En l’espèce, il est établi que la société GUANG YUAN a vendu à la société PANDA le fonds de commerce exploité dans les lieux loués à effet du 13 février 2024, par acte sous signature électronique enregistré le 19 février 2024.

Il convient, dans ce contexte, de déclarer recevable la société PANDA en son intervention volontaire, celle-ci ayant intérêt à agir à compter du 13 février 2024, étant relevé que les demanderesses ne précisent pas si son intervention est principale ou accessoire.

La société PANDA sera donc déclarée recevable en son intervention volontaire.

Sur le montant du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2020

Sur les règles et principes applicables

Aux termes de l’article L145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux à renouveler doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord entre les parties, la valeur locative est déterminée d’après :
1/ les caractéristiques du local considéré ;
2/ la destination des lieux ;
3/ les obligations respectives des parties ;
4/ les facteurs locaux de commercialité ;
5/ les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

L’article L145-34 du même code dispose qu’à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L112-2 du code monétaire et financier, publiés par l’INSEE. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.
Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.
 
Il résulte de ces dispositions que le loyer du bail renouvelé doit correspondre :
soit à la valeur locative dès lors qu’elle est inférieure au plafond prévu par la loi et ce, même si ladite valeur locative est inférieure au loyer du bail expiré, puisque le bail renouvelé est un nouveau bail,soit au plafond si la valeur locative est supérieure à la variation des indices et que le bail expiré était stipulé pour une durée de neuf ans, sauf à ce que soient démontrés une évolution des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré ayant eu une incidence favorable sur le commerce concerné, ou une modification de la consistance des lieux loués.
L’article R145-3 du code du même code prévoit que les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
1° de sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° de l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° de la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

L'article R145-6 du même code ajoute que les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

L'article R145-7 du même code indique en outre que les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6. A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

Sur les caractéristiques des locaux donnés à bail

Il résulte des éléments du dossier et du rapport d’expertise judiciaire que les locaux donnés à bail sont situés à [Localité 6], commune limitrophe de [Localité 11], [Localité 5], [Localité 8] et [Localité 4], bien desservie par la route (autoroutes A14 et A86 outre les départementales D913, D991 et D986) et par les transports en commun (RER A, ligne L de la SNCF et bus), dans le centre-historique, au sein du quartier « cathédrale », face à la [Adresse 7] sis [Adresse 1], voie de circulation en sens unique vers la A86, à l’angle du [Adresse 3], voie étroite et secondaire également en sens unique.

Ils sont implantés sur la principale rue commerçante du vieux [Localité 6] qui regroupe des commerces de proximité et restaurants, dans un quartier constitué d’immeubles à usage mixte (R+2 et R+3 avec commerces en pied), stationnement unilatéral en zone rouge limité à 2 heures et payant. Ils dépendent d'un immeuble ancien présentant un bâti ordinaire de type faubourg à pan de bois, élevé sur sous-sol, d’un rez-de-chaussée, d’un étage droit et d’un second étage mansardé sous combles (façade crépi – tuiles mécaniques).

Les locaux, qui occupent la totalité de l’immeuble, sont accessibles depuis la [Adresse 10] par une porte vitrée à double battants formant vitrine avec deux panneaux latéraux dormants. Ils se composent :
- au rez-de-chaussée, d’un espace de vente équipé d’un comptoir de vente réfrigéré avec poste de caisse face à l’entrée, et, derrière, des sanitaires doubles sans jour, ainsi que le départ d’un escalier vers les étages, puis d’une salle de restauration (20 couverts) en forme de L donnant principalement en vitrine sur la [Adresse 10], et, à l’arrière, sur cour, d’une réserve sèche sans jour, d’une sortie de secours, encombrée, donnant sur la [Adresse 9] et le départ d’escalier vers le sous-sol (sol carrelé, murs peints, faux plafond avec éclairage encastré, chauffage gaz et rideau d’air chaud à l’entrée) ;
- au premier étage, face à l’escalier d’accès , cuisine professionnelle équipée éclairée par une fenêtre sur la [Adresse 9] et une autre donnant sur cour ( sols et murs carrelés) et, à gauche, une grande salle de restauration en angle (40 couverts) éclairée par quatre grandes fenêtres vitrées sur rue (châssis bois simple vitrage, sol carrelé, murs peints, faux plafond avec éclairage encastré, chauffage gaz et rideau d’air chaud à l’entrée) ;
- au deuxième étage, accessible par un escalier en bois, un appartement T3 distribuant un grand séjour sur la [Adresse 10], deux chambres (parquet flottant murs peints), une cuisine, une salle de bain et des sanitaires indépendants (carrelage et murs peints) ;
- au sous-sol, d’accès mal aisé, auquel mène un escalier en pierres abrupt et étroit, trois caves brutes de faible hauteur sous plafond, en enfilade à usage de cave, chaufferie et réserve.

Sur la surface locative

L’expert judiciaire précise qu’en l’absence de transmission de plans et d’un relevé de surfaces réalisés récemment par un géomètre-expert, elle s’est fondée sur les plans établis par le Cabinet BARRERE DUFAU le 4 septembre 2012. Les étages et sous-sols étant accessibles depuis la boutique, elle est d’avis que la surface locative pondérée ressort, en application de la 5ème édition de la charte en expertise immobilière, à 111,63 m²p (dont 67,13 m²p au rez-de-chaussée, 25,12 m²p au premier étage, 15,24 m²p au deuxième étage et 4,14 m²p au sous-sol), pour une surface utile de 257,21 m²u (dont 80,80 m²u au rez-de-chaussée, 73,06 m²u au premier étage, 60,96 m²u au deuxième étage et 41,39 m²u au sous-sol),

Les parties sont contraires sur la surface locative pondérée. Le bailleur ne discute pas la surface locative pondérée calculée par l’expert judiciaire. Les demanderesses contestent, quant à elles, la pondération de 1,20 appliquée par l’expert judiciaire pour la zone d’angle, qu’elles estiment exagérée et demandent que soit appliqué un coefficient de 1,1 compte tenu de l’absence de terrasse et du fait qu’il n’existe pas d’accès pour la clientèle côté [Adresse 9]. Elles s’opposent à l’application d’un coefficient de pondération de 0,25 pour la cuisine et de 0,40 pour la salle du premier étage, revendiquant respectivement un coefficient de 0,20 tel que prévu par la charte pour les annexes du premier étage et de 0,30 pour tenir compte de la nécessité de passer à proximité de la cuisine avant d’accéder à la salle du restaurant. Elles concluent en conséquence à une surface pondérée de 104,53 m²p.

En l’espèce, alors que la charte en expertise immobilière préconise un coefficient de pondération de 1,10 à 1,30 pour les zones d’angle, le coefficient de 1,20 appliqué proposé par Mme [K] apparaît adapté dans la mesure où les locaux bénéficient d’importants linéaires de façades composés de vitrines sur la [Adresse 10], d’une part, et sur la [Adresse 9], d’autre part, surmontés tout du long d’enseignes bandeau conférant aux locaux une très bonne visibilité. L’absence d’entrée par cette dernière rue est donc indifférente. De surcroît, il convient de rappeler que l’existence d’un droit de terrasse n’impacte pas la surface d’angle mais conduit à une majoration de la valeur locative. S’agissant du premier étage, les demanderesses ne démontrent pas l’impact négatif résultant du passage à proximité de la cuisine pour accéder à la salle de restauration du premier étage. Le nombre de couverts offerts sur ce niveau conduit donc à écarter l’argument. Le coefficient de 0,4 appliquée à la salle de restaurant sera donc retenu. En revanche, elles sont fondées à se prévaloir du fait que la charte en expertise immobilière préconise un coefficient de 0,20 pour les annexes reliées au lieu de 0,25 tel que proposé par l’expert judiciaire pour la cuisine.

Partant, les autres coefficients de pondération des surfaces n’étant pas utilement contestés, la surface locative ressort à 110,26 m²p (110,26 m²p – 6,84 m²p + 5,47 m²p), pour une surface utile de 257,21 m²u.

Sur le prix unitaire

L'expert judiciaire, dans le cadre de la méthode par comparaison, a procédé à l’analyse de cinq références de baux portant sur des boutiques dont une issue d’un renouvellement amiable (250 euros/m²p/an en 2016), une issue d’une location nouvelle (300 euros/m²p/an en 2019),et trois issues de loyers en vigueur lors de cessions de droit au bail (259 euros/m²p/an, 408 euros/m²p/an et 409 euros/m²p/an à des dates inconnues et dans tenir compte du prix de cession du droit au bail), incluant des loyers décapitalisés respectivement de 631 euros/m²p, 808 euros/m²p et 593 euros/m²p. Elle fait également état de neuf valeurs locatives issues de baux à usage de bureaux. Enfin, elle a recherché la valeur locative d’appartements dans la zone de chalandise (trois références) et mentionne huit autres références pour des logements plus éloignés. Compte tenu des caractéristiques des locaux, de leur état d’entretien et du fait qu’ils sont adaptés à l’activité de restauration exploitée, servie par l’emplacement dans un secteur de très bonne commercialité, de l’absence de vacance de locaux et du petit nombre de références de comparaison, Mme [K] propose de retenir un prix unitaire de 450 euros/m²p/an pour les locaux commerciaux et un abattement de 5% au titre des aménagements et rénovations réalisés par le preneur qui feront accession au bailleur en fin de jouissance, soit un loyer annuel renouvelé à la valeur locative d’un montant de 48.000 euros en principal.

Les parties s'opposent sur le prix unitaire. Les demanderesses contestent le prix unitaire retenu faisant valoir qu’aucune des références de comparaison n’a trait à l’activité de restauration exercée. Elles ajoutent que les deux références issues de baux renouvelés en 2019 pour le supermarché FRANPRIX portent sur des prix unitaires bien inférieurs de 300 euros/m²p/an et 250 euros/m²p/an. Elles soulignent encore que les références incluant des loyers décapitalisés résultant de la cession de droit au bail ne peuvent être retenues, dans la mesure où le montant de ladite cession est versé au cédant et ne revient pas au bailleur. Elles invoquent la jurisprudence selon elles constante (CA PARIS RG : 13/19625, RG : 14/13401 et RG : 10/17972) de ce chef. Elles en déduisent que seul le loyer en vigueur peut être pris en compte, correspondant à des valeurs bien inférieures au prix unitaire retenu par Mme [K]. Enfin, elles soulignent que lesdites références ne permettent pas de connaître l’adresse exacte des lieux d’exploitation. Elles en concluent que si le déplafonnement devait être retenu, ce qu’elles contestent, le prix unitaire ne saurait excéder 380 euros/m²p/an. Elles revendiquent par ailleurs l’application d’un abattement de 5% à raison de la clause d’accession différée.

Le défendeur ne discute pas le prix unitaire de 450 euros/m²p/an proposé par l’expert judiciaire mais conteste l’abattement de 5% retenu au titre de la clause d’accession. Il expose que la clause du bail aboutit à une accession immédiate mais également à un nivellement facultatif et en déduit qu’il n’est pas certain que la « jurisprudence classique » ait vocation à s’appliquer, qu’il n’explicite pas. Il déclare s’en remettre à l’appréciation du “tribunal” sur ce point. De plus, il estime que l’abattement forfaitaire au titre de la clause d’accession n’est pas satisfaisant et qu’il conviendrait de connaître le coût des aménagements et rénovation réalisés par le preneur.

En l’espèce, Mme [K] a fait application de la méthode par comparaison, selon les critères définis à l’article R145-7 du code de commerce. Ce texte précise expressément que doivent être pris en considération les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernant des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R145-3 à R145-6 et qu’à défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

Eu égard à l’activité exercée dans les lieux loués, les références de bureaux prises en compte par l’expert judiciaire doivent être écartées. En outre, conformément à la jurisprudence, les demanderesses sont fondées à voir retenues les références issues de cessions de droit au bail, sans réintégration du prix du droit au bail qui n’est pas versé au bailleur.

Dans ce contexte, le prix unitaire proposé par l'expert judiciaire ne peut être retenu. Etant rappelé que le prix unitaire ne correspond pas à la moyenne des références, et qu’il est d'usage d'écarter les références extrêmes (250 euros/m²p et 409 euros/m²p/an), le prix unitaire sera fixé à la somme de 380 euros/m²p/an, tel que revendiqué par les demanderesses.

La valeur locative brute annuelle ressort donc au 1er avril 2020 à la somme de 41.898,80 euros (110,26 m²p X 380 euros/m²p/an).

Sur l’abattement au titre de la clause d’accession

Les parties sont contraire sur l’abattement à appliquer en raison des travaux réalisés par le preneur à bail et devant faire accession au bail sans indemnité.

En application de l'article R145-8 du code de commerce, il convient de tenir compte des clauses du bail transférant au preneur des charges attachées à la qualité de propriétaire qui constituent un facteur de diminution de la valeur locative.

L'affirmation selon laquelle ces clauses seraient habituelles ne permet pas d'écarter l'application des facteurs de minoration prévus par la loi, étant rappelé que chaque contrat de bail constitue un ensemble d'obligations réciproques spécifique.

En l’occurrence, le bail contient une clause ainsi rédigée en page 4 § 2 que : « les embellissements, les améliorations, les changements et les installations quelconques réalisés par le PRENEUR en cours de bail feront accession à l’immeuble du jour même de leur achèvement et, en conséquence resteront en fin de bail et de plein droit acquis à la propriété du BAILLEUR, sans aucune indemnité ou remboursement de sa part, à moins que ce dernier ne préfère la remise en état primitif pour tout ou partie et aux frais du PRENEUR et avant tout déménagement de ce dernier ».

Eu égard au termes contradictoires de cette clause d’action, une interprétation de l’intention des parties est nécessaire.

Or, le juge des loyers commerciaux n’a pas le pouvoir de rechercher la commune intention des parties pour interpréter une clause du bail pour en tirer les conséquences quant à l’abattement en résultant dans le cadre de la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative. Seul le tribunal est compétent de ce chef, de sorte qui si le déplafonnement était retenu, le juge des loyers commerciaux devrait se déclarer incompétent à son profit.

Sur le déplafonnement invoqué

Aux termes de son rapport, Mme [K] considère qu’il peut être retenu une évolution notable des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré, qui a pu générer l’apparition d’un flux complémentaire de chalands avec un pouvoir d’achat plus important, susceptible de bénéficier au commerce considéré.

Les demanderesses le contestent, arguant que chacun des critères pris individuellement conduit à écarter le déplafonnement invoqué. Le bailleur reprend quant à lui à son compte le fait que la population a augmenté, de même que le revenu médiant et le prix de l’immobilier. Il se prévaut de la jurisprudence pour soutenir que l’évolution de 5% de la population suffit à justifier un déplafonnement du loyer. Il insiste sur la hausse de la fréquentation de la station de RER la plus proche (+24,05%) et des constructions nouvelles dans la zone de chalandise. Il fait sienne l’analyse de l’expert judiciaire quant au dynamisme urbain. Enfin, il rappelle qu’il n’est pas l’associé du preneur à bail auquel il incombe d’exploiter les opportunités du flux chalandise induit.

Il est constant que le bailleur supporte la charge de la triple preuve de la modification des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré, de son caractère notable et de son incidence favorable sur le commerce considéré.

Il est également de droit que le juge des loyers commerciaux apprécie souverainement si les éléments du dossiers caractérisent, in concreto, une modification des facteurs de commercialité suffisamment notable et la réalité de l’incidence favorable sur le commerce considéré.

En l’occurrence, ainsi que le font valoir les demanderesses, l’expert judiciaire a constaté que l’afflux de population concerne essentiellement les nouveaux quartiers en bordure de [Localité 4] et de la Seine, le centre de [Localité 6] où se situe le commerce exploité étant moins pénétré. De plus, l’augmentation de la population dans la zone de chalandise entre 2011 et 2018 est à relativiser en l’absence de données relatives à l’année 2019 où l’expert a noté une baisse globale sur la totalité de la commune de [Localité 6]. En outre, l’augmentation du revenu médiant des ménages de 12% relevé par Mme [K] vise l’ensemble des habitants de la commune, celle concernant les habitants du quartier étant limitée à 4%, de sorte qu’elle ne peut être considérée comme significative en raison de l’inflation de l’ordre de 7% au cours du bail expiré. Aussi, contrairement à ce que soutient le bailleur, l’expert n’a relevé aucune construction nouvelle dans la zone de chalandise au cour du bail expiré. Enfin, l’augmentation du flux de passagers prenant le RER dans une station située hors de la zone de chalandise, distante de 750 mètres, ne peut être retenue.

Il s’en déduit que l’évolution des facteurs locaux de commercialité n’est pas suffisamment notable pour fonder le déplafonnement invoqué par le bailleur et la fixation du loyer du bail à la valeur locative. De surcroît, l’incidence favorable de l’augmentation relative de la population sur le commerce considéré n’est pas caractérisée.

Partant, sans qu’il soit nécessaire de renvoyer le dossier devant le tribunal pour interpréter la clause d’accession afin d’en déduire l’éventuelle application d’un abattement, il convient de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2020 en fonction de la variation de l’indice des loyers commerciaux (ILC), tel que le sollicitent les demanderesses, celui-ci étant applicable en l’absence d’accord des parties pour l’application d’un autre indice.

Si l’expert judiciaire a calculé le montant du loyer renouvelé à la somme de 37.583,83 euros, il convient de tirer les conséquences de ce que les demanderesses revendiquent qu’il soit fixé à la somme supérieure de 37.607 euros par an en principal.

Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2020 est fixé au plafond prévu par la loi à la somme de 37.607 euros.

Sur les demandes accessoires

M. [V], qui succombe, supportera la charge des dépens de l’instance en application de l’article 696 du code de procédure civile. Ceux-ci comprendront les frais d’expertise qu’il a avancés.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge des demanderesses la totalité des frais irrépétibles qu’elles ont été contraintes d’exposer pour faire valoir leurs droits dans le cadre de la présente instance. Une somme de 3.000 euros leur sera donc allouée que M. [V] sera condamné à leur verser en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Eu égard à la date d'introduction de la présente instance, l'exécution provisoire est de droit en application de l’article 514 du code de procédure civile. Compatible avec la nature de l’affaire, il n'y a pas lieu de l'écarter.

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,

DECLARE la société PANDA recevable en son intervention volontaire,

FIXE le montant du loyer annuel du bail renouvelé le 1er avril 2020 pour les locaux donnés à bail par M. [H] [V] à la société GUANG YUAN, aux droits et obligations de laquelle est venue la société PANDA, sis [Adresse 1] et [Adresse 3] à [Localité 6], à la somme de 37.607 euros hors taxes et hors charges,

CONDAMNE M. [H] [V] à payer la somme totale de 3.000 euros à la société GUANG YUAN et à la société PANDA en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [H] [V] aux dépens, qui comprendront les frais d’expertise,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du présent jugement.

Le présent jugement a été signé par Madame Elisette ALVES, Juge des loyers commerciaux et par Mme Fanny GABARD, Greffière.

LE GREFFIER LE JUGE DES LOYERS COMMERCIAUX

Me Timothée BRAULT
Me Thierry DAVID


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nanterre
Formation : Loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 23/08964
Date de la décision : 01/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-01;23.08964 ?
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