TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE
LOYERS COMMERCIAUX
JUGEMENT PRONONCÉ LE 01 Août 2024
N° RG 23/06953 - N° Portalis DB3R-W-B7H-YYJL
N° de minute : 24/
AFFAIRE
[Z] [E] [X]
C/
[B] [H]
DEMANDERESSE
Madame [Z] [E] [X]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Maître Valérie PANEPINTO de la SCP SCP GUILLEMAIN PANEPINTO, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0102
DEFENDEUR
Monsieur [B] [H]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Maître André JACQUIN de la SELAS JACQUIN MARUANI & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0428
INTERVENANTE VOLONTAIRE
Société PHARMACIE DE LA MAIRIE DAMAK
[Adresse 11]
[Adresse 11]
représenté par Maître André JACQUIN de la SELAS JACQUIN MARUANI & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0428
COMPOSITION
Juge des loyers commerciaux : Elisette ALVES
Greffier : Fanny GABARD
DÉBATS
A l’audience du 13 mai 2024 tenue publiquement
JUGEMENT
Contradictoire, en premier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 1er mars 2012, M. [W] [Y] et Mme [Z] [X] épouse [Y] ont donné à bail commercial en renouvellement à M. [B] [H], pour une durée de neuf années à compter rétroactivement du 1er avril 2006, des locaux dépendant d’un immeuble sis [Adresse 11], afin qu'il y exploite un « commerce de confection pour dames et enfants, nouveautés, tissus, bonneterie, maroquinerie et pharmacie », moyennant un loyer annuel fixé à la somme de 19.873,67 euros en principal.
Par acte extrajudiciaire du 26 septembre 2014, M. [Y] et Mme [X] épouse [Y] ont fait signifier à M. [H] un congé à effet du 31 mars 2015, portant offre de renouvellement de son bail à compter du 1er avril 2015, moyennant le règlement d’un loyer renouvelé fixé à la valeur locative.
Par acte extrajudiciaire du 13 février 2015, M. [Y] et Mme [X] épouse [Y] ont fait savoir à M. [H] qu’ils entendaient voir fixer le loyer annuel du bail renouvelé à la somme de 34.000 euros en principal.
M. [H] a sollicité, quant à lui, que le loyer du bail renouvelé soit fixé à la somme de 24.248,28 euros en principal, contestant tout motif de déplafonnement selon mémoire préalable en date du 27 mai 2015, notifié le 1er juin 2015 (avis de réception non produit).
M. [W] [Y] est décédé le 13 janvier 2016, laissant pour lui succéder son épouse.
Faisant suite à son mémoire en réplique notifié en lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 30 mai 2017, Mme [Z] [X] veuve [Y] a fait assigner M. [H] devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de NANTERRE, en fixation du montant du loyer renouvelé, par exploit d'huissier en date du 7 juin 2019.
Par jugement du 7 décembre 2020, le juge des loyers commerciaux a notamment :
- constaté le renouvellement au 1er avril 2015 du bail entre Mme [Z] [X] veuve [Y] et M. [B] [H] portant sur les locaux situés [Adresse 11],
- ordonné une expertise, avant dire droit sur le montant du loyer du bail renouvelé, aux frais partagés des parties et désigné M. [J] pour y procéder,
- fixé le loyer provisionnel dû par M. [H] pour la durée de l’instance au montant tel que résultant du bail ancien,
- sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport d’expertise.
L’affaire, enrôlée sous le RG : 19/08275, a consécutivement été retirée du rôle.
M. [J] a établi son rapport le 11 juillet 2022. Il est d’avis que la valeur locative annuelle des locaux loués ressort, au 1er avril 2015, à la somme de 43.000 euros, correspondant à une surface pondérée de 86 m²p et à un prix unitaire de 500 euros/m²p/an. Il considère cependant que le loyer de renouvellement devrait, en l’absence d’évolution notable des facteurs locaux de commercialité ayant un effet favorable sur l’activité de la pharmacie, être fixé en fonction de la variation de l’indice des loyers commerciaux, à la somme de 23.065,45 euros à la date du renouvellement.
C'est dans ce contexte que l'affaire a été rétablie au rôle sous le RG : 23/06953.
Selon dernier mémoire notifié en lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 29 décembre 2023 par la société PHARMACIE DE LA MAIRIE DAMAK et le 3 janvier 2024 par M. [H], Mme [X] demande au Juge des loyers commerciaux, de :
Vu les articles L145-33 et L145-34 du code de commerce,
Vu l’intervention volontaire de la société Pharmacie de la Mairie Damak, en sa qualité de cessionnaire du fonds de commerce et titulaire du bail à compter du 1er août 2023,
FIXER le loyer de renouvellement au 1er avril 2015 pour les locaux situés [Adresse 11] à [Localité 6] à la somme annuelle en principal de 58.200 € (cinquante-huit mille deux cents euros) hors charges et hors taxes,
JUGER que les compléments de loyer fixé porteront intérêts au taux légal, conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, de plein droit à compter de la date d'effet du nouveau loyer, et que les intérêts échus depuis plus d’une année produiront eux-mêmes intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
DEBOUTER Monsieur [B] [H] de sa demande de mise en hors de cause,
DEBOUTER Monsieur [B] [H] et la société Pharmacie de la Mairie Damak de l’intégralité de leurs demandes,
CONDAMNER Monsieur [B] [H] et la société Pharmacie de la Mairie Damak in solidum aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 7.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Aux termes de leur dernier mémoire notifié en courrier recommandé dont l'avis de réception a été signé 29 décembre 2023, M. [H] et la société PHARMACIE DE LA MAIRIE DAMAK demandent au juge des loyers commerciaux, de :
PRENDRE ACTE de l'intervention volontaire de la société PHARMACIE DE LA MAIRIE DAMAK, en sa qualité de cessionnaire du fonds exploité par Monsieur [B] [H],
PRONONCER la mise hors de cause de Monsieur [B] [H] des suites de la présente instance, en application des stipulations de l'acte de cession,
A TITRE PRINCIPAL
DIRE n’y avoir lieu à déplafonnement,
FIXER à la somme de 23.065,45 € par an, hors taxes et hors charges, le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2015, portant sur les locaux sis à [Adresse 11],
A TITRE SUBSIDIAIRE et dans l’hypothèse où, par extraordinaire, le déplafonnement du loyer serait retenu,
FIXER à la somme de 31.000 € hors taxes, hors charges et par an, le prix du bail renouvelé au 1er avril 2015,
RAPPELER que, dans cette hypothèse et en application de l'article L145-34 dernier alinéa du Code de commerce, la variation de loyer, qui découle de la durée contractuelle du bail expiré, ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10% du loyer acquitté au cours de l'année précédente,
EN TOUT ETAT DE CAUSE
DEBOUTER Madame [Z] [E] [X] de l’ensemble de ses demandes,
CONDAMNER Madame [Z] [E] [X] à payer à la société PHARMACIE DE LA MAIRIE DAMAK une somme de 10 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront les frais d’expertise,
CONDAMNER Madame [Z] [E] [X] en tous les dépens, en ceux compris les frais d’expertise,
ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux derniers mémoires précités des parties pour ce qui concerne l’exposé détaillé de leurs moyens et prétentions.
L’affaire, plaidée à l’audience du juge des loyers commerciaux du 13 mai 2024, a été mise en délibéré au 1er juillet 2024, prorogé au 1er août 2024.
MOTIFS
A titre liminaire
Il sera préalablement rappelé que les demandes tendant à « juger » et « dire » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile lorsqu’elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert, ces demandes n'étant en réalité que la redite des moyens invoqués et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire du jugement, sur lesquelles il n'y a donc pas lieu de statuer.
En l’espèce, les demandes relatives aux intérêts au taux légal et à leur capitalisation constituent toutefois de véritables prétentions, en dépit de l’emploi erroné du terme « juger » en lieu et place de « ordonner ».
Sur la compétence restreinte du Juge des loyers commerciaux
L’article R145-23 du code de commerce limite la compétence du juge des loyers commerciaux aux seules contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, les autres contestations étant portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes relevant de la compétence spéciale du juge des loyers commerciaux.
En application de cet article dont les dispositions sont d’ordre public, il n’appartient pas au juge des loyers commerciaux de se prononcer sur le lissage du loyer du bail renouvelé en application de l’article L145-34 du code de commerce in fine.
Il est en effet acquis que ce dispositif légal est distinct de celui de la fixation du loyer, de sorte qu’il n'entre pas dans l'office du juge des loyers commerciaux de statuer sur son application. (Pourvoi n°21-21943)
La demande des défendeurs de ce chef est irrecevable comme excédant les pouvoirs du juge des loyers commerciaux. A défaut d’accord des parties, il leur appartiendra de saisir le tribunal pour trancher ce point.
Sur l'intervention volontaire de la société PHARMACIE DE LA MAIRIE DAMAK et la mise hors de cause de M. [H]
La société PHARMACIE DE LA MAIRIE DAMAK et M. [H] demandent, à titre liminaire, de prendre acte de l’intervention volontaire de la société PHARMACIE DE LA MAIRIE DAMAK et de mettre hors de cause M. [H]. Ils exposent que par acte authentique du 2 mai 2023, celui-ci a cédé son fonds de commerce de pharmacie, sous condition suspensive de l’enregistrement de la déclaration d’exploitation de la société cessionnaire par le Conseil de l’ordre des pharmaciens. Ils déclarent que cette condition a été réalisée à la suite de l’enregistrement opéré le 5 juillet 2023 par ledit Conseil de l’ordre des pharmaciens, à effet du 1er août 2023.
En réplique à la bailleresse qui s’oppose à la mise hors de cause de M. [H], ils font valoir que l’acte de cession stipule que le cessionnaire s’est engagé à faire son affaire personnelle du renouvellement du bail. Ils soutiennent que M. [H] est ainsi fondé à solliciter sa mise hors de cause.
Mme [X] conclut au débouté des défendeurs. Elle explique que le juge des loyers commerciaux est saisi d’une demande de fixation du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2015, de sorte que M. [H] doit demeurer partie à la procédure. Elle ajoute que les clauses de l’acte de cession de fonds signé plus de huit années après le renouvellement objet de la fixation judiciaire du loyer renouvelé, lui sont inopposables. Elle estime aussi que les défendeurs font une lecture tronquée voire erronée des clauses de l’acte de cession et affirme que M. [H] reste tenu à son égard des clauses et conditions du bail qui les liait jusqu’au 31 juillet 2023, outre qu’il demeure garant du cessionnaire dans les trois années suivant la vente, ainsi qu’il s’y est engagé contractuellement à son égard.
Selon l'article 328 du code de procédure civile, l'intervention volontaire est principale ou accessoire.
L'article 329 du même code dispose que l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.
L'article 330 du même code ajoute que l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.
Par ailleurs, en application de l’article 1199 du code civil, le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties.
En l’espèce, il est établi que la société PHARMACIE DE LA MAIRIE DAMAK a acquis le fonds de commerce exploité dans les lieux loués à effet du 1er août 2023.
L’acte de cession notarié, sous condition suspensive, stipule notamment que le cessionnaire paiera, à compter du jour de son entrée en jouissance et pour la période postérieure, au prorata du temps couru, les impôts, taxes, contributions, droits et autres charges de toute nature, auxquels le fonds et son exploitation sont ou seront assujettis, y compris la contribution foncière des entreprises (CFE) quand bien même ces impositions et taxes seraient encore au nom du cédant ; qu’il aura l’obligation de s’assurer à partir de son entrée en jouissance et fera son affaire personnelle de tous contrats et abonnements souscrits auprès des différents prestataires liés à l’exploitation du fonds ; qu’il « exécutera au lieu et place du Cédant, à compter du transfert de propriété, toutes les charges et conditions du bail commercial, il paiera les loyers, taxes, charges et accessoires et les prestations de toutes natures relatives au Bail aux échéances exactes ».
Il convient, dans ce contexte, de déclarer recevable la société PHARMACIE DE LA MAIRIE DAMAK en son intervention volontaire, celle-ci ayant intérêt et qualité à agir à compter du 1er août 2023, étant relevé que les défendeurs ne précisent pas si son intervention est principale ou accessoire.
La demande de mise hors de cause de M. [H] sera en revanche rejetée, celui-ci demeurant concerné par la fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2015, dont il est tenu à l’égard de la bailleresse jusqu’au 31 juillet 2023 eu égard à l’effet relatif de l’acte de cession de fonds intervenu, et sans préjudice de la garantie de la cessionnaire découlant dudit bail.
Sur le montant du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2015
Sur les règles et principes applicables
Aux termes de l’article L145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux à renouveler doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord entre les parties, la valeur locative est déterminée d’après :
1/ les caractéristiques du local considéré ;
2/ la destination des lieux ;
3/ les obligations respectives des parties ;
4/ les facteurs locaux de commercialité ;
5/ les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
L’article L145-34 du même code dispose qu’à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L112-2 du code monétaire et financier, publiés par l’INSEE. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.
Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.
Il résulte de ces dispositions que le loyer du bail renouvelé doit correspondre :
soit à la valeur locative dès lors qu’elle est inférieure au plafond prévu par la loi et ce, même si ladite valeur locative est inférieure au loyer du bail expiré, puisque le bail renouvelé est un nouveau bail,soit au plafond si la valeur locative est supérieure à la variation des indices et que le bail expiré était stipulé pour une durée de neuf ans, sauf à ce que soient démontrés une évolution des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré ayant eu une incidence favorable sur le commerce concerné, ou une modification de la consistance des lieux loués.
Selon l'article R145-3 du même code, les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
1° de sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° de l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° de la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.
L'article R145-6 du même code ajoute que les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.
L'article R145-7 du même code indique en outre que les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6. A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.
Sur les caractéristiques des locaux donnés à bail
Il résulte des éléments du dossier et du rapport d’expertise judiciaire que les locaux donnés à bail sont situés à [Localité 6] :
- troisième commune des [Localité 7] et plus grande cité pavillonnaire de la petite couronne [Localité 8], au nord-ouest de [Localité 8], bénéficiant d'une très bonne desserte routière (Autoroute A86 au nord et RD992 à l’ouest) et par les transports en commun (différents bus et ligne J de la SNCF reliant la gare de [Localité 6] à la gare [13]),
- dans le quartier de la mairie sis [Adresse 11], artère à double voie de circulation en partie centrale outre deux voies de bus et vélos, qui dessert le centre historique de la commune, où le trafic peut être dense le matin et le soir,
- dans un environnement principalement constitué d’immeubles à usage mixte avec commerces ou services en pied d’immeuble (côté impair : cinémas, restaurant Mc DONALD’S, banque CIC, agence immobilière, restaurants japonais et asiatique, entrée/sortie du parking « Le Village » et accès piéton vers « Le Village », et côté pair : marché du centre, quelques commerces e proximité, la Mairie avec son parvis végétalisé et l’accès au parking de « La Mairie »).
Ils dépendent d'un immeuble édifié dans les années 1940 (façade en briques avec parements décoratifs, toiture en tuiles mécaniques), élevé sur caves, d’un rez-de-chaussée avec commerces et cinq étages droits implanté à l’angle de la [Adresse 11] et de la [Adresse 10]. Ils bénéficient d'une bonne visibilité grâce à un linéaire de vitrines de 6,70 mètres sur la [Adresse 11] et de 6,30 mètres sur la [Adresse 10], ainsi qu’un pan coupé d’environ 5,50 mètres de large (portes vitrées avec ouvertures latérales encadrées par deux vitrines recevant des panneaux publicitaires PLV), l’ensemble surmonté d’une enseigne bandeau en lettres lumineuses (pharmacie-parapharmacie) séparées par une croix blanche, outre deux enseignes drapeau au niveau du premier étage.
Les locaux, en bon état général, se composent d'un espace de vente accessible à la clientèle avec présentoirs et rayonnages, comptoir d’accueil pour l’enregistrement des ordonnances et arrière-boutique équipée de présentoirs et de vastes meubles à tiroirs pour les médicaments, d’une part, bureau en partie gauche, d’autre part, puis, au fond, en partie droite, la partie laboratoire et des sanitaires (carrelage au sol, faux-plafond suspendus avec dalles minérales et éclairage incorporé, murs peints).Une cave en sous-sol, non-reliée, à usage de réserve (médicaments, parapharmacie et PLV) est accessible depuis les parties commune (2,15 mètres sous-plafond, sol en ciment avec peinture anti-dérapante et structure béton, éclairage tubes néons et porte peu sécurisée).
Sur la surface locative
L’expert judiciaire précise qu’en l’absence de transmission de plans et d’un métré effectués récemment par un géomètre-expert, il s’est fondé sur les surfaces retenues lors de la précédente expertise judiciaire, soit 88,96 m²u au rez-de-chaussée et 33,07 m²u au sous-sol, pour calculer la surface pondérée sur la base de la 5ème édition de la charte en expertise immobilière. Il est d’avis que la surface locative pondérée ressort à 85,90 m²p (dont 80,94 m²p au rez-de-chaussée et 4,96 m²p au sous-sol), qu’il propose d’arrondir à 86 m²p.
Les parties sont contraires sur la surface locative. Mme [X] revendique une surface pondérée de 97,29 m²p arrondie à 97 m²p. Elle fait siennes les pondérations appliquées par M. [J], mais lui reproche de ne pas avoir repris le découpage des locaux par zones sur lequel les parties s’étaient accordées dès avant la désignation de l’expert judiciaire. Elle estime que ce découpage doit être repris comme étant adapté. Les défendeurs s’opposent à cette prétention et acquiescent à la surface pondérée calculée par l’expert sur la base de la charte en expertise immobilière, applicable à des locaux comparables.
Mme [X] ne peut se prévaloir d’un accord des parties sur le découpage par zones de locaux pour contester la surface locative pondérée calculée par l’expert dès lors que le prétendu accord n’est pas caractérisé au jour du présent jugement, le preneur sollicitant au contraire expressément l’application des zones telles que définies par la charte en expertise immobilière appliquée par M. [J]. Cette solution est de surcroît adaptée en ce que le respect des préconisations de la charte permet d’analyser les baux de comparaison dans des conditions comparables en termes de prix unitaire.
Partant, les coefficients de pondération des surfaces n’étant pas contestés, la surface locative sera, tel que l'expert l'a proposé, fixée à 85,90 m²p arrondie à 86 m²p (dont 80,94 m²p au rez-de-chaussée et 4,96 m²p au sous-sol), pour une surface utile de 122,03 m²u (dont 88,96 m²u au rez-de-chaussée et 33,07 m²u au sous-sol).
Sur le prix unitaire
L'expert judiciaire, dans le cadre de la méthode par comparaison, a procédé à l’analyse de quatorze références de baux portant sur huit locations nouvelles (entre 342 euros/m²p/an en 2011 et 692 euros/m²p/an en 2006), un renouvellement amiable (350 euros/m²p/an en 2009) et cinq loyers issus de renouvellement judiciaires (entre 155 euros/m²p/an en 2012 et 470 euros/m²p/an en 2012). Compte tenu des caractéristiques des locaux qui sont en bon état d’entretien et adaptés à l’activité de pharmacie exploitée et de l’emplacement dans un secteur de bonne commercialité, mais inférieure à celle de la [Adresse 12], il propose de retenir un prix unitaire de 500 euros/m²p/an.
Les parties s'opposent sur le prix unitaire. Mme [X] fait valoir que les références de comparaison sont anciennes de sorte qu’un correctif doit y être apporté. Elle fait grief à M. [J] de ne pas avoir répondu à son dire de ce chef. Elle estime qu’eu égard à l’excellente situation des lieux loués qui bénéficient d’une bonne visibilité, au cœur d’un quartier résidentiel et sur une voie recherchée commercialement, mais aussi à la large destination stipulée au bail, le prix unitaire doit être fixé au minimum à 600 euros/m²p/an. Elle insiste sur le fait que le prix unitaire revendiqué par les défendeurs est inadapté car fondé sur des références trop anciennes (2008), ou issues de rues dont la commercialité est bien inférieure, ou encore dont la surface n’est pas comparable comme portant sur 700 m²p. Elle ajoute que les références issues de la [Adresse 12] n’ont pas à être écartées car elle est située à proximité immédiate des locaux.
Les défendeurs répliquent que le prix unitaire ne saurait excéder 360 euros/m²p/an. Ils affirment que le prix unitaire de 500 euros/m²p/an proposé par l’expert judiciaire au 1er janvier 2015 n’est pas justifié aux motifs que l’essentiel des références est issue de la [Adresse 12] dont la commercialité est supérieure mais aussi que lesdites références n’excèdent pas 370 euros/m²p/an pour les locations nouvelles, 350 euros/m²p/an pour l’unique renouvellement amiable et 470 euros/m²p/an pour les renouvellements judiciaires, constituant l’unique valeur au-dessus de 400 euros/m²p/an. Ils soulignent que si la moyenne des prix pratiqués dans le voisinage, comprise entre 300 et 350 euros/m²p/an, n’est pas un critère retenu par la jurisprudence, elle doit constituer un indicateur du marché locatif.
En l’espèce, M. [J] a fait application de la méthode par comparaison, selon les critères définis à l’article R145-7 du code de commerce. Ce texte précise expressément que doivent être pris en considération les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernant des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R145-3 à R145-6 et qu’à défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.
L’analyse de l’expert, qui a pris en considération les références existantes et de proximité est ainsi pertinente. La demanderesse critique vainement l’ancienneté des références dont elle reconnait avoir elle-même fait état, l’expert n’ayant nullement appliqué celles-ci en l’état. Il n’y a pas non plus lieu, comme le demandent les défendeurs, d’écarter certaines d’entre elles issues de la [Adresse 12], laquelle est située à proximité immédiate et M. [J] ayant tenu compte de la meilleure chalandise de celle-ci. En effet, l’expert judiciaire a, selon l’usage, proposé un prix unitaire ajusté au regard de l’ancienneté de certaines références et tenant compte de la meilleure chalandise de la [Adresse 12] mais aussi de l’activité élargie autorisée.
Etant rappelé que le prix unitaire ne correspond pas à la moyenne des références, et qu’il est d'usage d'écarter les références extrêmes, la valeur locative proposée par l'expert judiciaire, qui a dûment procédé à une évaluation du prix unitaire en tenant compte des spécificités de l'emplacement dans une zone de bonne (et non excellente) commercialité, de l'activité élargie autorisée par le bail et de l'état des locaux donnés à bail, apparaît adaptée et sera donc retenue.
Le prix unitaire sera ainsi fixé à 500 euros/m²p/an.
La valeur locative annuelle ressort donc au 1er avril 2015 à la somme de 43.000 euros (86 m²p X 500 euros/m²p/an), étant relevé qu’aucune des parties n’invoque un abattement ou une majoration.
Sur le déplafonnement invoqué
Aux termes de son rapport, M. [J] est d’avis que n’est pas caractérisée, au cours du bail expiré, une évolution notable des facteurs locaux de commercialité ayant eu une incidence favorable sur le commerce considéré. Il en déduit que le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2015 doit être fixé en fonction de la variation de l’indice des loyers commerciaux (ILC) à la somme de 23.065,45 euros par an en principal.
Mme [X] le conteste et sollicite que le loyer du bail renouvelé soit fixé à la valeur locative arguant, d’une part, d’une modification des caractéristiques des locaux résultant des travaux ayant affecté la façade des lieux loués au cours du bail expiré, non discutées au cours de l’expertise judiciaire et qu’elle estime établir par les photographies produites, peu important selon elle que lesdits travaux n’aient pas affecté les murs porteurs. Elle se prévaut, d’autre part, d’une modification des facteurs locaux de commercialité entre le 1er avril 2006 et le 31 mars 2015, ayant eu une incidence favorable sur le commerce considéré résultant de l’opération immobilière du « Village » livrée en mai 2006, à proximité immédiate des lieux loués, entre la [Adresse 11] et la [Adresse 12], reliées par un cheminement semi-piétonnier, la [Adresse 10] étant quant à elle reliée par un passage voûté à la nouvelle place créée au cœur de l’ilot.
Elle expose que le rapport d’expertise judiciaire rédigé par M. [I], chargé de donner son avis sur le loyer du bail précédemment renouvelé au 1er avril 2006, lequel faisait état de nombreuses constructions nouvelles (4.096,65 m² d’habitation et 775,45 m² de locaux d’activité) et de l’implantation de nombreux commerces avant de conclure que celles-ci entrainaient une modification des facteurs locaux de commercialité pouvant intéresser le commerce exercé, mais qu’au 1er avril 2006, ladite modification n’était « ni suffisante, ni notable pour entraîner le déplafonnement du loyer eu égard au commerce exercé ». Elle déclare que le juge des loyers commerciaux a, dans son jugement du 30 mars 2010, expressément adopté les considérations sur lesquelles l’expert judiciaire s’était fondé et en déduit que le déplafonnement est acquis concernant le loyer renouvelé au 1er avril 2015. Elle fait grief à M. [J] de ne pas avoir tiré les conséquences desdites constructions nouvelles, tout en retenant que l’opération immobilière du « Village » avait redonné un nouvel élan au centre-ville avec l’implantation de nouveaux commerces complémentaires, des locomotives alimentaires et l’implantation de restaurants autour de la [Adresse 9], permettant, avec la semi-piétonnisation, de reconstituer un véritable centre commercial à ciel ouvert, et que l’environnement commercial et l’habitat avaient évolué favorablement. Elle considère aussi que la jurisprudence invoquée par les défendeurs, relative au pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond concernant la modification des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré ayant eu une incidence favorable, n’est pas pertinente au regard de l’envergure de l’opération immobilière considérée. D’autant que, selon elle, s’y ajoutent la progression des revenus de la population, l’amélioration de la desserte et des modes de circulation dans le secteur résultant de la création de trois stations de la ligne T2 du tramway dans la commune depuis 2012, de l’implantation d’un parc de seize stations AUTOLIB’ fin 2011 dont la borne d’abonnement rapide se trouve à proximité de l’hôtel de ville, de la gratuité du stationnement durant 1 heure dans le parking de la Mairie et du village et du développement des « zones 30 » depuis 2011 et pistes cyclables (12,8 km). Elle évoque aussi l’amélioration des espaces publics du fait de la création zones fleuries dans les rues commerçantes, de nombreuses plantations et de l’installation de nouveau mobilier urbain le long de la ligne du tramway, outre la modernisation en 2009 et l’opération d’aménagement des espaces publics de la gare du centre et de son parvis, ainsi que la piétonnisation de la [Adresse 12] achevée en 2013. Elle insiste sur le caractère notable de l’évolution des facteurs locaux de commercialité résultant de l’arrivée de la ligne de tram et de l’édification de nouvelles constructions ayant créé un pôle de chalandise à proximité des locaux, qui en amenant dans le quartier une clientèle supplémentaire à plus fort pouvoir d’achat a nécessairement eu des conséquences sur l’activité exercée de pharmacie.
Elle convient enfin qu’en application de la jurisprudence l’appréciation du caractère notable de la modification invoquée et de son incidence sur le commerce considéré doit être faite in concreto. Elle estime satisfaire à la charge de la preuve qui lui incombe de ce chef invoquant un article du FIGARO de février 2010 intitulé « [Localité 6], repaire de bobos épicuriens » et faisant état d’une orientation vers la vente massive de produits de parapharmacie (homéopathie, diététique …) dont les prix ne sont pas réglementés entre 2008 et 2011. Elle déclare encore que l’expert se contredit en retenant la position excentrée ou en périphérie de la pharmacie par rapport à l’opération immobilière du « Village » alors que la pharmacie est visible depuis la [Adresse 12] où se situe l’entrée principale dudit « Village » et qu’il ne peut ainsi être affirmé qu’il n’y aurait pas de déplacement de chalands vers la [Adresse 11] située à 150 mètres, s’agissant de la direction de la Mairie, du marché et du « parking village ». Elle qualifie de péremptoire l’affirmation des défendeurs selon laquelle trois autres officines ont profité de la nouvelle clientèle susceptible d’avoir été apportée par cette opération immobilière dès lors que les passants peuvent emprunter différents chemins de chalandise.
Les défendeurs contestent à cette analyse. Ils soutiennent que la bailleresse ne satisfait pas à la charge de la preuve qui lui incombe concernant la modification alléguée des caractéristiques des locaux au cours du bail expiré, les photographies produites n’étant pas claires et n’ayant pas date certaine. Ils expliquent que les travaux réalisés au niveau de l’entrée de l’officine et des vitrines n’ont pas eu trait aux murs porteurs et ont été purement cosmétiques. Ils soulignent que la dimension de la porte d’entrée est restée identique, les travaux ayant consisté à réaménager l’encadrement de celle-ci par des panneaux sur les côtés latéraux.
Par ailleurs, ils rappellent que le plafonnement du loyer du bail renouvelé est la règle, sauf pour la bailleresse à rapporter la triple preuve de ce que la modification des facteurs locaux de commercialité est intervenue au cours du bail expiré, qu’elle a été notable et qu’elle a eu une incidence favorable sur le commerce considéré. Ils reprennent à leur compte l’analyse de l’évolution des facteurs locaux de commercialité opérée par l’expert judiciaire et ses conclusions. Ils opposent à Mme [X] que le jugement du 30 mars 2010, qui a fixé le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2006, ne s’est pas prononcé sur un motif de déplafonnement à venir lors du prochain renouvellement fondé sur l’opération immobilière « Le Village », qu’il n’a pas davantage analysée. Ils affirment aussi que M. [J] n’a pas retenu d’autres nouvelles constructions livrées au cours du bail expiré. Ils se prévalent du fait que l’entrée principale du « Village » se situe au [Adresse 12], soit en plein centre de l’artère commerçante de la commune et estiment que si l’une des trois entrées secondaires est située [Adresse 10], à 150 mètres de l’officine, il doit être tenu compte de ce que l’enseigne de la pharmacie n’y est que peu visible, raison pour laquelle l’expert judiciaire mentionne le caractère excentré de l’officine par rapport au périmètre du « Village ». Ils invoquent la jurisprudence pour soutenir que l’implantation de sept commerces et cinquante-cinq logements ne peut fonder le déplafonnement invoqué arguant que les trois pharmacies situées à proximité de l’entrée principale du « village » respectivement [Adresse 1], [Adresse 2] et [Adresse 5], ont seules capté la nouvelle clientèle. Ils ajoutent encore que l’incidence favorable sur le commerce considéré ne peut se déduire du seul fait que le revenu médiant de la population aurait augmenté. Ils excipent de l’attestation de leur expert-comptable pour établir que le chiffre d’affaires de la pharmacie a défavorablement évolué de 2009 à 2013. Ils répliquent enfin à la bailleresse que l’expert ne s’est nullement contredit en retenant que l’environnement avait évolué favorablement mais sans effet notable sur le commerce considéré.
Sur la modification notable des caractéristiques des lieux loués
La notion de « travaux modifiant les caractéristiques des locaux » n’est pas définie par la loi, mais la jurisprudence les admet comme motif de déplafonnement du prix du bail renouvelé lorsqu’ils modifient, de manière notable, les caractéristiques des lieux concernés en améliorant la capacité commerciale du local, notamment en augmentant notamment les surfaces accessibles au public. La charge de ladite modification substantielle et de son caractère notable incombe au bailleur.
En l’espèce, les photographies produites par Mme [X], relatives aux travaux ayant affecté la façade des lieux loués, ne caractérisent pas des travaux modifiant les caractéristiques des locaux au sens des articles L145-33 et R145-3 du code de commerce. En l’absence de modification des dimensions de la porte d’entrée des locaux et d’augmentation de la surface locative consécutive aux travaux réalisés, ceux-ci s’analysent en de simples travaux d’amélioration.
Le déplafonnement revendiqué par la bailleresse sera donc rejeté de ce chef.
Sur la modification notable des facteurs locaux de commercialité
Il est constant que pour fonder le déplafonnement du loyer du bail renouvelé, le bailleur doit rapporter la preuve d’une modification des facteurs locaux de commercialité intervenue au cours du bail expiré, du fait qu’elle a été notable et qu’elle a été propre à avoir une incidence favorable sur le commerce du preneur.
Il est également de droit que le caractère notable de la modification invoquée est à l’appréciation souveraine des juges du fond.
En l’espèce, l’expert judiciaire a relevé que la population de la commune avait augmenté de 1% au cours du ail expiré, entre 2008 et 2013, que la proportion des cadres et professions intellectuelles avait cru de 15 à 17% dans le même temps. Il a également mentionné une augmentation corrélative du pouvoir d’achat.
Il précise aussi qu’en dehors de l’opération de grande envergure du « Village » inaugurée en mai 2006 (sept commerces et cinquante-cinq logements), il n’y a eu aucune nouvelle construction sur la période du bail écoulé. Il indique que cette opération a redonné un nouvel élan au centre-ville avec l’implantation de sept commerces complémentaires des locomotives alimentaires de la [Adresse 12] (VALEGE, NATURALIA, O’BAIBI, FRAIS ET NATURE, LA VOIE LACTEE, LYNDAZUR, LE COMPTOIR DU JAMBONNEUR). Il fait également état de l’implantation de restaurants autour de la [Adresse 9] et précise que la semi-piétonisation instaurée a permis de reconstituer un centre commercial à ciel ouvert. Mais, il a constaté que bien que située à l’angle de la [Adresse 10] conduisant à la [Adresse 12], la pharmacie expertisée se trouve en position excentrée par rapport au périmètre du « Village » dont l’entrée se située sur la [Adresse 12], principale voie commerçante de la ville et que, si une desserte du « Village » existe à partir par la [Adresse 11], donnant accès à la [Adresse 9], en revanche la sortie piétonne du parking public ne passe pas devant la pharmacie puisqu’elle est située à l’intérieur du périmètre du « village ».
Etant rappelé que les facteurs locaux de commercialité doivent être appréciés dans la zone de chalandise, soit dans le périmètre de 400 mètres autour du commerce considéré, les données relatives à la population de la commune en son entier ne sont pas pertinentes. Il ne peut donc être retenu que la création de sept commerces et cinquante-cinq logements au titre des modifications intervenues au cours du bail expiré.
Or, ces deux seuls éléments pris isolément ainsi que de façon conjuguée, sont insuffisants pour caractériser une modification notable des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré dès lors que les constatations de l’expert démontre que le flux de chalandise supplémentaire n’a, en pratique, pas vocation à passer devant le commerce considéré. Aussi, le déplafonnement ne peut être accueilli à ce titre.
*
Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, le loyer annuel du bail renouvelé au 1er avril 2015 doit être fixé au plafond prévu par la loi, soit à la somme de 23.065,45 euros hors taxes et hors charges.
Sur les intérêts au taux légal, capitalisés,
La demanderesse sollicite que les intérêts au taux légal sur la différence entre le loyer provisionnel versé et le loyer dû courent à compter de la date d’effet du nouveau bail et soient capitalisés, lorsqu'échus pour une année entière. Elle fonde ses prétentions sur les articles 1231-6 du code civil et 1343-2 du code civil.
Les défendeurs concluent au débouté de l'ensemble de ses demandes.
Selon l’article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
L’article 1343-2 du même code dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.
Il est constant que les intérêts moratoires supposent, même pour les revenus échus tels que les loyers visés aux dispositions de l'article 1155 du code civil, dans sa version applicable à la date du renouvellement, que ces revenus soient déterminés dans leur montant, le retard ne pouvant, dans le cas contraire, être caractérisé. Tel n'est pas le cas de loyers échus mais, faute d'accord, non encore déterminés en leur montant et restant en attente d'une fixation judiciaire.
Ce faisant, les intérêts sur les compléments de loyers dus après fixation ne peuvent courir qu'à compter de cette fixation, seuls les loyers provisoirement dus sur la base ancienne ou sur la base provisionnellement édictée dans l'attente de cette fixation étant susceptibles de faire courir les intérêts à compter de la date d'échéance .
Mme [X] sera, en conséquence, déboutée de ses demandes relatives aux intérêts de retard et à leur capitalisation.
Sur les demandes accessoires
Mme [X], qui succombe, supportera la charge des dépens de l’instance en application de l’article 696 du code de procédure civile. Ceux-ci comprendront les frais d’expertise qu’elle a avancés.
Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de la société PHARMACIE DE LA MAIRIE DAMAK la totalité des frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer pour faire valoir ses droits dans le cadre de la présente instance. Une somme de 3.000 euros lui sera donc allouée que Mme [X] sera condamnée à lui verser en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Eu égard à l’ancienneté du litige, l’exécution provisoire, par ailleurs compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée.
PAR CES MOTIFS
Le juge des loyers commerciaux statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la société PHARMACIE DE LA MAIRIE DAMAK recevable en son intervention volontaire,
DEBOUTE M. [B] [H] de sa demande de mise hors de cause,
DÉCLARE irrecevable devant le juge des loyers commerciaux la demande relative au lissage du loyer du bail renouvelé,
FIXE le montant du loyer annuel du bail renouvelé le 1er avril 2015 pour les locaux donnés à bail par Mme [Z] [X] à M. [B] [H], aux droits et obligations duquel est venue la société PHARMACIE DE LA MAIRIE DAMAK, sis [Adresse 11], à la somme de 23.065,45 euros hors taxes et hors charges,
DEBOUTE Mme [Z] [X] de ses demandes relatives aux intérêts de retard et à leur capitalisation,
CONDAMNE Mme [Z] [X] à payer la somme de 3.000 euros à la société PHARMACIE DE LA MAIRIE DAMAK en application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [Z] [X] aux dépens, qui comprendront les frais d’expertise,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement.
Le présent jugement a été signé par Madame Elisette ALVES, Juge des loyers commerciaux et par Mme Fanny GABARD, Greffière.
LE GREFFIER LE JUGE DES LOYERS COMMERCIAUX
Maître André JACQUIN de la SELAS JACQUIN MARUANI & ASSOCIES
Maître Valérie PANEPINTO de la SCP SCP GUILLEMAIN PANEPINTO