TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE NANTERRE
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PÔLE CIVIL
2ème Chambre
JUGEMENT RENDU LE
30 Juillet 2024
N° RG 21/07948 - N° Portalis DB3R-W-B7F-W6JW
N° Minute : 24/
AFFAIRE
[E] [H] [B] [T],SCI [Localité 7]
C/
S.A.S. SOGEPROM HABITAT
Copies délivrées le :
DEMANDEURS
Monsieur [E] [H] [B] [T]
[Adresse 5]
[Localité 7]
S.C.I. [Localité 7]
[Adresse 4]-[Adresse 5]
[Localité 7]
représentés par Maître Stéphanie LAMORA de l’AARPI BDSL AVOCATS, avocat postulant au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : NAN 46 et Maître Peggy RAYNE, avocat plaidant au barreau d’Avignon
DEFENDERESSE
S.A.S. SOGEPROM HABITAT
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Maître Florence CHEREL de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : J025
L’affaire a été débattue le 02 Mai 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :
Julia VANONI, Vice-Présidente
Thomas CIGNONI, Vice-président
Laure CHASSAGNE, Juge
qui en ont délibéré.
Greffier lors du prononcé : Fabienne MOTTAIS
JUGEMENT
prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats au 18 juillet 2024, prorogé au 30 juillet 2024 après avis donné aux parties.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte notarié du 28 mars 2019, M. [E] [T] et la SCI [Localité 7], dont il est le gérant, ont consenti à la SAS Sogeprom Habitat une promesse unilatérale de vente d’un ensemble immobilier situé à [Localité 7] (Seine-Saint-Denis) au prix de 9 250 000 euros, sous diverses conditions suspensives.
A cette occasion, les promettants ont donné mandat au bénéficiaire de former une demande de rescrit auprès de l’administration fiscale en vue de déterminer les modalités d’imposition des plus-values immobilières sur cette opération.
L’acte stipulait le versement d’une indemnité d’immobilisation de 462 500 euros au profit des promettants, garanti par la remise d’une caution bancaire, avec renonciation du bénéfice de division et de discussion, émanant d’un établissement financier ou bancaire notoirement solvable, au plus tard dans un délai de 45 jours à compter de l’obtention du rescrit de l’administration fiscale.
La vente n’a finalement pas été réitérée, en ce que la société Sogreprom Habitat aurait empêché la réalisation des conditions suspensives stipulées dans la promesse.
C’est dans ce contexte que, par acte extrajudiciaire du 30 septembre 2021, M. [T] et la société [Localité 7] ont fait assigner la société Sogeprom Habitat devant la présente juridiction en paiement de l’indemnité d’immobilisation et, subsidiairement, de dommages-intérêts.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2022, ils demandent au tribunal, au visa des articles 1104 et suivants, 1217, 1231-1 et suivants, 1304-3 et 1304-5 du code civil, de :
- condamner la société Sogreprom Habitat à leur verser la somme de 462 500 euros au titre de l’indemnité d’immobilisation stipulée dans la promesse de vente, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2021,
- subsidiairement, condamner la société Sogeprom Habitat à leur verser la somme de 462 500 euros à titre de dommages-intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2021,
- condamner la société Sogeprom Habitat à leur verser la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance,
- assortir la décision à venir de l’exécution provisoire.
Au soutien de leurs prétentions, ils font essentiellement valoir que la société Sogeprom Habitat n’a pas respecté ses engagements contractuels ; qu’en premier lieu, il était stipulé que les promesses de vente des parcelles cadastrées section A numéros [Cadastre 1] et [Cadastre 2], qui forment un tout indivisible avec les parcelles objet de la promesse en litige, devaient être régularisées dans les deux mois de l’obtention du rescrit fiscal, soit au plus tard le 7 avril 2020 ; que si la défenderesse ne démontrait pas avoir régularisé ces promesses dans les délais, elle a finalement produit la preuve de cette signature en cours de procédure, ce dont il est pris acte ; qu’en deuxième lieu, la bénéficiaire s’était engagée à déposer les demandes de permis de construire et, le cas échéant, de démolir dans les cinq mois de l’obtention du rescrit, soit au plus tard le 7 juillet 2020, et à justifier auprès des promettants de l’obtention ou du refus de ces demandes dans les quinze jours de leur notification ; que toutefois, la société Sogeprom Habitat n’a même pas déposé de demande à ce titre et ne peut valablement se prévaloir d’une condition impossible liée à la modification du plan local d’urbanisme intercommunal ou encore au moratoire décidé par le maire de la commune, alors notamment que le plan local d’urbanisme était prescrit depuis 2017, de sorte que la société Sogreprom Habitat ne pouvait ignorer les modifications qui en résulteraient, et que le moratoire du maire avait été porté à la connaissance du public dès le mois de novembre 2018 ; qu’en toute hypothèse, rien n’empêchait la bénéficiaire de déposer une demande de permis de construire dès la signature de la promesse, préalablement à l’adoption du nouveau plan local d’urbanisme, alors même qu’elle avait obtenu un certificat d’urbanisme opérationnel délivrée par le maire ; qu’en troisième lieu, l’acte était stipulé sous la condition suspensive tenant à la réalisation de sondages et d’analyses du sol ainsi que du sous-sol et/ou d’études historiques liées aux installations classées, dans les trois mois de l’obtention du rescrit, soit au plus tard le 7 mai 2020 ;
que préalablement à la réalisation des sondages, la bénéficiaire devait remettre aux promettants une note pour valider les délais, modalités et méthodes de leur mise en oeuvre ; que cependant, aucune pièce ne démontre la remise de cette note ; qu’en quatrième lieu, il était prévu que le diagnostic amiante avant démolition serait réalisé dans les trois mois à compter de l’obtention du rescrit fiscal, soit au plus tard le 7 mai 2020, et qu’une note explicative sur la réalisation de ce diagnostic serait remis aux promettants dix jours avant l’intervention de l’entreprise missionnée par le bénéficiaire ; que là encore, aucun élément n’établit la remise de cette note ou la réalisation du diagnostic dans les délais ; qu’en cinquième lieu, la bénéficiaire s’était engagée à saisir les service de la direction régionale des affaires culturelles dans les deux mois de l’obtention du rescrit, soit au plus tard le 7 avril 2020, ce qu’elle ne démontre pas ; que contrairement à ce que celle-ci prétend, cette saisine devait être préalable au dépôt du permis de construire ; qu’en sixième lieu, il était stipulé que la régularisation de l’acte de vente aurait lieu dans les quinze jours de l’obtention du rescrit, soit au plus tard le 7 mai 2021, alors que la société Sogeprom Habitat a attendu le 27 juillet 2021 pour indiquer que la condition relative à l’obtention du permis de construire avait défailli ; que pour cette raison, l’argument selon lequel M. [T] aurait manifesté sa volonté d’invoquer la caducité de la promesse dès le 28 août 2020 est sans incidence ; qu’en septième lieu, la caution bancaire devant garantir le paiement de l’indemnité d’immobilisation était valable jusqu’au 28 décembre 2020 et devait être renouvelée a posteriori, ce qui n’a jamais été le cas ; qu’enfin, si les promettants avaient donné mandat à la société défenderesse de déposer une demande de rescrit, cette dernière a attendu le 21 novembre 2019, soit huit mois, pour former une telle demande, ce qui a nécessairement décalé le début de ses obligations, en ce que tous les délais couraient à compter de l’obtention du rescrit fiscal.
Ils ajoutent que la société Sogeprom Habitat ne peut valablement invoquer la crise sanitaire pour justifier ses manquements ; qu’en effet, entre le 7 février 2020, date d’obtention du rescrit, et le 17 mars 2020, date du confinement, six semaines se sont écoulées ; que durant cette période, la défenderesse n’a engagé aucune démarche en vue notamment de réaliser les diagnostics, sondages et études historiques, ou de saisir la direction régionale des affaires culturelles ; que par ailleurs, la défenderesse pouvait parfaitement déposer une demande de permis de construire malgré la crise sanitaire et, en toute hypothèse, avant le 17 mars 2020 ; que c’est en outre à tort que celle-ci soutient qu’elle n’a pas été en mesure de s’informer des conséquences du nouveau plan local d’urbanisme en raison du confinement, alors que ce document était en cours d’élaboration depuis l’automne 2018 et qu’il a été approuvé le 4 février 2020 ; qu’en application de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, le délai d’instruction du dossier reprenait d’ailleurs dès le 24 mai 2020 ; qu’enfin, le prétendu gel des projets d’urbanisme en raison des élections est un argument péremptoire.
Ils soutiennent qu’ils n’ont commis, pour leur part, aucun manquement ; que le justificatif de l’origine de propriété trentenaire, les renseignements hypothécaires et le justificatif de l’absence de servitude de droit privé se prouvent par une demande d’état hypothécaire au service de la publicité foncière, de sorte qu’il s’agissait d’une seule et même diligence qui a été réalisée en amont ; qu’ils ne pouvaient fournir un document attestant l’absence de servitudes privées puisque la promesse faisait état de telles servitudes, ce qui démontre qu’il s’agissait d’une clause de style ; que M. [T] n’avait pas davantage à fournir les courriers autorisant la mainlevée des hypothèques et privilèges, puisqu’aucune date de signature n’avait été fixée et qu’aucune réitération n’a eu lieu ; que les charges administratives grevant le bien immobilier, dont les servitudes, les éventuels emplacements réservés et alignements, ont été renseignées dans le cadre du certificat d’urbanisme opérationnel délivré le 7 septembre 2019 ; qu’en toute hypothèse, ces documents sont en possession des notaires, et non des parties signataires, de sorte que la société Sogeprom Habitat ne peut utilement soutenir ne pas les avoir reçus ; qu’enfin, la défenderesse ne peut se prévaloir de la défaillance d’une condition essentielle et déterminante de son consentement, liée au régime fiscal applicable à l’opération, alors notamment que cette condition était stipulée au seul profit des promettants, qui pouvaient toujours y renoncer ; que pour l’ensemble de ces raisons, ils sont fondés à obtenir le paiement de l’indemnité d’immobilisation d’un montant de 462 500 euros et, subsidiairement, une somme équivalente à titre de dommages-intérêts en raison des manquements blâmables de la bénéficiaire.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 novembre 2022, la société Sogeprom Habitat sollicite, au visa des articles 1140, 1195, 1304-3 et 1304-5 du code civil, ensemble les articles R. 423-23 du code de l’urbanisme et 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, de :
- rejeter la demande de condamnation formée à son encontre,
- condamner M. [T] et la société [Localité 7] au paiement d’une somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Elle soutient essentiellement qu’elle n’est pas débitrice de l’indemnité d’immobilisation dans la mesure où les promettants ont eux-mêmes manqué à plusieurs de leurs obligations, en empêchant la levée de plusieurs conditions suspensives ; qu’en effet, ces derniers devaient notamment justifier d’une origine de propriété régulière, fournir les renseignements hypothécaires ne révélant pas d’inscriptions garantissant des créances et dont les frais de mainlevée excéderaient le prix de vente, demander la délivrance d’une note de renseignement d’urbanisme, présenter les courriers autorisant les mainlevées de privilèges de prêteurs de deniers au jour de la réitération de la promesse, ou encore justifier de l’absence de servitudes de droit privé dans les trois mois de sa signature ; que les demandeurs n’ont toutefois réalisé aucune de ces diligences, tel que cela ressort d’une attestation de son notaire du 1er février 2022 ; que si les mainlevées des hypothèques et privilèges devaient être fournies au plus tard le jour de l’acte définitif, leur établissement supposait d’en faire la demande suffisamment en amont ; qu’en outre, et à supposer que cette absence de demande de documents résulte du défaut d’avance des frais par la bénéficiaire, rien n’interdisait à M. [T] et à la société [Localité 7] de la relancer ; qu’ainsi, la promesse était en toute hypothèse caduque du fait de la négligence des demandeurs.
Elle ajoute que la condition suspensive liée à l’obtention des autorisations administratives, et notamment du permis de construire, ne pouvait être levée ; qu’en effet, alors que le plan local d’urbanisme de la ville de [Localité 7] permettait, au moment de la signature de la promesse, la réalisation d’un programme immobilier de 8 712 mètres carrés de surface de plancher, le nouveau plan local d’urbanisme intercommunal adopté sur le territoire de la commune le 4 février 2020 ne permet plus, désormais, que de réaliser un programme de 5 731 mètres carrés ; que contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, elle ignorait les modifications qui allaient résulter de ce nouveau plan, dès lors notamment que seules les grandes orientations du futur document étaient arrêtées à l’autonome 2018 ; que par ailleurs, le maire de la ville de [Localité 7] a opposé un moratoire sur les programmes immobiliers de plus de dix logements, ce dont elle n’a été informée que le 2 octobre 2020, la circonstance que le magazine municipal ait évoqué ce moratoire en novembre 2018 n’établissant pas qu’elle en aurait eu connaissance à cette époque ; qu’ainsi, la condition suspensive était devenue impossible à réaliser, de sorte qu’aucune négligence fautive ne saurait lui être reprochée.
Elle indique que la défaillance de la condition suspensive liée aux “servitudes administratives au sens large”, ayant pour effet de nuire ou rendre impossible la réalisation du projet immobilier, résulte principalement du fait des promettants qui n’ont jamais produit la note de renseignement d’urbanisme qui leur incombait ; qu’en toute hypothèse, en conditionnant la promesse à l’absence de telles servitudes, les parties visaient l’absence de servitudes d’urbanisme, et notamment celles contenues dans les plans locaux d’urbanisme ; que cette condition ne peut être remplie, dès lors que le plan local d’urbanisme intercommunal ne permet plus la réalisation du projet et que par un courriel du 2 octobre 2020, la ville l’a informée de l’existence d’un moratoire.
Elle fait encore valoir que M. [T] et la société [Localité 7] ne pouvaient ignorer que la condition relative au maintien du régime fiscal, érigée en condition essentielle et déterminante, ne pouvait pas être remplie ; qu’en effet, dès lors que le projet immobilier ne pouvait être réalisé au regard du plan local d’urbanisme intercommunal, le nouveau programme impliquait nécessairement un nouveau régime fiscal ; qu’en outre, la signature des promesses de vente relatives aux lots cadastrés section A numéros [Cadastre 1] et [Cadastre 2] est bien intervenue dans les délais contractuels et aucun manquement ne saurait lui être reprochée à ce titre ; que de plus, le contexte sanitaire ne permettait notamment pas d’obtenir les diagnostics et études nécessaires dans les délais prévus par la promesse, étant précisé qu’au moment où elle aurait pu faire procéder à ces analyses, elle a appris que son projet ne pourrait aboutir ; que par ailleurs, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir signé l’acte de vente au plus tard dans les 15 mois de l’obtention du rescrit fiscal, puisque plusieurs conditions suspensives n’avaient pas été réalisées du fait du demandeur et que ces derniers avaient souhaité se prévaloir de la caducité de la promesse dès le 28 août 2020 ;
que l’absence de renouvellement de la caution bancaire ne constitue pas davantage un manquement alors qu’aucune stipulation contractuelle ne le lui imposait ; qu’enfin, aucune date précise n’était prévue pour déposer le rescrit fiscal, les délais étant seulement prévisionnels, de sorte que le manque de loyauté et de diligences qui lui est reproché à ce titre n’est pas démontré.
Elle soutient enfin qu’elle n’a commis aucun manquement dans les conditions de réalisation de ses engagements contractuels ; que contrairement à ce qui est prétendu, elle a informé les demandeurs des difficultés de réalisation du projet dès le mois d’octobre 2020 ; que la perte de constructibilité due à l’adoption du nouveau plan local d’urbanisme n’est pas contestable et résulte notamment de l’étude capacitaire qu’elle a fait réaliser par un architecte en charge du projet ; qu’il est faux de prétendre qu’elle aurait attendu inutilement avant de déposer une demande de permis de construire, alors que la promesse n’imposait pas de déposer une telle demande dès sa signature ; que si cette demande avait été déposée plus tôt, un sursis à statuer lui aurait nécessairement été opposé en raison de l’état d’avancement du nouveau plan local d’urbanisme ; qu’enfin, contrairement aux allégations des promettants, elle n’a pas maintenu inutilement ces derniers dans l’attente, notamment en ce qu’elle a présenté son projet aux services de l’urbanisme de la ville de [Localité 7] dès le mois de juillet 2020 et qu’elle n’a été informée du moratoire sur les opérations de plus de dix logements qu’à compter du mois d’octobre 2020.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 6 décembre 2022.
Le délibéré a été initialement fixé au 18 juillet 2024 avant d’être prorogé au 30 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le sort de l’indemnité d’immobilisation
Selon l’article 1124 du code civil, alinéa 1er, du code civil, la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
Lorsque le bénéficiaire de la promesse ne lève pas l’option, la somme correspondant au prix de l’exclusivité revient au seul promettant, sauf si la vente échoue pour un motif qui ne lui est pas imputable, notamment en raison de l’intervention d’un tiers ou d’un manquement du promettant à ses obligations.
Selon l’article 1304-3, alinéa 1er, du code civil, la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement.
En l’espèce, la promesse unilatérale de vente du 28 mars 2019 a été consentie sous diverses conditions suspensives, dont celles de l’obtention par le bénéficiaire d’un permis de construire ou de la réalisation aux frais de ce dernier de sondages et analyses des sols, ainsi que sous une “condition essentielle et déterminante” tenant à la régularisation des promesses de vente des parcelles cadastrées section A numéro [Cadastre 1] et numéro [Cadastre 2], lesquelles forment “un tout indivisible avec la présente promesse”, au plus tard “dans les deux (2) mois à compter de l’obtention du rescrit”.
Il est relevé, à titre liminaire, que cet acte n’est assorti d’aucun terme extinctif exprès au-delà duquel le bénéficiaire ne pourrait plus utilement exercer son droit d’option. En effet, dans un paragraphe intitulé “Durée de la promesse - levée d’option - réalisation”, les parties se contentent de mentionner que :
“La réalisation de la Promesse de vente aura lieu soit par la levée de l’option faite par le Bénéficiaire dans le délai sans obligation de formaliser le paiement du prix de vente et des frais qui ne seront exigibles qu’à la signature de l’acte authentique, puis de la signature de l’acte authentique de vente au plus tard dans les quarante cinq (45) jours ouvrés suivant celle-ci, soit par la régularisation de l’Acte authentique de vente constatant la réalisation des présentes, accompagnée du paiement du prix et des frais dans le délai ci-dessus.
La régularisation de l’Acte de vente devra avoir lieu au plus tard dans les 15 mois à compter de l’obtention du rescrit de l’administration fiscale dont il sera question ci-après, des terrains et des lots composant l’assiette foncière du projet, soit prévisionnellement le 28 décembre 2020”.
Il se déduit toutefois de ces mentions contractuelles, selon lesquelles la vente devait, le cas échéant et de manière prévisible, être régularisée au plus tard le 28 décembre 2020, que les parties ont entendu fixer le terme extinctif tacite de l’option à cette date.
Sur ce, les demandeurs font valoir que la société Sogeprom a empêché l’accomplissement de plusieurs conditions suspensives prévues par la promesse, notamment celles relatives à l’obtention d’un permis de construire ou à la réalisation de sondages et analyses du sol, et qu’elle n’a pas respecté certaines de ses obligations, notamment en s’abstenant de déposer une demande de rescrit, dans un délai raisonnable, auprès de l’administration fiscale.
Cependant, il résulte des termes de la promesse que M. [T] et la société [Localité 7] étaient eux-mêmes tenus, au titre des conditions suspensives, de justifier “d’une origine de propriété régulière et remontant à un titre acquisitif trentenaire”, de justifier d’une “absence de servitude de droit privé ou de cahier des charges de lotissement [...]” au moyen d’une “recherche hypothécaire” et d’un “état hypothécaire”, ou encore, d’obtenir des “renseignements hypothécaires ne révélant pas sur les biens”, d’une part, des “inscriptions garantissant des créances dont le montant (en principal, intérêts et accessoires) et dont les frais de mainlevée excéderaient ensemble le prix de vente” et, d’autre part, des “saisies ou autres empêchements”.
A cet égard, si les promettants font valoir que ces diligences “ont été réalisées en amont”, ils ne produisent pas la moindre pièce probante au soutien de cette allégation et ne justifient pas, en toute hypothèse, que ces conditions suspensives auraient été réalisées au plus tard le 28 décembre 2020, ce qui résulte au demeurant d’une attestation établie le 1er févier 2022 par le notaire de la société Sogeprom Habitat, Me [R] [V], aux termes de laquelle celui-ci déclare ne pas avoir réceptionné, à la “date de réalisation le 28 décembre 2020”, les documents “permettant de constater la réalisation” de ces conditions.
C’est encore à tort que les demandeurs soutiennent que les informations précitées auraient “été données dans le cadre du certificat d’urbanisme opérationnel” obtenu le 7 septembre 2019, alors que ce document, – qui indique si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de l’opération envisagée ainsi que l’état des équipements publics existants ou prévus, conformément à l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme –, ne précise notamment pas l’origine de propriété ou l’existence de charges grevant les biens.
Il s’ensuit que, quels que soient les manquements reprochés à la société Sogeprom Habitat, la caducité de la promesse était en toute hypothèse acquise le 28 décembre 2020 du fait de la non réalisation de plusieurs conditions suspensives à la charge des promettants.
Or, la promesse de vente prévoit que l’indemnité d’immobilisation est versée au promettant et lui reste acquise dans l’hypothèse où le bénéficiaire refuserait de réaliser l’acquisition, alors que “toutes les conditions suspensives et essentielle et déterminante [ont] été réalisées”.
Les demandeurs ne sont donc pas fondés à obtenir le bénéfice de l’indemnité d’immobilisation.
En conséquence, ils seront déboutés de leur demande à ce titre.
Sur la demande indemnitaire
Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
La caducité du contrat prive rétroactivement l’acte de tous ses effets et entraîne l’irrecevabilité de toute action en responsabilité contractuelle (2e Civ., 9 juillet 2009, n° 08-18.114).
En l’espèce, M. [T] et la société [Localité 7] sollicitent subsidiairement, au visa des articles 1231-1 et suivants du code civil, la condamnation de la société Sogeprom Habitat au paiement de la somme de 462 500 euros à titre de dommages-intérêts, en faisant valoir que le comportement blâmable de la bénéficiaire a inutilement immobilisé le bien durant deux ans et demi.
Néanmoins, dès lors que la caducité de la promesse de vente du 28 mars 2019 est acquise depuis le 28 décembre 2020 et qu’elle prive rétroactivement l’acte de tous ses effets, elle fait obstacle à toute action en responsabilité contractuelle fondée sur le non-respect des dispositions qui y sont contenues.
De manière surabondante, il est rappelé que le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente n’est pas tenu d’acquérir le bien, de sorte qu’il ne peut être considéré comme fautif lorsqu’il laisse défaillir une condition suspensive.
Partant, il y a lieu de déclarer la demande indemnitaire irrecevable.
Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
En application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens de l’instance seront supportés par les demandeurs, qui succombent.
L’équité et les circonstances de l’espèce commandent de condamner M. [T] et la société [Localité 7] au paiement d’une somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et de rejeter le surplus des demandes formées à ce titre.
Il n’y pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire dès lors que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile, dans sa version applicable à la cause.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par décision contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Déboute M. [E] [T] et la SCI [Localité 7] de leur demande tendant au paiement de la somme de 462 500 euros au titre de l’indemnité d’immobilisation ;
Déclare M. [E] [T] et la SCI [Localité 7] irrecevables en leur demande tendant au paiement de la somme de 462 500 euros à titre de dommages-intérêts ;
Condamne M. [E] [T] et la SCI [Localité 7] ;
Condamne M. [E] [T] et la SCI [Localité 7] à payer à la SAS Sogeprom Habitat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
Jugement signé par Julia VANONI, Vice-Présidente et par Fabienne MOTTAIS, Greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT